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Les avantages du compromis par rapport à la requête unilatérale dans le recours à la Cour internationale de Justice (CIJ)

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Les avantages du compromis par rapport à la

requête unilatérale dans le recours à la Cour

internationale de Justice (CIJ)

Mémoire

Roland Melaine Toe

Maîtrise en droit

Maître en droit (LL. M.)

Québec, Canada

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Les avantages du compromis par rapport à la

requête unilatérale dans le recours à la Cour

internationale de Justice (CIJ)

Mémoire

Roland Melaine Toe

Sous la direction de :

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iii

RÉSUMÉ

Créée en 1945 pour succéder à la Cour permanente de Justice internationale (CPJI), la Cour internationale de Justice (CIJ), conserve la particularité d’être non seulement l’un des organes principaux de l’Organisation des Nations Unies (ONU), mais aussi son organe judiciaire principal en charge du règlement pacifique des différends internationaux. Quoi que l’on puisse dire de son fonctionnement, il n’en demeure pas moins des insuffisances dans son action. Tantôt liées aux attitudes des États en tant que ses justiciables par excellence ou à la configuration actuelle de son Statut, ces insuffisances ont souvent suscité des critiques chez certains auteurs sceptiques sur son efficacité à pouvoir servir d’un véritable cadre de dénouement des différends internationaux. C’est pourquoi, ils plaident en faveur d’une réforme de son Statut. Nul doute que cette option peut paraitre irréaliste dans un avenir proche au regard de la complexité des procédures qui commandent d’être accomplies à cet effet. Dans la mesure où, le consensualisme, en tant que principe qui régit le règlement pacifique des différends internationaux, s’épanouit mieux dans les hypothèses de saisine de la Cour par la voie du compromis, on gagnerait à privilégier cette option. Les différents Secrétaires généraux de l’ONU, devraient de ce point de vue, attirer plus l’attention des États sur les atouts de cette voie de recours, plutôt qu’à ne les encourager qu’à accepter la juridiction obligatoire de la Cour, dans la mesure où, même quand ils l’acceptent, ils la grèvent souvent de lourdes réserves.

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iv

ABSTRACT

Established in 1945 to take over from the Permanent Court of International Justice, the International Court of Justice is not only one of the principal organs of the United Nations but also its main judicial body in charge of the peaceful settlement of international disputes. However, the action of the Court is in practice not free from insufficiencies. Whether related to the attitudes of States as the primary subjects to the jurisdiction or the text of the Statute of the Court, these shortcomings have elicited some scholars’ skepticism about the capacity of the Court to serve as a useful forum for the peaceful settlement of international disputes. Thus, scholars sometimes suggest an amendment to the Court’s Statute, although this option seems not feasible in light of the legal hurdles for its modification. As the best expression of consent governing the peaceful settlement of international disputes, special agreements should be the preferred avenue for seizing the Court. The United Nations General Secretaries should draw States’ attention on the advantages of special agreements as a means of seizing the Court, instead of encouraging them always to accept the compulsory jurisdiction of the Court under Article 36 § 2 of its Statute. Indeed, even when States accept the jurisdiction of the Court through unilateral declarations, they happen to neutralize it through disempowering reservations.

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v

Table des matières

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ... iv

LISTE DES ABRÉVIATONS ... viii

DÉDICACE ... ix

REMERCIEMENTS ... x

Introduction ... 1

Première partie : Les limites du recours à la CIJ par la voie de requête unilatérale sur le règlement des différends ... 13

Chapitre I : Les incertitudes dans le règlement des affaires soumises à la Cour par la voie de requête unilatérale ... 14

Section 1 : Les limites à la compétence de la Cour quant à l’obligation de consentement des parties à un différend ... 14

Paragraphe 1 : Les limites liées aux différentes bases juridiques de la compétence de la Cour relativement à l’introduction d’instance par la voie de requête unilatérale ... 14

A- Les limites des déclarations facultatives de juridiction obligatoire en tant que fondement juridique de la compétence de la Cour ... 15

B- Les limites de la clause compromissoire en tant que fondement juridique de la compétence de la Cour ... 18

Paragraphe 2 : Les désavantages des réserves en lien avec la requête unilatérale sur la compétence de la Cour ... 22

Section 2 : Les limites liées au phénomène de désistement d’instance devant la Cour ... 25

Paragraphe 1 : Les limites de l’introduction d’instance par la voie de requête unilatérale en lien avec les hypothèses des radiations d’affaires du rôle de la Cour ... 25

