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L’appartenance de l’acte du compromis à la catégorie des traités

Chapitre I : La portée du recours à la CIJ par voie de compromis à travers une mise en œuvre

Paragraphe 2 : Les garanties juridiques liées à l’acte du compromis de saisine

A- L’appartenance de l’acte du compromis à la catégorie des traités

Selon l’article 2, paragraphe 1.a), de la Convention de Vienne sur le droit des traités358,

«l’expression ‘traité’ s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière.». Cette définition rappelle trois points importants à même de faire ériger le compromis en un accord international ou un traité, avec toutes les implications que cela comporte. D’abord, le traité symbolise un accord écrit. Ce qui exclut la catégorie des accords verbaux. C’est une entente entre sujets de droit international (des États) matérialisée à travers un acte et dont la preuve peut être constatée par le juge. Ensuite, le traité est un accord entre États, ce qui lui concède le qualificatif « international ». Sur ce, les relations entre individus et États ou entre particuliers et États ne sauraient aboutir à la conclusion de traités, quoique ces relations soient d’importance internationale, à moins de recevoir l’approbation d’un État en tant qu’autorité de tutelle. C’est le cas des accords de jumelage entre des villes d’États différents. Enfin, le traité demeure régi du point de vue de sa procédure de conclusion, de sa validation ou de son exécution, par le droit international. Il ne saurait de ce fait dépendre d’aucun droit étatique en particulier.

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En plus d’être une base de compétence de la CIJ, le compromis est aussi un acte juridique. Il est conclu par des États et traduit donc l’expression matérielle de leur volonté de s’en remettre à la compétence de la Cour. C’est cet acte qui est d’ailleurs notifié à la Cour en tant que preuve de leur acception de sa compétence dans le cas donné. La signature ou la conclusion d’un compromis signifie en principe, l’existence d’un différend (juridique). L’acte du compromis est de ce fait, la conséquence d’un tel différend. Sur ce, il ne saurait être procédé à la conclusion d’un compromis devant prévoir la compétence de la CIJ pour un différend donné, avant même que celui-ci ne soit né. Ainsi, convient-il de rappeler que : « Le compromis résulte d’une démarche pragmatique, qui conduit les parties à s’intéresser à un présent litigieux »359.

D’un point de vue formel, le compromis s’apparente généralement à un traité bilatéral en forme solennelle qui porte sur la compétence de la Cour. Il est de ce fait le fruit de la négociation360

entre des États parties à un différend né, qui trouvent nécessaire de le signer ou de le conclure pour le notifier à la CIJ par la suite conformément au paragraphe 1361 de l’article 40 de son Statut en

guise de leur acceptation de sa compétence pour le cas d’espèce.

C’est l’exemple du compromis entre la Malaisie et le Singapour au sujet de leur différend relatif à la Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge, notifié conjointement à la Cour le 24 juillet 2003.362 Le paragraphe 1 du texte de ce compromis comporte cette mention :

Au nom du Gouvernement de la Malaisie et du Gouvernement de la République de Singapour, nous avons l'honneur de porter à votre connaissance que la Malaisie et Singapour se sont entendus le 14 avril 1998 sur le texte du compromis visant à soumettre à la Cour le différend entre la Malaisie et Singapour concernant la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge. Conformément au paragraphe 1 de l'article 40 du Statut de la Cour, le Gouvernement de la Malaisie et le Gouvernement de la République de Singapour ont le plaisir de vous faire conjointement tenir: a).Un exemplaire original du compromis visant à soumettre à la Cour le différend entre la Malaisie et Singapour concernant la souveraineté : sur

359 Charles Jarrosson, « Le compromis, convention d’arbitrage d’avenir? », dans Mélanges en l'honneur du Professeur Bernard Audit : les relations privées internationales, Issy-les-Moulineaux, Lextenso éditions, 2014 aux pp 472-473. 360 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 616.

361 Aux termes de ce paragraphe, « Les affaires sont portées devant la Cour, selon le cas, soit par notification du

compromis, soit par une requête, adressées au Greffier ; dans les deux cas, l'objet du différend et les parties doivent être indiqués ».

362 Cour internationale de Justice, compromis visant à soumettre à la Cour internationale de Justice le différend entre

la Malaisie et Singapour concernant la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge, en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/130/1784.pdf>.

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Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge, signé le 6 février 2003 à Putrajaya ; b) une copie certifiée conforme du procès-verbal d'échange des instruments de ratification entre la Malaisie et Singapour, signé le 9 mai 2003 à

Putrajaya.

