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La non-évidence de la formule chimique d’un produit odorant ou d’un mélange de produits odorants

Conclusions sur l’objet de la protection

Section 2. La nouveauté objective et la non-évidence

2.5. La non-évidence de la formule chimique d’un produit odorant ou d’un mélange de produits odorants

2.5.1. Le brevet CH 689 624 A5

182. Intitulé « Composés polycycliques et leur utilisation en tant qu’ingré-dients parfumants », le brevet CH 689 624 A5 concerne notamment un pro-duit, dont la structure et le procédé d’obtention existaient dans l’état de la technique au moment du dépôt. Aucune utilité pratique n’était cependant connue pour ce produit427. L’invention décrit le produit précité pour une utili-sation dans le domaine de la parfumerie : « Nous avons découvert que, de fa-çon surprenante, la tricyclo[6.2.2.02.7]dodéc-9-én-3-one sert à développer une note aromatique et fruitée avec une sous-note verte. Son caractère évoque la myrte et l’armoise avec son côté franchement thuyonique. Elle possède égale-ment un caractère floral de type géranium428. »

183. Par ailleurs, on notera que le brevet CH 689 624 A5 revendique un composé, de structure nouvelle, qui était inconnu de l’homme du métier au moment du dépôt :

« L’acétate 3-méthyletricyclo[6.2.2.02.7]dodéc-9-én-3-yle présente, quant à lui, le caractère ambré propre à la note de tête de l’ambre gris, sans posséder son caractère marin. Cette note le distingue de son homologue inférieur, le-quel présente un aspect beaucoup plus chimique, presque benzoïque dans la direction de l’Ylang. Il s’est avéré en pratique que l’emploi de l’acétate de l’invention permet de compléter de façon harmonieuse l’effet conféré par l’Ambrox (marque enregistrée de Firmenich), en donnant aux compositions dans lesquelles les deux ingrédients sont incorporés une note de tête dis-tincte qui amplifie la note de fond propre à l’Ambrox429. »

184. Ce brevet nous donne dès lors un double exemple des possibilités d’argumenter en faveur de l’activité inventive. D’une part, il est possible de soutenir que l’invention consiste en un produit odorant nouveau qui pos-sède des propriétés particulières. D’autre part, on peut invoquer que le pro-duit chimique était certes connu de l’homme du métier, mais qu’au regard de l’état de la technique, ses propriétés olfactives sont non-évidentes pour ce dernier.

185. On précisera que pour se déterminer sur la non-évidence d’un brevet, il est nécessaire d’examiner l’ensemble des revendications, si possible avec l’aide d’un expert. Par ailleurs, selon l’article 87 al. 2 LBI, on relèvera que, pour les demandes de brevets en Suisse, il existait un examen de la nouveauté et de la non-évidence. Cet examen préalable était limité à deux domaines :

427 Brevet CH 689 624 A5, délivré à Firmenich SA le 15.07.1999, p. 2.

428 Brevet CH 689 624 A5, délivré à Firmenich SA le 15.07.1999, p. 2.

429 Brevet CH 689 624 A5, délivré à Firmenich SA le 15.07.1999, p. 2, 7.

la mesure du temps et l’amélioration des fibres textiles. Désormais, les de-mandes de brevets en Suisse ne font plus l’objet d’un examen matériel430. 2.5.2. Le brevet CH 689 372 A5

186. Un autre brevet suisse (CH 689 372 A5), intitulé « Aldéhyde araky-lique et son utilisation en tant qu’ingrédient parfumant », porte aussi sur une structure connue431. Au moment du dépôt, le « 2-(4-isobutyl-1-phényl)-propa-nal » était disponible sur le marché et pouvait être obtenu par des procédés connus432. L’invention décrit cependant une utilisation dans le domaine de la parfumerie comme suit :

« Il possède en effet un caractère hespéridé, vert qui rappelle les qualités ol-factives de la limette et de la verveine, agrémenté d’un côté aldéhydé-mu-guet. Son élégance et sa diffusion en font un co-ingrédient très intéressant dans de nombreuses compositions parfumantes et bases concentrées. Bien qu’il soit chimiquement apparenté de par sa structure à des composés odo-rants connus, tel que le Lilial® (marque enregistrée par Givaudan) ou de l’al-déhyde homocyclamen, nous avons découvert de façon surprenante que ses propriétés se distinguaient de celles développées par ces derniers composés par un caractère original de type hespéridé et herbacé. Son emploi est donc distinct de celui des composés mentionnés qu’il ne saurait remplacer433. » 187. A l’instar du produit décrit dans le premier brevet, mentionné ci-des-sus, l’argumentation développée à propos de l’activité inventive consiste à soutenir, au regard de l’état de la technique au moment du dépôt, que l’uti-lisation du « 2-(4-isobutyl-1-phényl)-propanal » dans le domaine de la parfu-merie n’était pas évidente pour l’homme du métier.

