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L’obligation pour la commune de définir des zonages écologiques spécifiques

Si le législateur a fait le choix, à travers l’article L. 146-6 du Code de l’urbanisme, de laisser le soin à la commune de déterminer ces espaces, il a aussi choisi d’en imposer l’adoption à cette dernière.

Ce qui place la commune dans une situation de compétence liée tant dans la détermination des espaces boisés les plus significatifs (a) que dans la détermination des espaces remarquables ou caractéristiques (b).

a. La compétence liée des communes dans la détermination des e spaces boisés les plus significatifs

L’article L. 146-6 prévoit, dans son dernier alinéa, l’obligation pour les communes de classer en espaces boisés « les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après consultation de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites » dans les P.L.U..

Pour le tribunal administratif de Nice, la commune a compétence liée puisqu’elle est tenue de classer les espaces boisés les plus significatifs433. René CHAPUS définit cette compétence liée comme étant « la situation où se trouve l’autorité administrative quand aucune possibilité de choix ne lui est ouverte. Quand l’autorité administrative se trouve investie d’une compétence liée, son comportement lui est dicté : en conséquence

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de la constatation de certains faits, elle est tenue de décider et ne peut décider que dans un sens déterminé »434.

Cette situation particulière de la commune a été confirmée par la jurisprudence qui, à de nombreuses reprises, a souligné l’obligation de classement des espaces boisés les plus significatifs435.

La contrainte principale née de ce classement est, comme le souligne le tribunal administratif de Nice, « une inconstructibilité de principe ». Si l’on se réfère à l’article L. 130-1 du Code de l’urbanisme concernant le classement des espaces boisés, la constructibilité de la zone n’est pas strictement interdite, mais le classement « interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements »436. Ce qui signifie qu’une construction demeure possible437, même au cœur d’espaces boisés classés438, à condition qu’elle ne soit pas contraire à la destination de la zone.

Plusieurs critères différencient les espaces boisés classés que l’on pourrait qualifier de classiques, des espaces boisés les plus significatifs.

La première différence tient au fait qu’il est nécessaire que les espaces boisés les plus significatifs existent au moment du classement, comme l’indique l’article L. 146-6 du Code de l’urbanisme. Cette existence ne lie pas les communes dans le cadre des espaces boisés classiques puisqu’elles ont la possibilité de classer les bois et forêts qui ne sont encore qu’à l’état de projet et n’existent pas encore au moment du classement439.

La seconde tient à la qualité de ces espaces. Dans le cadre des espaces boisés classiques, il est possible de classer des espaces qui ne disposent pas de tous les caractères d’un bois, d’une forêt ou d’un parc au moment du classement440, la

434 R. C

HAPUS, « Droit administratif général », Tome 1, , Montchrestien, 15ème édition, 2001, p. 1058.

435 CE, 14 novembre 1990, Mme Collin et comité de défense de l’avenue Ortolan, req. n° 109154, 109372, Rec., p. 328 ; CE, 10 mars 1995, Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement dans le Var, req. n°128290, Rec., p. 129.

436 Article L. 130-1 al. 2 du Code de l’urbanisme.

437 CE, 3 mai 2002, Mr et Mme Cardon, req. n° 182508, Rec., p. 169. 438 CE, 22 juin 1990, Sesini, req. n° 66815.

439 G. G

ODFRIN, « Les espaces boisés classés, incontestables et intouchables », Construction-Urbanisme,

juillet 2006, comm. 175.

jurisprudence ayant précisé que le classement n’était « pas subordonné à la valeur du boisement existant »441.

Par contre, dans le cadre de l’article L. 146-6, les espaces concernés doivent revêtir une certaine qualité. Cet article et l’article R. 146-1 du Code de l’urbanisme ne définissent pas cette qualité, et ne font mention que des « forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1000 hectares » devant être protégés au titre des espaces remarquables ou caractéristiques du littoral, ce qui ne permet pas de dégager de quelconques critères de nature à caractériser ces espaces boisés les plus significatifs.

