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La formule du jus du parfum : la recette et la formule chimique

Considérations méta-juridiques sur les créations de la parfumerie

Section 7. La formule du jus du parfum : la recette et la formule chimique

50. La formule du jus du parfum est bien évidemment un secret que les parfumeurs ont depuis toujours gardé à l’abri des regards128. Il est essentiel de relever que la formule du parfum peut avoir deux aspects bien distincts.

La formule du parfum peut être présentée sous forme de recette, exprimée par un texte littéraire, qui indique les différents composants, leur quantité et

122 Jellinek,op. cit., p. 75 et s.

123 Barbet et al., op. cit., p. 155, 160.

124 Roudnitska,op. cit., p. 96.

125 Barbet Et Al., op. cit., p. 43.

126 Roudnitska,op. cit., p. 96, 97.

127 Jellinek,op. cit., p. 30 et ss ; Laszlo / Rivière,op. cit., p. 61.

128 Barille / Laroze,op. cit., p. 45 ; Galloux,op. cit., p. 2645.

Section 6 – Comment faut-il goûter un parfum ?

Chapitre 1 – Considérations méta-juridiques sur les créations de la parfumerie

leur préparation. Cette manière de présenter, a notamment été utilisée pour les premiers dépôts de brevet en France, comme le n° 435 du 29 janvier 1811 :

« Pour une eau propre à la toilette, appelée eau de Cologne, Au sieur Suireau Durochereau aîné, à Paris.

Recette.

Esprit 3/6 blanc fin sans goût 7 litres Essence.

Portugal I once. 3 gros.

Bergamote I 5

Citron au zeste I "

Néroli fin I 2

Néroli petits grains I 4

Romarin I "

Lavande I "

Eaux.

De rose I 6

De jasmin I 5

De fleur d’orange I 7

Bien mélanger le tout et l’agiter, passer deux fois au filtrage de quatre pa-piers, et laisser reposer quinze jours ; ensuite soumettre deux fois le tout à la distillation, et laisser dix-huit mois en flacon dans un endroit tempéré.

Cette eau portera trente à trente trois degrés, et se trouvera dans sa dernière perfection, par la suavité de son odeur129. »

51. L’indication de la provenance des produits utilisés, élément qui n’est pas indiqué sur ce brevet, permettrait une reproduction fidèle du parfum.

La provenance et la qualité des produits employés peuvent en effet avoir une incidence sur le parfum reproduit. Si ces indications ne figurent pas sur la formule, la fragrance reconstituée peut s’avérer fort différente de celle d’origine130.

52. La composition chimique proprement dite des molécules qui com-posent le parfum, des matières premières, constitue l’autre façon de représen-ter la formule de celui-ci131. Elle peut se faire sous forme de dessin des liaisons chimiques ou de description verbale équivalente des composants. Par exem-ple le « (-)-(S)-1,4-dyméthyl-3-cyclohexène-1-carboxylate de méthyle »132 ou les

129 Cf. Leger, Marie-Christine, La protection du parfum, Mémoire D.E.S.S. (C.E.I.P.I.), Strasbourg 1990 (disponible à la bibliothèque de l’OMPI), exemples de brevets reproduits dans l’annexe de ce mémoire.

130 Leger,op. cit., p. 15, 16, 66.

131 Galloux,op. cit., p. 2642, relève que la composition chimique est le « support » de la forme ol-factive, tandis que la formule en constitue la « description ».

132 Tiré de la description du brevet CH 680 853 A5, délivré à Firmenich SA le 30.11.1992, p. 2.

composés de formule « tricyclo[6.2.202.7]dodéc-9-én-3-one et acétate 3-méthy letricyclo[6.2.202.7]dodéc-9-én-3-yle » servent d’ingrédients parfumants133. De même, la composition qui contient un mélange de « (9E)-undecenonitrile » de

« (9Z)-undecenonitrile » et de « 10-undecenonitrile » peut être combinée avec d’autres ingrédients parfumants134.

53. On doit cependant se demander si la formule chimique permet de reconstituer le jus du parfum. Selon Pamoukdjian : « Un parfum ne peut être défini par sa formule chimique (il ne s’agit pas d’un produit chimique dé-fini)135. » Pour Baumann au contraire, à l’instar d’autres produits de l’indus-trie chimique, il existe aujourd’hui pour les parfums des formules tout aussi exactes136. Il est vrai que la thèse de Pamoukdjian date de 1982, tandis que Baumann a écrit son article en 1993, ce qui peut expliquer la différence entre ces deux opinions.

54. Dans la pratique, il semble que la composition de la plupart des par-fums actuels est effectivement déterminée avec des ingrédients bien définis.

Toutefois, dans la mesure où il est fait usage d’essences naturelles en grande quantité, déterminer la composition exacte du parfum devient plus difficile.

Par conséquent, on ne peut pas exclure que certaines molécules desdites es-sences ne soient pas encore identifiées. En revanche, définir la composition chimique des produits de synthèse ne pose aucune difficulté.

55. Certains auteurs estiment que les formules de parfum sont rarement brevetées, afin d’éviter de les divulguer137. Cet avis ne fait cependant pas l’unanimité. Il est notamment contesté par Barbet et al :

« L’importance du secret a souvent servi à justifier l’absence de recours au brevet. Cette explication est toutefois fallacieuse. La composition n’est géné-ralement pas brevetée, non pour éviter la divulgation qui intervient néces-sairement par la publication du brevet, mais parce que la formule ne répond pas aux critères de brevetabilité.138»

56. Il conviendra de vérifier cette affirmation dans le chapitre consacré au droit des brevets d’invention. On peut néanmoins d’ores et déjà relever que si la formule indiquée sur un brevet ne permet pas de reproduire le par-fum, le brevet ne saurait être valable. En outre, la formule n’est pas le seul moyen de reproduire un parfum.

133 Tiré de l’abrégé du brevet CH 689 624 A5, délivré à Firmenich SA le 15.07.1999, p. 1.

134 Tiré de l’abrégé de la demande de brevet EP 1 174 116 A1, déposée le 21.07.2000 par Givaudan SA, p. 1.

135 Pamoukdjian,op. cit., p. 200.

136 Baumann,op. cit., p. 414.

137 Laszlo / Rivière,op. cit., p. 87 ; Baumann,op. cit., p. 414.

138 Barbet et al., op. cit., p. 257.

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