• Aucun résultat trouvé

Les limites du recours au Conseil de sécurité des Nations Unies pour une

Chapitre I : Les incertitudes dans le règlement des affaires soumises à la Cour par la voie de

Paragraphe 2 : Les réticences de l’État condamné à l’exécution des décisions de la Cour,

B- Les limites du recours au Conseil de sécurité des Nations Unies pour une

En sa qualité d’Organe judiciaire principal de l’ONU, la CIJ bénéficie en principe de l’appui du Conseil de sécurité pour l’exécution à proprement parler de ses décisions. Dès lors que l’arrêt est rendu et qu’aucun recours n’est intervenu à son encontre, les parties doivent procéder à son exécution. D’où le caractère obligatoire201 des arrêts de la Cour. Toutefois, il n’en demeure pas

moins que cette exécution peut parfois se heurter à des difficultés liées au refus d’une des parties de s’acquitter de sa part de responsabilité. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 94 de la Charte «Chaque Membre des Nations Unies s'engage à se conformer à la décision de la Cour internationale de Justice dans tout litige auquel il est partie». Ce paragraphe oblige les États membres de l’ONU à se conformer aux décisions de la Cour. En plus de ces États, cette obligation incombe aux États non membres de l’ONU, mais qui sont parties au Statut de la Cour. Par exemple, en adhérant au Statut de la CIJ, le Japon avait de ce seul fait, accepté de s’acquitter de « toutes les obligations qui incombent à un membre des Nations Unies en vertu de l’article 94 de la Charte »202, alors même

200 Mohammed Bedjaoui, L'humanité en quête de paix et de développement (II) : cours général de droit international public, Leiden/Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2006 à la p 92 [Bedjaoui].

201 Supra note 6, art 59.

202 Demande du Japon pour devenir partie au Statut de la Cour internationale de Justice, Rés AG 805 (VIII), Doc off

44

qu’il n’était pas encore membre de l’ONU. Quant aux États admis à ester devant la Cour sans être parties à son Statut, et qui n’ont pas non plus la qualité de membres des Nations Unies, leur obligation à devoir se conformer aux décisions de la CIJ est organisée par le Conseil de sécurité de l’ONU qui en vertu du paragraphe 2203 de l’article 35 du Statut de la Cour, a adopté la résolution

9204, du 15 octobre 1946. Aux termes du paragraphe 1 de cette Résolution, le Conseil évoque que tout État non partie au Statut de la Cour, pourrait accepter la juridiction obligatoire de la Cour.205

Dans l’affaire de l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime

de génocide (Bosnie-Herzégovine c Serbie-et-Monténégro)206, la Cour a dû faire référence à cette résolution pour justifier sa compétence, car en l’occurrence l’une des parties n’était pas membre des Nations Unies. Il s’agissait de la ‘’Serbie-et-Monténégro’’, qui était à cette époque un État à part entière. Sa scission n’interviendra que plus tard pour donner naissance à deux États : ce sont la Serbie, dont l’adhésion à l’ONU est intervenue le 1er novembre 2000207, et le Monténégro qui

devint membre de la même Organisation à la date du 28 juin 2006.208

Cette exécution de bonne foi des décisions de la Cour semble être empruntée du Pacte de la SDN. Son article 13209 faisait obligation aux membres de ladite Organisation de réserver une

exécution sincère aux décisions qui émaneraient non seulement de la CPJI, mais aussi des tribunaux arbitraux. C’est le paragraphe 2 de l’article 94 de la Charte qui révèle la nécessité qui réside dans l’exécution des décisions de la Cour, et les implications qui s’attachent à leur empiètement. Selon ce paragraphe, « Si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d'un arrêt rendu par la Cour, l'autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s'il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter

203 « Les conditions auxquelles elle est ouverte aux autres Etats sont, sous réserve des dispositions particulières des

traités en vigueur, réglées par le Conseil de sécurité, et, dans tous les cas, sans qu'il puisse en résulter pour les parties aucune inégalité devant la Cour ».

204 Conseil de sécurité des Nations Unies, « Résolutions du Conseil de sécurité en 1946 », en ligne :

<http://www.un.org/fr/sc/documents/resolutions/1946.shtml>.

205 À cet effet, il « devra avoir déposé préalablement au greffe de la Cour une déclaration par laquelle il accepte la

juridiction de la Cour conformément à la Charte des Nations Unies et aux conditions du Statut et du règlement de la Cour, déclaration par laquelle il s’engage à exécuter de bonne foi la ou les sentences de la Cour et à accepter toutes les obligations mises à la charge d’un Membre des Nations Unies par l’article 94 de la Charte ».

