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Quelques résultats empiriques

Conclusion du chapitre

Chapitre 3 : Pratiques et logiques de l’épargne collective

1. Caractéristiques et rôles des associations de migrants

1.2 Quelques résultats empiriques

Les associations rencontrées sont à dominante sénégalaise. Cependant la proportion d’associations sénégalaises (37,5 %) est très légèrement supérieure à celle des associations maliennes (35 %). La présence d’associations mixtes regroupant des immigrés africains, en particulier des Maliens et des Sénégalais, est aussi importante. Les associations mixtes représentent 27,5 % de l’échantillon total.

Le mouvement associatif intéresse plus de la moitié des immigrés maliens et sénégalais. La multiplicité et la diversité des structures associatives immigrées témoignent de cet engouement. Ainsi, les immigrés sont nombreux à militer dans les associations, en particulier les associations d’immigrés. Ils sont 16 % à être membres dans deux associations et 7 % dans trois associations différentes. Le nombre moyen d’associations dont sont membres les immigrés maliens et sénégalais est de deux.

La date de création des associations de migrants est très variable. L’étendue, différence entre la date de création de l’association doyenne et celle de la plus récente, est de 28 années. La proportion d’associations ayant moins de sept ans d’existence est de 52,5 % et celle des associations de plus de vingt-cinq ans est de 2,5 % seulement.

Si l’on réduit le nombre des modalités de moitié, on s’aperçoit que les trois quarts des associations de migrants ont moins de dix ans d’existence et 15 % entre dix et vingt ans. Les associations de migrants notamment maliens et sénégalais sont relativement jeunes. La décennie 1990 correspond ainsi à l’apogée du mouvement associatif immigré, du moins si l’on se focalise uniquement du point de vue du nombre d’associations qui y ont vu le jour.

Les raisons d’être des associations de migrants, selon les responsables, sont très diverses mais n’ont pas toutes la même importance. Ainsi, l’entraide et l’aide au développement du village d’origine ou d’un ensemble de villages du pays d’origine sont les objectifs les plus privilégiés et les plus fréquents. Plus de 90 % des associations de migrants font de l’entraide et du développement des villages leur cheval de bataille et leur principale priorité.

La prépondérance de l’aide au développement des villages des pays d’origine dans les préoccupations des associations de migrants se vérifie au niveau des proportions de fréquence. En effet, plus de 55 % des associations s’assignent comme objectif majeur le développement des villages d’origine. Cependant, l’intégration fait aussi partie des soucis de près 9 % des associations de migrants. L’appui au développement des localités d’origine (37 %), villages ou ensemble de villages, l’entraide (23 %) et la recherche de partenaires pour la réalisation de projets sont les principaux services offerts par les associations de migrants à leurs membres.

Les immigrés maliens et sénégalais citent d’abord l’entraide, puis l’aide au développement et enfin les retrouvailles pour justifier leur appartenance à une association immigrée. Cependant, en termes de fréquence, c’est l’aide au développement qui est la première raison (31 %), suivie de l’entraide (29 %) et des retrouvailles (24 %). Cela montre que les immigrés sont soucieux des conditions de vie dans leur pays d’origine. Cette implication dans le milieu associatif leur permet de contribuer, à travers des actions diverses et variées, au développement économique et social de leur pays d’origine. C’est ce que nous avons appelé par ailleurs la participation consciente au développement295.

Les associations immigrées ne reçoivent que très rarement des subventions de la part des autorités publiques françaises. En effet, près du tiers des associations bénéficie de subventions financières alors que la plus grande majorité ne compte que sur les cotisations et les dons des membres mais aussi et surtout sur les recettes financières issues de l’organisation de manifestations diverses et variées à dominante principalement culturelle.

Les membres des associations de migrants sont le plus souvent originaires du même pays. Plus de 35 % des associations regroupent des migrants de même origine nationale. Le poids des associations villageoises est aussi sans conteste très important (32 %). Cette importance explique le privilège et la prééminence des actions de développement dans les priorités des migrants originaires du même village. La proportion d’associations franco-africaines est également élevée (28 %).

