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L’analyse économétrique de l’impact du « capital humain » dans la croissance cubaine

Avec I h l’investissement brut en « capital humain », d un taux de dépréciation du capital et n le

3.3 L’analyse empirique de la relation éducation/croissance à Cuba : la mesure du « capital humain » et les principaux résultats

3.3.3 L’analyse économétrique de l’impact du « capital humain » dans la croissance cubaine

a) L’échec des hypothèses de Lucas (1988) : la variabilité du taux de croissance du stock de « capital humain »

Dans le modèle de Lucas (1988), le « capital humain », défini comme un stock de formation, affecte directement la productivité de la main-d’œuvre en accroissant sa qualité. Le cœur du modèle de Lucas réside en ce que le « capital humain » qui est accumulé de façon individuelle assure des rendements d’échelle constants sur la production de ce facteur. L’apparition de rendements décroissants dans le « capital humain » remettrait donc en cause la validité du modèle de Lucas.

La relation entre durée moyenne de formation et taux de croissance du stock de « capital

humain », quelque soit l’approximation du « capital humain » retenue (diplômés ou années d’études

de la population active), décrite comme linéaire et non-décroissante par la théorie de la croissance endogène, n’est pas respectée dans le cas cubain. Nous observons une succession de période où les rendements du « capital humain » d’une part, décroissent, croissent et décroissent pour le premier proxy du « capital humain » (diplômés), et d’autre part, croissent et décroissent pour le second proxy (années d’études de la population active). L’ « endogénéité » de la croissance proposée par Lucas n’est donc pas vérifiée dans les deux cas. Les résultats remettent en cause l’hypothèse selon laquelle le

« capital humain » croît de façon linéaire sans limite, permettant de compenser les rendements

décroissants du capital physique.

Graphique I.9 – Relation taux de croissance du « capital humain » (diplômés) – durée moyenne de

formation de la force de travail en années d’études (tendance polynomiale d’ordre 5), Cuba 1961-2004 0 10 20 30 40 50 60 70 4,5 5,5 6,5 7,5 8,5 9,5 10,5 11,5 durée moyenne de formation

ta u x d e cr o iss ance d u cap it al h u m a in (d ip m é s ), %

Source : calculs de l’auteur, d’après les statistiques nationales officielles (ONE) – Boletín Estadístico, 1965,

Dirección central de Estadística de Cuba, pp. 126-134, Boletín Estadístico, 1971, pp. 266-283, Anuario estadística de Cuba, 1975, pp.204-216, Anuario estadística de Cuba, 1976, pp. 192-204, Anuario estadística de Cuba, 1977, pp. 207-218, Anuario estadística de Cuba 1982, pp. 413-432, Anuario estadística de Cuba, 1988, pp. 516-537, Anuario estadística de Cuba, 2004 (version digitale), Anuario estadística de Cuba, 2006 (version digitale).

Graphique I.10 - Relation taux de croissance du « capital humain » (durée moyenne de formation

de la population active) – durée moyenne de formation en années d’études (tendance polynomiale d’ordre 5), Cuba 1961-2004

-4 -2 0 2 4 6 8 10 12 14 4,5 5,5 6,5 7,5 8,5 9,5 10,5 11,5

Durée moyenne de formation

Taux de cr oi ssance du st ock de capi ta hum ai n ( a nnées d' ét udes) , %

Source : calculs de l’auteur, d’après les statistiques nationales officielles (ONE) – Boletín Estadístico, 1965,

Dirección central de Estadística de Cuba, pp. 126-134, Boletín Estadístico, 1971, pp. 266-283, Anuario estadística de Cuba, 1975, pp.204-216, Anuario estadística de Cuba, 1976, pp. 192-204, Anuario estadística de Cuba, 1977, pp. 207-218, Anuario estadística de Cuba 1982, pp. 413-432, Anuario estadística de Cuba, 1988, pp. 516-537, Anuario estadística de Cuba, 2004 (version digitale), Anuario estadística de Cuba, 2006 (version digitale).

Les résultats ne semblent donc pas corroborer l’idée selon laquelle les connaissances acquises par l’éducation formelle représentent un facteur de production qui pourrait échapper à la loi des rendements décroissants. D’autres mesures empiriques permettraient de mettre en relief des sources différentes de production des connaissances, à travers les activités de recherche et développement et aux conséquences du « learning by doing », mais nous nous attachons, à ce niveau, à rendre compte de l’impact de l’éducation seule dans le processus de croissance.

