• Aucun résultat trouvé

Mais les difficultés sociales persistent malgré l'application des plans d’ajustement structurels 322

financier des migrants sur le développement des pays d'origine

1. Le contexte socio-économique des pays d'origine

1.2 Mais les difficultés sociales persistent malgré l'application des plans d’ajustement structurels 322

Après les indépendances, les économies subsahariennes étaient dominées par des États omniprésents. L'État avait la mainmise sur l'ensemble des activités économiques. Cette ingérence excessive dans la sphère économique se manifestait essentiellement à travers l'importance des entreprises publiques et parapubliques et la nationalisation de fait du commerce d'exportation des produits primaires. Le poids croissant de l'État résultait du fait qu'il était à la fois le plus grand entrepreneur, producteur et consommateur. Les États assuraient, généralement en régime de monopole, la production de nombreux biens et la prestation de certains services.

La fin de l'État gestionnaire s'est révélée nécessaire en raison de l’échec des politiques de développement.

Depuis le milieu des années 70, les États ont des difficultés de trésorerie et des arriérés de paiement tant internes qu’externes. Cette situation a conduit les autorités publiques africaines et les organisations internationales à une prise de conscience générale. Sous les auspices de ces dernières, des plans d'ajustement structurels (PAS) ont été mis en œuvre par ces pays sous les directives et contrôle du Fonds Monétaire International (FMI) en collaboration avec la Banque mondiale323.

Les plans d’ajustement structurels reposent sur des fondements théoriques néoclassiques (1.2.1). Leur application a débouché sur des résultats plutôt mitigés en Afrique subsaharienne (1.2.2) et conduit à leur remise en cause. Celle-ci s'appuie sur les limites inhérentes au processus d'ajustement (1.2.3).

320 Voir International Monetary Fund (IMF) [1999]. Annual Report, Washington, IMF, 259 p, pp. 83-90.

321 Lors du sommet du G7 à Cologne en juin 1999, il a été décidé d'élargir le champ des pays éligibles à l'initiative PPTE – le nombre de pays passant de 29 à 36 – et surtout de relever le taux maximum de réduction du stock de la dette des pays concernés qui passe initialement de 80% à 90%.

322 L’intérêt de cette partie réside dans le fait que les plans d’ajustement structurels (PAS) demeurent toujours d’actualité. Pour s’en convaincre, il suffit de lire, par exemple, “ L’Afrique à la croisée des chemins ”, dossier de la Revue Finances et Développement du mois de mars 1999, publiée par le FMI.

323 La Banque mondiale collabore avec le FMI dans la mise en place des PAS mais ses interventions sont plus sectorielles que macro-économiques. L'analyse des projets de la Banque mondiale se fonde sur une approche micro-économique de l'offre et des prix relatifs. Seuls les projets efficaces et rentables seront financés par la Banque mondiale.

1.2.1 Fondements théoriques des plans d’ajustement structurels

Les programmes d'ajustement structurels du FMI visent à éliminer les distorsions et déséquilibres économiques et financiers. La recherche de la stabilisation macro-économique se fonde sur l'élaboration de réformes structurelles inspirées des modèles de l'orthodoxie libérale. Les plans d’ajustement structurels s'appuient sur deux approches théoriques : l'approche de l'absorption et la théorie monétaire de la balance des paiements.

L'explication monétaire de la balance des paiements (R. Mundell [1968], H. G. Johnson [1972] et alii) montre que l'évolution à long terme de la balance des paiements est fonction de la situation monétaire. Elle privilégie l'impact des ajustements monétaires car tout déséquilibre extérieur est d'origine monétaire324. Le rétablissement de l'équilibre de la balance des paiements se fait par la maîtrise de l'inflation et du crédit interne. L'objectif de réduction du déficit de la balance des paiements, à travers l'accumulation de l'épargne intérieure, conduit à terme à un rééquilibre entre l'offre et la demande globale.

