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La recette exprimée par un texte

La protection du parfum par le droit d’auteur

Section 2. L’opposition entre la forme et les idées

1.6. La recette exprimée par un texte

1.6.1. Les « directives qui s’adressent à l’esprit humain et autres règles abstraites »

358. Les directives qui s’adressent à l’esprit humain telles que les règles de jeu, les idées publicitaires, les systèmes commerciaux, sont majoritairement reconnues comme étant exclues de la protection du droit d’auteur739. En effet, ce type d’idées, censées déboucher sur un résultat pratique, relève de la sys-tématique du droit des brevets d’invention. Or, selon ce régime, faute de ré-sultat technique, ces idées ne peuvent pas faire l’objet d’un brevet d’invention.

Il s’ensuit que le droit d’auteur ne saurait pallier un cas expressément réglé par la LBI740. On rappellera que lorsque la règle conduit à un résultat matériel, elle est protégeable par le droit des brevets d’invention. Par conséquent, le droit d’auteur exclut également toutes les autres règles abstraites telles que la méthode, le procédé, le style, la manière et les principes qui ont présidé à la conception de l’œuvre (recette)741. Nous désignerons l’ensemble hétéro-gène de ces instructions («Anweisungen»742), protégeables ou non par la LBI, par les termes « directives qui s’adressent à l’esprit humain et autres règles abstraites ».

359. Pour ce qui est des recettes de cuisine, la question de savoir si elles peuvent faire l’objet d’un droit d’auteur est sujet à discussion743. Selon Cherpillod, au même titre que les règles de jeu, les recettes de cuisine sont

739 von Büren / Meer,op. cit., p. 69 ; Cherpillod,L’objet du droit d’auteur, op. cit., p. 77 et ss ; Cherpillod,Das Werk,op. cit.,ad art. 2, n° 36, p. 32 ; Gaide,op. cit., p. 36 ; Gut,op. cit., p. 29 ; Kummer,op. cit., p. 52 et ss ; Perret,L’autonomie du régime,op. cit., p. 145, 146 ; Perret, Nou-velle LDA,op. cit., p. 22 ; K. Troller,Manuel du droit suisse,op. cit., vol. I, § 19 n° 1.4, p. 246 ; A. Troller,op. cit., vol. I, § 25, p. 394.

740 Perret,L’autonomie du régime,op. cit., p. 145, 146 ; Perret,Nouvelle LDA,op. cit., p. 22 ; von Büren / Meer,op. cit., p. 69 ; Cherpillod,L’objet du droit d’auteur, op. cit., p. 77 et ss ; Gaide, op. cit., p. 36 ; Gut, op. cit., p. 29 ; Dessemontet, Le droit d’auteur, op. cit., n° 44, p. 30 ; A. Troller,op. cit., vol. I, § 19, p. 360.

741 Gaide,op. cit., p. 36 ; Kummer,op. cit., p. 52 et ss ; von Büren / Meer,op. cit., p. 69 ; Perret, Nouvelle LDA,op. cit., p. 22 ; Cherpillod,Das Werk,op. cit.,ad art. 2, n° 40, p. 32.

742 Kummer,op. cit., p. 52 et ss ; von Büren / Meer,op. cit., p. 69.

743 Dessemontet,La propriété intellectuelle,op. cit., n ° 13, p. 30 ; A. Troller,op. cit., vol. I, § 19, p. 351.

Section 2 – L’opposition entre la forme et les idées

Chapitre 3 – La protection du parfum par le droit d’auteur

des méthodes qui s’adressent à l’intelligence et, de ce fait, ne sauraient être protégées par le droit d’auteur en tant que telles744. Les règles de jeu, de même que les inventions brevetables ne sont cependant pas entièrement exclues de la protection du droit d’auteur. Cherpillod précise en effet avec pertinence que « La protection de telles créations est limitée à la forme. Celle-ci com-prend la description de la règle relatée, la forme ‹ externe ›745. »

360. Par ailleurs, Cherpillod observe à propos de la structure des règles, de leur « forme interne », que le résultat à atteindre est parfois dicté par les actions qui constituent ladite règle746. Il en déduit que pour les règles de jeu, la forme interne est protégeable, à condition que l’ordre dans lequel ces règles sont exposées puisse être modifié sans rendre le jeu impraticable747. En d’autres termes, il faut qu’il subsiste une possibilité de choix, ce qui revient à se demander si l’œuvre a un caractère individuel. Pour Perret, les formules mathématiques ou chimiques doivent être exclues du droit d’auteur, car elles représentent des « […] symboles fixes et immuables de la pensée scienti-fique »748. En effet, la formule chimique ne peut pas être modifiée sans en al-térer le contenu scientifique, de sorte qu’il s’agit de « […] l’exemple type d’une forme imposée […] »749.