La jurisprudence est intervenue à plusieurs reprises pour apporter des éléments complémentaires. Elle peut, notamment, prendre en considération la configuration des lieux442, 443, l’importance et la qualité du boisement444, ou encore l’implantation de constructions dans cet espace445.

La commune ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire en matière de classement de ces espaces. Le législateur a souhaité conserver un fort degré de centralisation dans cette procédure. Mais, il a octroyé une certaine autonomie à la commune dans la détermination des espaces remarquables ou caractéristiques littoraux.

441 CE, 5 décembre 1986, Consorts Guillerot, req. n° 55448, D. 1987, p. 22.

442 CE, 14 novembre 1990, Mme Collin et comité de défense de l’avenue Ortolan, req. n° 109154, 109372, Rec., p. 328. En l’espèce, il s’agissait d’un espace d’une superficie de 5 825 m2, planté d'une centaine d'arbres et comportant également des constructions et des surfaces non boisées et jouxtant des parcelles bâties. Le Conseil d’État en conclue « qu'ainsi, eu égard à la configuration des lieux et au caractère de son boisement, par rapport à d'autres espaces boisés de la commune, il ne fait pas partie des parcs et ensembles boisés les plus significatifs que l'autorité communale était tenue de classer au titre de l'article 130-1 du code de l'urbanisme ».

443 S. B

OISSARD, « Coupures d’urbanisation et classement des espaces boisés : quelles exigences de la loi

littoral ? Conclusions sur CE, 15 octobre 2001, Mme Sevet, req. n° 219883 », B.J.D.U., n° 6/2001, p. 414.

444 CE, 15 octobre 2001, Mme Sevet, req. n° 219883, B.J.D.U., n° 6/2001, p. 414. Il s’agissait d’une

parcelle comportant, « dans sa partie sud, sur une superficie d'environ 8 200 m sur 15 223 m, un boisement constitué de chênes-lièges et de mimosas ».

445 CAA Lyon, 18 octobre 1994, Société Adrien et Suto Celindano, req. n° 93LY01275. La Cour d’appel

de Lyon précise que la commune aurait dû tenir compte des « constructions déjà implantées à proximité, (..) insérée au sein d'une zone boisée ».

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b. La compétence liée de la commune dans la déterminatio n des e spaces remarquables ou caractéristiques du littoral

Les espaces remarquables ou caractéristiques du littoral sont prévus à l’article L. 146-6 du Code de l’urbanisme. Pour caractériser ces espaces, on ne peut pas uniquement se référer à la liste prévue à l’article R. 146-1 du Code de l’urbanisme446, puisque celle-ci n’est pas limitative447. Il peut sembler, dès lors, complexe d’en cerner le contenu.

Pourtant Jean-Marie BÉCET448, se basant sur la jurisprudence, est parvenu à identifier les critères de distinction entre des espaces remarquables et caractéristiques :

- les premiers sont constitués d’éléments « de paysages comportant des données esthétiques rares, sinon uniques ».

- les seconds forment des éléments du paysage « distinguant fortement une zone spécifique, soulignant son originalité sans être nécessairement d’une exceptionnelle beauté. Il existe un ensemble de sites analogues représentatifs d’une région, parmi lesquels peut être effectué un choix ».

À travers la définition de ces espaces, on serait tenté de croire que la commune exerce un réel pouvoir discrétionnaire en la matière. Il n’en est rien.

