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Première partie : La société terrorisée

I. Le terrorisme suicidaire

2.1. La réification du terroriste : une arme

Expliquant que le terme de kamikaze correspond historiquement aux seuls soldats japonais se tuant au cours de la Seconde Guerre Mondiale, François Géré justifie l’emploi de l’expression de « Volontaire de la mort » ainsi : « J'ai choisi de reprendre ce vocable pour désigner l'ensemble des facteurs qui conduisent un être humain à se transformer en arme pour détruire un adversaire.2 » Cette transformation en « arme » procède d’une réification du terroriste suicidaire tant par le groupe qui l’utilise que par lui-même3.

La réification des terroristes suicidaires est traitée ironiquement par Jess Walter. Le personnage principal, Remy, est un policier qui, malgré lui, joue un double rôle. Il agit dans l’ombre pour recruter les membres d’une cellule terroriste que les agences gouvernementales arrêteront juste avant qu’ils ne commettent un attentat. Chaque membre de cette cellule croit travailler pour le gouvernement en tant qu’infiltré. Ils sont manipulés pour enregistrer de fausses vidéos testamentaires qui permettront de justifier leur arrestation auprès de l’opinion publique. À la différence des « Volontaires de la Mort » de François Géré, les Arabes-Américains recrutés par Remy n’ont pas conscience d’avoir été réifiés par les agences gouvernementales. Néanmoins, c’est ainsi qu’ils sont employés par Remy et ses collègues. La scène de l’enregistrement des testaments est construite grâce au procédé de mise en abîme : une mise sur écoute de la cellule permet aux agences gouvernementales de capter les testaments qui sont en train d’être enregistrés. Mais deux niveaux se superposent : celui d’enregistrements classiques stéréotypés en arabe qui sont approximativement traduits par des

1 Géré, François. Les volontaires de la mort : L'arme du suicide. Paris : Bayard, 2003.

2 Ibid., p. 15.

3 « Un être humain qui se transforme en arme se tue deux fois : la seconde, d'évidence, lorsqu'il accomplit l'acte. Mais le premier suicide est antérieur. Il correspond à cette renonciation à soi-même qui fait de lui un outil de mort intelligent. Travaillé par des raisons, un être humain accepte de renoncer à sa condition de sujet pour se faire objet.

Croyant ainsi affirmer une cause et, ironie, parfois une liberté, le VM en acceptant de se réifier ne se transforme-t-il pas en esclave, condition acceptée par un aveuglement affreux, proprement tragique ? », Ibid., p. 26. L’auto-réification du terroriste suicidaire est discutable lors du passage à l’acte, car les psychologues constatent surtout une absence à soi-même, une désubjectivisation (cf. infra). En revanche, un processus de ce type est enclenché avant, au moment de l’acceptation consciente de son devenir.

interprètes de la CIA, et celui du refus de coopérer à cette mascarade murmuré par un des Arabes-Américains recruté par Remy. Ces citoyens états-uniens sont clairement présentés comme des pions, des armes ; mais au lieu d’être utilisés pour attaquer un adversaire, ils le sont pour redorer le blason des agences gouvernementales auprès de l’opinion publique. L’imbrication des différents propos et le jeu d’écoute utilisé pour les capter confère un caractère pathétique et tragique à la scène puisque le lecteur en sait plus que la plupart des personnages sur le destin de chacun.

Quant au ver de terre terroriste de la dystopie de Wajdî al-Ahdal, même s’il ne commet pas lui-même l’attentat-suicide, il est décrit comme le pantin du ministre de l’intérieur et le jouet de l’ambassadeur du cimetière d’Hamburger :

« Toi et moi avons façonné Bandar Ibn Tahyamar pour la lutte communiste… pourquoi l’as-tu utilisé contre moi ? »

Lâfî Ghisâb alluma une cigarette puis commença à la fumer avec un grand plaisir :

« Après la dislocation du camp communiste, la question était qui serait le premier à utiliser Bandar Ibn Tahyamar contre l’autre ? »1

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.

