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L’émer gence t ardive du concept en dr oit de l’ur banisme

La première incursion du concept de développement durable en droit de l’urbanisme date de la loi du 4 février 1995117. Celle-ci prévoit, en son article 2, que le schéma national d’aménagement et de développement du territoire devra fixer les orientations fondamentales en matière d’aménagement du territoire, d’environnement

114 C. G

ROULIER, « Quelle effectivité juridique pour le concept de patrimoine commun ? », A.J.D.A., 23

mai 2005, p. 1040.

115 P. L

E LOUARN, « Le droit de l’environnement est-il soluble dans le droit de l’urbanisme ? », Droit de

l’environnement, n° 95, janvier/février 2002, p. 4.

116 P.-M. D

UPUY, « Où en est le droit international de l’environnement à la fin du siècle ? », op. cit..

117 Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, J.O.R.F. du 5 février 1995, p. 1973.

et de développement durable.

On le retrouve aussi, à l’article 34 de cette loi, dans la déclinaison régionale de ce schéma puisque le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire doit exprimer les orientations fondamentales en matière d’environnement, de développement durable, de grandes infrastructures de transports, de grands équipements et de services d’intérêt régional. Certains auteurs, comme Chantal CANS, se sont étonnés de la rédaction de cette loi qui prévoit qu’un « outil d’aménagement du territoire doit fixer les orientations fondamentales d’un objectif »118. La pratique n’aura pas eu à connaître ce schéma puisqu’il a été supprimé en 1999 avant toute mise en place119.

La loi du 25 juin 1999 n’est pas intervenue pour purger le droit de l’urbanisme du concept de développement durable, mais, au contraire, pour le renforcer. Dès la lecture du titre de cette loi, les intentions sont clairement établies : loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire. Au-delà de la formulation de son article 1, cette loi précise que « la politique nationale d'aménagement et de développement durable du territoire permet un développement équilibré de l'ensemble du territoire national alliant le progrès social, l'efficacité économique et la protection de l'environnement ». Sans qu’une réelle définition ne soit donnée de la notion de développement durable, on retrouve le triptyque du développement social, économique et de la protection de l’environnement qui apparaîtront, en droit international, au sommet mondial de développement durable de Johannesburg de 2002.

Cette référence au développement durable est renforcée par les modifications apportées au régime de la Charte des pays reconnus par la loi de 1995 précédemment évoquée. Cette loi de 1999 précise qu’une telle charte « exprime le projet commun de développement durable du territoire selon les recommandations inscrites dans les agendas 21 locaux du programme "Actions 21" qui sont la traduction locale des

118 C. C

ANS, « Le développement durable en droit interne : apparence du droit et droit des apparences »,

A.J.D.A., 10 février 2003, p. 213.

119 Loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du

territoire et portant modification de la loi n° 95-115 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, J.O.R.F. du 29 juin 1999, 9515.

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engagements internationaux finalisés lors du sommet de Rio de Janeiro des 1er et 15 juin 1992 et les orientations fondamentales de l'organisation spatiale qui en découlent, ainsi que les mesures permettant leur mise en oeuvre ». Si le concept de développement durable demeure aujourd’hui inscrit à l’article 22 modifié de la loi de 1995, cette référence au sommet de Rio a depuis totalement disparu du fait de la réforme apportée par la loi du 2 juillet 2003120.

Dans le guide méthodologique pour la mise en œuvre des pays, édité par la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (D.A.T.A.R.) en juin 2004121, l’expression projet de développement durable implique « une réflexion globale qui couvre l’ensemble des dimensions économique, sociale, culturelle, environnementale du développement »122. Dans ce guide, aucune vision écologique n’est clairement exprimée à l’exception d’une possible collaboration avec un parc naturel régional en matière de protection des espaces naturels123, ce qui confirme l’impossibilité de qualifier cet outil de zonage écologique déjà pressentie lors de l’étude des textes juridiques qui occultent cette préoccupation.

Cette situation contribue à asseoir le développement durable principalement sur des considérations anthropocentriques. Une telle acception de ce concept est renforcée par la suppression dans la loi du 2 juillet 2003 des références faites à la préservation du « patrimoine naturel, paysager et culturel » qui pouvaient être visées en priorité par une charte de pays et qui entraînaient alors une obligation de compatibilité pour le P.O.S. en l’absence de schéma directeur pour les orientations fondamentales de cette charte. Les relations entre la charte de pays et le schéma directeur avaient été très nettement resserrées par la réforme apportée par la loi du 13 décembre 2000124 avant d’être nettement réduites en 2003. En effet, les communes membres pouvaient, lorsque le pays comprenait des « territoires soumis à une forte pression urbaine » et lorsque ce dernier était situé pour tout ou partie à l’intérieur du périmètre d’un SCOT, décider que cette charte comprendrait tout ou partie des dispositions du SCOT en vue de préserver et requalifier « le patrimoine naturel, paysager et culturel et les espaces agricoles et

120 Loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat, J.O.R.F. du 3 juillet 2003, p. 11176. 121 D.A.T.A.R., « le guide méthodologique pour la mise en œuvre des pays », juin 2007, 60 pages. 122 Op. cit.., p. 11.

123 Op. cit., p. 25.

124 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, J.O.R.F.

forestiers ». Depuis 2003, le projet de pays doit tenir compte du projet d’aménagement et de développement durable du SCOT lorsque celui-ci préexiste et que le périmètre de projet de pays recouvre tout ou partie de son territoire. À l’inverse, si, sur ce même territoire, un projet de pays a déjà été arrêté, il revient au projet d’aménagement et de développement durable du SCOT de tenir compte de la charte de développement du pays.