Ces résultats ont l’avantage d’ouvrir de nouvelles perspectives dans la relation éducation – croissance. La vérification empirique semble placer le modèle de Lucas dans le cadre du normatif. Le

« capital humain » cubain serait un facteur de production sans influence positive et significative dans

le processus d’une croissance endogène. Les auteurs cubains soulignent davantage l’existence d’une croissance extensive, principalement dans la période 1975-1989 (Monreal et Carranza, 2001). La croissance extensive, c’est-à-dire l’emploi de quantités croissantes de force de travail et de ressources matérielles pour développer la production, a été la principale caractéristique de l’évolution de l’économie cubaine. Cette croissance a été, soulignent les auteurs, de « faible efficacité et avec un

niveau élevé de compensation par voie externe […] Dans le cas d’une économie comme celle de Cuba, la création de bases matérielles et humaines au développement exige un processus de croissance d’investissement qui, par sa quantité et son rythme, demande des ressources supérieures à celles qui peuvent être générées à l’intérieur et qui durant quelques temps devra croître plus vite que l’ensemble de l’économie. En ce sens, on ne peut considérer a priori comme négatif l’existence, durant un certain temps, d’un processus de croissance extensive compensée par voie externe.

Cependant, le problème à Cuba durant la période analysée n’a pas été, comme il a déjà été dit, l’augmentation dans la formation et l’utilisation de ressources productives à des rythmes plus rapides que la croissance économique, mais bien que ceux-ci étaient utilisés de manière peu efficace »

(Monreal et Carranza, 2001, p. 276). Les auteurs caractérisent le processus de croissance par « son

incapacité à s’auto-entretenir ou, pour le dire d’une autre manière, la présence de facteurs de compensation externes était la condition indispensable pour le fonctionnement du modèle » (ibid.,

p. 274).

À partir des années 1990, les réformes structurelles de sortie de crise ont permis de canaliser l’investissement vers des secteurs stratégiques, où l’utilisation des ressources naturelles est devenue plus intensive (tourisme, nickel, cobalt, production dérivée de la canne à sucre, etc.). Mais l’économie cubaine fait face à un sévère problème de « décapitalisation », puisque le taux d’investissement brut a chuté de 1990 à 2006. La valorisation productive du « capital humain » apparaît d’autant plus contrariée dans ces conditions. La prise en compte de la complémentarité des facteurs de production, et notamment la production de connaissances comme co-produit de l’accumulation du capital physique, est déterminante pour Mendoza (2003).

Ceci étant, les résultats obtenus dirigeraient notre recherche vers une meilleure compréhension du secteur éducatif cubain, en dehors d’être seulement considéré comme une donnée dans le modèle de Lucas. La non-linéarité de la progression du stock de « capital humain » cubain répondrait à des logiques de « temps éducatifs » différents, intégrés dans des structures productives changeantes et une formation sociale en évolution permanente. L’abstraction des contingences historiques, à même d’expliquer les processus de valorisation/dévalorisation de l’éducation prise dans sa globalité, est un défaut important de la modélisation proposée par les théoriciens de la croissance endogène.

b) La complémentarité des facteurs de production ?

Nous avons pu constater à partir de la méthodologie de la comptabilité de la croissance que l’ « effort » d’éducation dans la croissance était élevé (39,5% selon les calculs de Mendoza). Toutefois, cet « effort » était contrebalancé avec le recul de la PGF. Les deux études (Madrid-Aris et Mendoza) parviennent à la même conclusion, à savoir que le « capital humain » serait un facteur insuffisamment efficace dans le processus productif.

Or, il est possible que les dynamiques croisant capitaux physique et humain puissent poser des limites dans le taux d’utilisation de chacun des facteurs, sans que les résultats de la méthode de comptabilité de croissance les reflètent précisément. L’accumulation du « capital humain » a pu certainement rendre possible celle du capital physique ou inversement, comme nous le laissent penser justement les résultats de la matrice de corrélation. Le tableau suivant permet de synthétiser les

différentes approches permettant de différencier les analyses de la complémentarité ou de la substituabilité entre « capital humain » et capital physique.

Tableau I.19 – Substitutions et complémentarités des facteurs de production

Capital physique

Complémentarité Substitution

Complémentarité

Impose qu’une génération de main- d’œuvre soit liée à une génération

d’investissement

Les divers segments de main-d’œuvre peuvent œuvrer sur des

équipements techniquement différents Capital humain Substitution Possibilité d’adapter diverses main-d’œuvre sur un investissement La main-d’œuvre la plus productive est affectée à l’équipement le plus productif

Source : Bourdon (1999, p. 11).