Paragraphe 2 : L’application du forum prorogatum et ses limites ... 30

Chapitre 2 : Les incertitudes de la saisine de la Cour par voie de requête unilatérale sur la mise en œuvre des décisions de la Cour... 35

Section 1 : Les raisons liées aux incertitudes sur l´exécution des arrêts de la Cour dans les affaires ayant fait l’objet d’une saisine par la voie de la requête unilatérale ... 35

Paragraphe 1 : La remise en cause des arrêts de la Cour par voie de contestation avec les hypothèses des recours en interprétation d´arrêts devant la Cour ... 35

Paragraphe 2 : Les réticences de l’État condamné à l’exécution des décisions de la Cour, en lien la saisine par la voie de la requête unilatérale ... 39

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vi

A- Les raisons liées à la réticence de l´État condamné à l’exécution des décisions de

la Cour ... 40

B- Les limites du recours au Conseil de sécurité des Nations Unies pour une exécution forcée des décisions de la Cour ... 43

Section 2 : Les difficultés liées à l’exécution des décisions de la Cour par un membre permanent du Conseil de sécurité ... 46

Paragraphe 1 : L’impact de l’usage du veto d’un membre du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’exécution des arrêts de la Cour ... 47

Paragraphe 2 : Les cas d’inexécution des décisions de la Cour par un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU ... 50

A- L’inexécution par les États-Unis de l’arrêt de la Cour dans l’affaire relative aux Activités militaires au Nicaragua contre celui-ci ... 50

B- L’inexécution par la France de l’ordonnance de la Cour relative aux mesures conservatoires dans l’affaire des Essais nucléaires ... 54

Conclusion de la première partie ... 58

Deuxième partie : La protection de la compétence de la Cour contre les incidents de procédure par le fait du compromis de saisine ... 59

Chapitre I : La portée du recours à la CIJ par voie de compromis à travers une mise en œuvre effective du consensualisme ... 60

Section 1 : La constitution des formations restreintes de chambres pour le règlement des affaires ... 60

Paragraphe 1 : Les types de chambres ... 60

A- Les chambres préconstituées ... 60

B- Les chambres ad hoc ... 64

Paragraphe 2 : Les atouts portant sur la constitution des formations restreintes de chambres au sein de la Cour ... 67

A- La portée du recours aux formations restreintes de chambres par le fait du compromis ... 67

B- La réciprocité entre les formations restreintes de chambres et la Cour plénière .. 70

Section 2 : Les atouts liés au règlement des différends portés à la Cour par la voie du compromis ... 74

Paragraphe 1 : Les atouts liés au bénéfice du fonds d’affectation spéciale au règlement des différends portés devant la Cour par la voie de compromis ... 74

A- Définition du fonds d’affectation spéciale destinée à aider les États à faire face aux dépenses judiciaires ... 74

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vii

B- Les motifs liés au bénéfice du fonds d’affectation aux États ayant fait recours à la

Cour par la voie de compromis... 77

Paragraphe 2 : Les garanties juridiques liées à l’acte du compromis de saisine ... 81

A- L’appartenance de l’acte du compromis à la catégorie des traités ... 81

B- Les bénéfices des règles de bonne foi et du pacta sunt servanda au jugement des affaires portées à la Cour par la voie de compromis de même qu’à l’exécution des décisions issues de ces affaires ... 85

Chapitre II : Les implications de la mise en œuvre du consensualisme sur le cours de la procédure de règlement des différends à travers le recours des États à la Cour par la voie du compromis ... 89

Section 1 : La protection de la compétence de la Cour contre la multitude des exceptions dans la procédure de règlement par le fait du recours par la voie de compromis ... 89

Paragraphe 1 : La capacité du compromis à limiter les exceptions préliminaires ... 89

A- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions ratione materiae par le recours par la voie de compromis ... 90

B- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions ratione personae par le recours par la voie de compromis ... 93

C- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions ratione temporis par le recours par la voie de compromis ... 97

Paragraphe 2 : La capacité du compromis à limiter les exceptions d’irrecevabilité ... 100

Section 2 : De la nécessité de renforcer le recours à la Cour par la voie du compromis ... 105

Paragraphe 1 : Les raisons justificatives de cette nécessité de renforcer la saisine de la Cour par la voie de compromis ... 105