Par ailleurs, partant de la classification matérielle des traités, il est possible de ranger le compromis parmi la catégorie des traités-contrats par opposition aux traités-loi.363 De ce fait, le compromis s’apparenterait à un contrat synallagmatique, en ce sens qu’il comporte le plus souvent un échange de droits et d’obligations réciproques entre les États qui le concluent.364 En termes de droits, l’on en veut pour preuve, le paragraphe 1 de l’article VIII du texte du compromis entre le Botswana et la Namibie, qui prévoit par exemple que : « Chacune des Parties peut exercer le droit que lui confère le paragraphe 3 de l'article 31 du Statut de la Cour de procéder à la désignation d'un juge de son choix ».365Le paragraphe 2 de l’article IX du même texte énumère comme obligation à la charge des deux parties le fait qu’ « une fois que la Cour aura rendu son arrêt, les Parties prendront, dans les meilleurs délais, les mesures nécessaires à son application.». À contrario, et selon J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, le traité-loi est celui « dont la caractéristique est d’apparaitre comme une véritable législation internationale qui a été élaborée par la Communauté des États dans son ensemble » et qui « crée des situations légales dont le champ d’application est susceptible de déborder le cercle étroit des États parties ».366

Dans la mesure où le compromis est un traité, en principe, tous les États peuvent le conclure tant que cela leur paraîtrait la voie idéale pour en arriver au dénouement de leurs différends devant la Cour. 367 L’élaboration d’un compromis obéit de ce fait aux mêmes normes que celles des autres

traités. Sur cette base, lorsque des États parties à un différend veulent le soumettre à la Cour par la voie de compromis, chaque État devra être représenté par un plénipotentiaire, c’est-à-dire, une personne choisie en tant que son représentant et qui est munie de pleins pouvoirs pour négocier l’accord et engager l’État en question.368 Sont exemptés de la production de ces pleins pouvoirs les

363 Sur la distinction entre ces deux catégories de traités, voir, Francesco Ruffini, De la protection internationale des droits sur les œuvres littéraires et artistiques, La Haye, Martinus Nijhoff Publishers, 1926, II, Recueil des cours de l’Académie de droit international aux pp 473-474.

364 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 aux pp 40-41.

365 Cour internationale de Justice, compromis entre le gouvernement de la république du Botswana et le gouvernement

de la République de Namibie visant à soumettre à la Cour internationale de justice le différend qui oppose les deux États concernant la frontière autour de l'île de Kasikili/Sedudu et le statut juridique de cette île, en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/98/7184.pdf>.

366 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 aux pp 41-42. 367 Supra note 358, art 6.

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chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères, lesquels apparaissent comme les négociateurs par excellence.369 Il en est de même des chefs de mission diplomatique lorsqu’il s’agit l’adoption du texte d’un traité entre l’État accréditant et l’État accréditaire.370

Du point de vue contexture, le compromis comporte généralement tout comme la plupart des traités, un préambule et un dispositif. C’est le préambule qui contient l’énumération des parties au différend ainsi que l’exposé de leurs motifs. C’est l’exemple du préambule du compromis de saisine de la Cour, conclu par le Bénin et le Niger au sujet de leur différend frontalier, et qui fut notifié le 3 mai 2003.371 Celui-ci annonce d’une part, les parties au différend par cette formule : « Le Gouvernement de la République du Niger et le Gouvernement de la République du Bénin, ci- après dénommés « les Parties ». D’autre part, l’exposé des motifs liés à la signature du compromis, est quant à lui présenté comme suit : « Désireux de parvenir dans les meilleurs délais au règlement du différend frontalier qui les oppose en se fondant sur les dispositions de la Charte ainsi que sur les résolutions de l'Organisation de l'Unité Africaine et de soumettre la question de la délimitation définitive de l'ensemble de leur frontière à la Cour Internationale de Justice, ci-après dénommée «la Cour »372. Le dispositif, pour sa part, en tant que seconde partie du compromis, représente en principe, le corps de l’acte. C’est la partie qui comporte les articles, voire, dans certains cas, des annexes ou des protocoles additionnels.373

De ce point de vue, dans la mesure où la nature de l’acte du compromis est celle d’un traité, il n’en demeure pas moins qu’il peut tirer profit des garanties juridiques liées à l’interprétation et à l’application de tous les traités en général.

369 Supra note 358, art 7 au para 2.a. 370 Supra note 358 au para 2.b.

371 Compromis de saisine de la Cour internationale de Justice du différend frontalier entre la République du Niger et

la République du Benin, en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/125/7068.pdf>.

372 Ibid.

373 À titre de preuve, le compromis de saisine de la Cour internationale de Justice du différend frontalier entre la

République du Niger et la République du Benin, comporte dans son dispositif en plus des articles, le « Protocole d'échange des instruments de ratification du compromis de saisine de la cour internationale de justice au sujet du différend frontalier entre la République du Benin et la République du Niger, signe à Cotonou, le 15 juin 2001 ».

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B- Les bénéfices des règles de bonne foi et du pacta sunt servanda au jugement des affaires

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