1.6.2. Absence de protection de la recette exprimée par un texte

361. Force est de constater que la formule chimique du parfum ou une re-présentation graphique, faite au moyen des équipements techniques décrits dans le premier chapitre, sont totalement exclues du droit d’auteur. La raison en est qu’il s’agit de l’exemple même de la forme imposée. De surcroît, en l’absence de possibilités de choix, la formule chimique ne pourrait pas avoir un caractère individuel. En droit français, Galloux reconnaît que la manière de présenter les informations techniques, contenues dans une formule du parfum, a peu de chances d’être originale750.

362. La question ne peut dès lors se poser que par rapport à la recette exprimée par un texte littéraire, plus précisément la liste des ingrédients à la base du parfum, avec l’indication de leur quantité et origine. On rappellera

744 Cherpillod,L’objet du droit d’auteur, op. cit., p. 141 ; Cherpillod,Das Werk,op. cit.,ad art. 2, n° 14, p. 27.

745 Cherpillod,L’objet du droit d’auteur, op. cit., p. 141 ; von Büren / Meer,op. cit., p. 92, 93.

746 Cherpillod,L’objet du droit d’auteur, op. cit., p. 141.

747 Cherpillod,L’objet du droit d’auteur, op. cit., p. 141, 142.

748 Perret,L’autonomie du régime,op. cit., p. 155 ; Reinhart,op. cit., p. 76, 77.

749 Perret,La protection,op. cit., p. 260.

750 Galloux,op. cit., p. 2643 : « […] si le caractère technique commande la forme adoptée, la for-mule ne sera pas plus protégée par le droit d’auteur qu’un bulletin météo […]. » ; cf. également Laligant,Des œuvres aux marches du droit d’auteur,op. cit., p. 110.

qu’en matière de brevets d’invention, nous sommes parvenus à la conclusion que la possibilité de protéger la recette est certes possible, mais qu’elle n’est pas sans difficultés.

363. Bertrand, qui se déclare du reste réservé par rapport à la protection du parfum par le droit d’auteur en France, se demande si ce dernier peut pro-téger les recettes de parfums, dans la mesure où il protège les recettes de cui-sine dans leur expression littéraire. Dans ce cas, il observe que le résultat doit cependant rester libre, excepté si l’on distingue entre une « forme interne » et une « forme externe »751. Sur cette dernière distinction, il émet néanmoins des doutes. Il invoque en effet la difficulté consistant à séparer la forme du ré-sultat, « […] en d’autres termes, peut-il y avoir en la matière dichotomie entre la forme interne et la fonction752? » Il semble que Bertrand évoque ainsi la crainte de voir la forme olfactive du parfum protégée par la recette exprimée dans un texte.

364. Selon Dessemontet, seule l’expression de cette dernière est proté-gée, mais non pas le produit final753. Il fait cependant remarquer que le droit d’auteur ne saurait porter sur une recette ou un parfum, dont il n’existe qu’une seule expression pour décrire le produit fini754. De manière générale, Kummer nous rappelle que le droit d’auteur protège l’œuvre concrète, mais non pas son procédé de fabrication755. La question de savoir où s’arrête la re-cette qui peut être reprise par chacun et où commence l’œuvre, protégée en raison de son caractère individuel, est donc déterminante756.

365. Dans le cas de l’art moderne, lorsque le caractère individuel se trouve plutôt dans la recette qui a permis la conception de l’œuvre, il sera néces-saire de déterminer si, en dehors de la recette, l’œuvre concrète a encore un caractère individuel propre757. Kummer observe qu’il existe des œuvres, par exemples certains tableaux d’art moderne, qui peuvent être retranscrits

751 Bertrand, André R., Le droit d’auteur et les droits voisins, 2eéd., Paris 1999, n° 4.42, p. 186.

752 Bertrand,op. cit., n° 4.42, p. 186 ; cf. aussi Laligant,Problématique de la protection du parfum, op. cit., p. 633 : « […] pour que l’œuvre ne soit pas exclue de la protection offerte par le droit d’auteur, il faut que les éléments de forme de celle-ci puissent être dissociés du résultat utilitaire commandé par l’invention. »

753 Dessemontet,Le droit d’auteur,op. cit., n° 82, p. 55 ; Dessemontet,La propriété intellectuelle, op. cit., n° 13, p. 30 ; Galloux,op. cit., p. 2643 ; cf. aussi Desjeux, Xavier, « Le droit d’auteur dans la vie industrielle », RIDA 1975/85, p. 131 : « […] la recette imaginée par le cuisinier n’est pas proté-gée en elle-même. En revanche, le livre de cuisine qui consigne la recette est protégé. »

754 Dessemontet,Le droit d’auteur,op. cit., n° 82, p. 55, 56 ; cf. aussi Cherpillod,Das Werk,op. cit., ad art. 2, n° 14, p. 27.

