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La réciprocité entre les formations restreintes de chambres et la Cour plénière

Chapitre I : La portée du recours à la CIJ par voie de compromis à travers une mise en œuvre

Paragraphe 2 : Les atouts portant sur la constitution des formations restreintes de chambres

B- La réciprocité entre les formations restreintes de chambres et la Cour plénière

Si l’on en croit à l’article 9 du Statut de la Cour, relatif à la composition de celle-ci, « Dans toute élection, les électeurs auront en vue que les personnes appelées à faire partie de la Cour, non seulement réunissent individuellement les conditions requises, mais assurent dans l'ensemble la

324 Olivier Corten et Pierre Klein, « L'efficacité de la justice internationale au regard des fonctions manifestes et latentes

du recours à la cour internationale de justice », dans, R. Ben Achour & S. Laghmani, dir., Justice et juridictions internationales, Paris, Pedone, 2000 à la p 45.

325 C’est l’exemple du Différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali (supra note 311). Cette affaire avait

dégénéré en des affrontements militaires entre les deux parties. Ce fut la raison du compromis négocié entre pour pouvoir se prêter au règlement judiciaire de la CIJ.

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représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde ». Cet article affirme que les juges appelés à trancher en droit international les affaires soumises à la Cour, doivent relever de traditions juridiques différentes. Certains devraient de ce fait en principe, être issus du droit de tradition civiliste ou romano-germanique, ou du droit du Common

law, tandis que d’autres devraient être ressortissant d’États qui relèvent du droit musulman ou du

droit coutumier. L’avantage d’une telle composition de la Cour pourrait résider dans l’idée de faire passer au peigne fin les décisions de la Cour avant que celles-ci ne soient adoptées, dans la mesure où chacun des juges aura eu à siéger dans la phase du traitement des affaires et devra voter les décisions qui découleront de celles-ci.

De ce point de vue, le règlement des affaires par les chambres peut évidemment susciter des interrogations sur la valeur des décisions qu’elles rendent. En effet, parce que composées de juges en nombres réduits et choisis par les parties elles-mêmes, les chambres n’offrent pas la possibilité de pouvoir représenter toutes les traditions juridiques du monde à travers les quinze juges de la Cour plénière, censées faire passer au peigne fin leurs décisions. Toutefois, si cette réalité devrait être vue comme une préoccupation, il n’en demeure pas moins qu’elle importe peu. En effet, l’article 27 du Statut de la Cour offre une réponse à cette préoccupation. Il dispose que : « Tout arrêt rendu par l'une des chambres prévues aux articles 26 et 29 sera considéré comme rendu par la Cour ». Ainsi, ne devrait-il pas avoir de différence de degré ou de valeur entre les chambres et la Cour dans sa formation plénière du point de vue de leurs décisions. Ainsi, devrait-on se faire l’idée que, the «chambers may be regarded as the Court sitting in a particular formation»327. Cela suppose que, d’une part, les arrêts issus des chambres de la Cour puissent aussi faire objet de recours devant le Conseil de sécurité de l’ONU pour une exécution forcée au même titre que les arrêts rendus par la Cour plénière.328 D’autre part, les arrêts des chambres peuvent tout comme ceux de la Cour plénière, susciter des recours en interprétation329 ou en révision330.

Aussi, convient-il de rappeler l’idée selon laquelle il n’y aurait pas de différence entre les règles de procédure devant les chambres et la Cour plénière. C’est l’article 90 du Règlement de la Cour de 1978, qui le confirme en ces termes : « La procédure devant les chambres prévues aux

327 Palchetti, supra note 306 à la p 476. 328 Supra note 1, art 94 au para 2. 329 Supra note 6, art 60.

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articles 26 et 29 du Statut est, sous réserve des dispositions du Statut et du présent Règlement les visant expressément, réglée conformément aux dispositions des titres I à III du présent Règlement applicables en matière contentieuse devant la Cour ». Le titre I dont cet article fait cas, a trait surtout au caractère secret des délibérations de la Cour ainsi qu’à sa composition, laquelle sous-entend l’indépendance des juges, leur impartialité, leur égalité et la possibilité des parties à un différend de le porté devant elle, de désigner des juges ad hoc au cas où il ne figurait pas parmi les juges de la Cour, leurs ressortissants.331 Le titre III porte sur les règles applicables en matière contentieuse. En clair, lorsqu’une affaire est portée devant la Cour plénière, ce sont les mêmes règles de procédure qui s’appliquent que si elle devrait l’être devant une chambre. Cela traduit l’idée selon laquelle rien n’interdirait aux parties dans une instance devant une chambre de pouvoir demander par exemple l’indication de mesures conservatoires au cas où des intérêts imminents seraient en jeu par le fait du différend, ou encore de pouvoir soulever des exceptions préliminaires.332Il n’y a

donc pas différence de procédure entre le recours devant la Cour plénière et le recours devant une chambre de la Cour. Autrement dit, les règles applicables dans un recours devant une chambre ne sont pas moins avantageuses que celles qui s’appliquent dans un recours devant la Cour plénière.