Partant de ces considérations, nous retenons les résultats intéressants de Mendoza à partir de l’estimation économétrique de la relation éducation/croissance. L’évaluation est réalisée de manière élémentaire, à partir de la méthode des moindres carrés ordinaires, avec une spécification linéaire appliquée à toutes les variables : K, capital physique (investissement aux prix de 1981 non multiplié par son taux d’utilisation), L, travail (population économique active), H, « capital humain » (nombre moyen d’années d’études de la population active), X, volume des exportations des biens et des services et TE, les termes de l’échange (X / importations). L’output final, Y, est mesuré par le PIB par habitant en pesos constants (au prix de 1981).

Tableau I.20 – Fonction de production de biens finals et régression linéaire multiple, Cuba 1962-

2001

Variable expliquée (Y, output final) : d(log(Y))

1962-2001 : 39 observations

Coefficient Erreur T-statistique

Capital physique d(log(K-1)) 0,1427 0,0414 3,4458

Travail d(log(L)) 0,8033 0,2426 3,3117

Exportations d(log(X)) 0,2535 0,0632 4,0134

Termes de l’échange d(log(TE)) 0,1157 0,0444 2,6042

« Capital humain » d(log(H)) 0,0317 0,2439 0,1300

Coefficient de détermination : 0,6213 ; DW : 1,8976

d(log(Y))=0,1427d(log(K(-1)))+0,8033d(log(L))+0,2535d(log(X))+0,1157d(log(TE)+0,0317d(log(H))

Source : Mendoza (2003).

Les résultats du tableau précédent ne sont pas très encourageants pour le facteur « capital

humain » : le coefficient est certes positif, mais il est le plus faible de toutes les variables explicatives

donc pas d’auto-corrélation des résidus, mais le coefficient de détermination (0,6213) n’est pas très élevé, ce qui détermine une qualité moyenne de l’estimation de l’équation de régression. La même évaluation réalisée avec les variables estimées en niveau donne des résultats très similaires (Mendoza, 2003, p. 92). Le même calcul d’estimation avec le « capital humain » retardé de trois ans améliore l’explication de la croissance (coefficient de 0,4688), avec un R2 augmenté de peu (0,6575). Ce constat corrobore l’hypothèse que l’amélioration du pouvoir explicatif du « capital humain » est associée de près au rôle de l’expérience acquise dans le travail. Mais cette hypothèse n’est pas unique, il peut très bien exister un effet retardé dans la complémentarité synergétique des facteurs avec un meilleur rendement du capital physique lorsque le « capital humain » atteint un certain seuil et vice- versa. Il est fort possible d’envisager que si le stock de « capital humain » connaît des phases successives de rendements croissants puis décroissants, et que celles-ci interviennent à des moments où le stock de capital physique – déterminant primordial de la production – est sujet également à des rythmes de variation croissants et décroissants, l’effet de l’éducation sur la croissance, conditionnellement au stock de capital, en dépendrait selon une logique de valorisation/dévalorisation.

À Cuba, le capital physique, après avoir connu une période d’abondance « relative » sur la période 1975-1989, s’est en effet raréfié subitement au début des années 1990. Or, le capital physique pourrait être le canal de transmission pour la valorisation du « capital humain » dans la croissance économique. C’est en tout cas l’hypothèse principale retenue par Mendoza (2003), car la relation de causalité dans le sens éducation – revenu agrégé est faiblement soutenue par le test empirique. Généralement, comme le progrès technologique est incorporé au capital physique, la relation de causalité de celui-ci vers la croissance du produit apparaît plus significative, comparée à celle du

« capital humain ».

Ainsi, l’auteur tente de vérifier la complémentarité entre « capital humain » et capital physique au moyen du test de causalité de Granger95. Les résultats obtenus à partir des variables évaluées en niveau (première partie du tableau avec la prise en compte de deux années de retard sur les variables) montrent une causalité significativement positive du « capital humain » sur le produit matériel mais non la relation inverse (cf. infra tableau). La seconde partie du tableau reflète quant à elle une causalité inversée avec un effet de retard des variables de trois années : le capital physique affecterait positivement le « capital humain ». Ce constat permet de supposer que l’impact du capital physique sur la croissance économique (mais probablement aussi son inverse) devrait subséquemment générer des ressources supplémentaires pour l’investissement dans le « capital humain ». Le résultat

95

Granger (1969) a développé un test de causalité spécifique. Il s’agit déterminer si une variable x « cause selon

