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4.1 Le capital économique

4.1.1. Le soutien économique

À leur arrivée, les jeunes et les jeunes adultes haïtiens ont besoin de soutien économique de la part de la structure d’accueil familiale pour pouvoir se rendre à l’école, faire preuve de persévérance et réussir sur le plan social. Ce support est tout aussi nécessaire dans le cadre des relations conjugales effectuées avant ou après l’acte migratoire.

4.1.1.1 Le support de la famille d’accueil

Les immigrants haïtiens, qui sont arrivés au Québec et à New York au terme d’un processus d’immigration mené par les membres de leur famille, sont généralement très bien accueillis par ces derniers. Ils sont souvent bénéficiaires d’un soutien économique en arrivant qui reflète le niveau de vie de ces familles d’accueil. Cette aide reste, néanmoins, ponctuelle et ne symbolise qu’une sorte de dépannage pour le début. Cette situation est imprégnée de confusion puisque le nouvel arrivant n’a pas la même lecture de cet accueil qu’il croyait, de son point de vue, être pour le long terme. En fait, peu de temps après, il appert que la situation change souvent et le nouveau venu se voit obligé de se trouver un emploi dans le meilleur délai possible, à s’en tenir aux extraits suivants. Capital économique Soutien économique Support de la famille d'accueil Support conjugal Marché du travail Décision volontaire Décision involontaire Responsabilités économiques

Souci pour les proches en Haïti

Souci pour les proches immigrants Conciliation école-

travail

Manque de temps Démotivation

En arrivant ici, je dois vous dire que c’est ma mère qui m’avait parrainé (soutenu) économiquement pendant deux mois, mais rapidement après j’avais dû aller travailler parce qu’elle ne pouvait plus continuer à me soutenir comme ça doit, c’est ainsi que j’avais trouvé un petit boulot. Ce n’était pas extraordinaire, mais ça m’avait permis de répondre à mes besoins. (Simon).

Pour se conformer aux exigences de la nouvelle culture, du nouveau contexte social et subvenir aux besoins les plus fondamentaux, l’aide économique des familles d’accueil est vitale pour les nouveaux arrivants. Cependant, ils l’ont souvent considérée comme insuffisante. Cet état de fait est évoqué par quelques-uns de nos participants du Québec et de New York pour décrire les contraintes financières qui caractérisent la vie des immigrants haïtiens de première génération dans ces espaces donnés.

J’avais beaucoup de volonté à mon arrivée ici aux États-Unis de retourner à l’école, pour pouvoir terminer mes études et obtenir le diplôme de fin d’études secondaires en vue d’avoir un bon emploi. Mais j’ai été stoppé dans la réalisation de mes rêves […]. C’est mon père qui m’avait permis de venir ici aux États-Unis, mais rapidement après je devais aller chercher du travail pour être autonome. Je ne peux pas dire que mon père n’avait pas l’habitude de m’aider, il me donnait quand même un peu de support, mais c’était très dur pour moi économiquement (Dady).

4.1.1.2 Le support conjugal

Le regroupement familial est une pratique fortement encouragée par plusieurs pays, dont les États-Unis et le Canada. Dans cette logique, bon nombre de familles haïtiennes, qui y élisent domicile, ont effectué des démarches auprès des autorités de l’immigration en vue de permettre à leurs conjointes ou conjoints, qu’ils avaient laissés en Haïti, de venir les retrouver. Toutefois, les attentes ne sont pas toujours comblées notamment pour les jeunes adultes qui ont eu un retard scolaire et qui veulent intégrer le secteur de l’éducation des adultes pour tenter d’obtenir le diplôme d’études secondaires (DES). En effet, selon le participant dénommé Lens, la vie post migratoire est remplie de mauvaises surprises, à s’en tenir à sa version des faits suivante quant à ses expériences avec sa conjointe.

Lorsque tu es immigrant et que ce n’est ni ta mère ni ton père qui t’ont permis de venir ici à l’étranger et qui te subventionnent, c’est toi qui dois, coute que coute, te débrouiller pour avancer. Moi, j’étais déjà marié en quittant Haïti. Je voulais dès le début aller à l’école ; mais je ne pouvais pas. Trois ans après mon arrivée, soit en 2010, j’avais effectivement commencé à aller à l’école, mais je n’avais pas pu continuer. J’ai été à un GED privé, mais après trois mois, j’étais bien obligé d’abandonner parce que je ne pouvais plus payer. C’est ma femme qui avait fait la demande

d’immigration pour moi. C’est à cause d’elle que j’ai pu venir aux États- Unis. Toutefois, en arrivant ici, elle ne comptait pas m’aider, m’accompagner pour pouvoir progresser dans le pays (Lens).

Devant le refus de sa femme de l’aider à payer ses frais de scolarité et eu égard à la déclaration de celle-ci, qu’il a jugé inappropriée et fracassante, ce participant a dû se rendre auprès d’un autre membre de sa famille qui résidait aussi à New York en vue de l’aider à faire face à cette obligation.

Au début, je devais faire un premier versement à l’école, c’est mon frère qui m’avait permis de répondre à cette obligation. Par la suite, je devais faire un deuxième versement. J’ai été ainsi auprès de ma femme pour essayer de voir comment elle aurait pu m’aider. Elle m’avait dit catégoriquement qu’elle ne pouvait pas m’aider, elle m’avait invité à me débrouiller personnellement. Sa réponse a été précisément en ces termes : « Mwen, lè m te fenk vini isit, se frè m ki te fè m antre, se pa lekòl mwen tale, se nan ti granmoun mwen tale » (Lens).

La traduction française de la citation créole précédente est la suivante : « moi, c’est mon frère qui m’avait fait venir ici aux États- Unis, en arrivant je n’avais pas choisi d’aller à l’école, je m’étais au contraire dirigée vers les soins des personnes âgées pour pouvoir gagner ma vie ».

L’attitude de la conjointe de Lens a été dénoncée par un autre membre de sa famille qui l’avait encouragé à persévérer à l’école et aussi à rompre ses relations conjugales. Sa femme était perçue par les membres de sa famille comme le principal obstacle de son progrès social.

Ma cousine m’avait encouragé à retourner à l’école. Elle m’avait même encouragé à abandonner ma soi-disant ex-femme ; elle constatait de toute évidence que cette femme ne voulait pas me supporter afin d’avancer dans la vie. Ma cousine me disait : « cousin, je n’aime pas ta situation, ce n’est pas ta place. Tu dois lâcher cette femme, elle n’est pas pour ton progrès ; si elle t’a fait quitter Haïti pour venir ici, elle devrait te supporter pendant environ quelques mois voire pendant un an » (Lens).

La question du soutien économique dans le couple a été aussi au centre du témoignage du Prinsa. Étant donné qu’elle était encore à l’école, cette participante pensait que son mari allait redoubler d’efforts, après son mariage, pour l’aider à atteindre son objectif.

Sa déclaration suivante est pourtant l’expression de sa grande déception : « Je pensais qu’il m’aurait dit qu’il allait travailler davantage pour me permettre de continuer à aller à l’école ; ce n’était malheureusement pas le cas. Je m’attendais à cela, mais il ne l’avait pas fait ». Son raccrochage scolaire est survenu après plusieurs années plus précisément après son divorce.