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DE LA COM MUNE

1. L’appar ente liberté du département

Si la primauté du département en matière de préemption des espaces naturels sensibles en fait le titulaire de plein droit de cette procédure (a), elle est confortée par la possibilité accordée à ce dernier d’établir une taxe spécifique pour la mise en place de sa politique (b).

a. Le département titulaire de plein droit

En amont de la décision du département de préempter un terrain au titre de la protection des espaces naturels sensibles, deux décisions sont susceptibles d’intervenir :

l’une facultative, l’autre obligatoire.

622 R. R

OMI, « Départements et environnement », JurisClasseur Environnement, mai 2002, fasc. n° 162.

623 Le titre même du chapitre concernant ces dispositions est intitulé : « espaces naturels sensibles des

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La décision préalable d’établir une taxe départementale des espaces naturels sensibles ne conditionne pas la possibilité de préempter du département. Elle n’est qu’une possibilité offerte par l’article L. 142-2 du Code de l’urbanisme pour permettre au département d’exercer ses compétences en la matière624. Elle ne saurait être une obligation préalable uniquement pour le choix de la protection particulière d’un espace naturel sensible, comme le prévoit l’article L. 143-11 du Code de l’urbanisme625. En revanche, pour que l’acte de préemption soit possible, il faut qu’il y ait eu détermination de la zone, ou des zones, d’application du droit de préemption. Cette compétence appartient au département depuis la loi du 18 juillet 1985626, qui a mis en place les espaces naturels sensibles des départements et a remplacé le régime des périmètres sensibles627.

Cette loi du 10 juillet 1985 a non seulement repris les anciennes délimitations adoptées sous l’empire de la loi du 31 décembre 1976628, mais a aussi simplifié et décentralisé le système.

La première innovation concerne la simplification de la procédure et réside dans le champ d’application de la loi du 18 juillet 1985. Elle étend la possibilité de mise en œuvre de la politique de protection des espaces naturels sensibles à tous les départements629, la conséquence immédiate étant la suppression de l’énumération des départements compétents en la matière prévue par l’ancien article R. 142-1 du Code de l’urbanisme. Par conséquent, cette politique n’est plus soumise à la volonté gouvernementale qui s’exprimait par l’adoption d’un décret, mais devient une compétence de plein droit du département630. De plus, la mise en place de zones de

624 B. B

OUBLI, C. GÉLU, M. HUYGHE, P. NEUMAYER, J.-L. TIXIER, A. KURGANSKY, B. STEMMER,

« Mémento pratique Urbanisme-Construction 2006-2007 », éditions Lefebvre, 2005, p. 631.

625 Voir infra paragraphe second sur la protection des espaces naturels sensibles.

626 Loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes

d’aménagement, J.O.R.F. du 19 juillet 1985, p. 8152.

627 Voir les développements dans l’introduction concernant la préemption des périmètres sensibles. 628 L’article L. 142-12 du Code de l’urbanisme précise que « le droit de préemption prévu à l’article L

142-3 dans sa rédaction issue de la loi susvisée s’applique dès l’entrée en vigueur du présent chapitre à l’intérieur des zones de préemption délimitées en application de l’article L. 142-1 dans sa rédaction antérieure ».

629 Article L. 142-1 du Code de l’urbanisme. 630 P. L

E LOUARN, « Les politiques départementales de protection des espaces naturels sensibles sur le

préemption n’est plus conditionnée par la détermination préalable de périmètres pouvant êtres concernés par la protection des espaces naturels sensibles. Selon Michel PRIEUR, « l’espace naturel sensible n’est plus qu’une abstraction exprimant une politique qui comporte plusieurs instruments juridiques plus ou moins dépendants ou indépendants les uns des autres »631, 632. Cette double suppression a eu pour effet de simplifier la procédure puisque dorénavant elle débute par la détermination des zones de préemption.