446 À savoir :

« a) Les dunes, les landes côtières, les plages et les lidos, les estrans, les falaises et les abords de celles- ci ;

b) Les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ;

c) Les îlots inhabités ;

d) Les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps ;

e) Les marais, les vasières, les tourbières, les plans d'eau, les zones humides et milieux temporairement immergés ;

f) Les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales telles que les herbiers, les frayères, les nourrisseries et les gisements naturels de coquillages vivants ; les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l'article 4 de la loi nº 76-629 du 10 juillet 1976 et les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne nº 79- 409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

g) Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée et des parcs nationaux créés en application de la loi nº 60-708 du 22 juillet 1960, ainsi que les réserves naturelles instituées en application de la loi nº 76-629 du 10 juillet 1976 ;

h) Les formations géologiques telles que les gisements de minéraux ou de fossiles, les stratotypes, les grottes ou les accidents géologiques remarquables ;

i) Les récifs coralliens, les lagons et les mangroves dans les départements d'outre-mer. »

447 R. H

OSTIOU, « Espaces remarquables du littoral : le changement dans la continuité », A.J.D.A., 21

février 2005, p. 370.

448 J.-M. B

Puisque l’article L. 146-6 al. 1 du Code de l’urbanisme précise que « les documents d’urbanisme et les décisions relatifs à la vocation des zones ou à l’occupation des sols » préservent ces espaces, il apparaît logique qu’il revienne à la commune de les déterminer. La circulaire du 10 octobre 1989 précise, en effet, que « conformément aux lois de décentralisation, il appartient aux élus d’appliquer ces dispositions dans le cadre de l’élaboration et de la révision des documents d’urbanisme »449.

Pourtant, l’instruction du 21 octobre 1991 prévoit l’identification de ces espaces par le préfet qui en informe la commune par le biais du « porter à connaissance ». Jean- Marie BÉCET souligne que cette « manière d’agir (…) est révélatrice d’un état d’esprit défavorable à la décentralisation ». Toutefois, le tribunal administratif de Pau a été amené à sanctionner la décision du préfet des Landes qui souhaitait se passer des communes et avait adopté un arrêté déterminant la liste des espaces remarquables450.

Le Conseil d’État a admis la validité d’un arrêté prescrivant la protection de certains espaces et milieux caractéristiques sur une commune, mais a précisé que « cet arrêté ne saurait faire obstacle à ce que la protection prévue par l’article L. 146-6 s’étende à d’autres sites ou paysages de la commune »451. Il revient donc bien aux communes de déterminer ces espaces, mais elles sont, dans les faits, encadrées dans cette compétence par le préfet.

Le Conseil d’État a reconnu « l’interdiction de principe de toute forme de construction »452 au sein de ces espaces. C’est donc, ici aussi, l’exercice, par la commune, d’une compétence liée « ne lui laissant aucune latitude : il y a obligation de prendre les mesures propres à assurer la préservation des espaces concernés par l’article L 146-6 et un seul contenu est possible : l’interdiction »453.

L’article L. 146-6 du Code de l’urbanisme prévoit que seuls certains

449 Circulaire n° 89-56 du 10 octobre 1989 relative au renforcement de la politique nationale de

préservation de certains espaces et milieux littoraux, Moniteur des travaux publics, 24 novembre 1989, p. 277.

450 TA Pau, 26 mai 1992, Les amis de la Terre, ACCA de Tarnos, Fédération départementale des

chasseurs des Landes c/ Préfet des Landes, req. n° 91546, 91565, R.J.E., 1/93, p. 121.

451 CE, 11 mars 1998, Ministre de l’agriculture et du développement rural c/ M. Pouyau, req. n° 144301. 452 CE, 6 mai 1996, Association Hardelot-Opale-Environnement et autres et Association Nord-nature,

req. n° 151698, Gazette du Palais, 13 au 17 juillet 1997, Panorama, p. 112.

453 J.-M B

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aménagements légers peuvent être implantés sur ces espaces, « lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou , le cas échéant, à leur ouverture au public » 454.

On trouve, ici, la même évocation des aménagements légers, à l’exception de l’évocation de la mise en valeur économique, que ceux rencontrés pour les espaces naturels sensibles des départements.