755 Kummer,op. cit., p. 52, 53 ; Perret,L’autonomie du régime,op. cit., p. 38, 39 ; von Büren / Meer, op. cit., p. 69.

756 Kummer,op. cit., p. 53.

757 Kummer,op. cit., p. 53, 54, 55 ; Perret,L’autonomie du régime,op. cit., p. 39 note 66.

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Chapitre 3 – La protection du parfum par le droit d’auteur

par des mots au point qu’il est possible de les copier à l’appui de cette seule description758. Comme il le laisse entendre, une telle œuvre n’est cependant pas protégeable759. Par ailleurs, Kummer nous enseigne que le droit d’auteur ne confère aucune protection tant que l’œuvre n’est pas concrétisée par l’exé-cution complète des instructions à l’origine de sa conception760. L’œuvre n’est pas concrètement représentée par les directives qui permettent sa reproduc-tion, de sorte que la description de ces tableaux d’art moderne n’est pas pro-tégée par le droit d’auteur761. Pour les programmes d’ordinateurs, il fait du reste le même constat762. En d’autres termes, la description d’une œuvre par les directives qui permettent sa reproduction, comme par exemple la recette d’un parfum, n’est pas protégée par le droit d’auteur.

366. Une recette ne peut dès lors jamais être protégée pour son contenu, au motif que celui-ci décrit l’œuvre exécutée au moyen de ladite recette763. Bien plus, le constat selon lequel une œuvre peut être décrite de manière ex-haustive par une recette, exclue du droit d’auteur, ne signifie pas que l’œuvre elle-même n’est pas protégeable par le droit d’auteur764. Au contraire, le carac-tère individuel d’une telle œuvre doit être examiné selon les cricarac-tères usuels pour l’œuvre elle-même765. La recette d’un parfum exprimée par un texte est comparable aux lignes d’un programme d’ordinateur et à la description d’un tableau d’art moderne qui sont tous deux dépendants de l’œuvre qu’ils décri-vent. Par conséquent, la recette d’un parfum ne pourra jamais être protégée par le droit d’auteur pour son contenu.

367. Par comparaison avec la musique, Dessemontet constate que « La formule chimique d’un parfum ou la liste des ingrédients d’une recette est l’expression d’une information sur la structure de l’œuvre, comme la parti-tion informe le lecteur sur la structure de la musique766». Avec raison, il relève ainsi une dissymétrie entre l’œuvre musicale représentée par une partition et le parfum qui ne peut pas être protégé par sa recette767. En conséquence, on peut se demander s’il est possible de faire un parallèle entre la partition d’un morceau de musique et la recette.

758 Kummer,op. cit., p. 56.

759 Kummer,op. cit., p. 56.

760 Kummer,op. cit., p. 57.

761 Kummer,op. cit., p. 57.

762 Kummer,op. cit., p. 57, 198 et ss, 206.

763 Kummer,op. cit., p. 57.

764 Kummer,op. cit., p. 57.

765 Kummer,op. cit., p. 57.

766 Dessemontet,Le droit d’auteur,op. cit., n° 81, p. 55.

767 Dessemontet,Le droit d’auteur,op. cit., n° 81, p. 55.

1.6.3. La recette d’un parfum est-elle comparable à la partition d’un morceau de musique ?

368. La partition constitue le support matériel qui permet de décrire le morceau de musique. Ce dernier est protégé, car il constitue lui-même une œuvre, mais non pas du fait qu’il est le produit d’une partition768. Un mor-ceau de musique sans partition écrite est protégeable par le droit d’auteur, de même que l’existence d’une partition permet de protéger le morceau de musique qu’elle représente.

369. Dessemontet souligne à propos de l’œuvre musicale et du parfum, qu’« […] on protège en effet la partition et l’œuvre comme événement sonore, tandis qu’on ne protège que l’exposé de la recette mais non le plat ou le par-fum comme événements gustatifs ou olfactifs »769. Lors de l’analyse de l’arrêt

«Mugler», ci-après, nous verrons qu’en France le Tribunal du commerce de Paris a cependant comparé la formule du parfum à la partition d’un morceau de musique770.