La seconde innovation réside dans la décentralisation de la procédure au profit du département, ainsi, le Conseil général « se voit attribuer le pouvoir de décision pour

tout ce qui concerne les espaces naturels sensibles »633. On retrouve cette primauté tout au long de la procédure. Cette reconnaissance est à rechercher dès l’étape préalable à toute préemption qui réside dans la détermination des zones d’application de ce droit. L’article R. 142-5 du code de l’urbanisme précise que cette compétence appartient au Conseil général634. Il est important de souligner que la délibération du Conseil général, instituant ou modifiant le périmètre d’une zone de préemption, est dépourvue de caractère réglementaire puisqu’elle se borne à « rendre applicables sur le périmètre qu’elle délimite, les dispositions relatives aux zones de préemption au titre des espaces naturels sensibles, figurant aux articles L. 142-3 et suivants du Code de l’urbanisme»635. La conséquence de cette décision du Conseil d’État est double. D’une part, l’absence d’obligation de motivation de l’acte636 et d’autre part, l’impossibilité de soulever

631 M. P

RIEUR, « Pour une véritable politique départementale de protection et de gestion des espaces

naturels sensibles », R.J.E., 2/1997, p. 171.

632 Nous nous attacherons à définir cette notion d’espace naturel sensible dans le point consacré aux

biens pouvant faire l’objet d’une préemption. Voir paragraphe second.

633 R. C

RISTINI, « Le département et l’aménagement urbain : les espaces naturels sensibles », R.F.D.A.,

mai-juin 1986, p. 306.

634 Rappelé depuis par la juridiction administrative, voir M. P

RIEUR, « note sous TA Bordeaux, 29

novembre 1994, Association de défense des propriétaires fonciers de la commune de Cadaujac », R.J.E., 3/1997, p. 442-443. En l’espèce, un président du Conseil général avait créé une zone de préemption au titre des espaces naturels sensibles, le tribunal administratif saisi rappelle que seul le Conseil général est compétent en la matière.

635 CE, 16 juin 1995, Association de défense des habitants de la corniche basque et autres, req.

n° 155202., Rec., tables, p. 1082. Voir à ce sujet les conclusions de C. MAUGÜÉ, « L’extension du

périmètre de préemption a-t-elle un caractère réglementaire ? », B.J.D.U., 4/95, p. 320.

636 Pour René H

OSTIOU et Jean-François STRUILLOU, cette affirmation se justifie par le fait qu’une telle

décision « n’est pas soumise aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relatives à la motivation des actes administratifs, cette loi s’appliquant uniquement aux décisions individuelles dérogeant aux règles générales fixées par la loi ou le règlement. Dès lors, faute d’une règle expresse imposant la motivation de cette décision, son auteur n’est pas tenu d’exposer les raisons de fait et de droit pour lesquelles elle est prise.». R. HOSTIOU, J .F. STRUILLOU, « Expropriation et préemtion », op. cit., p. 189.

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l’illégalité d’un tel acte par la voie de l’exception lors d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision de préemption637. Il s’agit là de la perte d’une voie de recours non soumise à un délai particulier, ce qui est toujours dommageable pour le justiciable638.

La dernière étape est caractérisée par la décision de préemption qui relève, elle aussi, de la compétence du Conseil général mais qui peut être déléguée au Président du Conseil général639. Elle est signifiée au propriétaire par le Président du Conseil général640. Cette dernière doit naturellement respecter la délimitation prévue par la zone de préemption même lorsqu’il s’agit d’un seul fond qui serait concerné pour partie par la zone de préemption. Dans un tel cas, le département doit se borner à préempter la partie de la propriété comprise dans la zone de préemption des espaces naturels sensibles et non rechercher à préempter le fond dans sa totalité641. Contrairement à la délibération du Conseil général instituant une zone de préemption, la décision de préemption doit être motivée puisqu’elle impose « des sujétions aux personnes

physiques ou morales directement concernées »642 et se voit donc appliquer le régime prévu par la loi du 11 juillet 1979643. Cette décision revêt un caractère réglementaire644.

Si le financement de cette politique de préemption des espaces naturels sensibles n’est pas une condition nécessaire de son exercice, elle se révèle d’une importance capitale pour sa réalisation645.

637 L. T

OUVET, « observations sous CE, 16 juin 1995, Association de défense des habitants de la corniche

basque et autres», B.J.D.U., 4/95, p. 321.

638 R. C

HAPUS, « Droit administratif général », Tome 1, Montchrestien, 15ème édition, 2001, p. 788-789.

639 Article L. 3221-12 du Code général des collectivités territoriales. 640 Article R. 142-11 du Code de l’urbanisme.

641 Cette obligation prévaut alors même qu’une instruction ministérielle du 9 mai 1988 préconisait la

préemption de la totalité des propriétés concernées. Cette instruction ne trouverait donc à s’appliquer uniquement lorsque le fond est intégralement couvert par une zone de préemption des espaces naturels sensibles. N. CALDERARO, « Conclusions sur TA Nice, 24 mars 1994, Michel, req. n°89-1221 », B.J.D.U.,

3/1994, p. 75.

