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Des résultats contradictoires

Relation croissante entre le salaire et la productivité

2) la technologie de production F implique que la productivité marginale du capital F K baisse à mesure que le capital augmente ;

3.2 La relation entre « capital humain » et croissance : le constat empirique

3.2.1 Des résultats contradictoires

Les méthodes empiriques utilisées aujourd’hui pour mesurer l’impact du « capital humain » sur la croissance découlent pour l’essentiel des modèles réalisés dans les années 1950 et 1960 (Kuznets 1956, Solow 1957). Deux méthodes principales sont utilisées dans les développements empiriques récents.

a) La « compatibilité de la croissance » (growth accounting)

La croissance du PIB par travailleur est décomposée en croissance de chacun des facteurs de production et l’on obtient un résidu appelé « productivité totale des facteurs », correspondant au

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« L’accumulation de capital humain est une activité sociale impliquant des groupes d’individus d’une manière

qui n’a pas d’équivalent dans l’accumulation du capital physique » (Lucas cité in Lordon, 1991, p. 237). 78

« La théorie du capital humain devient une machine de guerre contre le système d’éducation gratuit qui, selon

elle, ne peut qu’être à l’origine de gaspillages, puisqu’il n’y a pas vente au prix coûtant » (Guerrien,

progrès technique exogène dans le modèle de Solow. La main-d’œuvre est décomposée en fonction de son niveau de qualification pour rendre compte des variations du niveau général de compétence. Formellement, on suppose que l’on a une fonction de production du type :

)

,

(K

L

f

Y

=

Avec K, correspondant au stock de capital et L, la main-d’œuvre disponible. On note :

)

/

).(

/

(

f

k

K

Y

a

k

=

et aL =(∂f /∂L).(L/Y)avec

W

w

a

i Li

=

'

et

r

r

a

i Ki

=

'

.

Dans le cadre d’une fonction Cobb-Douglas, les coefficients aKet aLcorrespondent aux parts respectives des deux facteurs dans la production totale avec aK +aL =1 pour des rendements

d’échelle constants.

Soit, finalement, la relation comptable suivante, en calculant l’augmentation de la productivité totale des facteurs d’une année sur l’autre comme la différence entre la croissance du PIB par travailleur et la somme des croissances des stocks de capital par travailleurs, pondérées par leur part dans la répartition du PIB :

résidu

K

dKi

Ki

a

a

L

dLi

Li

a

a

Y

dY

n i K n i L

+

+

=

= =

.

'

.

'

.

0 0

Dès 1962, Denison présente une application sur la croissance aux États-Unis à partir de cette méthode sur la période 1929-1957, et constate que 54% de celle-ci est imputable aux facteurs humains dont 23% proviennent directement de l’amélioration du niveau d’éducation de la main-d’œuvre (Denison, 1964). Ce résultat est fondé sur certaines hypothèses ad hoc qui consistent à supposer que l’échelle des salaires n’a pas varié dans le temps et que 3/5 des écarts de salaire sont directement liés à la formation, les 2/5 restants correspondants aux capacités intrinsèques des individus ou à d’autres facteurs institutionnels. D’autres analyses se poursuivront sur la base de ce modèle, comme celles de Griliches79 (1970), Jorgenson (1984) ou de Carré, Dubois et Malinvaud (1972). Sur une période plus récente, quelques auteurs ont repris les efforts engagés, en proposant des estimations plus précises portant sur des périodes plus étendues. C’est notamment le cas de Jorgenson (1992) qui a utilisé les données états-uniennes pour la période 1984-1986. L’auteur a estimé le stock de « capital humain » à partir d’une analyse des revenus sur le cycle de vie et valorisent une partie des activités non marchandes. Les résultats mettent en exergue un résidu comptant pour environ 30% de la croissance et

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Cf. spécifiquement Griliches (1995) pour une revue de littérature et une mise en perspective historique des travaux comptables sur la croissance.

