• Aucun résultat trouvé

Le modèle AK : des problèmes non réglés

Relation croissante entre le salaire et la productivité

2) la technologie de production F implique que la productivité marginale du capital F K baisse à mesure que le capital augmente ;

3.1.2 Le modèle AK : des problèmes non réglés

Le principal objectif des modèles AK, dont la première variante a été présentée par Frankel (1962), mais dont l’utilisation rendue célèbre par Romer (1986) et Lucas (1988), est de révéler une croissance endogène ou « auto-entretenue » en longue période, sans recourir à l’hypothèse des rendements globaux croissants. Des rendements globaux, au moins constants, suffisent à faire apparaître la croissance économique. Afin de rendre à nouveau compatible l’hypothèse des rendements décroissants de l’accumulation individuelle du capital avec la possibilité d’une croissance positive à long terme, comme dans le modèle de Harrod-Domar, le modèle AK décrit une fonction de production, à facteur unique et à rendements constants, soit :

Y = AK (5)

Où A représente la productivité apparente du capital, considérée comme une constante exogène et K un capital « ductile », dont l’interprétation est suffisamment large pour intégrer des capacités humaines ou matérielles.

Si la dynamique d’accumulation du capital s’écrit :

K

sY

dt

dk

δ

=

(6)

Alors le taux de croissance à long terme du capital g sera positif et fini, étant égal à :

sA

g

=

-

δ

(7)

Le taux de croissance ainsi obtenu, g, correspond à celui du modèle de Harrod-Domar avec une condition spécifique posée sur le taux d’épargne, source de financement du processus d’accumulation de capital. Le taux d’épargne, s, est en effet considéré comme endogène dans le modèle. Les

consommateurs maximisent une fonction d’utilité à élasticité inter-temporelle constante sous la contrainte de l’accumulation du capital. Les conséquences issues de cette endogénéité peuvent aboutir, lors d’une volatilité macroéconomique accrue, à une stimulation de la croissance économique, en raison de comportements adverses pour le risque. Dans ce cas, les consommateurs maximisateurs de leur utilité économiseraient davantage pour des motifs de précaution (Jones et alii, 1999). Ainsi, à l’intérieur du modèle AK, le taux d’épargne détermine un niveau de produit, mais surtout un taux de croissance de long terme.

Le modèle AK de croissance endogène ne prend donc pas une distanciation significative avec le modèle de Solow et celui de Harrod-Domar. La liaison entre le stock de capital et le produit est une hypothèse forte de son fondement méthodologique. De surcroît, le modèle AK de la croissance endogène impose l’impossibilité du sous-emploi, puisqu’il est fondé sur un postulat microéconomique propre au fonctionnement concurrentiel des marchés : 1) si sA<n, la diminution du stock de capital fait décroître le niveau de l’emploi ; 2) si sA>n, la croissance s’essouffle par un manque main d’œuvre.

Mais une limite plus forte est généralement reprochée à ce type de modèle, à savoir la non- convergence des économies, ce qui le distingue dans la forme de celui de Solow, mais pas dans le fond66. En effet, le modèle prédit que la croissance économique positive à long terme n’est pas compatible à l’idée possible de convergence entre divers pays. Si l’on prend l’hypothèse de deux pays ou régions, qui, soumis à la même fonction de production déterminée précédemment, partagent certaines spécificités (le taux d’épargne, le taux de dépréciation du capital, technologie de production,…), alors que leurs économies croîtront au même rythme, celles-ci auront une trajectoire divergente de croissance en niveau de capital par tête (Barro et Sala-i-Martin, 1991, 1992). Le modèle néo-classique prône, toutes choses étant égales par ailleurs, qu’un pays riche qui a accumulé un stock important de capital doit croître plus lentement qu’un pays pauvre, qui dispose des mêmes spécificités, mais dont le stock de capital est moindre. Si la différence provient d’une spécificité de productivité, alors le pays à faible croissance est condamné à rester dans un cercle vicieux tendant au « sous-

développement », et cela quelles que soient les conditions de niveaux initiaux de produit et de

capital67. Au-delà des considérations portant sur la non-convergence des sentiers de croissance des

66

Cette « non-convergence » ne contredit pas à proprement parler le modèle de Solow : en effet, celui-ci stipule qu’il y a convergence des économies entre elles vers un même revenu de long terme si les caractéristiques structurelles de ces pays sont équivalentes (entendre par caractéristiques structurelles équivalentes des institutions de qualité similaires, des niveaux de technologie et des comportements d’épargne proches, des systèmes éducatifs comparables...). Ainsi, le modèle de Solow est à appréhender plutôt en termes de convergence conditionnelle qu’en termes de convergence absolue. En particulier, cette « bipolarisation » entre les pays riches et les pays les plus pauvres conduit à parler plutôt de « clubs de convergence » entre pays aux caractéristiques comparables.