De ce fait, il n’y aurait donc pas de différence entre les chambres et la Cour plénière de manière à pouvoir douter de la crédibilité des premières ou de la valeur de leurs décisions. Le recours à ces chambres par l’effet du compromis de saisine ne devrait donc pas susciter des préoccupations chez les États, et ce, au regard même de ses avantages tels que relatés ci-haut dans le point (A). Parmi le rôle important des chambres, il y a lieu de reconnaître leur mérite d’avoir rendu certains arrêts de grande portée et qui sont souvent évoqués compte tenu des principes qui y ont été dégagés. C’est le cas de l’arrêt333 rendu par la chambre à laquelle le Burkina Faso et le Mali

ont eu recours pour connaitre du différend relatif à la délimitation de leur frontière commune. C’est à cet arrêt que l’on doit l’activation du principe de l’uti possidetis relativement aux règles portant sur les titres et les effectivités.334 Toutefois, il n’en demeure pas moins que ce

331 Art 1 à 21 du Règlement de la Cour de 1978.

332 Pour en savoir davantage sur le contenu du titre III du Règlement de la Cour de 1978, voir ses articles 22 à 101. 333Supra note 311.

334 Paolo Palchetti, « Article 27 », dans Andreas Zimmermann et al., dir., The Statute of the International Court of Justice: a commentary, 2è éd., Oxford, Oxford University Press, 2012, 502 à la p 504.

335 F. Wooldridge, « Uti possidetis Doctrine », in Bernhardt Rudolf (dir.), Encyclopedia of Public International Law,

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principe de l’uti possidetis juris335, dont l’application a précisément pour conséquence le respect

des frontières héritées de la décolonisation, a été invoqué pour la première fois en Amérique hispanique. Autrement dit, « c’est sur ce continent qu’on a assisté pour la première fois au phénomène d’une décolonisation entrainant la formation d’une pluralité d’États souverains sur un continent ayant antérieurement appartenu à une seule métropole »336, l’Espagne, en l’occurrence. Ce principe337 est emprunté du droit romain en vertu duquel le droit de possession d’un territoire est déterminé par l’état juridique de celui-ci à une date donnée338. C’est en effet un

principe général, qui a un lien étroit avec le phénomène de l’accession des États à l’indépendance. Il vise à éviter que l’indépendance et la stabilité des nouveaux États ne soient compromises par des luttes fratricides nées de la contestation des frontières à la suite du retrait de la puissance administrative.339 Après avoir été dégagés et appliqués dans ce différend entre le Burkina et le Mali,

ces principes (l’uti possidetis, et les effectivités), continuent de faire l’objet d’une application universelle à travers leurs invocations dans les différends territoriaux impliquant des États situés sur d’autres continents.340 Cela dit, l’arrêt rendu le 22 décembre 1986 par la chambre a une portée

qui va très au-delà du cas d’espèce, mais aussi du cadre africain.

De ce qui précède, il ressort que le recours à la Cour par la voie de compromis, qui entraine le jugement des affaires devant les chambres, est d’une grande importance dans le règlement pacifique des différends internationaux. Cette importance s’amplifie encore au regard d’autres types d’atouts qui bénéficient au traitement des affaires portées devant la Cour.

336 Supra note 311 à la p 565 au para 20. Voir notamment l’arrêt de la CIJ du 18 novembre 1960 dans l’affaire

Honduras/Nicaragua, dénommé « affaire de la sentence arbitrale rendue par le roi d'Espagne le 23 décembre 1906, [1960] CIJ rec 192 ; aussi, la sentence Hughes du 23 janvier 1933 sur la frontière entre le Honduras et le Guatemala.

337 Principe né de la décolonisation de l'Amérique latine admettant la délimitation des frontières selon la situation

existant dans les anciennes provinces espagnoles. Pour une appréciation récente de cette pratique. Voir, Jean Marc SOREL et Rostane Mehdi, « L'Uti possidetis entre la consécration juridique et la pratique: essai de réactualisation » (1994) 40 :1 AFDI 11 à la p 11.

338 Salmon, supra note 47 à la p 1123. 339 Supra note 311 à la p 565 au para 20

340 Par exemple, dans les affaires, Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c Malaisie) : supra note

315 ; Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria ; Guinée équatoriale (intervenant)) : supra note 43.

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Section 2 : Les atouts liés au règlement des différends portés à la Cour par la voie du

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