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Du regard croisé entre les rubriques et les thèmes de la recherche

et les facteurs spécifiques constituent un pentagone de facteurs sous lequel s’alignent les différentes informations fournies par nos participants en relation avec leurs expériences de décrochage scolaire.

Tout en étant différentes les unes par rapport aux autres, aucune de ces rubriques n’est citée par aucun de nos participants de façon isolée dans son témoignage sur la dynamique de son abandon scolaire. Comme nous venons de le faire ressortir à travers les paragraphes précédents, il existe toujours une rubrique dominante dans le discours de chaque participant de la recherche. En d’autres termes, les rubriques n’ont pas le même degré d’importance dans les onze expériences vécues.

La rubrique de capital économique est celle qui est prédominante dans les témoignages qui composent notre corpus d’analyse. En parcourant les entrevues, on constate qu’il n’existe aucun facteur relatif à cette rubrique qui ait été cité par un participant sans qu’il soit en rapport avec d’autres.

Au Québec, les participants dénommés Prinsa, Derly, Ted et Sentia désignent ceux qui ont considéré les soucis économiques comme le principal facteur de leur décrochage scolaire. Mais, ils ont tous mentionné d’autres facteurs secondaires qui avaient, dans une certaine mesure, occasionné leur prise de décision. Relativement au concept d’encadrement institutionnel, par exemple, Prinsa et Derly ont tous fait mention du manque de structures sociales et gouvernementales en ce qui a trait à l’information et à l’orientation des immigrants à leur arrivée. Une lacune structurelle dont les conséquences étaient non négligeables dans leur résolution d’abandonner le milieu scolaire précocement.

Le participant Ted a mis l’accent dans son entretien sur les faiblesses de son enseignant dans la gestion d’une classe multiculturelle en référence au fait que celui-ci l’avait traité de tête de cochon en plein cours. Il a également fait mention du manque de soutien académique dont il était l’objet de la part de sa famille d’accueil. Mais le désir brulant d’aller travailler dans l’idée d’accéder à l’autonomie financière a été le facteur spécifique considérable dans sa décision.

C’est à peu près le même cas de figure pour Ken qui n’a pas ménagé ses critiques à l’encontre de son enseignant précisément dans la gestion de sa classe. Ken a affirmé que si ce dernier était vraiment compétent, il aurait pu tenter de lui prodiguer des conseils à l’effet de l’empêcher de décrocher. Des conseils qui auraient pu, entre autres, lui faire savoir que l’obtention du diplôme de fin d’études secondaires lui aurait été gage d’un meilleur emploi. Toutefois, ce participant a admis qu’il aurait été difficile à quiconque de le faire changer d’idées, c’est-à-dire de persévérer sachant que sa motivation personnelle a été de se rendre sur le marché du travail dans le but de réaliser ses folies de jeunesse : l’achat des vêtements et des chaussures de grandes marques. Pour ce qui est du participant Carl, si l’incapacité de son enseignant en secondaire cinq à gérer les problèmes d’intimidation dont il a été victime dans sa classe est fondamentalement la raison pour laquelle il avait décroché, l’autoritarisme de sa mère qui voulait, à tout prix, qu’il choisisse la filière paramédicale lui a été également un facteur démotivant sur le plan de la persévérance scolaire. Tout en étant autoritaire, le manque de niveau académique de la mère de Carl et le manque de contrôle de celle-ci sur les activités scolaires de son fils, à cause de son manque de temps, avaient, en outre, facilité celui-ci dans sa prise de décision de décrochage.

Le mauvais classement est le facteur que Simon a privilégié dans son témoignage en ce qui touche aux circonstances de son décrochage scolaire. Par ailleurs, les faibles moyens économiques et les faiblesses du réseau social de sa mère sont aussi, à son avis, des facteurs déterminants dans le processus qui a conduit à l’arrêt momentané de ses études au programme de FGA.