2.5.3. Le brevet US 6 774 260 B2

188. Aux Etats-Unis, le brevet US 6 774 260 B2, intitulé «Fruity musk compo-sitions», divulgue des esters en tant qu’ingrédients parfumants qui n’étaient pas connus dans l’état de la technique434. La description du brevet explique que l’inventeur a découvert que ces composés ont une note fruitée et musc et qu’ils peuvent être utilisés comme produits de base pour des parfums, en conférant des caractéristiques fraîches, dynamiques et résistantes435. Là en-core, ce brevet nous donne un exemple d’activité inventive qui provient d’un produit odorant nouveau et avec des propriétés particulières.

430 Dessemontet,La propriété intellectuelle,op. cit., n° 231, p. 129.

431 Brevet CH 689 372 A5, délivré à Firmenich SA le 31.03.1999, p. 1, 2.

432 Brevet CH 689 372 A5, délivré à Firmenich SA le 31.03.1999, p. 2.

433 Brevet CH 689 372 A5, délivré à Firmenich SA le 31.03.1999, p. 3.

434 Brevet US 6 774 260 B2, délivré à International Flavors & Fragrances Inc., le 10.08.2004, abrégé, p. 1.

435 Brevet US 6 774 260 B2, délivré à International Flavors & Fragrances Inc., le 10.08.2004, p. 2.

Section 2 – La nouveauté objective et la non-évidence

Chapitre 2 – La protection du parfum par le droit des brevets d’invention

2.5.4. Le brevet US 6 297 211 B1

189. Toujours aux Etats-Unis, le brevet US 6 297 211 B1 s’intitule : «odorant compositions»436. L’invention comprend les isomères « (6E)- et (6Z) de 3,6-di-methyloct-6-en-1-ols et 6-ethyl-3-3,6-di-methyloct-6-en-1-ols » et leurs mélanges.

Ces derniers sont cependant libérés de leurs isomères correspondant avec double lien « oct-5-ene »437. La description de ce brevet mentionne d’autres composés qui permettent d’obtenir une fragrance très proche de celle du muguet438. Ces produits ont cependant en commun un groupe aldéhyde qui confère une instabilité du composé en cas d’oxydation ou dans un milieu alcalin439.

190. Par ailleurs, l’état de la technique comporte des alcools sans fonction aldéhyde. Ces derniers n’ont toutefois pas la qualité naturelle et la force des aldéhydes mentionnés précédemment440. Enfin, il est fait état d’un composé divulgué dans le brevet GB 1 167 776, qui a une odeur de muguet et de rose.

En parallèle, il contient cependant une note moisie désagréable441.

191. L’invention décrite dans le brevet US 6 297 211 B1 révèle, de manière surprenante, que cette note désagréable est due au « oct-5-en-1-ols 6-ethyl-3-methyloct-5-en-1-ol » et « 5E/Z)-3,6-dymethyloct-5-en-1-ol ». Bien plus, elle précise qu’en l’absence d’un de ces composés, on obtient des mélanges qui n’ont pas les désavantages précités442.

192. Le problème technique, résolu par ce brevet, était de trouver une fra-grance proche de celle du muguet naturel, sans comporter les désavantages des produits existant dans l’état de la technique. La solution consiste à retirer les composés, qui confèrent à un produit existant dans l’état de la technique une odeur moisie. Elle n’était pas évidente pour l’homme du métier. Il s’en-suit que l’activité inventive est justifiée. En identifiant le composé responsable de l’odeur moisie qui peut être retiré, ce brevet permet de surmonter une difficulté de nature technique.

