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4.3 Le capital social

4.3.1 Le réseau social existant

Par réseau social existant nous entendons la structure d’amis, de connaissances et de reconnaissances des parents ou des familles d’accueil qui a précédé l’arrivée des immigrants, ceux de première génération en particulier dans le cadre de ce travail. 4.3.1.1 Le réseau social des parents ou des familles d’accueil

Parmi les difficultés auxquelles se sont heurtés bon nombre d’immigrants haïtiens de première génération à Montréal et à Brooklyn, on note l’absence d’un bon réseau social des parents ou des familles qui les ont reçus à leur arrivée.

Bien que le réseau social des parents ou des familles qui d’accueil soit parfois présent, il reste peu solide pour soutenir le jeune immigrant dans sa persévérance scolaire. Cette situation engendre chez celui-ci un manque de motivation qui n’est pas sans conséquence sur son apprentissage et par ricochet sur sa réussite et sa persévérance scolaire.

Capital social

Réseau social existant

Déficit du réseau social des parents et

des familles d'accueil Manque d'influence du milieu (manque d'entraide, égoïsme et faiblesse des structures sociales

d'intégration)

Réseau social de l'immigrant

Manque d'influence positive des pairs

Influences négatives des pairs Influence socioprofessionnelle

Devant le vide sur le plan social, la majorité de nos participants ont déclaré s’être débrouillés seuls en arrivant au pays d’accueil. Selon le témoignage de Prinsa : « Le fait pour moi d’aller à l’église, ce qui a grandement contribué à mon intégration, est une initiative personnelle que j’avais prise depuis Haïti et non celle des membres de ma famille. Mes parents n’ont presque pas d’amis ici ». La situation est tout aussi pareille pour Derly dans l’extrait de texte suivant.

Mon intégration dans la société québécoise a été faite par moi-même, j’ai été face à l’obligation de tout faire comme un grand en arrivant. Je n’ai eu aucun ami, aucun membre de ma famille qui m’avait aidé à intégrer la société québécoise. C’est la raison pour laquelle j’avais décroché.

L’église est l’une des institutions sociales que les immigrants haïtiens, dont les parents ou les familles d’accueil ont un réseau social très limité, utilisent pour favoriser leur intégration dans la société. Tant à Montréal qu’à Brooklyn, les jeunes et les jeunes adultes nouvellement venus d’Haïti se sont souvent servis de leur foi religieuse en guise de tremplin pour comprendre le fonctionnement et la culture de la société afin de s’y tailler petit à petit une place.

Mes parents n’ont pas vraiment de réseau social important. C’est moi qui ai choisi moi-même de me rendre à des activités comme aller à l’église. Moi, je suis un gars timide. En conséquence, il y a des activités à l’église (une église catholique) où l’on apprend à prendre la parole en public, à s’exprimer, dans des réunions de prières par exemple. Je pense que ça m’a beaucoup aidé dans la vie (Carl).

Le sens d’initiative de nos participants leur a, en effet, été très utile face aux limites du réseau social de la cellule familiale qui les a reçus à leur arrivée au nouveau pays. 4.3.1.2 L’influence du milieu

Tant à New York qu’au Québec, la présence des institutions religieuses est constante dans l’intégration sociale des immigrants haïtiens. Parallèlement à leur volonté de cultiver leur foi, certains de nos participants se sont dirigés, en arrivant au pays d’accueil, vers des églises dans le but d’obtenir des conseils ou d’être bénéficiaires de programmes d’insertion sociale. Toutefois, leurs attentes ne sont pas toujours comblées si l’on s’en tient au témoignage de Lens.

Du point de vue social, je n’avais aucune aide ici pour bien comprendre le pays et les institutions. J’étais un membre d’une église protestante en Haïti. En arrivant ici, j’avais trouvé le beau-père de mon petit frère qui dirige une église. Étant donné que je sais jouer au piano, j’ai été à cette église et j’ai rendu beaucoup de services aux gens. Contrairement à ce dont je m’attendais, je n’ai rien reçu service de la part des autres, aucun encadrement, même du point de vue socio-scolaire.