2

Cet échange se déroule après les attentats du World Trade Center, alors que tous les ressortissants « hamburgeriens » doivent quitter le cimetière de Zîma. L’emploi du verbe « fabriquer, façonner » (

عنص

), par l’ambassadeur Wilson, et du nom d’action « utilisation, emploi » (

مادختسا

) à la fois par l’ambassadeur et le premier ministre insiste sur la réification du terroriste, absent de la scène et clairement considéré comme une de leurs créations. La référence au soutien états-unien dans la guerre en Afghanistan contre les Russes est très claire,

1 Nous traduisons. 2 .يدجو ،لدهلأا ةنيتنركلا فوسليف .ص ، 407 .

tout comme le parallèle entre la vie et les actions de « Bandar Ibn Tahyamar » et celles d’Oussama Ben Laden.

La société trouve sa raison d’être dans l’instinct de vie, l’instinct de mort constituant une menace pour sa sauvegarde, elle considère le suicide comme une mise en danger de son mode de fonctionnement. De fait, elle cherchera toujours dans la dimension sociale, les causes et motivations de l’acte. Cet enjeu du suicide est utilisé et décuplé dans l’attentat et c’est un des nœuds du choix de cet acte dans la fiction. En effet, l’attentat-suicide, au-delà des victimes premières prises au hasard, est considéré comme une atteinte à l’identité sociale, aux fondements d’une société. Ce sont les arguments avancés par Charlie pour convaincre Ahmad, dans Terroriste, de sacrifier sa vie, prônant un contexte de guerre dans lequel la pitié n’a aucune place et les dommages collatéraux sont inévitables. Chez Don DeLillo, le processus d’enrôlement de Hammad commence par une recontre avec un ancien combattant irakien qui lui raconte son impression face à l’usage de jeunes garçons durant la guerre Irak – Iran, envoyés pour faire exploser les mines antipersonnelles et essuyer les premiers tirs avant que l’armée ne progresse. Une rhétorique double s’installe dès le début. Elle semble justifier l’encouragement au passage à l’acte, tout en pointant d’autres responsables, ceux qui décident et sont protégés :

Puis il dit qu’il avait été affligé doublement, d’abord de voir les garçons mourir, envoyés pour faire sauter les mines et s’élancer sous les tanks et contre les murailles de balles, et ensuite de penser que c’étaient eux les vainqueurs, ces enfants, qu’ils consacraient notre défaite par leur façon de mourir.1

Then he said he was twice regretful, first to see the boys die, sent out to explode land mines and to run under tanks and into walls of gunfire, and then to think they were winning, these children, defeating us in the manner of their dying.2

Les paroles rapportées de cet ancien soldat font état de la puissance de l’attentat-suicide, de son efficacité. Beaucoup d’enfants, symboles de l’innocence, sont envoyés se faire tuer dans cette guerre. Leur mort n’inflige pas tant de pertes chez l’ennemi, mais elle possède un impact moral, psychologique fort puisqu’ils s’utilisent comme une arme, « ils consacraient [la] défaite [de l’Irak] par leur façon de mourir ». Ce soldat, écœuré par l’usage de ces enfants

1 DeLillo, Don. L’homme qui tombe, op. cit., p. 98.

en tant qu’arme, l’est encore plus de constater le poids de cette tactique. Ces propos sont présentés comme un des déclencheurs de l’engagement progressif de Hammad, et l’image qu’ils traduisent constitue la source de motivation ultime qui permet au personnage d’aller au bout de son acte :

Mais il y avait une vue, il y avait une scène clairement imaginée derrière sa tête. […]