Paragraphe 2 : Des propositions relatives à un fréquent recours des États à la Cour par la voie du compromis ... 110

A- De la prise en compte de l’importance de l’idée du recours à la Cour par la voie du compromis dans les rapports annuels de la CIJ à l’Assemblée générale des Nations Unies………..110

B- Du rôle du Secrétariat général des Nations Unies à encourager les États à recourir à la Cour par la voie du compromis ... 113

Conclusion de la deuxième partie ... 117

Conclusion générale ... 119

(8)

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LISTE DES ABRÉVIATONS

AFDI : Annuaire Français de Droit International AG : Assemblée générale

AOF : Afrique Occidentale Française Art : Article

CIJ : Cour Internationale de Justice CPA : Cour Permanente d’Arbitrage

CPJI : Cour Permanente de Justice Internationale LGDJ : Librairie Générale de Droit et Jurisprudence NU : Nations Unies

ONU : Organisation des Nations Unies Para : Paragraphe

RT Can : Recueil des Traités du Canada

RGDIP : Revue générale de Droit International Public RTNU : Recueil des Traités des Nations Unies SDN :

TIDM :

Société Des Nations

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DÉDICACE

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REMERCIEMENTS

Je voudrais de prime abord, témoigner ma profonde gratitude à la professeure Julia Grignon. Ce fut pour moi un plaisir d’avoir bénéficié de sa direction et de son accompagnement au long de la rédaction de ce mémoire relatif à un sujet qui me passionne tant. Ses remarques et commentaires m’ont été d’un grand atout pour atteindre ce résultat.

Je ne saurais ignorer la professeure Kristin Bartenstein pour avoir accepté de siéger sur le jury de mon atelier de présentation de projet de mémoire. Par sa lecture méticuleuse de mon projet de recherche, elle a su attirer mon attention sur certaines failles qu’il comportait, me permettant ainsi de restructurer mes idées pour parvenir à ce résultat.

Aussi, souhaiterais-je traduire mes remerciements à la direction de la faculté de droit de l’Université Laval pour avoir accepté de me faire partie de ses étudiants, en plus de son assistance et son sens d’écoute. Sur ce, à travers sa vice-doyenne aux études supérieures, la professeure Véronique Guèvremont et messieurs Sylvain Lavoie et Michel Bélanger, qu’elle reçoive l’expression de ma profonde gratitude.

J’ai une pensée pour mon ami Mamadou Hébié, maître-assistant à la faculté de droit de l’Université de Leyde au Pays-Bas. Je lui traduis toute ma gratitude pour ses remarques et les riches discussions que j’ai pu avoir avec lui sur certains aspects de ce travail.

Je voudrais en outre, avoir égard à mes amis pour les féliciter de leur collaboration, laquelle m’a aussi été enrichissante pour mes recherches sur ce travail. Je fais à cet effet, allusion d’une part, à ces doctorant (e) s en droit à l’Université Laval : Bienvenu Moussa Haba, Ndeye Dieynaba Ndiaye, Christian Hessou, Guy Marcel Nono, etc., et d’autre part, Bienvenu Venceslas Ouédraogo (Université de Genève), Émile Ouédraogo (Post doctorant à l’Université de Québec à Montréal). Par ailleurs, c’est un honneur pour moi d’avoir bénéficié de l’assistance et des encouragements de l’apôtre Gilbert Kaboré, pasteur principal de l’Église Bethel Shan Shean, de même que de son épouse Jeanne Kaboré à Ouagadougou (Burkina Faso). Qu’à travers eux, toute cette Église reçoive l’expression de ma reconnaissance profonde.

Pour finir, j’ai une pensée spéciale pour ma fiancée Zenabo Ouedraogo que j’appelle affectueusement Grâce, qui n’a ménagé aucun effort pour me faire tirer profit de ses conseils et encouragements tout au long de la rédaction de ce document. Elle m’a été d’un atout véritable.