2.5.5. Le brevet EP 1 051 148 B1

193. Dans le cadre de la Convention de Munich, le brevet EP 1 051 148 B1 s’intitule « Composition parfumante transparente »443. Selon la description de

436 Brevet US 6 297 211 B1, délivré à Givaudan Roure (International) SA le 2.10.2001, p. 1.

437 Brevet US 6 297 211 B1, délivré à Givaudan Roure (International) SA le 2.10.2001, abrégé p. 1.

438 Brevet US 6 297 211 B1, délivré à Givaudan Roure (International) SA le 2.10.2001, p. 2.

439 Brevet US 6 297 211 B1, délivré à Givaudan Roure (International) SA le 2.10.2001, p. 2.

440 Brevet US 6 297 211 B1, délivré à Givaudan Roure (International) SA le 2.10.2001, p. 2.

441 Brevet US 6 297 211 B1, délivré à Givaudan Roure (International) SA le 2.10.2001, p. 2.

442 Brevet US 6 297 211 B1, délivré à Givaudan Roure (International) SA le 2.10.2001, p. 2.

443 Brevet EP 1 051 148 B1, délivré à Firmenich SA le 30.06.2004, p. 1.

ce brevet, les compositions transparentes existent dans l’état de la technique, en particulier sous forme de microémulsions. Ces dernières contiennent néanmoins de grandes quantités d’agents tensioactifs par rapport à la quan-tité d’ingrédients parfumants à intégrer444. Un autre type de compositions transparentes, sous forme de nanoémulsions, se trouve également dans l’état de la technique. Ces compositions comprennent de moins grandes quantités d’agents tensioactifs, mais leur procédé de préparation est difficile et délicat.

194. Quant aux émulsions décrites comme classiques, elles sont trop vis-queuses. Le brevet EP 1 051 148 B1 permet de résoudre « […] les différents problèmes rencontrés dans l’art antérieur au moyen d’une composition par-fumante essentiellement dépourvue de solvants organiques volatiles ou VOC définis par l’E.P.A (Environmental Protection Agency), en particulier une composition dépourvue d’éthanol, et transparente »445.

195. Ce brevet donne encore un exemple de problème, au regard de l’état de la technique en matière de parfumerie, pour lequel l’invention offre une solution qui n’était pas évidente pour l’homme du métier. En supprimant les difficultés techniques, connues par l’homme du métier dans la fabrication des compositions transparentes, l’inventeur ne se contente pas d’un apport esthétique. L’activité inventive porte en effet sur un problème technique, ce qui justifie la protection par un brevet d’invention.

2.5.6. Le brevet EP 0 876 325 B1

196. Pour terminer, on citera le brevet EP 0 876 325 B1, dont le titre est reproduit comme suit : « Procédé d’obtention de compositions parfumantes et de produits parfumés et produits ainsi obtenus »446. Dans ce brevet, l’in-vention ne vise pas seulement un ester d’un acide alkylsalicylique de formule déterminée, mais également un procédé :

« Plus spécifiquement, la présente invention a pour objet un procédé pour l’obtention de compositions parfumantes, de substances et produits parfu-més destinés à la parfumerie caractérisé par le fait que l’on ajoute aux consti-tuants usuels de ces compositions, substances et produits finis, une quantité efficace d’un ester d’un acide alkylsalicylique447. »

197. Ce brevet protège donc un procédé qui permet d’obtenir un mélange de produits odorants. L’intérêt de ce dernier brevet est de démontrer que, contrairement à ce qu’on pourrait croire, il existe des difficultés de nature technique dans le procédé. Bien davantage, il est possible de trouver des so-lutions non-évidentes à ce genre de problèmes.

444 Brevet EP 1 051 148 B1, délivré à Firmenich SA le 30.06.2004, p. 2.

445 Brevet EP 1 051 148 B1, délivré à Firmenich SA le 30.06.2004, p. 2.

446 Brevet EP 0876 325 B1, délivré à Rhodia Chimie le 09.01.2002, p. 1.

447 Brevet EP 0876 325 B1, délivré à Rhodia Chimie le 09.01.2002, p. 2.

Section 2 – La nouveauté objective et la non-évidence

Chapitre 2 – La protection du parfum par le droit des brevets d’invention

Conclusions sur la non-évidence de la formule chimique d’un produit odorant ou d’un mélange de produits odorants

198. La non-évidence pour un produit odorant ou un mélange de produits odorants peut ainsi être classée en plusieurs catégories. La principale consiste en un produit ou un mélange nouveau avec des propriétés particulières. On trouve ensuite les produits ou mélanges connus, mais dont l’usage n’avait pas été révélé en matière de parfumerie. Enfin, il existe des procédés particuliers ou des problèmes techniques spécifiques à la parfumerie que l’inventeur a réussi à résoudre, d’une manière non-évidente pour l’homme du métier.

199. Après cet examen de la formule chimique d’un produit odorant ou d’un mélange de produits odorants, se pose la question de savoir s’il en est de même pour l’analyse du jus du parfum représenté par sa recette ou sa formule chimique.