Granger » une variable y en observant tout d’abord dans quelle mesure les valeurs passées de y arrivent à

expliquer la valeur actuelle de y et de voir par la suite l’amélioration de l’estimation grâce à la prise en compte de valeurs retardées de la variable x. Ainsi, Y peut être considérée comme « Granger causée » si la variable x est déterminante dans l’estimation de y ou encore, d’une manière équivalente, si les coefficients des valeurs retardées de la variable x sont significativement différents de 0. La critique à formuler lors de ce test a trait à l’existence possible d’une double causalité dont la critique a été formulée en 1979 par Jacobs, Leamer et Ward (1979). Ce test est en effet très sensible aux erreurs de spécification, nous respecterons donc les limites du modèle lors de la phase d’interprétation des résultats.

déterminerait également un degré de complémentarité évident entre les facteurs matériel et immatériel dont la synergie produirait une productivité marginale du « capital humain » plus importante lorsque le capital physique augmente.

Nous retenons essentiellement de ces estimations du rôle de l’éducation sur la croissance et de l’action essentielle du capital physique, que l’effet causal n’est pas clairement capté. Une hypothèse reste à prendre en compte pour notre recherche : à mesure que le produit s’enrichirait, il serait susceptible d’affecter plus de ressources à son système éducatif. Cette conjecture de travail nous permettrait de considérer une relation de causalité entre production de connaissances et croissance qui soit l’opposé à ce qui est généralement supposé : la croissance cubaine entraînerait selon le principe de

« distribution socialiste », une production élargie de connaissances, une accumulation collective du « capital humain ».

Tableau I.21 - Test de causalité au sens de Granger entre le stock de « capital humain » et le

capital physique, Cuba 1960-2001 Période : 1960-2001

Effet de retard : 2 années Observations : 40

F- Statistique Probabilité

Log (H) ne cause pas au sens de Granger Log (K) Log (K) ne cause pas au sens de Granger Log (H)

9,0967 1,6048

0,0006 0,2154 Période : 1960-2001

Effet de retard : 3 années Observations : 38

F - Statistique Probabilité Log (H) ne cause pas au sens de Granger Log (K)

Log (K) ne cause pas au sens de Granger Log (H)

1,3538 3,1665

0,2751 0,0382

Source : Mendoza (2003).

Tenant compte des différentes hypothèses de travail issues des estimations économétriques, l’approche de Mendoza vise également à recentrer l’analyse de la croissance cubaine sur la prise en compte de l’environnement économique. Mais nous demeurons très sceptiques sur l’usage abusif des développements économétriques et surtout, l’approfondissement de l’étude sur la croissance par le biais une nouvelle « endogénéisation » des effets sur la croissance cubaine, où les liens entre ouverture économique, exportations et croissance pourraient être mieux définis. Le problème fondamental de l’ « endogénéisation » des facteurs dans les modèles néo-classiques et, particulièrement celui concernant le « capital humain », reste toutefois entier.

c) L’existence d’une relation de causalité inversée (croissance vers éducation) ?

À partir des résultats antérieurs, nous supposons que le « capital humain » a pu jouer un rôle significatif dans la croissance économique à Cuba, mais qu’à défaut de formation d’un capital

« productif » et d’un milieu professionnel et organisationnel dans le travail valorisant le « capital humain », celui-ci n’aurait pu offrir tous les bénéfices escomptés.

Mais au-delà de ce questionnement, une dimension essentielle de la problématique sous-jacente à l’analyse néo-classique de la croissance cubaine reste en suspend, à savoir le sens de la causalité entre l’éducation et la croissance économique. La piste de recherche la plus importante consisterait en effet à considérer que le cadre d’analyse néo-classique est trop « étriqué » pour décrire le phénomène complexe associé à l’éducation. Puisque les liens existent et nous les avons présentés, il serait intéressant de déterminer dans quel sens ils vont : est-ce l’investissement éducatif qui « cause » l’agrégat ou est-ce le contraire ? Le contraire supposerait que l’analyse néo-classique nous empêche d’avoir une vision globale de l’éducation dans le développement et des réalités concernant le savoir et son contenu.

