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Les renseignements sur la culture et les institutions

4.1 Le capital économique

4.2.3 Les renseignements sur la culture et les institutions

Dans la plupart des cas, les parents qui composent les familles d’accueil des immigrants ont un niveau de connaissances limité de la culture et du fonctionnement des institutions du pays dans lequel ils vivent. Ce déficit de connaissances et d’informations, qui déborde parfois le contexte familial, peut avoir des effets négatifs sur l’intégration et la persévérance scolaire des nouveaux arrivants, qu’ils soient jeunes ou adultes. Cette idée est soutenue par les témoignages de certains participants de cette recherche tant à Brooklyn qu’à Montréal, dans les paragraphes suivants.

4.2.3.1 La culture familiale

À leur arrivée au nouveau pays de résidence, bon nombre d’immigrants haïtiens sont souvent livrés à eux-mêmes. Ils sont peu informés ou tout bonnement pas informés quant aux règlements sociaux, juridiques et politiques de base devant faciliter leur intégration et leur réussite dans la société. Interrogée sur cette question, Prinsa a donné la version des faits suivante.

C’est ma mère adoptive qui m’avait fait venir ici au Canada. Elle ne pouvait pas me donner les bonnes informations, les bonnes consignes pour un bon démarrage dans le pays et je n’avais personne d’autre de ma famille qui m’avait offert une telle opportunité. Par exemple moi, j’ai 5 enfants, je les encadre socialement, je les aide à comprendre le fonctionnement de la société et je les ai intégrés à différentes activités de mon église. En ce qui me concerne, mes parents ici ne pouvaient pas me donner cet encadrement.

Sentia pour sa part, tout en admettant avoir bénéficié d’un certain encadrement familial à son arrivée, a mentionné les limites des renseignements dont elle disposait relativement au mode de vie et le fonctionnement des institutions du Québec. Un facteur non négligeable dans sa décision d’abandon scolaire.

Si c’était maintenant, je n’allais pas prendre la décision d’abandonner l’école. J’aurais pris l’aide sociale, me mettre au chômage, parce que je suis plus informée maintenant des possibilités d’assistance sociale et gouvernementale. D’ailleurs, c’est ce que j’avais fait environ six mois après mon abandon lorsqu’il me fallait retourner à l’école pour me rendre au programme communément appelé « TENS » (Sentia).

4.2.3.2 Les ressources humaines de l’environnement familial

Pour pallier les lacunes des parents ou des familles d’accueil, les nouveaux arrivants auraient voulu se trouver d’autres ressources dans leur environnement aux fins d’obtenir les renseignements dont ils ont besoin. Ce qui ne s’était guère révélé positif. Au début de sa migration au Canada, Simon était assoiffé d’informations. Toutefois, tant du côté de ses parents que du côté des autres familles compatriotes, personne ne pouvait véritablement l’aider en ce sens.

En plus de ma mère, j’avais d’autres personnes qui viennent d’Haïti et qui vivent à Montréal. Mais ils ont tous des problèmes, leur occupation, ils ne pouvaient pas m’aider. Je n’étais pas informé en arrivant, je ne savais pas où je devais aller chercher de l’aide, même l’aide du gouvernement (Simon).

Les participants ont accordé beaucoup d’importance à l’aide qu’ils auraient pu recevoir des gens de leur environnement en vue de la maitrise de l’espace, de la connaissance des normes, des valeurs et des institutions du pays d’accueil. C’est ainsi que Dady a manifesté son mécontentement en ce qui a trait au manque d’accompagnement dont il a été l’objet au début. Il s’est exprimé avec beaucoup d’amertume tenant compte qu’il s’est débrouillé personnellement en arrivant à New York. Contrairement à plusieurs autres nouveaux arrivants compatriotes qui ont pu bénéficier de visites guidées de la part de leurs proches, Dady n’a pas du tout apprécié le fait que personne n’a été disponible pour l’accompagner nulle part, notamment dans la visite de certains lieux mythiques.

Lorsque j’étais arrivé à New York, c’était à moi de m’arranger, moi-même, pour comprendre la culture et la façon dont fonctionnent le système et les gens. Ce n’est pas facile de trouver ici des gens qui ont du cœur, de la pitié et qui sont disposés à vous aider, à marcher avec vous pour vous faire visiter et comprendre les choses. C’est très rare de trouver un tel encadrement. En arrivant ici, j’ai découvert New York par moi-même. J’avais appris moi-même à prendre le train, à aller un peu partout. Même « Manhattan », tout le monde sait ce que représente Manhattan, c’est une ville que j’avais appris à connaitre sans l’aide de quiconque. Personne ne m’avait jamais offert, au grand jamais, de m’amener la visiter.

En effet, tant à New York qu’au Québec, les participants ont associé les difficultés d’informations auxquelles avaient dû faire face au début aux facteurs de leur abandon scolaire.

Mon intégration dans la société québécoise a été faite par moi-même, je me suis battu pour tout faire comme un grand en arrivant. Effectivement, c’est mon frère qui m’avait aidé à venir au Canada, mais il ne m’avait donné aucun encadrement une fois que j’étais sur place. Je dois mentionner aussi qu’il n’a aucun ami non plus qui m’avait aidé à intégrer la société québécoise ; c’est la raison pour laquelle j’avais décroché (Derly).

À l’instar du participant Lens, Derly a rejeté l’idée de décision volontaire en ce qui est de son décrochage scolaire. Comme celui-là, celui-ci a de préférence pointé du doigt les circonstances qui l’ont contraint à tourner le dos à l’école.

Je ne peux pas vraiment dire que j’avais décidé d’abandonner, parce que je n’avais pas le choix lorsque j’avais quitté l’école. J’avais quitté l’école c’est parce que personne ne pouvait me donner des informations, des détails concernant l’endroit où je pouvais trouver de l’aide sociale (Lens).

Nombreuses sont les erreurs que les nouveaux arrivants haïtiens peuvent commettre en ce qui a trait à leurs premières démarches d’intégration. L’un des cas courants se rapporte aux procédures du classement auxquelles certains d’entre sont astreints au début.

La raison pour laquelle j’ai été mal classé c’est que pendant le test de classement on m’avait évalué sur des notions très préliminaires. On me posait des questions de base concernant des choses que j’avais vues en primaire, depuis très longtemps lorsque j’étais tout petit. Alors que moi, je me préparais conformément à mon vrai niveau, c’est-à-dire sur des matières et notions que j’avais apprises en classes de troisième, seconde et rhétorique (classes terminales) en Haïti. Si j’avais été bien guidé par les membres de ma famille, on aurait pu m’orienter en ce sens et m’éviter de tomber dans ce trou (Simon).

Les connaissances et les expériences accumulées par les interviewés au cours des ans les ont portés à mieux comprendre l’importance de l’institution scolaire. Ils ont ainsi acquis de la maturité nécessaire pour prendre du recul et pour réfléchir avec lucidité sur leur décision de tourner le dos au milieu scolaire temporairement ou définitivement.

Non. Je n’allais pas quitter l’école. Malgré les difficultés, j’allais rester jusqu’au bout. Maintenant je suis bien informée, je sais que l’État, ici au Québec, donne de l’aide aux personnes qui avaient abandonné l’école et qui veulent y retourner. Ces aides avaient déjà existé lorsque j’avais abandonné, mais je n’étais pas au courant. Donc si c’était maintenant que j’étais mariée, que j’étais tombée enceinte, j‘aurais cessé de travailler et je me serais trouvé de l’aide gouvernementale pour poursuivre mes études secondaires (Prinsa).