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L’idée de réaliser une telle recherche est fondamentalement née du constat de l’importance du décrochage scolaire au sein de la population immigrante haïtienne au Québec et à New York. Si le phénomène reste sous-documenté dans l’état actuel des recherches scientifiques, son écho n’en demeure pas moins retentissant tant dans les deux contextes géographiques donnés de la recherche empirique qu’ailleurs, particulièrement en Haïti.

Le choix de la province de Québec et de l’État de New York, plus spécifiquement les villes de Montréal et de Brooklyn, pour effectuer notre travail empirique est en raison du fait qu’ils représentent, en tout premier lieu, deux des endroits au monde où se trouve la plus forte concentration de la diaspora haïtienne (World Bank, 2010 ; Immigration et Communautés culturelles Québec, 2010 ; Statistique Canada, 2010 ; Fortuny et al., 2009 ; Center of the Study of Brooklyn, 2010b).

Aussi, compte tenu de la proximité de ces deux collectivités territoriales et des rapports socioéconomiques que les immigrants haïtiens qui y sont établis entretiennent entre eux au jour le jour, il sera plus facile de créer une synergie dans le sens des initiatives subséquentes aux retombées de la recherche. Ce qui favorisera l’amélioration des conditions de vie socioculturelles de cette fraction de la minorité visible la plus touchée par l’abandon scolaire au Québec et à New York.

Plusieurs professionnels originaires d’Haïti, vivant au Québec et à New York, qui sont des dirigeants d’institutions comme des églises, des médias et d’autres organisations socioprofessionnelles se sont déjà montrés intéressés par la mise en chantier de projets et de programmes qui vise le développement et l’amélioration de la qualité de vie de leur communauté. En dépit des difficultés socioéconomiques auxquelles ils peuvent être confrontés, les immigrants haïtiens représentent un groupe ethnique qui, selon Nicolas et al. (2009) et Vanderkooy (2011), place la réussite socioéducative au rang de ses valeurs.

Dans les recherches en éducation, la pertinence sociale se trouve au cœur des critères de scientificité (De Ketele et Paquay, 2011). D’où l’importance des initiatives sociales et institutionnelles au profit de la persévérance scolaire. Depuis l’antiquité, l’école a toujours eu une vocation transversale et cardinale dans la transmission des

connaissances et ceci dans toutes les sociétés (Merton, 1965, 1968). Les initiatives en faveur de la persévérance et de la réussite scolaire ne sont que des présupposés au progrès social (Institut international du développement durable, 2014 ; ONU, 2013). Les faiblesses institutionnelles, le manque de mesures adéquates et inclusives en faveur de l’intégration des immigrants en général, contribuent à leur décrochage scolaire et conséquemment à leur échec sur le plan socioprofessionnel et économique (Wilibrord et Van Zenderen, 2009). Plusieurs auteurs ont établi, suite aux conclusions de leurs recherches, la présence d’une lacune majeure en ce qui a trait à la mise en place de programmes nationaux de soutien aux immigrants. En effet, les jeunes et les jeunes adultes qui sont arrivés au pays d’accueil et qui doivent intégrer le cycle d’études secondaires ou un programme d’éducation des adultes au niveau intermédiaire sont souvent victimes de mauvais classements et de retard ; des inconvénients qui les conduisent parfois au découragement et au décrochage scolaire (D'amours, 2010 ; Suarez-Orozco et al., 2008).

Les élèves qui ont cessé de se rendre à l’école sans l’obtention de leur diplôme d’études secondaires sont, un peu partout dans le monde, plus exposés à la délinquance, au chômage et à la pauvreté (Houpert et Goux, 2014). Sur la société nord-américaine en particulier, les conséquences du coût de l’abandon scolaire sont considérables. Et l’institution la plus affectée en ce sens est l’État, sachant qu’il a, dans un sens ou dans un autre, un degré de responsabilité dans la survie des citoyens qui vivent dans la précarité (Sauvé et al., 2006).

Le manque de qualification, particulièrement des jeunes et des jeunes adultes, représente, de nos jours, un véritable obstacle dans leur processus de recherche d’emploi, compte tenu des défis du marché du travail (Sauvé et al., 2006). Une situation qui est d’autant plus inquiétante pour les nouveaux arrivants décrocheurs qui n’ont pas encore atteint un haut degré de consensus entre la culture d’origine et la culture d’accueil (Lee, 1966 ; Postiglione, 1983).

En définitive, la sous-documentation de la thématique de la persévérance scolaire chez les immigrants haïtiens, l’un des groupes ethniques les plus affectés par le phénomène d’abandon scolaire dans les deux contextes donnés, constitue, entre autres et à plusieurs points de vue, un véritable facteur de la pertinence de la réalisation de ce travail.

Conclusion

Somme toute, la réalisation de cette thèse révèle que la persévérance scolaire des immigrants haïtiens de première génération au Québec et à New York est un thème sous-documenté tant au niveau du cycle secondaire qu’au secteur de l’éducation des adultes. Toutefois, la recension des travaux scientifiques effectués sur des groupes plus larges notamment les Caribéens, les Antillais, les Latino-Américains et les noirs nous a permis en grande partie de construire notre problématique et de formuler la question de recherche qui aura guidé tout le développement de cette étude.

II CADRE CONCEPTUEL

Dans ce cadre conceptuel, nous effectuons une recension d’écrits de plusieurs recherches et approches théoriques en lien avec le sujet. Ce chapitre se divise en quatre sections. En premier lieu, nous présentons la trajectoire migratoire et la persévérance scolaire à travers certains courants sociologiques. Deuxièmement, nous abordons notre problématique de recherche au regard des approches effets- écoles et effets- enseignants. Dans la troisième section, nous établissons des rapports entre les quatre grands thèmes privilégiés par les chercheurs recensés dans la littérature, c’est-à-dire : le capital économique, le capital culturel, le capital social et l’encadrement institutionnel. Dans la quatrième et dernière section, nous mettons en relation les principaux modèles explicatifs présentés et analysés dans ce chapitre avec certaines autres approches, dont la thèse du handicap socioculturel. Enfin, nous présentons le point de vue critique de certains courants qui placent le sujet humain au centre de l’analyse des faits sociaux. Cette quatrième section permet la transition vers le chapitre suivant qui fait l’objet du protocole de la recherche.