Lens a déploré le fait que l’église qu’il avait fréquentée à son arrivée était surtout composée de fidèles d’âges très avancés qui se regroupaient, de surcroît, en famille et entre amis. Il a affirmé que ce sont surtout les jeunes et les jeunes adultes qui peuvent encadrer un immigrant à son arrivée en terre étrangère. Il pense que l’absence de jeunes au sein de cette assemblée chrétienne n’a pas favorisé son intégration sociale et sa persévérance scolaire.

Certains des participants nous ont aussi fait part de leur perception quant à l’influence dont bon nombre de leurs compatriotes d’origine sont l’objet à Montréal en particulier. Une influence négative du milieu qui est, selon eux, responsable de l’abandon scolaire de plusieurs jeunes et jeunes adultes haïtiens de leur entourage. Selon Ted :

Il y a des jeunes Haïtiens qui décrochent, ce n’est pas parce qu’ils ne veulent pas apprendre, c’est surtout à cause du milieu dans lequel ils évoluent. Il existe beaucoup de petits jeunes et d’autres qui sont dans la trentaine aussi qui vivent dans des zones et qui ont des amis, des cousins, des cousines, etc. qui ne sont pas corrects, qui ont de mauvais comportements.

Le participant Carl a également mis en évidence la dimension contagieuse de la fréquentation de certains milieux à Montréal. Contrairement à d’autres jeunes et jeunes adultes originaires d’Haïti, il a déclaré avoir fréquenté toutes sortes de gens sans se laisser vraiment conseiller négativement.

Par ailleurs, dans le même sens que ce qu’il a affirmé à la section précédente relativement à son ex-femme, Lens a fait état d’un sentiment de jalousie manifesté par certains immigrants d’origine haïtienne comme lui dans son entourage social. Des gens qui craindraient qu’un nouvel arrivant vienne les dépasser en très peu de temps sur le plan socioéconomique.

Dans ses efforts en vue d’obtenir des soutiens favorables à son évolution au sein de la population new-yorkaise, il a aussi déclaré s’être toujours heurté contre une pratique de faux semblant, de fausse apparence de certains de ses jeunes compatriotes haïtiens. Des jeunes qui veulent souvent cacher leur identité et leur niveau socioéducatif et économique.

Dans mon quartier, il y avait des personnes (des jeunes) qui pouvaient m’aider, mais les gens sont très prétentieux. Même quand les jeunes ont seulement trois ans ici, même quand lorsqu’ils parlent l’anglais ils ne font que dire : « kekekekekeke », c’est-à-dire qu’ils ne connaissent pas grand- chose en anglais, lorsqu’on leur adresse la parole en créole ils ne répondent pas. Beaucoup de jeunes d’origine haïtienne veulent cacher ici leur niveau socioéconomique.

Ce participant s’est servi de ses années d’expérience à Brooklyn pour nous prévenir, en sus de ce qu’il nous a dit par rapport aux facteurs de son abandon scolaire, des difficultés auxquelles un chercheur dont le sujet de recherche est semblable au nôtre pourrait faire face. Il s’était montré rassurant qu’il n’allait pas nous être facile de trouver des participants à notre recherche. Il avait retenu notre attention sur l’attitude des immigrants haïtiens qui ne veulent pas qu’on sache qu’ils n’ont pas terminé leurs études.

Selon Lens, l’encadrement social était presque inexistant à Brooklyn. Il y considère l’attitude : « œil pour œil, dent pour dent » comme une règle sachant que tout le monde veut s’occuper de ses propres affaires. Il a opposé l’esprit altruiste des jeunes vivant en Haïti à celui de ceux qui vivent à New York qui sont d’après lui très envieux. Dady a également précisé le fait que certaines personnes de son quartier ont fait preuve de jalousie lorsqu’un nouvel arrivant s’adresse à elles aux fins de conseils. C’est ainsi qu’il a ajouté : « à New York, les gens sont pareils à ceux de Georgia où j’habitais au début. Ce n’était pas facile pour moi de trouver des personnes pour m’aider, les gens sont aussi très égoïstes, très jaloux ».

Il faut signaler que, dans cette section se rapportant au capital social tout aussi bien que dans celle concernant le capital culturel, la jalousie est un thème auquel certains participants ont fait allusion pour témoigner des tournants qui ont jonché leur intégration sociale et leur parcours scolaire au pays d’accueil.