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1

Introduction

De notre point de vue, toute société a besoin pour son fonctionnement et son épanouissement d’un droit sans lequel elle débouche à l’anarchie. Encore, faudrait-il qu’il y ait une autorité légitime en son sein, c’est-à-dire qui soit acceptée de tous et chargée de la mise en œuvre de ce droit et le cas échéant, d’en sanctionner les violations pour faire droit à la justice. C’est bien dans cette optique que s’inscrit l’avènement de l’Organisation des Nations Unies (ONU) à travers son traité créateur, la Charte1, qui fut adoptée le 26 juin 1945 à San Francisco. Devant l’incapacité de la Société des Nations (SDN) à empêcher une seconde guerre mondiale en 1939, la nécessité de se doter d’une Organisation universelle et plus dynamique ayant l’ultime objectif du maintien de la paix2 et de la sécurité3 internationales devenait plus qu’impérieuse pour la communauté internationale.4 Dans leur désir de permettre à l’ONU de remplir cette mission du maintien de la paix et de la sécurité internationales, les États signataires de la Charte n’hésiteront pas à la munir d’un certain nombre de moyens d’action.5 Au nombre de ces moyens, figure la Cour Internationale

de Justice (CIJ) dont le Statut6 fait partie intégrante de la Charte.7

La CIJ apparaît comme l’héritière de la Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI),8 qui existait au temps de la SDN. Toutefois, elle se différencie de sa devancière à bien des égards.9

Avec la nécessité qui naissait de substituer à la SDN une autre Organisation universelle, en

* Le mode de citation est emprunté au Manuel canadien de la référence juridique (McGill Guide), 8e éd, Toronto,

Carswell, 2014.

1 Charte des Nations Unies, 26 Juin 1945, RT Can 1945 n0 7.

2 Le maintien de la paix est l’« action consistant à faire perdurer un état de paix, spécialement lorsque celui-ci est

menacé » : Jean Salmon, dir, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001 à la p 678, sens A [Salmon].

3 Ibid à la p 1025. Sens A : La sécurité internationale est la « situation dans laquelle la communauté internationale jouit

d’un état de tranquillité par l’absence de menace contre la paix ou de rupture contre celle-ci ».

4 René Cassin, « De la Société des Nations aux Nations Unies » dans René Cassin, dir., Les Nations Unies, chantier d’avenir, vol. II, Paris, PUF, 1962 aux pp 35-38.

5 Supra note 1, art 7.

6 Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ), adopté à San Francisco, 24 octobre 1945, RTNU N/D. 7 Supra note 1, art 92.

8 Protocole de signature concernant le Statut de la Cour permanente de Justice internationale visé par l'article 14 du

Pacte de la Société des Nations, adopté à Genève, 16 Décembre 1920, Recueil des Traités, LA 41 TR-08101921 - LoN – 170, RTSDN, n0 170.

9 D’une part, la CPJI n’a jamais fait partie intégrante de la SDN comme étant l’un de ses organes principaux, encore

que son Statut ne faisait pas partie intégrante du Pacte de la SDN (voir : La Cour internationale de Justice, en ligne : <http://www.icj-cij.org/information/fr/cbleubook.pdf>). Au contraire la CIJ est l’un des organes principaux de l’ONU et son Statut fait partie intégrante de la Charte (article 92 de la Charte de l’ONU). D’autre part, un État membre de la SDN ne fût pas, de ce seul fait, automatiquement partie au Statut de la CPJI : Moreau Defarges Philippe, « De la SDN à l'ONU. », Pouvoirs 2/2004 (n° 109) aux pp 15-26, en ligne : <www.cairn.info/revue-pouvoirs-2004-2-page-15.htm> ; à l’opposé de la CIJ dont tous les États membres de l’ONU sont parties à son Statut (supra note 1, art 93 au para 1).

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2

l’occurrence, l’ONU, il devenait parallèlement logique qu’une nouvelle juridiction à vocation universelle se substitue tout de même à la CPJI.10 C’est au Palais de la Paix, à la Haye (au Pays Bas) que se situe le siège de cette juridiction.11 Elle est censée exercer la fonction de tribunal mondial12 et apparaît comme le seul des six organes principaux13 à ne pas avoir son siège à New York (aux États-Unis). Elle règle conformément au droit international les différends d’ordre juridique que les États lui soumettent,14 et elle est à la disposition d’un certain nombre d’institutions ou organes principaux des NU pour leur donner des avis consultatifs afin de les assister, sur le plan juridique, dans la réponse à donner à des questions inscrites à leur ordre du jour.15 Est appelé différend juridique international « un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts »16. C’est en tant que telle que la CIJ, dans

l’exercice de ses fonctions contentieuse et consultative, est appelée à contribuer à l’objectif premier de l’Organisation, qui est de « préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances »17. Ainsi,

règle-t-elle conformément au droit international les différends qui lui sont soumis et « dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales »18.