Les résultats de Mendoza nous éclairent sur certains points essentiels. La variable « éducation » ne cause pas ou n’influe pas sur l’augmentation du produit (Y), mais le produit agrégé « cause » de manière significative la variable « éducation » (cf. infra tableau I.22). La seconde partie du tableau introduit un effet de retard de 5 années, et les causalités observées précisent désormais une relation plus forte à partir de l’éducation : la variable éducation « cause » de manière significative le produit (Y), mais non l’inverse. Ce résultat montre que la scolarité des travailleurs affecte positivement le produit seulement lorsqu’intervient l’expérience acquise dans le travail. La scolarité seule des travailleurs ne serait pas significative dans la causalité de l’éducation sur le revenu agrégé. Par contre, si l’on considère l’immédiateté de la causalité du produit agrégé (Y) sur le « capital humain », phénomène opposé à celui qui est habituellement supposé dans les modèles de croissance néo- classique, la cohérence du rôle de la formation au cœur du processus de formation sociale apparaît plus forte : les fruits de la croissance ont permis d’élever « collectivement » le niveau de formation des travailleurs, sans que s’établisse un mécanisme de valorisation efficace des connaissances dans l’économie. Nous retenons pour l’instant, en guise de première ébauche d’explication, certainement la plus robuste pour la période 1960-1989, le facteur structurel suivant : « le processus d’investissement

non seulement n’a pas transformé, au niveau requis, la structure exportatrice du pays, mais n’a pas non plus modifié suffisamment la nature peu intégrée de l’économie nationale et, par conséquent, celle-ci est restée fortement vulnérable aux importations. Les relations inter-sectorielles sont restées très faibles, c’est-à-dire que l’économie cubaine a continué à se caractériser par un faible niveau d’intégration entre ses principaux secteurs, ce qui, ajouté, à une technologie grande consommatrice d’énergie, conditionne fortement les importations de biens intermédiaires nécessaires pour le

fonctionnement des capacités installées » (Montreal et Carranza, 2001, p. 276). La période d’après

1990, marquée par l’étape de forte contraction économique (1990-1993) et l’actuelle reprise, semble souligner quant à elle, un taux d’accumulation du « capital humain » pâtissant de certains

« dysfonctionnements » dans la gestion des ressources humaines, accouplé à un manque latent de

capital physique primordial pour la production.

Tableau I.22 – Test de causalité au sens de Granger entre le stock de « capital humain » et le

produit agrégé, Cuba 1960-2001 Période : 1960-2001

Effet de retard : 1 année Observations : 39

F- Statistique Probabilité

Log (H) ne cause pas au sens de Granger Log (Y) Log (Y) ne cause pas au sens de Granger Log (H)

0,1574 7,7503

0,6938 0,0083 Période : 1960-2001

Effet de retard : 5 années Observations : 39

F - Statistique Probabilité Log (H) ne cause pas au sens de Granger Log (Y)

Log (Y) ne cause pas au sens de Granger Log (H)

2,3734 0,8119

0,0669 0,5520

Source : Mendoza (2003).

En conclusion de cette section, il convient de remarquer que l’introduction du « capital

humain » cubain dans l’analyse néo-classique de la croissance économique révèle de fortes limites

d’interprétation, puisqu’elle ne s’accorde pas avec les hypothèses micro/macro de l’approche conventionnelle du « capital humain ». En dépit des difficultés méthodologiques, de la nature et de la qualité des données disponibles auxquelles sont confrontées toutes les approches et notamment celle menée à Cuba, le « capital humain » qui est réduit dans les modèles empiriques à la seule variable scolaire semble déterminer un « effort » de contribution important à la croissance, mais non une relation de « causalité ». Quant à l’approche qui conduit à transformer l’éducation cubaine en un moteur de croissance endogène, elle se heurte à la variabilité, notamment à la baisse, des rendements du « capital humain » cubain. Si le PIB et le niveau d’éducation peuvent croître en même temps, cela ne s’explique pas forcément par le rôle de l’éducation à l’intérieur de la fonction de production, mais par le fait que le gouvernement a répondu avant tout à une « demande sociale », et qu’il a affecté conséquemment une part croissante de son budget à l’éducation. En effet, les résultats récents de l’économiste cubain Valdés Reyes (2006), utilisant plusieurs variables explicatives dans son estimation économétrique sur la croissance de Cuba entre 1980 et 2000, démontre que les dépenses d’éducation ont un impact négatif et significatif : « la dépense d’éducation a un impact négatif sur le

PIB, ce qui pourrait être associé à l’incapacité pour l’économie d’absorber les résultats finaux du processus éducatif, signifiant qu’il ne s’agit pas seulement de compter sur les ressources destinées à l’éducation, mais également de disposer d’un système de production organisé, efficient et capable d’assimiler le changement technologique. Ce phénomène explique, en partie, le fait que le niveau

d’éducation n’est pas en concordance avec la croissance du PIB (input>output). Cependant, cette situation ne résulte pas seulement des caractéristiques productives du pays, elle souligne le grand rôle joué par l’éducation comme une priorité sociale, et son impact stratégique pour le développement »

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