67

À partir de là, nous retrouvons l’analyse « développementaliste » sous-jacente du modèle de Solow (1956) qui met en avant le rôle de l’investissement et donc de l’accumulation du capital dans la phase de rattrapage technologique des pays industrialisés par les pays en voie de développement. La ressemblance de la prédiction de l’auteur est remarquable avec les modèles d’obédience keynésienne – dont le modèle d’Harrod-Domar (1946) et le schéma de développement de Rostow (1956) –, où le secteur productif des économies provient de l’accumulation du capital physique. Cette conception a longtemps dominé la politique de l’aide internationale, selon laquelle une dose importante de capitaux extérieurs devait compenser la carence interne et permettre aux

économies, on assiste plus à une divergence de revenu entre pays riches et pays pauvres que le contraire.

Le modèle AK présente de sérieuses limites dont trois nous paraissent éloquentes.

La première que nous mettons en évidence est directement associée à la fonction de production Cobb-Douglas qui admet comme hypothèse que l’élasticité est définie comme unitaire de la production au capital. Les hypothèses « fil du rasoir » imposent en effet une linéarité, très critiquable, de la fonction de production du facteur moteur de la croissance, dont l’origine est due à la volonté méthodologique d’obtenir un état régulier68. Cette critique des hypothèses en « fil de rasoir » dans les modèles de croissance endogène a été fort bien réalisée par Jones (1995).

La seconde est de considérer dans ce modèle que les facteurs sont tous accumulables. Dans le cas contraire, si l’on intègre des facteurs non-reproductibles comme les ressources naturelles épuisables, le modèle AK ne peut rendre compte de la possibilité de maintenir une croissance positive optimale. En effet, pour maintenir en état les ressources et préserver une croissance de long terme, le progrès technique doit intervenir. L’accumulation du capital étant la source fondamentale du processus de croissance économique, le progrès technique en accélération va épuiser davantage les ressources avec l’apparition de rendements d’échelle croissants. Cette situation ne peut que limiter les perspectives de croissance dans le cadre d’un fonctionnement concurrentiel des marchés.

Enfin, dans ce modèle, le substrat capitalistique du modèle n’est pas analysé, c’est-à-dire la nature intrinsèque du capital dans la définition du mécanisme d’apparition d’une croissance « auto-

entretenue ». Le modèle ne rend pas compte de la nature du capital et rend théoriquement possible

l’endogénéisation de n’importe quel type de capital, ce qui peut apparaître « excessif » : « Le modèle

AK propose certes une forme générique d’endogénéisation du progrès technique, mais ses variantes sont incapables de nous dire quoi que ce soit de précis sur ce qu’est conceptuellement ce K moteur de croissance. Le ‘capital’ peut en effet correspondre à n’importe quel facteur sujet à accumulation (connaissance, capital humain, infrastructures...), à la seule condition que l’on sache écrire la relation mathématique appropriée reliant positivement cette ‘chose’ à la productivité. Cela peut même

économies de se développer. Ainsi, alors que les modèles keynésiens et les économistes du développement mettent au centre de leur analyse la nécessité d’une intervention de l’État pour « impulser » le développement économique, le modèle néo-classique prône la non-intervention, en se basant sur la nature harmonieuse de la croissance permise par la loi des rendements décroissants : 1) moins le capital physique est développé, plus le rendement marginal de cet investissement est élevé et donc les investisseurs des pays les moins capitalistes sont les plus incités à en accumuler ; 2) par opposition, dans un pays à forte disponibilité du capital physique, l’incitation à investir diminue, procédant ainsi à un phénomène de convergence économique, les pays les moins capitalistes bénéficient du report d’investissement qui ne trouve plus « preneurs » dans les pays les plus développés par manque de rentabilité.

68

Cette recherche incessante dans les modèles de croissance économique à déterminer un état régulier – i.e. un équilibre concurrentiel de croissance à taux constant –, oblige à recourir à des hypothèses en « fil du rasoir » très peu réalistes comme celles nécessaires à la définition de l’équilibre général walrasien, mais logiquement nécessaires pour démontrer une politique économique jugée comme efficace, celle de la croissance du capitalisme à très long terme. Or, comme le précise Darreau : « personne n’a jamais cru que le monde réel se

perpétue éternellement identique à lui-même dans un état régulier, pas plus que la productivité de la recherche ou de l’éducation est exactement constante » (Darreau, 2002).

être (pourquoi pas ?) de la corruption, si l’on admet, comme le font certains néolibéraux, qu’un bakchich est susceptible de stimuler la productivité du travail » (Herrera, 2000).

Ce manquement lié à la caractérisation du capital sera très vite comblé avec l’émergence dans les années 1980 des théories « enrichies » de la croissance économique, dont celle de nature endogène avec l’intégration du « capital connaissance », de la R&D ainsi que de l’innovation technologique par Romer (1986), et enfin celle du « capital humain » par Lucas (1988).

3.1.3 L’intégration du progrès technique et du « capital humain » dans les modèles de

Outline

Documents relatifs