• Aucun résultat trouvé

La recherche par rapport à certains critères traditionnels de scientificité

Dans l’univers de la recherche qualitative et quantitative, les chercheurs ne font pas d’unanimité sur ce qui en constitue la scientificité. Néanmoins, quelle que soit la nature de l’approche méthodologique adoptée, des critères notamment la validité et la fiabilité s’imposent en qualité de dénominateurs communs (Teevan et Bryman, 2005 ; De Ketele et Paquay, 2011). Étant donné que notre recherche est de type qualitatif, les critères de scientificité, en ce qui la concerne, prendront en compte ce que Paillé et Mucchielli (2012) qualifient d’« équation intellectuelle du chercheur » qui est traduite par l’usage modéré des présupposés, des préceptes méthodologiques traditionnels. Ce qui implique que nous faisons place dans notre démarche à la flexibilité et à la relativité.

3.11.1 La validité

La validité est l’un des concepts que les chercheurs utilisent le plus sachant que le but principal de toute recherche est la production de connaissances scientifiquement fondées ; une notion qui se définit en fonction des trois grandes dimensions essentielles d’une recherche : la conceptualisation, le recueil et le traitement des données et l’énonciation des conclusions (de Ketele et Paquay, 2011). Ce concept se subdivise en validité interne et validité externe ; mais en recherche qualitative la validité interne est généralement désignée par le concept de crédibilité et la validité externe par la transférabilité (Teevan et Bryman, 2005).

La validité interne (la crédibilité) s’explique par la pertinence de la logique qui s’établit entre la problématique et le cadre conceptuel, le cadre méthodologique et les conclusions de la recherche (de Ketele et Paquay, 2011). En recherche qualitative, elle est caractérisée selon Laperrière (1997) par la justesse des liens existant entre les observations empiriques et leur interprétation.

La validité externe pour sa part désigne, d’après de Ketele et Paquay (2011), le « degré de généralisabilité des conclusions » d’une recherche. Si traditionnellement la validité externe se rapporte à l’extension des résultats d’une recherche à d’autres populations, à d’autres cadres spatiotemporels qui comportent des caractéristiques similaires, cette généralisation doit cependant toujours revêtir le statut d’une hypothèse de travail dans le contexte des recherches qualitatives, pour paraphraser Laperrière (1997). Et celui-ci d’ajouter :

…la singularité, la relative indétermination et la complexité des phénomènes humains remettant en question la possibilité même de faire des généralisations. Certains chercheurs qualitatifs en concluront qu’il faut renoncer au critère classique de validité externe, pour ne plus produire que des comptes rendus descriptifs clairement détaillés et contextualisés, sans aucune prétention à la généralisation (p. 380).

Ce point de vue est corroboré par Castellotti (2012) qui souligne la relativité sémantique de beaucoup d’expressions en sciences humaines et rappelle que le terme « qualitatif » présuppose des significations plurielles et des interprétations qui peuvent être parfois contradictoires. En ce qui a trait au terme de transférabilité qu’on utilise en lieu et place de validité externe, en recherche qualitative, il ne se rapporte guère à la notion de généralisation ; l’extension des données d’une recherche à d’autres contextes spatiotemporels doit tenir compte de la nature étroite des échantillons et de la

subjectivité qui caractérise généralement les faits vécus par chaque acteur (Denzin et Lincoln, 2005).

Au point 5.7.2, relatif aux forces de la recherche, nous préciserons la situation de la thèse par rapport aux critères de crédibilité (validité interne) et de transférabilité (validité externe).

3.11.2 La fiabilité

La notion de fiabilité est aussi l’un des critères sur lesquels on se base pour évaluer la dimension scientifique d’une recherche, qu’elle soit quantitative ou qualitative (Teevan et Bryman, 2005). Ce concept évoque traditionnellement l’idée de parallélisme en ce qui a trait à l’utilisation d’une méthode par plusieurs chercheurs et de confirmation en ce qui concerne la similitude des résultats de recherches obtenus (Boudah, 2011). Cependant, en recherche qualitative, la stabilité des observations est surtout relativisée au profit des cas marginaux, c’est-à-dire des idées de singularité ou de changement (Laperrière, 1997).

Si traditionnellement la fiabilité a toujours été caractérisée par le côté univoque des phénomènes sociaux, « les approches qualitatives qui mettent l’accent sur la multiplicité des perspectives possibles dans l’appréhension d’un phénomène, s’intéresseront plutôt à la concordance des résultats, une notion plus souple qui implique la non-contraction sinon leur synergie ou leur complémentarité » (Laperrière, 1997, p.383). La fiabilité en contexte de recherche qualitative suppose, selon Laperrière, la triangulation des sources des données, une notion qui tient lieu de ce qu’on qualifie habituellement d’objectivité. Cette conception est aussi conforme au point de vue de Guba et Lincoln (1985).

Au point 5.8.3, concernant les retombées de la recherche sur le plan théorique, nous établissons les rapports entre cette thèse et le critère de transférabilité (fiabilité).

3.11.3 La fiabilité inter-codeurs

Dans le but d’augmenter le niveau de fiabilité de l’analyse de notre recherche, nous avons ajouté à la démarche méthodologique la procédure d’entrainement des juges (Bachelor et Joshi, 1986) qu’on désigne, en d’autres termes, par la fiabilité inter- codeurs (Van der Maren, 2004 ; Miles et Huberman, 2003). C’est un procédé qui vise la fiabilité maximale des résultats obtenus de l’analyse des données. De façon précise,

nous avions consulté deux habitués du monde de la recherche (deux juges indépendants l’un de l’autre) auxquels nous avions confié un ensemble de dix extraits de texte de deux cent cinquante mots approximativement chacun aux fins d’analyse. Les mêmes consignes d’analyse leur ont été données. Après leur analyse, nous avions effectué une rencontre entre eux et ces deux codeurs se sont presque totalement mis d’accord sur les idées dégagées dans les extraits de témoignage en question. L’identification des rubriques et des thèmes de notre recherche dans leur analyse se concorde à quatre- vingts pour cent.