une contribution de l’éducation à environ 7%. Pour ce qui concerne les pays en développement, les données sur les facteurs de production sont bien moins accessibles et très peu fiables. Pourtant, dès 1968, Krueger a procédé à une analyse où il estime la perte de production imputable aux différentiels du « capital humain » – fonction du nombre moyen d’années de scolarisation, de la structure par âge de la population et de la répartition rurale/urbaine de la population – entre les États-Unis, le Canada et une vingtaine de pays en développement. En se fondant sur l’évaluation de la productivité marginale des facteurs aux États-Unis, l’auteur donne une majoration des pertes de production liées à la moindre accumulation factorielle observée dans les pays en développement. Les résultats montrent un déficit d’investissement éducatif, contribuant à réduire en moyenne d’au moins 23,7% le revenu par tête qui peut être atteint dans les pays en développement. Dans une étude sur la comptabilité de la croissance, Chenery et alii (1986) constate qu’en moyenne, le résidu explique environ 30% de la croissance dans les pays en développement, alors que ce chiffre atteint environ 50% dans les pays développés. La Banque mondiale (1991), dans le cadre de son « Rapport annuel sur le développement dans le

monde », a présenté une analyse comptable sur la croissance, en distinguant cinq groupes de pays en

développement et quatre pays industrialisés sur la période 1960-1987. La comparaison dans le tableau suivant montre globalement une contribution de la productivité globale des facteurs de bien moindre ampleur pour les pays en développement et en particulier pour l’Afrique subsaharienne et l’Amérique latine.

Quant à l’application de la « comptabilité de la croissance », c’est l’interprétation du résidu au sein duquel le « capital humain » est déterminant qui soulève de nombreuses controverses. Les explications avancées pour justifier les écarts de productivité globale des facteurs entre les groupes de pays sont généralement liées :

- à la qualité des statistiques portant sur le PIB et les stocks de facteur.

- à la spécificité des trajectoires de croissance dans les pays en développement et des contextes environnementaux et institutionnels.

- à l’absence de prise en compte des effets de seuil ou de complémentarité des facteurs de croissance.

- à la qualité des politiques macroéconomiques mises en œuvre dans ces pays et enfin à la faiblesse ou l’inadéquation des investissements humains face à la base productive.

Topel (1999) souligne notamment que la méthode de calcul de la productivité globale des facteurs, au-delà de présenter une forte sensibilité aux problèmes de mesure, notamment par le fait que c’est la quantité d’éducation et non la qualité qui est retenue, n’informe que sur les contributions respectives de chaque facteur à la croissance économique, sans pour autant explorer les causalités intermédiaires de la croissance des facteurs. Parmi celles-ci, la croissance du « capital humain » peut faire croître le stock de « capital physique » ou inversement, sans que cela apparaisse dans les résultats issus de cette méthodologie.

L’une des principales critiques portées sur le calcul de la productivité globale des facteurs – autrement dit le progrès technique, l’accumulation du savoir-faire, l’organisation plus efficace du processus de production… –, repose sur son « impureté » à pouvoir mesurer le progrès technique. Abramovitz (1956), en faisant allusion à la PGF, décrivait cet indicateur comme une « mesure de notre

ignorance ». L’omission d’éléments susceptibles d’influencer la qualité et la productivité des facteurs

tels que la santé, la recherche et le développement, ainsi que la négation de la complémentarité de ces facteurs dans un contexte économique changeant, a soulevé un ensemble de mises en garde à l’égard de l’utilisation du « résidu de Solow » dans le processus de croissance économique. Le principe de la méthode qui consiste à identifier invariablement le résidu au progrès technique est en tout état de cause largement insuffisant, comme le note Abraham-Frois80 (2005).

Tableau I.4 - Analyse comptable de la croissance par zone géographique dans le monde entre

1960 et 1987 PIB Croissance en % Capital Contribution Travail Contribution Résidu Contribution Afrique subsaharienne 3,3 73% 28% 0% Amérique latine 3,6 67% 30% 0% Asie de l’Est 6,8 57% 16% 28% Asie du Sud 4,4 67% 20% 14% Europe, moyen orient et Afrique du Nord 5,0 58% 14% 28% R.F.A. 3,1 23% -10% 87% Etats-Unis 3,0 23% 27% 50% France 3,9 27% -5% 78% Royaume-Unis 2,4 27% -5% 78%

Source : Banque mondiale (1991, pp. 53-54).

Une difficulté supplémentaire repose sur les mécanismes de causalité conduisant vers la croissance qui ne sont pas explicités par une approche comptable de la croissance, comme le note Verspagen81 (1993). La démonstration des chaînes causales ou mêmes inversées entre les facteurs

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Selon l’auteur, cinq raisons expliqueraient la sous-évaluation des gains de productivité par les estimations traditionnelles (résidu de Solow) : 1) « Le résidu de Solow, ‘contaminé par la demande’, ne peut rendre compte

des conséquences d’innovations de type ‘schumpetérien’ caractérisées par la croissance des rendements d’échelle et l’imperfection de la concurrence ; 2) quand on limite l’analyse à la prise en compte de secteurs composés d’industries produisant seulement des biens finals, la règle d’agrégation découlant des mesures ‘soloviennes’ traditionnelle reste pertinente ; 3) les traitements habituels ne prennent pas en compte les détours de production et sous-estiment les progrès de productivité sectoriels ; 4) l’absence d’approche ‘par les prix’, approche ‘duale’ de la mesure du progrès technique empêche de tenir compte des profits et sous-estimerait les gains de productivité ; 5) l’absence d’analyse des transmissions des gains de productivité au niveau inter- sectoriel ».