Par ailleurs, les associations de migrants dont l’adhésion repose sur l’origine ethnique sont très rares (4 %) et celles qui se fondent sur l’appartenance à une même confrérie religieuse sont quasiment inexistantes. L’absence des associations religieuses dans l’échantillon ne signifie guère leur inexistence mais elle constitue un indice de leur rareté relative par rapport aux autres types d’associations de migrants296.

Le nombre moyen de membres des associations de migrants dépasse la centaine de personnes. Les associations de moins de 50 personnes (32,5 %) et celles de plus de 150 personnes (30 %) sont les plus fréquentes. Leurs proportions sont très voisines avec un faible écart de 2,5 points. Le montant de la cotisation des adhérents d’associations de migrants se situe dans une fourchette très large. Les montants de cotisation minimum et maximum sont respectivement de 10 et 300 francs. Le montant moyen des cotisations s’établit à 79 francs avec tout de même un montant de cotisation inférieur à 58 francs pour plus des deux tiers des associations de migrants.

Cependant pour près du tiers des associations de migrants, le montant de participation des membres excède 100 francs. La fréquence des cotisations est pour plus des deux tiers des associations de migrants le mois. L’autre

295 Voir S. A. Dieng (1997), op. cit.

296 Les associations islamiques ou musulmanes en France, estimées entre mille et mille deux cents, se caractérisent par leur diversité tant en ce qui concerne le statut socioprofessionnel des membres que de leur origine ethnique, communautaire et nationale. Le principal objectif de ces associations est la promotion de la solidarité entre frères musulmans. Voir A. M. Diop [1994]. “ Les associations islamiques sénégalaises en France ”, Islam et Sociétés au Sud du Sahara, 8, pp. 7-15.

tiers des associations a préféré opter pour une fréquence de cotisation annuelle. La différence de cotisation annuelle des membres, dans l’un ou l’autre groupe d’associations, est globalement sans importance au regard des montants de participation retenus par les associations.

Le test statistique du Khi-2 a mis en relief deux résultats intéressants relatifs aux facteurs pouvant influer sur le montant des cotisations. D’abord, il y a une absence de lien entre la nationalité et le montant de la cotisation des associations de migrants. Le montant des cotisations est très variable pour l’ensemble des associations de migrants et ce quelle que soit la nationalité d’origine des membres. Cependant nous remarquons que la proportion d’associations maliennes qui demandent une cotisation de 50 francs ou plus est très élevée (86 %).

Les associations exigeant une cotisation inférieure à 50 francs sont le plus souvent des associations sénégalaises.

Ensuite, la dépendance entre l’objectif que se sont assignées les associations de migrants et le montant de la cotisation qu’elles exigent à leurs membres n’est pas significative. L’absence de lien statistique entre ces deux variables n’interdit pas de souligner une remarque importante au regard des résultats obtenus au niveau des tris à plat des deux variables : le pourcentage d’associations d’entraide est plus élevé parmi toutes les associations dont la cotisation est inférieure à 50 francs. Aussi, pour les cotisations d’au moins 150 francs, les associations d’aide au développement de villages ont la proportion de fréquence la plus importante.

Les premiers projets réalisés par les associations de migrants sont marqués par leur extrême diversité.

L’importance de la modalité Autres (39 %), qui regroupe plusieurs types de projets de nature très différente, témoigne de cette grande diversité. Les projets les plus fréquemment réalisés par les associations de migrants sont cependant les infrastructures scolaires et sanitaires – écoles(18 %) et centres de santé primaires ou secondaires (13 %), les forages (8 %) et les coopératives (8 %).

Les constructions de tronçons de routes et de mosquées ont la même proportion de fréquence (5 %). La réalisation de routes par les associations permet de désenclaver les villages très isolés et d’accroître la mobilité des villageois. La facilité d’accès aux villages les plus reculés peut contribuer au développement des activités et des échanges économiques inter-villageois mais aussi entre les villages et les villes environnantes.