10 Cette idée était partagée dès août 1944 lors de la conférence de Dumbarton Oaks (aux États-Unis), par les experts

mandatés pour rédiger un avant-projet de Charte des NU. C’est ainsi qu’à la conférence de San Francisco, le comité de juristes présidé par Jean Basdevant avait suggéré d’instituer une nouvelle juridiction en lieu et place de la CPJI. Les considérations qui militaient en faveur de cette solution étaient d’une part politiques, et d’autre part, techniques. Dans un premier temps, les NU avaient décidé d’exclure dans l’immédiat, les États ex-ennemis de toute coopération internationale ; or certains d’entre eux restaient parties au Statut de la CPJI. Secundo, le renouvellement des juges de la CPJI dépendait d’une décision d’Organes de la SDN (le Conseil et l’Assemblée), qui n’étaient plus en mesure de s’acquitter une telle responsabilité en ce sens que le processus de dissolution de la SDN était déjà entamé. Pour ces raisons, la conférence de San Francisco établit tout à la fois la Charte des NU et le Statut de la CIJ, qui à la différence de la CPJI, devrait devenir l’organe judiciaire principal des NU : Voir, Michel Dubisson, La Cour internationale de Justice, Paris, LGDJ, 1964 aux pp 15 - 26 ; Karin Oellers-Frahm, « Article 92 UN Charter », dans Andreas Zimmermann et al., dir., The Statute of the International Court of Justice : a commentary, 2è éd., Oxford, Oxford University Press, 2012, 163 à la p 166; Histoire des Nations Unies, Conférences de Dumbarton Oaks et de Yalta, en ligne : < http://www.un.org/fr/aboutun/history/dumbarton_yalta.shtml>.

11 Supra note 6, art 22 au para 1.

12 Etienne Guillaume, « L’emploi de la force armée devant la Cour internationale de justice », (2002) 3 Annuaire

Française des Relations Internationales 215 à la p 215.

13 Supra note 1, art 7 au para 1. 14 Supra note 6, art 38 au para 1. 15 Supra note 1, art 96.

16 Affaire des concessions Mavrommatis en Palestine (République hellénique c Grande Bretagne) (1924), CPJI (sér A)

n0 2 à la p 11.

17 Supra note 1 au préambule. 18 Supra note 1, art 33 au para 1.

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La juridiction de la CIJ est un corps de magistrats indépendants (supra note 6, art 2), composé de quinze membres.19 Ceux-ci sont élus par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale de l’ONU20 pour neuf ans et renouvelables,21 « sans égard à leur nationalité, parmi les personnes

jouissant de la plus haute considération morale et qui réunissent les conditions requises pour l’exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions judiciaires ou qui sont des jurisconsultes possédant une compétence notoire en matière de droit international »22. Sa compétence s’étend à tous les différends d’ordre juridique ayant pour objet l’interprétation d’un traité, tout point de droit international, la violation d’un engagement international ainsi que la nature et l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement international.23 Elle

applique les conventions internationales, la coutume internationale, les principes généraux de droit ainsi que les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes dans la résolution des différends qui lui sont soumis.24 Quant aux arrêts de la Cour, ils sont adoptés à la majorité des juges présents et

dans le cas d’un partage des voix, celle du président ou de celui qui le remplace reste prépondérante.25 Ses arrêts sont obligatoires26 et définitifs27.

En tant qu’organe de l’ONU, l’institution de la CIJ par la Charte peut être tributaire de deux phénomènes. Le premier relève de la grande difficulté à laquelle les États membres pourraient faire face pour résoudre par eux-mêmes les problèmes juridiques auxquels ils seraient confrontés, soit individuellement, soit collectivement. Le second témoigne aussi de la difficulté qu’éprouveraient les États à organiser la Communauté internationale sans tenir compte d’une justice internationale. Comme la plupart des juridictions civiles, la compétence de la Cour au niveau contentieux ne peut être actionnée que lorsqu’elle se trouve saisie par les justiciables (seulement les États), qui y sont habiletés conformément à ses modes de saisine.28 À ce sujet, le paragraphe premier de

19 Supra note 6, art 3 au para 1. 20 Supra note 6, art 4 au para 1. 21 Supra note 6, art 13 au para 1. 22 Supra note 6, art 2.