L’article 2 de la loi du 4 février 1995 avait instauré un schéma national d’aménagement et de développement du territoire qui devait être complété par des schémas sectoriels établis par décrets. La réforme apportée par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999, supprime toute référence à ce schéma et ne laisse subsister que les schémas sectoriels. L’écologie est particulièrement présente dans le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux. Ce dernier fixe les orientations permettant un développement durable de ces espaces en prenant en compte toutes les activités qui s’y déroulent. Nous sommes donc en présence à la fois du concept de développement durable et du principe d’intégration. L’article 21 de la loi du 4 février 1995, tel que modifié par la loi en 1999, précise en outre que ce schéma « décrit les mesures propres à assurer la qualité de l'environnement et des paysages, la préservation des ressources naturelles et de la diversité biologique, la protection des ressources non renouvelables et la prévention des changements climatiques. Il détermine les conditions de mise en oeuvre des actions de prévention des risques naturels afin d'assurer leur application adaptée sur l'ensemble du territoire. ». On perçoit ici le mélange entre les préoccupations anthropocentriques et écologiques qui entrent dans la définition du concept de développement durable. Cet instrument pourrait apparaître comme une réelle consécration de cette notion en droit interne. Les parlementaires ont fait un choix différent comme le démontre le rapport n° 1288 de l’Assemblée nationale dans lequel il est affirmé que « le schéma de service collectif n’est pas prescriptif. Sa mise en œuvre n’aura donc pas d’effet sur les instruments existants »125. Ce schéma est toutefois opposable aux schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire126 qui n’ont eux-mêmes pas de

125 P. D

URON, « Rapport fait au nom de la commission de la production et des échanges sur le projet de

loi (n° 1071) d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire », Assemblée nationale, rapport n° 1288, p. 15. Cité in H. JACQUOT, F. PRIET, « Droit de l’urbanisme »,

4ème édition, Dalloz, 2001, p. 111. 126 Article 1 de la loi du 4 février 1995.

- 32 - caractère prescriptif127.

Le concept de développement durable n’est donc pas étranger au Code de l’urbanisme, mais il ne jouit pas d’une très grande opposabilité en règle générale. La pénétration de ce concept dans le droit de l’urbanisme s’est poursuivie en 2000 avec la loi du 13 décembre 2000.

Cette loi affirme que « les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer l'équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé, le développement de l'espace rural, d'une part, et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et des paysages, d'autre part, en respectant les objectifs du développement durable »128. On ne peut que constater, une nouvelle fois, l’absence de définition du concept de développement durable. De plus, comme le fait remarquer la doctrine, il ne s’agit pas réellement de l’affirmation d’un principe, mais plutôt de l’adjonction d’un élément permettant d’assurer un équilibre entre développement et protection129.

Cette loi a aussi prévu l’instauration de projet d’aménagement et de développement durable dans certains documents d’urbanisme, que sont les SCOT et les P.L.U. initiés par cette loi. Malgré un titre évocateur, on peut s’étonner que l’article R. 122-2-1 du Code de l’urbanisme n’évoquent pas le concept de développement durable dans sa définition du P.A.D.D. d’un SCOT ou et d’un P.L.U.130. De plus, l’opposabilité du P.A.D.D. d’un P.L.U. a été modifiée par la réforme de la loi du 2 juillet 2003. L’article L.123-1, dans sa rédaction antérieure, prévoyait que le P.A.D.D. était tout aussi opposable que le règlement131, ce qui n’est plus le cas depuis la loi urbanisme et habitat. Il demeure que le P.L.U., tant dans son élaboration que dans sa

127 J.-M. B

ÉCET, « Le droit de l’urbanisme littoral », Presses Universitaires de Rennes, 2002, p. 220.

128 Article L. 121-1 du Code de l’urbanisme. 129 J.-P. B

ROUANT, H. JACQUOT, J.-P. LEBRETON, « Développement durable, urbanisme et droit »,

R.F.D.A., juillet-août 2003, p. 752.

130 L’article R. 122-2-1 du Code de l’urbanisme précise que le P.A.D.D. « fixe les objectifs des politiques

publiques d’urbanisme en matière d’habitat, de développement économique, de loisirs, de déplacement des personnes et des marchandises, de stationnement des véhicules et de régulation du trafic automobile ». Quant à l’article R. 123-3, il énonce que le P.A.D.D. « définit, dans le respect des objectifs et des principes énoncés à l’article L. 110 et L. 121-1, les orientations d’urbanisme et d’aménagement pour l’ensemble de la commune ».

131 A.-H. M

ESNARD, « La liberté communale dans l’élaboration du PLU », Etudes foncières, n° 94,

modification, ne doit pas porter atteinte à l’économie générale du P.A.D.D.132.

On ne peut nier que le concept de développement durable a commencé à imprégner le droit de l’urbanisme. Il souffre cependant d’une réelle absence de définition et, étonnamment, il est souvent sans grande opposabilité. Si c’est parfois le cas, on observe qu’il existe une tendance a en diminuer la portée dans une réforme postérieure. Ce concept a, tout comme le patrimoine commun de la nation, reçu une consécration constitutionnelle par la charte de l’environnement.

2. La reconnaissance insatisfaisante par la charte d e

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