370. De l’avis de Dessemontet, cette dissymétrie s’explique par un « effet de système ». Dès lors que certains produits industriels sont protégés par le droit des brevets d’invention, le droit d’auteur ne saurait mettre en cause ce système, nous enseigne-t-il771. En droit des brevets d’invention, nous avons constaté que le jus du parfum, représenté par une formule chimique ou une recette, n’est susceptible d’être protégé par la LBI que s’il donne une solution non-évidente à un problème de nature technique. Dans l’hypothèse d’une double protection, cette explication de la systématique entre la LBI et la LDA pourrait être admise.

371. Cela étant, quand bien même une formule ou une recette, exprimées dans un texte littéraire, devaient permettre de conférer une protection au parfum par le droit d’auteur, en tant que réalisation concrète perceptible par l’odorat, on observera que l’intérêt pratique d’une telle protection n’est pas certain, à l’inverse de la partition du morceau de musique. En cas de contrefa-çon Pamoukdjian souligne en effet que cela obligerait, à l’instar du droit des brevets d’inventions, à comparer les formules772.

768 Dubarry,op. cit., p. 26 : « […] un morceau de musique est retranscrit sur une partition et pourtant la protection porte sur le morceau lui-même, les notes, et non sur la partition, support papier. »

769 Dessemontet,Le droit d’auteur,op. cit., n° 81, p. 55.

770 Arrêt «Mugler», RIPIA 2000/200, p. 76 ; cf. aussi L’Oréal SA, Lancôme Parfums et Beauté & Cie SNC, Prestige et Collections Internationale SNC, Parfums Cacharel SNC, Parfums Ralph Lauren SNC et Parfums Guy Laroche SAS c/ Bellure NV, Tribunal de grande instance de Paris, du 26 mai 2004, (ci-après arrêt «L’Oréal I»), Dalloz Affaires 2004/36, p. 2641.

771 Dessemontet,Le droit d’auteur,op. cit., n° 81, p. 55, 56.

772 Pamoukdjian,op. cit., p. 215, 216 ; dans le même sens Laligant,Des œuvres aux marches du droit d’auteur,op. cit., p. 110.

Section 2 – L’opposition entre la forme et les idées

Chapitre 3 – La protection du parfum par le droit d’auteur

372. Or, le droit d’auteur permet justement d’éviter cette comparaison, dont nous avons pu constater, dans le cadre du chapitre consacré aux brevets d’invention, qu’elle n’est pas aisée773. Il s’ensuit qu’il convient de s’en tenir à notre conclusion précédente, selon laquelle la recette du parfum, exprimée par un texte, n’est pas protégeable.

373. A propos du droit français, Laligant admet avec raison que, sur les deux protections possibles au sens du droit d’auteur, on ne peut en retenir qu’une seule, « […] celle relative au parfum considéré comme une œuvre ‹ ar-tistique ›, et plus précisément comme un ensemble de formes olfactives »774. En conséquence, du point de vue pratique, il est essentiel de relever que pour bé-néficier du droit d’auteur, le créateur-parfumeur doit confectionner le parfum en tant que tel, soit la forme olfactive. Il ne peut pas se contenter d’une simple recette, exprimée par un texte littéraire ou par une formule chimique775.

Conclusions sur la forme protégeable

374. Au terme de l’étude sur la forme protégeable, nous avons constaté que la dichotomie entre la forme, l’« idée exprimée » et le « contenu » présente beaucoup de difficultés. La distinction, entre la « forme interne » et la « forme externe », a l’avantage de permettre de soutenir le principe général de la li-berté des idées en droit d’auteur, dans la mesure où le terme « contenu » fait référence à la « forme interne ».

375. Dans le cas du parfum, la « forme interne », sa structure est composée des « notes de tête », des « notes de cœur » et des « notes de fond ». Le thème du parfum n’est pas protégeable, car il constitue une « idée abstraite ». En re-vanche, à partir du moment où il est concrètement exprimé, notamment par les « notes de cœur », il peut être appréhendé par le droit d’auteur sous la

« forme externe » ou la « forme interne ». Si la « forme interne » du parfum peut théoriquement être déterminée, en pratique cela paraît cependant bien plus délicat.