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« The parameter and variables are all assumed to be exogenous. Thus, in order to explain why growth rate

differentials occur, these methods have fallen back on exogenous explanations for the different patterns in knowledge and capital accumulation being observed, such as cultural, geographic or even religious explanations. It seems to be very difficult to provide a real economic explanation on the basis of such an approach » (Verspagen, 1993, p. 51).

humains et la croissance dépassent le cadre d’une procédure d’évaluation simpliste qui se fonde, par exemple, conformément à la théorie du capital humain, sur la liaison entre différences de gains (revenus individuels) et différences de formation, alors même que le sens de la causalité de cette relation n’est pas clairement établi82. Le comble de cette démarche, comme le précise Solow, étant précisément de prendre comme hypothèse (effets de l’éducation sur le revenu) ce qu’elle prétend démontrer au final (Solow, 1998, p. 198). De surcroît, le modèle néo-classique sur lequel repose l’approche comptable de la croissance – celui justement de Solow (1956) – impose des hypothèses fortes : la rémunération des facteurs à leur productivité marginale, la constance des rendements d’échelle83, la neutralité du progrès technique sont en effet déterminantes pour l’évaluation empirique.

L’approche conventionnelle par la « comptabilité de la croissance » utilisée pour mesurer l’impact du « capital humain » sur celle-ci tient son principal point faible de son impéritie à rendre compte des dimensions qualitatives. Cette insuffisance est d’autant plus marquée que la quantité d’éducation est généralement utilisée plutôt que sa qualité. Blaug (1970) et Bowman (1980) critiquent la méthodologie de la comptabilité de la croissance économique qui a recours, dès le départ, exclusivement à une fonction de production agrégée linéaire homogène. Jorgenson et Griliches (1967) montrent qu’une amélioration de la spécification des variables utilisées dans cette comptabilité pourrait réduire significativement l’intensité de la corrélation entre l’éducation et la croissance. Cette hypothèse de linéarité des rendements de l’éducation, reprise dans les nouvelles théories de la croissance, apparaît peu réaliste : « The Lucas model is elegant and simple, but as always this comes at

the expense of some realism. For example, equation (human capital accumulation) means that an individual’s return to education remains constant over his or her whole lifetime, an assumption that is at odds both the empirical evidence on education and with Becker’s theory of human capital. Becker (1964) indeed suggests that returns to education tend to decrease over the lifetime of an individual »

(Aghion et Howitt, 1998).

L’intégration de l’éducation dans la fonction de production, sans distinction réelle de la nature des processus productifs et des structures de production, conduit à figer la représentation des techniques disponibles d’un pays à un moment donné. La méthode a le défaut de juger le progrès des connaissances comme une variable indépendante des autres facteurs, et de ne pas intégrer pleinement son influence sur ceux-ci. L’erreur est précisément, selon nous, de ne pas apprécier l’articulation inter- factorielle entre l’éducation et son environnement de valorisation.

82

Maglen (1990) exprime : « these studies do not constitute direct evidence of the contribution education makes

to economic growth, since all use the increase in earnings associated with the build-up of education as an indication of the increased productivity of the more educated workers. »

83

On notera l’absence de prise en compte des externalités, souligne Jimenez : « these studies were rooted in the

neoclassical formulations of the Solow-type growth models and failed to isolate the effects of the possible externalities mentioned above » (Jimenez, 1995, p. 2777). Dougherty et Jorgenson mettent en exergue la sous-

estimation des effets de débordement ou spillover : « The impact of spillovers has remained the primary focus of

research in economic growthunder the rubric of ‘endogeneous technological change’. This research has retained the national accounting framework but has failed to provide a quantitative determination of the contribution of spillovers to economic growth » (Dougherty et Jorgenson 1996, p. 28).