Il est aussi fait mention de l’interdiction du camping et du caravaning455. L’article R. 146-2 du Code de l’urbanisme précise les aménagements légers pouvant y être envisagés après enquête publique456.

Selon Bernard BUSSON, il est possible d’extraire trois règles de cet article R. 146- 2 du Code de l’urbanisme, à savoir457 :

- un principe de « protection » : puisque ces aménagements légers ne doivent pas dénaturer le caractère des sites, ni compromettre leur qualité architecturale et paysagère, ni porter atteinte à la préservation des milieux ;

- un principe de « nécessité et de proportionnalité » : car ces aménagements

454 « a) Lorsqu'ils sont nécessaires à la gestion ou à l'ouverture au public de ces espaces ou milieux, les

cheminements piétonniers et cyclables et les sentes équestres ni cimentés, ni bitumés, les objets mobiliers destinés à l'accueil ou à l'information du public, les postes d'observation de la faune ainsi que les équipements démontables liés à l'hygiène et à la sécurité tels que les sanitaires et les postes de secours lorsque leur localisation dans ces espaces est rendue indispensable par l'importance de la fréquentation du public ;

b) Les aires de stationnement indispensables à la maîtrise de la fréquentation automobile et à la prévention de la dégradation de ces espaces par la résorption du stationnement irrégulier, sans qu'il en résulte un accroissement des capacités effectives de stationnement, à condition que ces aires ne soient ni cimentées ni bitumées et qu'aucune autre implantation ne soit possible ;

c) La réfection des bâtiments existants et l'extension limitée des bâtiments et installations nécessaires à l'exercice d'activités économiques ;

d) A l'exclusion de toute forme d'hébergement et à condition qu'ils soient en harmonie avec le site et les constructions existantes :

- les aménagements nécessaires à l'exercice des activités agricoles, pastorales et forestières ne créant pas plus de 50 mètres carrés de surface de plancher ;

- dans les zones de pêche, de cultures marines ou lacustres, de conchyliculture, de saliculture et d'élevage d'ovins de prés salés, les constructions et aménagements exigeant la proximité immédiate de l'eau liés aux activités traditionnellement implantées dans ces zones, à la condition que leur localisation soit rendue indispensable par des nécessités techniques ;

e) Les aménagements nécessaires à la gestion et à la remise en état d'éléments de patrimoine bâti reconnus par un classement au titre de la loi du 31 décembre 1913 ou localisés dans un site inscrit ou classé au titre des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l'environnement.

Les aménagements mentionnés aux a, b et d du présent article doivent être conçus de manière à permettre un retour du site à l'état naturel. »

455 Article L. 146-5 du Code de l’urbanisme.

456 Voir les développements de la section 1 du chapitre second. 457 B. B

USSON, « Le nouveau régime de protection des espaces littoraux sensibles », Droit de

doivent être nécessaires à un but d’utilité générale et il ne doit pas y avoir d’autres solutions ;

- un principe de « réversibilité » : ces aménagements devant être conçus de manière à permettre un retour du site à l’état naturel.

La circulaire du 15 septembre 2005 sur les espaces remarquables du littoral rappelle que ces aménagements doivent tous être légers « même quand aucune condition de seuil n’est posée »458.

On ne peut pas véritablement qualifier les compétences de la commune de décentralisées dans le cadre des deux zonages que nous venons d’étudier. La commune se retrouve en situation de compétence liée. Elle ne peut exercer que dans de rares cas ses choix. Ceux-ci se limitent, pour les espaces remarquables et caractéristiques, aux aménagements légers qu’elle souhaiterait effectuer dans le cadre de ceux prévus par l’article R. 146-2 du Code de l’urbanisme. Cette prise en compte de la spécificité de certains milieux, non délimités par le législateur, ne bénéficie donc que peu à la commune.

Le législateur n’a pas uniquement prévu une adaptation des zonages à certains milieux, il a aussi mis en place des exceptions permettant d’adapter certains zonages aux particularités de certaines collectivités.

2.

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