Puis il pensa à quelque chose qu’il avait oublié depuis longtemps. Il pensa aux garçons chiites sur le champ de bataille dans le Chatt al-Arab. Il les vit sortir des tranchées et des fossés et traverser en courant les plaques de boue vers les positions ennemies, la bouche ouverte dans un cri mortel. Il y puisa de la force, en les voyant tomber par vagues sous le feu des mitrailleuses, des garçons par centaines, puis par milliers, des brigades suicide, portant bandanas rouges autour du cou et des clés en plastique par-dessous, pour ouvrir les portes du paradis.1

But there was a view, there was a scene of clear imagining out the back of his head. […]

Then he thought of something he’d long forgotten. He thought of the Shia boys on the battlefield in the Shatt al Arab. He saw them coming out of trenches and redoubts and running across the mudflats toward enemy positions, mouths open in mortal cry. He took strength from this, seeing them cut down in waves by machine guns, boys in the hundreds, then the thousands, suicide brigades, wearing red bandannas around their necks and plastic keys underneath, to open the door to paradise.2

Alors que le vieux soldat lui avait conté cette histoire avec désespoir, Hammad la perçoit avec admiration et y puise de la force. Une image se crée dans sa tête, une sorte de séquence filmique au ralenti, qui met en scène des milliers de jeunes garçons courant consciemment vers la mort. Cette scène est teintée d’une touche de désespoir à travers la mention de la présence naïve des clés en plastique (et non en métal précieux), symbole de l’ouverture du paradis. Cette évocation est tragique car elle puise dans les images d’enfants jouant à la guerre mais elle ne représente pas un jeu. L’introduction de la description par la succession des termes « view », « scene », « thought » puis « saw » construit l’apparition progressive du tableau qui relève d’une auto-propagande que se forge Hammad. Elle joue sur la suggestion d’un héroïsme patriotique décuplé par l’identité des combattants. L’appel au

pathos est renforcé par la seule expression physique mentionnée : « mouths open in mortal cry », ces bouches ouvertes dans un cri mortel, dernier souffle plein de force de ces enfants.

1 DeLillo, Don. L’homme qui tombe, op. cit., p. 288.

La description de l’enrôlement des terroristes suicidaires relève d’une hiérarchie semblable à celle de l’armée, institutionnalisant le cadre, objectivant à la fois la démarche et les individus. Dès lors, l’usage du « Volontaire de la Mort » comme arme dans un affrontement est calculé selon son efficacité :

Le VM [Volontaire de la Mort] n'est donc pas une fin, mais un moyen jugé utile et efficace dans des circonstances conflictuelles données pour atteindre un objectif particulier. Le sacrifice meurtrier s'inscrit dans le cadre d'une stratégie asymétrique : on fait d'un être humain une arme, faute de pouvoir lutter à parité contre un adversaire à l'évidence trop puissant, trop bien armé. On joue aussi de l'asymétrie psychologique qui veut que cette solution militaire, totalement étrangère et profondément choquante, provoque un ébranlement moral de l'adversaire, d'autant plus troublé qu'il se trouve hors d'état de la pratiquer en représailles.1

La réification du terroriste suicidaire est utilisée dans une stratégie d’ordre guerrière, militaire. La dimension psychologique n’est pas avancée dans l’acceptation de sa mission par le « Volontaire de la Mort », mais elle est mise en avant dans l’impact de l’acte terroriste suicidaire. L’objectif énoncé par l’auteur est de « provoque[r] un ébranlement moral de l’adversaire ». Cet « ébranlement moral » est de fait au cœur des intrigues des œuvres du

corpus, comme en témoigne la réaction du vieux soldat face au sacrifice des enfants chiites

évoquée dans le roman de Don DeLillo et analysée précédemment. Ces œuvres le mettent en scène à la fois à travers la construction des personnages et les bouleversements sociaux engendrés.

