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Section II : La compétence substantielle du juge dans la constitution du tribunal arbitral

A. La compétence internationale du juge étatique à titre d’assistant dans la

1. L’incompétence des juges étatiques au niveau international

Par principe et conformément aux législations en vigueur au Québec, le juge étatique n’a pas compétence pour connaître les affaires dont les parties ont convenu à un arbitrage international dans un autre État106. Cette règle est reprise dans toutes les lois canadiennes de common law régissant l’arbitrage commercial international. En effet, le principe étant que : « le juge ne peut

intervenir que si la convention d’arbitrage invoquée fixe le lieu de l’arbitrage sur le territoire du for ». À cet effet, la Loi type de la CNUDCI précise dans son art. 1(2) que l’assistance

judiciaire vise à assurer la nomination d’un arbitre, sont applicables lorsque le lieu de l’arbitrage est situé sur le territoire du for107. Ainsi, la compétence du juge est établie lorsque que le litige entretient un lien étroit avec le for. Son intervention est justifiée lorsqu’il est saisi. En d’autres mots, la désignation du lieu du siège de l’arbitrage crée un lien entre le litige et le

106 Loi type de la CNUDCI, préc., note 12, Chap. premier, art. n°1(2) et 11. 107 F. BACHAND, préc., note 9.

for désigné dans la convention d’arbitrage. Ni la Loi type de la CNUDCI, ni les législations canadiennes de common law qui régissent l’arbitrage commercial international ne permettent au juge d’intervenir à titre d’assistant108 lorsque le siège de l’arbitrage est à l’étranger. Cependant, cette règle générale devenue un principe dans les juridictions de common law est- elle aussi impérative au Québec?

Au Québec, comme dans les provinces de Common Law, la question qui précède toutes les autres en matière de droit international privé est la question de savoir si l’autorité saisie est compétente109. Par ailleurs, les règles régissant la compétence des autorités québécoises servent également à déterminer la compétence des autorités étrangères (l’arbitre), il s’agit de l’effet miroir110. Si on se fie aux termes des articles édictés dans ce sens (3134 à 3140 C.c.Q.) en l’absence de dispositions particulières, les tribunaux québécois ont compétence lorsque le défendeur a son domicile au Québec. Ces articles énoncent une règle traditionnelle en droit québécois, qui régit la compétence internationale des autorités. Elle confirme donc l’importance du domicile comme facteur de rattachement au Québec. Cette règle rejoint la notion de forum non conveniens déjà connue en Common Law. Ainsi, dans la mesure où la question posée ci-dessus résulte d’une situation internationale, l’autorité saisie, si elle est compétente, devra décider si cette question est régie par la lex fori ou par un droit étranger. La réponse dépendra des règles de conflit de lois de l’autorité compétente. Cependant, il existe des situations qui pourraient soulever des exceptions.

2. L’exception à la règle générale au Québec

L’efficacité de la convention d’arbitrage suppose la réalisation de l’effet positif de la convention d’arbitrage, d’où la nécessité de l’intervention du juge étatique. La compétence

108 Id., Selon l’auteur, cette solution est soutenue parce qu’elle tient compte de la volonté des parties : si elles ont

exprimé le désir d’assujettir l’arbitrage à la loi d’un État, c’est sans doute parce qu’elles ont voulu que toutes les dispositions de nature procédurale de cet État soient applicables, y compris celles relatives à l’intervention judiciaire.

109 Claude EMMANUELLI, Étude comparative sur le droit international privé au Canada, Montréal, Wilson et

Lafleur, 2019, para 111.

internationale du juge québécois est matérialisée par l’article 3148 C.c.Q.111 Aux termes de cet article de portée générale, les autorités québécoises (le juge étatique ou l’autorité saisie) sont compétentes à condition que les parties reconnaissent leur compétence. L’article 3148 C.c.Q. limite la compétence du juge dans la nomination d’un arbitre. En effet, l’intervention du juge visant à prêter assistance en matière d’arbitrage commercial international est assujettie à des conditions et à des limites : la reconnaissance par les parties de la compétence du juge112, la partie défenderesse a son domicile ou sa résidence au Québec ou encore, s’il était démontré qu’une faute a été commise au Québec, un préjudice y a été subi, un fait dommageable s’y étant produit, etc. Bien que cet article limite et encadre l’intervention du juge québécois au niveau international, il permet néanmoins au juge d’intervenir lorsque les parties y consentent et dans certaines situations113.

Par conséquent, la compétence du juge québécois visant à prêter assistance dans un arbitrage international peut être établie lorsque certains aspects du litige entretiennent des rapports étroits avec le Québec. Notons que la source de cette compétence en matière d’arbitrage international émane de la volonté des parties, car pour le législateur québécois en présence

111 Id., art. 3148. Cet article dispose que : « Dans les actions personnelles à caractère patrimonial, les autorités

québécoises sont compétentes dans les cas suivants: 1° Le défendeur a son domicile ou sa résidence au Québec; 2° Le défendeur est une personne morale qui n’est pas domiciliée au Québec mais y a un établissement et la contestation est relative à son activité au Québec;

3° Une faute a été commise au Québec, un préjudice y a été subi, un fait dommageable s’y est produit ou l’une des obligations découlant d’un contrat devait y être exécutée;

4° Les parties, par convention, leur ont soumis les litiges nés ou à naître entre elles à l’occasion d’un rapport de droit déterminé;

5° Le défendeur a reconnu leur compétence.

Cependant, les autorités québécoises ne sont pas compétentes lorsque les parties ont choisi, par convention, de soumettre les litiges nés ou à naître entre elles, à propos d’un rapport juridique déterminé, à une autorité étrangère ou à un arbitre, à moins que le défendeur n’ait reconnu la compétence des autorités québécoises ». Lire à ce sujet C. EMMANUELLI, préc., note 109, para 110.

112 Id.

113 Id., Cet article est de droit nouveau. Il s’inspire de la Loi fédérale sur le droit international privé Suisse de

1987, ainsi que de l’al.3 de l’art.85 C.C.B.C. Il attribue une compétence en matière de contrat de consommation ou de travail aux autorités québécoises du domicile ou de la résidence du consommateur ou du travailleur. Extrait des commentaires de la ministre de la justice sous l’art. 3149 C.c.Q., t. 2, Québec, les publications du Québec, 1993.

d’une clause d’élection de for ou d’une clause d’arbitrage, les tribunaux sont incompétents114. En effet, c’est sur demande de l’une des deux parties ou encore c’est sur reconnaissance de cette compétence que le juge peut intervenir dans une matière internationale.

En principe, les tribunaux québécois n’ont pas de compétence internationale en présence d’une clause d’arbitrage, mais la combinaison de l’article 3136 C.c.Q. et de l’article 3148 C.c.Q. permet au juge d’intervenir dans des situations bien particulières115. Retenons que le juge n’intervient pas pour juger le litige, mais pour administrer et organiser la constitution du tribunal arbitral. D’ailleurs, M. Chevalier souligne et rappelle que le juge intervient pour « purger l’instance arbitrale des vices pouvant affecter la mise en place du tribunal arbitral

[…] »116.

Il convient maintenant d’analyser la compétence subsidiaire du juge dans la nomination d’un arbitre117.

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