206 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c Serbie-et-Monténégro), [1996] CIJ rec 595.

207 Nations Unies, « États membres », en ligne : < http://www.un.org/fr/members/>. 208 Supra note 207.

209 Cet article stipule que : « Les Membres de la Société s’engage à exécuter de bonne foi les sentences rendues par la

45

l'arrêt ». En clair, ce paragraphe ouvre la voie à l’exécution forcée des décisions de la Cour, devant le Conseil de Sécurité, à la demande de toute partie. La seule tentative d’application de cette disposition dans l’affaire Activités militaires au Nicaragua contre le Nicaragua s’est heurtée au veto des États-Unis qui étaient alors, partie au différend.210 C’est de près l’un des incidents malheureux qui ternit l’image de la Cour, cet usage de véto des membres permanents du Conseil de Sécurité, surtout lorsque l’un d’eux est partie à un différend. Mais bien avant d’en arriver aux obstacles liés à l’exécution des décisions de la Cour par le fait de l’usage par les membres permanents du Conseil de sécurité de leur droit de veto, tenons-nous au contenu même du paragraphe 2 de l’article 94 de Charte pour constater les limites qui s’y dégagent.

D’une part, ce paragraphe ne laisse pas présumer la possibilité d’un recours devant le Conseil de sécurité pour une exécution forcée de décisions de la Cour autres que les arrêts. Quoiqu’il soit possible donc de recourir au Conseil de sécurité, ce recours semble limité aux arrêts de la Cour et ne concernerait donc pas ses ordonnances.211 Pourtant ces ordonnances sont d’une

grande utilité surtout quand elles visent à indiquer des mesures conservatoires relatives à l’arrêt d’hostilités, de sorte que leur urgence devrait commander une célérité d’action de la part du Conseil de sécurité. Par exemple, dans l’affaire de l’Application de la convention internationale sur

l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c Fédération de Russie)212, bien avant l’arrêt sur les exceptions préliminaires soulevées par la Russie, la Géorgie avait demandé à la Cour d’indiquer des mesures conservatoires parce qu’elle subissait des attaques armées russes sur une partie de son territoire. Le 15 octobre 2008, la Cour prit une ordonnance dans ce sens et invitait ainsi les parties à la protection des personnes et de leurs biens, à la facilitation de l’aide humanitaire apportée aux populations locales des provinces géorgiennes de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.213Mais en réalité, le cessez-le-feu n’interviendra pour arrêter les violences qu’à

partir d’une médiation de la France.214

210 Guillaume, supra note 48 aux pp 181-182.

211 Kolb, supra note 41 à la p 872. La doctrine reste toutefois divisée sur la question, à savoir si les ordonnances de la

Cour peuvent aussi faire l’objet de recours en exécution forcée devant le Conseil de sécurité de l’ONU au même titre que ses arrêts.

212 Supra note 91.

213 Application de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c Fédération de Russie), Ordonnance du 15 octobre 2008, [2008] CIJ rec 353 aux pp 398-399 au para 149.

214 Perspective Monde, « Cessez-le-feu dans le conflit entre la Géorgie et l'Ossétie du Sud », en ligne :

46

D’autre part, en partant de l’idée que les États sont des entités souveraines et qu’il est dans une certaine mesure impossible pour quiconque de s’immiscer dans leurs politiques internes,215 on

peut s’attendre à une limite à l’action du Conseil de sécurité visant à forcer un État à l’exécution d’un arrêt de la Cour, aussi longtemps que le refus de l’exécution ne constitue pas une menace à la paix et à la sécurité internationales.216 Dans cette hypothèse, le Conseil de sécurité agirait en principe, non pas pour faire aboutir l’exécution de l’arrêt de la Cour en premier lieu, mais pour protéger la paix et la sécurité internationales, en vertu des pouvoirs que lui confère le chapitre VII de la Charte de l’ONU.217

Toutefois, s’il peut être facile au Conseil de sécurité de contribuer à la mise en œuvre des arrêts de la Cour contre tous les États en général, rien n’est moins sûr qu’il puisse jouer ce même rôle lorsque ces arrêts impliquent ses membres permanents en particulier.

Section 2 : Les difficultés liées à l’exécution des décisions de la Cour par un membre

Outline

Documents relatifs