23 Supra note 6, art 36 au para 2. 24 Supra note 6, art 38 au para 1. 25 Supra note 6, art 55.

26 Supra note 6, art 59. 27 Supra note 6, art 60.

28 Cette idée de saisine préalable de la Cour par ses justiciables, avant qu´elle exerce sa compétence dans le cadre d’un

différend à elle soumis, n’est pas le propre de la CIJ, car on peut tout de même l’observer au niveau de la justice étatique. Mais contrairement à cette justice et dans une autre mesure certaines juridictions internationales qui regorgent des procureurs chargés de dénoncer et de poursuivre les auteurs de crimes ou de délits, les rédacteurs du Statut de la CIJ se sont voulus davantage soucieux de la souveraineté des États en leur laissant le soin de saisir cette dernière de la

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l’article 40 du Statut de la Cour stipule que : « Les affaires sont portées devant la Cour, selon le cas, soit par notification du compromis, soit par une requête, adressées au Greffier ; dans les deux cas, l'objet du différend et les parties doivent être indiqués ». Cela dit, la saisine de la Cour peut intervenir sous différentes formes selon que ce soit par accord que les parties décident de saisir la Cour ou que ce soit de façon individuelle ou unilatérale. Le premier cas laisse penser à une entente préalable entre les parties au différend pour porter celui-ci devant la Cour en vue d’un règlement. À cet effet, elles signent un accord qualifié de compromis en vertu duquel leur différend pourra être porté devant la Cour. Cet accord demeure par ailleurs la base juridique qui fonde la compétence de la Cour dans le cas d’espèce. Dans le second cas relaté par le paragraphe premier de l’article précité, c’est de par sa propre initiative qu’un État partie à un différend décide de porter celui-ci à la Cour par le biais d’une requête unilatérale qu’il introduit auprès de son greffe. Cette dernière situation suppose qu’il n’y a pas eu de consentement réciproque des parties impliquées dans le différend de s’en remettre à la compétence de la Cour. Sur ce, la compétence de la Cour pour connaître du différend peut résulter de trois hypothèses,29 soit d’une clause compromissoire (supra

note 6, art 36 au para 1), soit d’une déclaration facultative de juridiction obligatoire (supra note 6, art 36 au para 2), soit de l´hypothèse du forum prorogatum (art 38 au para 5 du Règlement de la Cour de 1978).

Parmi les différends portés devant la Cour, certains ont pu évidemment aboutir à des règlements avec une grande facilité tandis que d’autres l’ont été avec des complications de procédure souvent dues aux États. Ces derniers ont souvent adopté des comportements ou se sont livrés à des pratiques tendant à nuire à la juridiction de la Cour ou à l’empêcher de dire le droit conformément à son Statut. Au nombre de ces comportements, l’on retient la multiplication des réserves – l´une des catégories des exceptions d´incompétence – souvent formulées aux

manière dont ils le veulent et quand ils le souhaitent. Raison pour laquelle, la CIJ ne présente pas d’office de procureur. Sur ce, le Statut de la Cour est formel quand il stipule que : « La compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et conventions en vigueur » (Article 36 paragraphe 1 du Statut de la Cour.). À la lumière de cet article, l’on comprend l’idée selon laquelle la compétence de la CIJ dépend du consentement des parties, du moins dans ses limites (accepter dans les limites ce que les parties ont consenti). La CIJ a même confirmé ce principe à travers une série de décisions parmi lesquelles l’on note l’Avis sur l’Interprétation des traités de paix du 12-2-1947 conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, et dans lequel elle affirme que « le consentement des États parties à un différend est le fondement de la juridiction de la Cour en matière contentieuse » (CIJ, Recueil 1950, p.71.). Pour saisir la Cour, les seules entités (États) habiletés, ont le choix entre la requête et le compromis.

29 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, Droit international public, 6e éd, Cowansville, Québec, Yvon Blais, 2012

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déclarations facultatives de juridiction obligatoire de la Cour. Cela dit, même si l’on assiste de plus en plus à une ascendance du nombre de ces déclarations facultatives de juridiction obligatoire du fait des États, il reste que ces derniers les ont souvent accompagnées de réserves pour soustraire de la compétence de la Cour un bon nombre de matières. Raison pour laquelle, le président de la CIJ de l’époque, Monsieur Hisashi Owada, martelait dans son discours du 26 octobre 2010 qu’ « il est par conséquent capital que la communauté internationale des États réexamine la question des réserves, dans la perspective d’asseoir la juridiction de la Cour dans toute son étendue »30 .