642 CAA Marseille, 31 mai 2001, Commune d’Eygalières, req. n° 98MA01527.

643 Loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration

des relations entre l’administration et le public, J.O.R.F. du 12 juillet 1979, 1711.

644 L. T

OUVET, « observations sous CE, 16 juin 1995, Association de défense des habitants de la corniche

basque et autres», op. cit..

645 R. R

OMI, « La place du département en matière de protection de l’environnement – Vers une

b. Le financement de s prérogatives du département

Ce financement est assuré par la taxe départementale des espaces naturels sensibles prévue à l’article L. 142-2 du Code de l’urbanisme. Elle remplace la taxe départementale des espaces verts qui avait été créée dès l’origine, en 1960646, et remaniée en 1976647 pour corriger des défauts liés à la complexité et l’imprécision de son assiette648.

Pourtant, cette dernière demeurera largement imparfaite, notamment quant à son application territoriale puisqu’elle ne pouvait s’appliquer que dans les périmètres sensibles déterminés sur le territoire du département649. Cette insuffisance sera surmontée par la création de la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles qui trouve à s’appliquer sur l’ensemble du territoire du département et non pas uniquement dans les zones de préemption650. Il faut noter qu’elle reprend une pratique assez répandue par les départements qui consistait à créer un seul périmètre sensible correspondant à l’ensemble du territoire du département651. La taxe départementale des espaces naturels sensibles n’est pas obligatoire et demeure une possibilité offerte au département652. Son régime juridique, tout comme l’était celui de la taxe sur les espaces verts, est « aligné sur celui de la taxe locale d’équipement »653 et donc fondé sur la construction, la reconstruction et l’agrandissement des bâtiments. C’est le permis de construire qui constitue « le fait générateur de la taxe »654 puisqu’elle est due par le bénéficiaire du permis même s’il n’est pas l’auteur des constructions655. La fixation du

646 Loi n° 60-1384 du 23 décembre 1960 portant loi de finances pour 1961, J.O.R.F. du 24 décembre

1960, p. 11619.

647 Loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 portant réforme de l’urbanisme, J.O.R.F. du 01 janvier 1977,

p. 4.

648 B. T

OULEMONDE, « Les périmètres sensibles », A.J.D.A., décembre 1978, p. 647.

649 Loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 portant réforme de l’urbanisme, op. cit.. 650 Article 12 de la loi .

651 Selon Bernard B

RUNO, en 1978, au moins cinq départements avaient choisi cette méthode (Var, Bouches-du-Rhône, Hérault, Pas-de-Calais et Vendée). B. BRUNO, « La taxe départementale des espaces naturels sensibles », A.J.P.I., 10 décembre 1985, p. 860.

652 Article L 142-1 du Code de l’urbanisme. 653 B. T

OULEMONDE, « Les périmètres sensibles », op.cit.. Tout comme le prouve l’article L 142-2 du Code de l’urbanisme qui fait référence à l’article 1585 C du Code général des impôts qui est inclus dans la section relative à la Taxe locale d’équipement.

654 C. D

ELIVRÉ-GILIG, « La taxe départementale des espaces naturels sensibles », R.J.E., 2/2006, p142.

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taux de cette taxe relève de la seule compétence du Conseil général656. Le fondement de cette taxe sur le bâti explique la difficulté de percevoir un montant important puisque les espaces naturels sont souvent dépourvus de toute habitation657.

Par délibération, le département peut fixer le taux de cette taxe qui peut varier suivant les catégories de construction, sans toutefois pouvoir excéder 2%658. Aucun avis particulier n’est nécessaire pour l’établissement et la définition de cette taxe. Patrick LE LOUARN, dans son commentaire de la loi de 1985 , rappelait que cette autonomie était uniquement dû à la volonté de l’Assemblée nationale puisque le projet de loi comportait une consultation des conseils municipaux pour l’établissement de cette taxe.659

Il existe un régime d’exonération de cette taxe. Celui-ci était prévu dès l’origine par la loi de 1985 et a été complété à deux reprises par les lois du 2 février 1995660 et 30 juillet 2003661. Cette exonération concerne certains bâtiments liés à des services publics, à une exploitation agricole ou forestière, les bâtiments édifiés par les propriétaires reconstituant un bien exproprié, les immeubles classés, les aménagements prescrits par un plan de prévention des risques. De plus, le département peut choisir d’exonérer de cette taxe certains logements sociaux à usage d’habitation principale ou encore des locaux artisanaux situés dans des communes de moins de deux mille habitants. Cette liberté permet une meilleure adaptation de cette politique aux réalités du département.