Les derniers projets réalisés par les associations de migrants sont essentiellement les adductions d’eau (22 %), les écoles (19 %) et les centres sanitaires. La création de forages est indispensable pour lutter contre les carences d’alimentation en eau. Les forages sont ainsi un moyen d’obtenir un meilleur approvisionnement tant quantitatif que qualitatif en eau. Ce qui justifie l’importance de la fréquence des projets d’adduction d’eau et de forages. On retrouve ici la priorité accordée à la réalisation d’infrastructures de base nécessaires au bien être des populations villageoises.

Les deux tiers des derniers projets réalisés par les migrants au travers de leurs structures associatives ont individuellement coûté moins de 50 000 francs. Le montant du financement se situe pour 15 % des projets réalisés entre 50 000 et 100 000 francs et dépasse 300 000 francs pour 6 % des projets. Le montant moyen des financements étant de 287 963 francs, seuls 6 % des projets réalisés dépassent cette somme.

Cette situation s’explique par l’importance de l’étendue, différence entre le financement le plus élevé et celui le moins coûteux, qui s’élève à plus de 1 500 000 francs. Le montant élevé de l’écart type, environ 400 000 francs, conforte cette remarque et montre l’importance de la dispersion des montants de financement des projets autour du montant moyen de financement. La date de réalisation des derniers projets remonte très rarement avant l’année 1996. Une très grande majorité des derniers projets (82 %) sont réalisés après 1996. Les deux tiers des projets récemment réalisés l’ont été après l’année 1997.

Tous les responsables d'associations de migrants rencontrés affirment avoir ouvert un compte financier pour la structure qu’ils dirigent. Les associations de migrants sont près de 80 % à avoir un compte chèque. Une association sur cinq a préféré ouvrir un compte d'épargne sans doute pour profiter des intérêts et des avantages fiscaux que procure ce type de compte. Cependant, le type de compte ouvert par les associations de migrants est indépendant de leurs objectifs. Ainsi, il n’y a aucune correspondance spécifique entre les objectifs et les types de compte ouverts.

Les associations d’entraide et les associations d’aide au développement ont presque le même pourcentage de fréquence en ce qui concerne le type de compte ouvert. Les responsables d’associations de migrants sont également indifférents quant aux types de comptes financiers. Toutefois, nous constatons que la proportion d’associations ayant un compte chèque est trois fois plus importante que celle des associations possédant un compte épargne.

La Poste (51 %) et les Caisses d'épargne (13 %) sont les établissements financiers les plus préférés par les responsables des associations de migrants tout comme d'ailleurs les immigrés maliens et sénégalais dans leur ensemble. Cependant une diversité de banques gèrent des comptes d'associations de migrants, la Société Générale (8 %) et la BNP (5 %) étant les plus fréquemment citées.

La proximité (48 %) et la pratique (21 %) sont les deux principales raisons évoquées par les responsables d'associations de migrants pour justifier leur choix de l'établissement financier dépositaire de leur argent. Le choix de la Poste peut se comprendre aisément dans la mesure où la Poste, bien qu’évoluant dans un secteur concurrentiel, continue d’assumer pleinement sa mission de service public297. L'importance du nombre de bureaux de Poste, leur couverture du territoire et la souplesse relative de leurs heures d'ouverture (même le samedi) sont autant de variables susceptibles d'expliquer le recours massif des migrants et de leurs associations à la Poste.

Les associations de migrants n’accordent généralement pas de prêts à leurs membres. Plus de quatre associations sur cinq ne s’adonnent pas à une activité de prêts. Les quelques rares associations qui octroient des prêts sont très spécifiques et, qui plus est, les prêts sont souvent exceptionnels et de montant relativement faible. Il s’agit dans la plupart des cas d’associations d’entraide ou d’associations d’étudiants qui aident des membres en situation de difficultés financières.

297 Voir L. Sagna (1998), op. cit.

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