Par ailleurs, et en plus de la formulation des réserves, certains États ne s’empêchent pas de retirer leurs déclarations facultatives de juridiction obligatoire, empêchant ainsi à la Cour de connaitre de certains différends. Aussi, ces exceptions préliminaires31 souvent soulevées par les

États, témoignent de leur méfiance vis-à-vis d’une compétence de la CIJ sur des différends auxquels ils sont parties. Ainsi, convient-il de rappeler que quoique légal32, le recours des États à

ces pratiques est parfois susceptible d’aboutir à des violations de certaines règles en droit international. Il s´agit notamment dans des cas très spécifiques de la règle de bonne foi33, de la

30 Discours de M. Hisashi Owada, Président de la Cour internationale de Justice, devant les conseillers juridiques des

États membres de l’Organisation des Nations Unies, « Introduction au séminaire consacré à la compétence contentieuse de la Cour internationale de Justice » à la p 3, en ligne : < http://www.icj-cij.org/presscom/files/6/16226.pdf>.

31 Salmon, supra note 2 à la p 474. L’exception préliminaire est un « Moyen invoqué au cours de la première phase

d’une instance et tendant à obtenir que le tribunal saisi tranche une question préalable avant d’aborder l’examen du fond de l’affaire, le but de l’exception étant le plus souvent d’obtenir qu’il ne soit pas passé à l’examen du fond » voir aussi Jules Basdevant dir, Dictionnaire de la terminologie du droit international, Paris, Sirey, 1960 à la p 273 : « Ainsi que l’indique l’article 36 paragraphe 6 de son Statut, la CIJ est juge de sa propre compétence. Procéduralement, celle-ci peut être contestée par les parties par voie d’exception préliminaire. La Cour doit alors examiner ces objections à sa compétence avant d’examiner le fond de l’affaire, sauf lorsqu’elle considère devoir joindre une exception au fond. Les exceptions préliminaires peuvent s’appuyer sur divers arguments : - L’incompétence ratione personae est soulevée par un État s’il considère que l’autre partie n’a pas qualité pour agir devant la Cour ; - L’incompétence ratione materiae concerne l’inexistence d’un différend juridique actuel et de caractère international ; - L’incompétence ratione temporis peut être invoquée à raison de l’expiration de la durée de validité d’un engagement unilatéral ou conventionnel ou encore parce que les faits en cause auraient été accomplis avant l’engagement de juridiction obligatoire souscrit par l’une des deux parties ».

32 La légalité de ces exceptions d´incompétence, découle de l´article 79 du Règlement de la Cour adopté en 1978 et de

l´article 36 au paragraphe 1 du Statut de la Cour qui stipule que : « La compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et conventions en vigueur ». Les États ont de ce fait le droit de contester la compétence de la Cour, et pour donner un fondement jurisprudentiel à l´exercice de ce droit.

33 Salmon, supra note 2 à la p 134. Sens objectif : « Disposition d´esprit de loyauté et d´honnêteté consistant en ce

qu´un sujet de droit ne tente pas de minorer ses obligations juridiques, quels qu´en soient l´origine et le fondement, ni d´accroitre indûment, en faisant valoir ses droits, les obligations d´un autre sujet de droit à son égard ».

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théorie de l’interdiction l´abus de droit34, de l´estoppel35. Ainsi, ces pratiques des États devant le

prétoire de la Cour pourraient-elles être assimilées à des détournements de pouvoir36 ou des excès de pouvoir37. Autrement dit, les États ont bel et bien le droit de faire prévaloir leur consentement dans le fait d´être attrait devant la Cour. N´empêche que dans l´exercice de ce droit, l´on assiste souvent à des cas de dérive, ce qui contrevient aux intérêts de cette justice internationale qu´est la CIJ, dans sa fonction de règlement pacifique des différends internationaux. En somme, notre problématique se résume aux contestations de la compétence de la Cour qui attentent à la procédure de règlement et parfois en violation du droit international.

C’est au regard de ces considérations que des critiques sont souvent formulées à l’encontre de la Cour par certains auteurs sceptiques quant à son efficacité à pouvoir contribuer à un véritable règlement des différends dont elle est saisie.38 Sur ce, ils sont en nombre non moins négligeable les

auteurs qui plaident en faveur d´une réforme du Statut de la Cour dans l’optique de pallier les difficultés qu’elle rencontre dans son fonctionnement et pour l´adapter à l´évolution contemporaine des relations internationales.39 Mais comment y arriver compte tenu de l’obstacle que la

34Selon Charles De Visscher « Les libertés des États doivent être exercées à des fins conciliables avec l´intérêt général ;

leur exercice cesse d´être légitime, il devient abusif, quand cet exercice crée une gêne ou préjudice inutile à d´autres États » : Charles De Visscher, De l´équité dans le règlement arbitral ou judiciaire des litiges de droit international public, Paris, Pedone, 1972 à la p 36.

