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La reconnaissance insatisfaisante par la charte d e l’environnement

L’article 6 de cette charte déclare que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ». La première constatation qui se dégage de la lecture de cet article est l’imperfection de sa rédaction. La deuxième phrase apparaît comme une définition du concept de développement durable par le rappel de ses trois piliers. Or, si l’on se réfère aux rapports de l’Assemblée nationale133 et du Sénat134, cet article promeut tant le développement durable que le principe d’intégration. Comme le remarque Michel PRIEUR, cette rédaction maladroite contient donc, implicitement, « l’obligation d’intégration »135.

Cet article 6, bénéficiant d’un effet direct136, permettra vraisemblablement à tout intéressé, sous réserve de la recevabilité du recours, d’invoquer un manquement au principe d’intégration. Pour Michel PRIEUR, cet article devrait engendrer « une étude

132 Article L. 123-1 et L. 123-13 du Code de l’urbanisme. 133 N. K

OSCIUSKO-MORIZET, « Rapport fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de la

législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi constitutionnelle (n° 992) relatif à la Charte de l’environnement », Rapport de l’Assemblée nationale n° 1595, mai 2004, p. 115.

134 P. G

ÉLARD, « Rapport fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du

suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la Charte de l’environnement », Rapport du Sénat n° 352, juin 2004, p. 58.

135 M. P

RIEUR, « Les nouveaux droits », A.J.D.A., 6 juin 2005, p. 1162.

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d’impact préalable à l’adoption de tous les textes juridiques, y compris les lois »137. Il reviendra donc au juge d’opérer cette conciliation appelée de ses vœux par le constituant138. On peut cependant regretter qu’en recherchant l’exigence d’intégration des préoccupations environnementales, les rédacteurs de cet article 6 aient simplement réussi à affirmer une égalité de principe entre les différentes composantes du développement durable. De plus, on ne peut guère affirmer que les préoccupations écologiques soient effectivement comprises dans ce contexte139.

Il faudra attendre les premières jurisprudences en la matière pour avoir un aperçu de la réelle portée de la reconnaissance de ce concept de développement durable. En l’état actuel du droit, notamment du droit de l’urbanisme, on peut affirmer que ce concept doit vraisemblablement être considéré simplement comme une « matrice conceptuelle »140 et il faudra être patient pour percevoir les fruits du frémissement aperçu par sa reconnaissance constitutionnelle.

Pour autant, le législateur, à défaut de rendre réellement effectif les deux concepts étudiés, a tenté de contourner cet obstacle en disséminant diverses obligations permettant la prise en considération des préoccupations écologiques en droit de l’urbanisme. On obtient ainsi une intégration diffuse, mais réelle, reposant principalement sur la technique juridique du zonage écologique.

137 Ibid.

138 D. D

EHARBE, « Le principe d’intégration ou une méthodologie juridique pour le développement

durable », JurisClasseur Environnement, avril 2005, p. 29.

139 Voir les développements concernant la charte de l’environnement et le concept de patrimoine commun

de l’humanité examinés dans le point précédent.

140 P.-M. D

S

ECTION

2 – L

A TECHNIQUE JURIDIQUE DU ZONAGE ÉCOLOGIQUE

:

INST RUM ENT PRIVILÉGIÉ DE L

INTÉGRATION EN D ROIT DE L

URBANISME

L’intégration des préoccupations écologiques en droit de l’urbanisme repose sur une technique juridique largement éprouvée par le droit de l’urbanisme : le zonage. En effet, depuis longtemps, le zonage fait partie intégrante de l’application de ce droit et demeure encore aujourd’hui l’une de ses techniques de base comme le démontrent les modalités de mise en œuvre des documents d’urbanisme.

L’extension de cette technique juridique aux préoccupations écologiques n’est pas limitée au seul droit de l’urbanisme et d’autres branches du droit, inspirées par ce précédent, se sont très nettement appropriées cette technique pour apporter une protection à certains espaces particulièrement vulnérables.

La protection écologique par le zonage souffre, malgré son succès, d’une difficulté de définition tenant notamment à ses caractéristiques : non anthropocentrique et polymorphe (§1).

Le recours aux zonages écologiques, en droit de l’urbanisme, est intervenu dès les années 1960 pour la protection de certains espaces particuliers. La protection ainsi acquise est longtemps demeurée sectorielle.

Il est indéniable qu’avec la période ouverte par la décentralisation, on a assisté à l’éclosion de nouvelles perspectives permettant une protection à la fois renforcée et plus sensible à la fragilité de l’ensemble de notre territoire. Cette intensification de la protection écologique requiert généralement un recours de plus en plus important à la technique juridique du zonage (§2).

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§1. L

A T ECH NIQ UE JURI DIQ UE DU Z ONA GE É TEN DUE À LA PR OT ECTI ON É CO LO GI QU E

:

UNE RÉ A LITÉ PO LY MO R PHE

Le droit de l’urbanisme, qui peut être défini comme « l’ensemble des règles et institutions relatives à l’aménagement et au développement urbain »141, a joué un rôle déterminant et précurseur en matière de zonage permettant de définir les différentes affectations des sols. Cette spécificité se concrétise particulièrement à travers la mise en œuvre des différents documents d’urbanisme (A).

La protection des espaces naturels par le droit a largement bénéficié de cette expérience, puisque le souci de préservation de ces espaces s’est principalement traduit par la mise en place de zonages écologiques.

Cette technique recouvre une réalité polymorphe et l’absence d’unité s’explique tant par le fait que ces zonages sont issus de branches différentes du droit que par le fait qu’il existe une importante variété de zonages écologiques n’ayant souvent en commun que leur objet (B).

A. L’application « or iginelle » de la technique du zonage par le droit de l’urban isme

Le zonage est une technique dont le droit de l’urbanisme a contribué à l’essor par une utilisation ancienne et systématique dans le cadre des politiques d’aménagement du territoire (1). Le paradigme des zonages en droit de l’urbanisme est sans conteste constitué par le document d’urbanisme qui forme à lui seul un zonage mais qui est aussi composé de « sous-zonages » (2).

141 H. J

1. Une t echnique ancienne et prédomi nante dan s

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