L’histoire de Salwa et Jassim (personnages principaux du roman de Laila Halaby) n’aborde pas les raisons qui poussent un individu à perpétrer un attentat-suicide, mais interroge l’impossibilité d’un retour à la normale. Arabes-Américains, Salwa et Jassim sont victimes de la peur collective qui se répand après le 11 septembre 2001. Salwa devient paranoïaque et sur la défensive face à tous les signes de stigmatisation dont elle est victime au quotidien (les magnets de voiture représentant le drapeau états-unien, le refus d’une cliente de travailler avec elle à cause de son origine, les émissions prosélytiques à la radio, la filature de deux jeunes vendeuses suspicieuses envers Jassim). Sa paranoïa se justifie à la fin du roman, lorsque Jassim apprend qu’il fait l’objet d’un signalement auprès du FBI :

« Beaucoup de choses se sont produites qu’aucun de nous deux n’a vu venir. Beaucoup de choses à ton propos qui n’auraient pas arriver.

“A lot has been going on that neither of us realized. A lot of things about you that shouldn’t have happened. Apparently, according to Anita, after

Apparemment, selon Anita, après le 11 septembre, Bella et Lisa étaient toutes les deux très en colère. Elles voulaient obtenir une revanche et elles voulaient être impliquées dans cette revanche. Surtout Bella.

― Une revanche sur le 11 septembre ?, demanda Jassim qui ne suivait pas.

― Mm-hmm. Il ne leur a pas fallu beaucoup de temps pour s’arrêter sur ton cas. Bella a appelé le FBI à ton propos quelques jours après que ça se soit produit, leur disant que tu étais un riche Arabe avec un accès au réseau de distribution d’eau potable de la ville et que tu ne semblais pas très affecté par ce qui s’était produit. Il semblerait que le FBI n’était pas intéressé de prime abord. Bella a commencé à tenir un journal de bord sur toi. Elle notait tout ce que tu disais, ce que tu portais, quel air tu avais. Puis il y a environ deux mois, elle a dit qu’elle pensait que quelque chose n’allait pas, que ton comportement avait changé. Que tu avais l’air préoccupé et qu’elle allait de nouveau appeler le FBI à ton propos. Qu’elle allait faire un rapport sur toi.

― Un rapport sur moi ? Pour quelle raison ? T’es sérieux ? », demanda Jassim, ne parvenant toujours pas à y croire. […] Jassim s’assit, ébahi à l’idée d’une enquête fédérale lancée par une réceptionniste dont les missions principales étaient de répondre au téléphone et de faire des photocopies.1

September 11, Bella and Lisa were both really angry. They wanted to get revenge and they wanted to be involved in that revenge. Bella especially.”

“Revenge for September 11?” asked Jassim, not following.

“Mm-hmm. It didn’t take long before they landed on you. Bella called the FBI on you a couple of days after it happened, told them you were a rich Arab with an access to the city’s water supply and you didn’t seem very upset by what happened. It seemed the FBI was not interested at first. Bella started to keep a notebook on you. She wrote down everything you said, what you wore, how you seemed. Then two months or so ago she said that she thought something was wrong, that your behavior changed. That you seemed bothered and that she was going to call the FBI on you again. Report you.”

“Report me? For what? Are you serious?” asked Jassim, still not believing. […] Jassim sat, reeling at the thought of an FBI investigation launched by a receptionist whose main duties were answering the telephone and making photocopies.2

Cet échange entre Jassim et son collègue se déroule à la fin du roman, plusieurs mois après les attentats du 11 septembre 2001 qui ont eu un impact important sur le fonctionnement de l’entreprise. En effet, plusieurs clients ont exprimé leur souhait de ne plus avoir affaire à Jassim alors que celui-ci est le plus expériementé et le plus compétent de l’entreprise. Ici, Marcus lui explique « la chasse aux sorcières3 » que la secrétaire a décidé de mener contre lui.