La théorie de l'absorption (Alexander [1952]) considère le solde de la balance des paiements comme le reflet de la différence entre les recettes totales des résidents d'un pays, excepté les autorités monétaires, et les paiements globaux. C'est donc la différence entre le revenu agrégé et la dépense globale. L'absorption est la somme non discriminée de la consommation et de l'investissement domestiques. Un déficit externe résulte d'un excès de la dépense intérieure (absorption) sur le revenu national global, et inversement pour un excédent. Pour rétablir l'équilibre d'une balance des paiements déficitaire, il faut comprimer la dépense nationale de sorte à pouvoir détourner une partie de la production vers les marchés étrangers et orienter la demande des agents vers les biens et services domestiques.

Ces deux approches différentes conduisent pourtant au même résultat : le financement monétaire du déficit budgétaire est la principale cause de déséquilibre de la balance des paiements. En somme, l'objectif des plans d’ajustement structurels est clair : libéraliser l'économie en éliminant toute rigidité et/ou restrictions réglementaires qui empêchent les mécanismes de marché de jouer pleinement leur rôle d'ajustement spontané.

C'est au début des années 80 que les premiers plans d’ajustement structurels ont été mis en place et appliqués en Afrique subsaharienne. Il est important de faire une analyse de leurs résultats.

1.2.2 Les résultats des plans d’ajustement en Afrique subsaharienne

L'ajustement en Afrique subsaharienne peut se diviser en deux grandes phases. Pendant la première, de 1980 à 1984, les mesures d'ajustement ont été nombreuses et sporadiques. La majorité des pays ont lancé plusieurs plans d’ajustement durant cette période. Il en a résulté, globalement, un ralentissement de l'inflation, une diminution du déficit moyen des transactions courantes, hors subventions et un léger redressement de l'économie. La seconde phase, de 1985 à 1992, s'est caractérisée par un renforcement des mesures structurelles sur fond de conjoncture mondiale plutôt morose. Au cours de cette période, les termes de l'échange ont connu de fortes détériorations, de quelque 40 %.

324 Pour Johnson (1972), “ tout déséquilibre de la balance des paiements est monétaire dans son essence ”. La balance des paiements est ainsi un phénomène monétaire.

La croissance économique s'est considérablement ralentie entre 1990 et 1992, environ 1 %, alors qu'elle avait atteint un taux annuel moyen de plus de 3 % entre 1986 et 1989325. Le déficit moyen du compte courant s'est sensiblement accru, passant de 7 % à 12 % en 1992. Le taux moyen d'inflation s'établissait annuellement autour de 15 %. Ces données moyennes cachent toutefois des disparités importantes entre les différents pays.

Une étude faite par la Banque mondiale sur sept pays d'Afrique subsaharienne326 révèle des résultats satisfaisants dans l'ensemble. Partout sauf en Côte d'Ivoire, le PIB par tête a augmenté durant la période d'ajustement 1986-1991. Le taux de croissance moyen des sept pays s'est établi à 4,5 % contre 1 % pendant la phase de crise (1981-86). Les meilleures performances économiques ont été réalisées au Nigeria (8 %), au Ghana (8,8 %) et en Tanzanie (4 %). Le Kenya et le Burundi, dont leur situation était assez bonne, ont conservé leur rythme de croissance. Handicapés par la surévaluation du franc CFA, la Côte d'Ivoire et le Sénégal ont enregistré de médiocres performances.

D'une manière générale, le bilan global des plans d’ajustement structurels en Afrique subsaharienne est décevant, même si on note une reprise de la croissance dans certains pays327. Ces médiocres résultats s'expliquent, selon le FMI, par la faible volonté de certains gouvernements à mettre en œuvre les réformes économiques nécessaires.

Les pays qui ont connu des améliorations significatives sont ceux qui ont persévéré dans la voie de l'ajustement.

Les entraves au processus d'ajustement ou l'incohérence et l'inefficacité des réformes menées conduisent inéluctablement à l'échec. Ainsi, J. Zulu et Saleh M. Nsouli [1984], C. Humphreys et W. Jaeger [1989], Saleh M.