Par-delà tous ces défauts, la question de la validité de l’agrégation des fonctions de production est au cœur de la critique. La construction de fonction de production macroéconomique est une pure transposition au niveau global d’un instrument utilisé sur le plan microéconomique. L’entrepreneur, au niveau de la firme, incité par la recherche de profits maximums, établit la combinaison productive la plus efficiente possible à partir des biens de production, du travail de différents niveaux de qualification, de matières premières… Tous les facteurs de production lui paraissent de même nature et sont traités de façon égalitaire. Capital et travail se caractérisent tous deux par un coût et un rendement escompté. La force de travail qualifiée est simplifiée dans la fonction à une force de travail non qualifiée par le rapport des coûts relatifs (salaires). Les composantes de la structure économique et sociale sont considérées par l’entrepreneur comme données.

Or, sur le plan macroéconomique, la transposition vers une fonction de production n’est pas évidente. Elle est même vouée à l’échec si l’on considère que l’ « entreprise représentative » et l’ « agent représentatif » ne peuvent finalement représenter qu’eux-mêmes. Cette fonction ne peut en effet représenter un tout. Si sa structure est clairement identifiée à la firme dans l’approche microéconomique, l’agrégation au plan macroéconomique est plus délicate à interpréter. Les finalités, globalisante et normalisante, de la macroéconomie ne peuvent contenir valablement une hétérogénéité aussi grande des branches et processus d’activité, pour concevoir une fonction de production dont la représentativité se veut objective. C’est en réalité l’erreur de vouloir fonder de manière microéconomique la recherche macroéconomique. Les démonstrations du théorème de Sonneschein (1973) fixent clairement les limites, voire l’impossibilité, de déduire à partir des comportements maximisateurs des firmes et des ménages, la forme de leurs offres et de leurs demandes.

En définitive, les travaux comptables ne précisent guère les canaux par lesquels l’éducation affecte la croissance, et les résultats qui en ressortent forment à leur tour un « magma » incohérent. Les estimations économétriques ne semblent pas mieux comprendre les voies par lesquelles l’éducation agit sur la croissance.

b) Les estimations économétriques

La deuxième approche utilisée pour mesurer l’impact du « capital humain » sur la croissance est celle dite de « convergence conditionnelle », fondée également sur le modèle de Solow. Celui-ci implique que les pays dont le PIB par tête initial est inférieur (ou supérieur) à son niveau d’équilibre – dépendant du taux d’épargne, de la croissance de la population et du progrès technique, toutes variables exogènes – croissent plus vite (ou moins vite) et convergent vers ce niveau d’équilibre. Le niveau de convergence est conditionnel à l’environnement initial, et les régressions incluent comme variables le niveau initial du PIB par tête, la croissance du stock de facteurs, et des variables conditionnant le processus de croissance.

Les estimations économétriques de la croissance sur données internationales ont été réalisées dès le début des années 1980 avec les travaux de Hicks (1979), Wheeler (1980) et Landau (1983, 1986). Mais les recherches ont connu un essor prodigieux à partir des années 1990 avec le « renouveau » des analyses théoriques portant sur la croissance endogène et la diffusion de nouvelles bases de données internationales – notamment celles de la Banque mondiale associées au « capital humain » issues de Barro et Lee (1994, 1996) ou Nehru, Swason et Dubey (1995). Les travaux de Barro (1991) et Mankiw, Romer et Weil (1992) ont réactivé les contributions mesurant l’effet de la qualification de la main-d’œuvre dans le processus de croissance. Barro (1991) démontre que l’éducation affecte non seulement la croissance mais participe également au processus de convergence. L’auteur interprète ce résultat comme invalidant le modèle de Solow au bénéfice du modèle rénové de la croissance endogène. Pour Mankiw, Romer et Weil (1992), les différentiels de croissance observés entre les pays peuvent être intégrés aux côtés du capital physique et du travail dans le cadre néo-classique standard susceptible d’être augmenté par le « capital humain »84.

La mesure du « capital humain » est la difficulté la plus importante de cette démonstration. Prenons comme référence de modèle néo-classique, celui de Mankiw, Romer et Weil (1992). L’intégration de l’investissement éducatif dans le modèle consiste uniquement dans la prise en compte d’un effet « qualité de la main-d’œuvre », ce dernier étant représenté par la part des diplômés du secondaire dans la population active.

À partir de la relation de production suivante :

log Y = a log K + b log CH + log A (1)

Où Y est le PIB par tête, K le capital physique par tête, CH le capital humain par tête, A, une constante et a et b les paramètres à estimer.

L’augmentation du stock de « capital humain » par tête est représentée par la relation :

CHt+1 = CHt + Ih – (d+n)Ht (2)

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