La dernière participante de Montréal, Sentia, a placé les soucis économiques à l’origine de son acte d’abandon sans pour autant nier l’importance de plusieurs autres facteurs qui avaient, à un niveau ou à un autre, influencé sa décision, notamment le mauvais classement en mathématiques dont elle a été l’objet et le manque d’informations sur le fonctionnement du pays d’accueil.

Les problèmes liés au capital économique et ceux relatifs à l’encadrement institutionnel partagent la plus grande proportion des facteurs d’abandon scolaire des participants de Montréal. Cependant, on a confirmé qu’aucun facteur n’a à lui seul occasionné cette décision chez aucun des participants de cette ville.

Du côté des participants de Brooklyn, la situation est un peu différente. Lens et Dady ont abandonné leur programme scolaire pour des motifs économiques, la décision de Mandy est liée au manquement de sa famille d’accueil en termes de capital culturel tandis que le décrochage scolaire de Elta est associé à un facteur spécifique, autrement dit à ses lacunes de base en mathématique.

Pour retracer les circonstances de son abandon scolaire à Brooklyn, Lens a fait allusion aux contraintes économiques. Le refus de sa conjointe de l’aider à payer ses frais de scolarité avait provoqué la rupture de ses études au programme de GED. Cependant, le sentiment de jalousie de celle-ci et de plusieurs immigrants d’origine haïtienne de son environnement social et le manque de structures sociales d’encadrement des immigrants haïtiens ont aussi été identifiés par ce participant comme étant des facteurs secondaires dans sa prise de décision, à son avis, forcée de rompre ses études de façon précoce.

Sans aucune controverse, les difficultés économiques, tout en représentant selon Dady le facteur primordial de son abandon scolaire, ne sont pas les seules à incriminer. L’absence du soutien académique familial, le fait qu’il n’avait pas pu, avec la distance (sachant qu’il avait laissé sa famille d’accueil à Georgia pour aménager à New York) bénéficier de l’éventuel support du réseau social de sa famille d’accueil constituent, entre autres, des facteurs subsidiaires considérables dans son départ du milieu scolaire sans l’obtention du diplôme correspondant.

Du côté de Mandy, l’absence de contrôle parental, le manque de niveau scolaire et le manque de responsabilité de sa mère dans sa vie scolaire sont les facteurs primordiaux de son abandon scolaire. Néanmoins, de même que Ted, Ken et Sentia, le désir de se rendre sur le marché du travail en vue de parvenir à l’autonomie financière avait fortement influencé le processus de décrochage scolaire de Mandy.

Par ailleurs, si Sentia voulait parvenir à l’autonomie financière dans le simple but de satisfaire ses besoins fondamentaux et ceux de son fils en sa qualité de mère monoparentale, la situation a été un peu différente dans le cas de Ted, Ken et Mandy. Ces derniers représentent les trois participants de la recherche qui ont été fascinés par la volonté de se trouver un emploi, sans délai, non seulement dans l’optique de subvenir à leurs besoins fondamentaux, mais aussi afin de pouvoir réaliser leurs rêves de jeunesse comme l’achat de vêtements de grandes marques, prendre part au plaisir mondain, etc. En ce qui concerne Elta, elle est la seule des participants et participantes de Brooklyn qui a, sans ambages, endossé la responsabilité de son abandon scolaire. Elle est avec Ken les deux participants de la recherche qui ont priorisé un facteur spécifique et individuel la dynamique de leur abandon scolaire.

Dans son entrevue, Elta a minimisé les facteurs externes de son échec en mathématiques qui l’avait amené à effectuer un arrêt temporaire de ses études au programme de GED. Cependant, prise dans son entièreté, l’entretien qu’elle nous avait accordé nous a permis de comprendre l’existence d’autres facteurs dans sa décision de décrochage. La manifestation de la mentalité du désengagement parental de son père, les difficultés de cette participante à concilier le duo école- travail et son grand sens de responsabilité économique vis-à-vis de ses proches qui vivent dans la précarité en Haïti sont aussi des facteurs considérables dans son éloignement du milieu scolaire temporairement.

5.5 De la logique tridimensionnelle de la décision d’abandon scolaire