Nsouli [1993] et alii ont montré l'existence d'une étroite corrélation entre l'exécution des plans d’ajustement structurels, la réalisation des objectifs de l'ajustement et la performance économique. Cependant, la fragilité et l'insuffisance de la croissance ne permettent pas de relever le défi du développement et montrent en même temps les limites des plans d’ajustement.

1.2.3 Les limites des plans d’ajustement

Contrairement à l'impression courante et aux discours du FMI et de la Banque mondiale, les plans d’ajustement structurels ne visent pas explicitement le développement économique et social de l'Afrique mais plutôt le rétablissement de la solvabilité financière des pays328. Ayant un caractère transitoire au début, les politiques

325 Ces performances économiques concernent l'Afrique subsaharienne, excepté l'Afrique du Sud, le Soudan, le Zaïre et le Nigeria.

326 Il s'agit des pays suivants : Burundi, Sénégal, Côte d'Ivoire, Ghana, Kenya, Nigeria et Tanzanie. Leurs caractéristiques et situations de départ étaient très différentes.

327 Pour les taux de croissance des pays de la Zone franc, voir Banque de France (1999), op. cit.

328 Des voix de plus en plus nombreuses réclament l’annulation pure et simple de la dette des pays en développement. Annulation qui se justifie d’autant plus que plusieurs pays ont déjà remboursé le montant initial de leurs emprunts originels. Ces pays demeurent toujours endettés du fait du système de capitalisation des arriérés de paiement. Voir N. Mansouri-Guilani [1998]. “ Pour une nouvelle régulation des relations

d'austérité imposées par les plans d’ajustement structurels perdurent encore et conduisent souvent au marasme économique.

L'objectif d'équilibre des comptes extérieur et public, par l'adoption de mesures orthodoxes – libéralisation et déréglementation de l'économie –, a abouti à une décroissance continue de la qualité et des niveaux de vie des populations, en particulier celles des plus vulnérables et généré des réactions hostiles aux plans d’ajustement structurels.

Deux principales critiques peuvent être formulées, une critique interne et une critique externe (P. Jacquemot [1983]329). La critique interne s'attelle à monter la fatalité de l'échec des plans d’ajustement structurels du fait de l'inadéquation des mesures libérales au contexte des économies subsahariennes. Le retour à l'équilibre financier est un impératif incontestable, ne serait-ce que pour éviter une situation d'endettement permanent. Mais l'application des mécanismes de marché (vérité des prix) connaît de sérieuses difficultés. En particulier, la structure des prix relatifs ne répond pas à une meilleure affectation productive des ressources financières, cela pour deux raisons essentielles :

 l'inefficacité de l'ajustement des prix domestiques à court terme et l'instabilité accrue des cours des matières premières ;

 l'inélasticité de la production agricole exportable par rapport aux prix dans le court moyen terme due a l'existence de rigidités techniques, commerciales – caractère oligopolistique des marchés mondiaux de produits de base –, financières, humaines, foncières et climatiques (instabilité pluviométrique).

Dans ce contexte, l'austérité économique contribue plus à aggraver qu'à résorber les déficits externe et interne.

La Facilité d'ajustement structurel (FAS), créée en 1986, et la FAS renforcée (FASR) (1987), aides concessionnelles aux pays en développement à faible revenu, n'ont pas non plus permis de rééquilibrer leurs balances de paiements. Trente pays africains en ont bénéficiées mais sans succès notable pour plusieurs d'entre eux. Au mois de juillet 1999, cinq pays d'Afrique occidentale, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte-d'Ivoire, le Mali et le Sénégal, étaient sous programme FASR.

La critique externe consiste à réfuter les vertus autorégulatrices du marché qui sont les soubassements théoriques des plans d’ajustement structurels. La mobilité des facteurs de production, la fluidité des échanges externes et internes, la flexibilité des prix relatifs... sont autant d'hypothèses irréalistes.