376. La « forme externe » du parfum est constituée par sa forme olfactive, composée des trois notes précitées, directement perceptible par le sens de l’odorat. Nous avons par ailleurs observé que la « forme externe », envisagée

773 Pamoukdjian,op. cit., p. 216 ; cf. aussi Glemas,op. cit., p. 39 ; arrêt «Mugler», RIPIA 2000/200, p. 83 : « Que l’existence de différentes formules ne permet pas nécessairement de conclure à l’existence de différences importantes dans les fragrances. »

774 Laligant,Des œuvres aux marches du droit d’auteur,op. cit., p. 110 ; Laligant,Problématique de la protection du parfum,op. cit., p. 600, 601 ; dans le même sens Galloux,op. cit., p. 2643 ; Sirinelli,Protection,op. cit., p. 908, 909 ; Balana,op. cit., p. 260 : « […] c’est le message olfactif qui doit être protégé (et non pas la formule ou la composition du parfum) […]. »

775 Leger,op. cit., p. 123, estime que le parfum sera protégé par le droit d’auteur à condition que le parfumeur ait commencé à élaborer la forme olfactive de son parfum.

comme une formule chimique ou une recette exprimée par un texte littéraire, ne permet pas de protéger le parfum en tant que réalisation concrète percep-tible par l’odorat.

377. Avant de nous intéresser au caractère individuel du parfum (sec-tion 3), il s’agira de déterminer sur quels éléments de l’œuvre ce caractère peut porter. Si l’on veut rester cohérent, la réponse dépend entièrement de la question de savoir si l’on admet ou non la protection des idées en droit d’auteur. En effet, l’individualité ne peut porter que sur un élément proté-geable776. Par conséquent, nous devons nous prononcer sur le problème des éléments sur lesquels porte le caractère individuel.

§ 2. Eléments sur lesquels doit porter le caractère individuel

378. Pour Cherpillod, le caractère individuel peut concerner toute la créa-tion, tant la forme que les idées777. Perret estime en revanche que, dans la mesure où l’œuvre est une expression, seuls les éléments formants, la « forme externe » ou la « forme interne », peuvent entrer en considération. En d’autres termes, il s’agit des éléments qui présentent un caractère représentatif de l’œuvre778.

379. Le raisonnement de Dessemontet est plus complexe. Il cite le Tribu-nal fédéral en soutenant que la simple idée n’est pas protégeable, tandis que la seule forme d’une œuvre l’est779. En outre, il relève « […] qu’une œuvre peut être caractéristique en raison de ses expressions ou en raison des idées expri-mées780». A cet égard, on peut relever que le Tribunal fédéral a en effet jugé encore récemment, dans l’arrêt «Wachmann Meili II», que le droit d’auteur protège un résultat qui doit être considéré pour lui-même, soit l’expression d’une pensée extériorisée avec un caractère individuel781.

380. Dans l’exposé de Dessemontet, on peut se demander ce qu’il entend par idée exprimée : se réfère-t-il au « contenu » ou à la « forme interne » ? La

776 Perret,L’autonomie du régime,op. cit., p. 152 ; Gaide,op. cit., p. 35 ; Rauber,op. cit., p. 92.

777 Cherpillod,L’objet du droit d’auteur, op. cit., p. 136.

778 Perret,L’autonomie du régime,op. cit., p. 149 ; cf. Reinhart,op. cit., p. 78 : « Das für die Abgren-zung der BenuAbgren-zungsformen entscheidende Element ist die Individualität. […] Entscheidend für die Beschreibung dieser Individualität ist ihre konkrete Form. »

779 Dessemontet,La propriété intellectuelle,op. cit., n° 53, p. 49 ; arrêt «thèse de doctorat», ATF 113 II 306, JdT 1988 I 304 et ss.

780 Dessemontet,La propriété intellectuelle,op. cit., n° 62, p. 53.

781 Arrêt «Wachmann Meili II», ATF 130 III 714, 717 ; dans l’arrêt «Clown», sic ! 1999/2, p. 119, 121, le Tribunal fédéral définit l’œuvre protégée comme « […] le résultat d’une création de l’esprit mar-quée d’un cachet individuel ou l’expression d’une idée nouvelle et originale » ; cf. aussi arrêt «Le Corbusier», ATF 113 II 190, JdT 1988 I 300, 302.

Section 2 – L’opposition entre la forme et les idées

Chapitre 3 – La protection du parfum par le droit d’auteur

cohérence voudrait qu’il s’agisse plutôt de la « forme interne ». En effet, si

cohérence voudrait qu’il s’agisse plutôt de la « forme interne ». En effet, si