Concernant les affectations possibles de cette taxe des espaces naturels sensibles, il y a là encore des modifications constantes par de légères évolutions venant multiplier les possibilités. Toutefois, seule la loi du 2 février 1995 prévoit une augmentation de l’assiette de cette taxe qui est étendue aux « installations et travaux divers », ce qui la

656 Article R.142-1 du Code de l’urbanisme. 657 B. T

OUTLEMONDE, « Les périmètres sensibles », op.cit..

658 J.-L. L

ENCLOS, « La taxe départementale des espaces naturels sensibles », R.J.E., 2/1997, p. 193. Cet

auteur relève que les taux varient d’un département à l’autre et s’échelonnent de 0,5% à 2%.

659 P. L

E LOUARN, « Du périmètre à l’espace… Une évolution attendue de la législation des périmètres

sensibles (2ème partie) », R.J.E., 2/3 1986, p. 192.

660 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, J.O.R.F.

du 3 février 1995, p. 1840.

661 Loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à

distingue de la taxe locale d’équipement662. À l’origine, cette taxe répondait évidemment à une affectation principale qui concernait les espaces naturels sensibles, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. Mais, dès la loi du 18 juillet 1985, elle pouvait aussi être utilisée pour la participation à l’acquisition et l’entretien de terrains par le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres663 ou encore l’aménagement d’espaces naturels boisés ou non, voire la gestion de certains sentiers. Dans les évolutions récentes, on peut citer notamment les réformes apportées par loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité664 qui a permis le financement « de l’acquisition, de l’aménagement et de la gestion des terrains du Conservatoire de l’espace et des rivages lacustres, ainsi que celui de l’aménagement et la gestion des zones dites « des

cinquante pas géométriques » »665. Selon Bernard D

ROBENKO, certaines de ces réformes seraient en contradiction avec l’objet même de la protection des espaces naturels sensibles. Il en irait ainsi de la réforme permettant le financement de « bâtiments

agricoles ou forestiers liés à l’exploitation ou par l’aménagement et la gestion des espaces et sites figurant au plan départemental des sports de pleine nature, d’autres intéressent des espaces naturels sous maîtrise foncière privée »666. Elle semble être source d’une grande instabilité. Pour autant, elle n’en demeure pas moins l’un des outils les plus importants du financement de la politique du département pour la protection des espaces naturels sensibles.

Par conséquent, on peut déduire des précédents développements que le département jouit d’une réelle liberté en matière de financement de sa politique des espaces naturels sensibles. Elle s’exprime dans la possibilité de recourir ou non à la taxe départementale des espaces naturels sensibles mais aussi tant dans la détermination de

662 C. D

ÉLIVRÉ-GILIG, « La taxe départementale des espaces naturels sensibles », op. cit.. L’auteur prend

comme exemple, pour illustrer ces installations et travaux divers, les aires de stationnement ou les terrains de sports.

663 Article 12 de la loi de 1985

664 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, J.O.R.F. du 28 février 2002,

p. 3808.

665 Code de l’urbanisme (sous la direction de R. C

RISTINI), Dalloz, 2005, 14ème édition, 2005, p. 236.

666 B. D

ROBENKO, « Le droit de préemption des espaces naturels sensibles comme technique de maîtrise

foncière environnementale », R.J.E., 2/2006, p. 125. L’auteur fait ici référence à l’article 103 de la loi n° 2004-809, du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités des collectivités territoriales, J.O.R.F.

du 17 août 2004, p. 14545. L’auteur précise toutefois que cette possibilité a été conditionnée à l’amélioration de la qualité des sites, des paysages et des milieux naturels par l’article 139 de la loi n° 2005-157, du 23 février 2005, relative au développement des territoires ruraux, J.O.R.F. du 24 février 2005, p. 3073.

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son champ d’application que dans ses affectations. Elle apparaît comme le véritable corollaire de la compétence de plein droit du département en matière de préemption des espaces naturels sensibles. Pourtant, cette apparente liberté du département doit être largement nuancée. En effet, la réelle dépendance du département est tangible dès les premières étapes de sa politique.

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