L'univers néoclassique standard élude totalement les rapports sociaux, l'inégalité des rapports de pouvoir et d'influence, les interdépendances stratégiques et l'asymétrie d'information entre les agents économiques. Il est clair que, dans cette optique libérale, les politiques d'ajustement étaient vouées à l'échec. Les résultats globaux sont, en définitive, une paupérisation croissante et une montée importante du chômage. Même dans les pays qui

internationales ”, Hommes et Migrations, n° 1214, juillet, pp. 5-16.

329 P. Jacquemot [1983]. “ Le FMI et l’Afrique Subsaharienne : une critique des politiques d’ajustement ”, Problèmes économiques, n° 1.845, pp. 13-18.

ont enregistré une croissance économique, le niveau de vie ne s'est guère amélioré ou, dans le cas contraire, il s'est fait au détriment des populations pauvres – effets négatifs de la redistribution.

C'est ainsi que la dimension sociale a été introduite dans la formulation des programmes du FMI. Le rapport de l'UNICEF330 avait préconisé six propositions, dont l'ampleur et l'interprétation varieraient d'un pays à l'autre, dont trois nous semblent très intéressantes. Il s'agit :

 des mesures relatives à l'équité et à l'efficacité dans le domaine social ;

 des programmes compensatoires afin de maintenir un niveau correct de vie, de santé et de nutrition des populations vulnérables ;

 du suivi des niveaux de vie, de santé et d'alimentation pendant la durée de l'ajustement.

Conscient du rôle moteur du social dans le développement et prenant acte des critiques et suggestions, le FMI a injecté une dose sociale dans sa politique. Aussi, cette nouvelle orientation des institutions internationales (FMI, Banque mondiale) privilégie-t-elle l'appui d'investissements dans le capital humain, les infrastructures et la mise en place d'institutions démocratiques, solides et stables. Cependant, il faut reconnaître, avec A. Huyghe-Mauro et N. Richez (1990)331, que l'intégration des réalités socioculturelles dans les programmes d'ajustement a été très superficielle. Ainsi, les plans d’ajustement structurels sont-ils toujours sujets à discussion même s'ils connaissent en permanence des évolutions332.

Actuellement, l'objectif de ces programmes demeure la poursuite des réformes structurelles déjà engagées. Il s'agit notamment de parachever les privatisations des entreprises publiques et de poursuivre les réformes fiscales.

En sus de ces deux recommandations, le Mali doit restructurer la filière coton et promouvoir l'éducation primaire et la santé333 tandis que le Sénégal doit restructurer et rétablir l'équilibre du Fonds national de Retraite et privilégier davantage l'avancement au mérite sur l'avancement à l'ancienneté dans la fonction publique334.

330 Voir Andréa G. Cornia et alii [1987]. L'ajustement à visage humain, protéger les groupes vulnérables et favoriser la croissance, Paris, Économica, 372 p.

331 A. Huyghe-Mauro et N. Richez [1990]. “ La dimension sociale dans les politiques d’ajustement structurel en Afrique subsaharienne : éléments de réflexion ”, Monde en développement, tome 18, n° 71, pp. 59-63.

332 Les populations des pays en développement, les plus démunis en particulier, peuvent-ils encore aujourd’hui croire aux politiques libérales imposées par le FMI et la Banque mondiale lorsque tout un chacun sait que leur application tant dans les pays en développement et que dans les pays développés est actuellement à l’origine de graves problèmes socio-économiques – la persistance du chômage et l’accroissement de la précarité.

333 Ces recommandations entrent dans le cadre du nouveau programme triennal soutenu par une FASR conclu en juillet 1999 entre le Mali et le FMI.

334 Il s’agit d’éléments de recommandations contenus dans le programme triennal d’ajustement structurel en cours au Sénégal, programme qui est assorti d’une FASR pour la période 1998/2000.

Documents relatifs