1 Nous traduisons.

2 Halaby, Laila. Once in a Promised Land, op. cit., p. 271-272.

L’emploi des paroles rapportées au discours indirect renforce le caractère secret et menaçant de la paranoïa générale qui constitue l’effet principal des attentats. L’incrédulité de Jassim représente à la fois sa naïveté mais aussi l’aberration d’une telle démarche. La conversation débute par le constat qu’aucun des deux personnages n’a anticipé les ennuis qui planent sur Jassim. L’usage de « a lot » et de « a lot of things » augmente le caractère indistinct, complexe et important de ce qui s’est tramé dans le dos de Jassim. L’attribution d’émotions violentes et extrêmes aux réceptionnistes, avec la mention de la « revanche » (revenge) instaure l’ambiguïté entre une volonté de justice et des actes irrationnels et injustifiés. Cela témoigne de l’importance du choc psychologique lié à l’attentat-suicide, choc qui possède également des répercussions sur l’organisation de l’entreprise, la situation professionnelle de Jassim et l’atmosphère de travail entre collègues. Marcus n’en est plus à faire son travail, mais cherche à raisonner clients et employés dans leur paranoïa.

« [L’]ébranlement moral » est réprésenté dans le roman de Yasmina Khadra au travers de l’impossibilité pour Amine de comprendre l’acte de sa femme :

Tu ne peux pas mesurer combien ça me travaille, ces histoires. Comment, bordel ! un être ordinaire, sain de corps et d’esprit, décide-t-il, au détour d’un fantasme ou d’une hallucination, de se croire investi d’une mission divine, de renoncer à ses rêves et à ses ambitions pour s’infliger une mort atroce au beau milieu de ce que la barbarie a de pire ?1

Ainsi Amine formule sa « frénésie interrogative2 » engendrée par l’attentat-suicide commis par sa femme. Le mélange entre un niveau de langue familier avec un terme comme « bordel », ou encore une expression comme « ça me travaille », et un niveau plus courant voire soutenu (comme « s’infliger », « atroce ») souligne le désarroi du personnage face à l’attentat-suicide de Sihem. S’ajoute la tournure interrogative qui fait du propos une question rhétorique. Le questionnement d’Amine ne fait pas du terroriste un être à part, une sorte de « monstre », mais insiste sur le fait que toute personne « sain[e] de corps et d’esprit » pourrait être l’auteur d’un attentat. Le caractère normatif des canditats au terrorisme suicidaire en décuple l’impact. D’autre part, Amine soulève la question des motivations du suicidaire, qui sont présentées comme relevant d’un « renoncement ». Il mentionne ce que Geneviève Morel attribue à « l’imaginaire » : ces images « éprouvantes », « fantasme(s) » ou « hallucination(s) » qui sont des bribes de réel qui ne se laissent pas saisir par le symbolique :

1 Khadra, Yasmina. L’attentat, op. cit., p. 95.

Lorsque le sujet parle, en analyse ou en témoignant, il mobilise les traces inconscientes du réel rejeté. Toucher à ce qui, pour lui, borde le réel, les signifiants du trauma, peut faire émerger ce réel irreprésentable sous la forme d’actes imprévisibles, d’hallucinations dans certains cas, ou, plus banalement, de phénomènes de « déjà-vu ». […] Qui veut témoigner du réel s’expose donc à ces phénomènes à des moments où quelque chose évoquera, dans le discours, ce réel retranché et non assumé symboliquement. Dans ce hiatus entre le symbolique et le réel, l’imaginaire s’avère avoir avec le réel des affinités que n’a pas le symbolique. Le sujet peut être exposé au retour ou à la création de certaines images éprouvantes qui auront sur lui une grande force suggestive. D’autant que les images, l’imaginaire, suscitent, bien plus que le discours, la croyance, comme le montre l’expérience du rêve, de l’hallucination ou, plus prosaïquement, de ce que nous éprouvons au cinéma, lorsqu’un film nous captive.1

En psychologie, les termes de « réel », « symbolique » et « imaginaire » ne possèdent pas exactement le même sens qu’en littérature. Le « réel » désigne une dimension du sujet inconsciente et qui touche à son identité profonde. Il est souvent refoulé, inaccessible, et le « surmoi », cette autorité intérieure, travaille à le contenir. Le « symbolique » regroupe la