35 Salmon, supra note 2 à la p 450. L´Estoppel est une « objection péremptoire, souvent analysée comme une exception

procédurale, qui s´oppose à ce qu´un État partie à un procès puisse faire valoir une prétention ou soutienne un argument contredisant son comportement antérieur ou une position prise précédemment et dans lequel (ou laquelle) les tiers avaient placé leur confiance légitime ». Par ailleurs, « L´Estoppel est donc une exception d´irrecevabilité opposable à toute allégation qui, bien que peut être conforme à la réalité des faits, n´en est pas moins inadmissible parce que contraire à une attitude antérieurement adoptée par la partie qui l´avance », selon Peggy Guggenheim, Traité de droit international public, tome II, Genève, Georg et Cie, 1954 aux pp 158-159. Ce fut le cas dans l’affaire relative à la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria ; Guinée Équatoriale (intervenant)) (Infra note 43 aux pp 350-351 au para 63).

36 Le détournement de pouvoir est une expression empruntée au droit administratif interne désignant « l´exercice par

une autorité compétente d´un pouvoir qui lui appartient, mais qu´elle exerce dans un but autre que celui pour lequel il lui a été confié », voir Salmon, supra note 2 à la p 332. Pour se rendre à l´évidence de la justiciabilité du détournement de pouvoir devant le juge international, voir par exemple à l´article 187.ii de la Convention sur le droit de la mer signée à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982.

37 Salmon, supra note 2 à la p 475. Sens A : « Dépassement par un sujet de droit international des limites assignées par le droit international à l´exercice de ses pouvoirs ». Voir de même à l´article 187.ii de la Convention sur le droit de la mer signée à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982.

38 Pierre-Marie Dupuy, « Article 34 », dans Andreas Zimmermann et al., dir., The Statute of the International Court of Justice: A Commentary, 2è éd., Oxford, Oxford University Press, 2012, 585 aux pp 585-605 [Dupuy]; etc.

39 Certaines considérations commandent de ne plus limiter la saisine de la CIJ aux seuls États, dans la mesure où ces

derniers ne sont plus les seuls sujets de droit international. Ainsi, devrait-on donner la possibilité aux organisations internationales de pouvoir ester devant la Cour au niveau contentieux de telle sorte que lorsque des États se retrouveraient dans une impossibilité de saisir la Cour (pour défaut de base juridique qui fonde sa compétence), des organisations puissent le faire à leur place. D´autres considérations estiment pour leur part, une nécessité de permettre aux États de pouvoir demander des avis consultatifs à la Cour. Pour plus d´explications sur ce point, voir : Dupuy, ibid.

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souveraineté des États pourrait représenter, de même que les lourdes procédures qui commandent d’être accomplies ?40 C’est pourquoi en se prononçant sur cette question de la réforme du Statut de

la Cour, Robert Kolb disait que, « pour l’instant, aucune des réformes […] n’est sur le point d’aboutir, ni sa réalisation n’est-elle prévisible dans un avenir prochain »41.

Quelle que soit la façon dont la Cour se trouve saisie d’un différend, ce qui importe le plus, c’est que le recours à elle soit constitutif de règlement dudit différend pour apaiser les tensions entre les parties.Cette considération commande que nous nous interrogions autour d’une question principale de recherche que nous formulons ainsi : existe-il une complicité entre les voies de recours à la CIJ et les contestations de sa compétence qui entravent le cours de la procédure de règlement des différends ? Partant de cette question principale, nous nous interrogeons de même autour de deux questions spécifiques qui portent respectivement sur chacune de ces voies de saisine, à savoir, la requête unilatérale et le compromis. De ce fait, peut-on déduire un lien entre la saisine de la CIJ par la voie de requête unilatérale et les exceptions d’incompétence ? En dehors de son rôle fondamental qui est de servir de voie de saisine de la Cour, quels sont les autres impacts procéduraux du compromis ? En référence à la question principale, nous formulons une hypothèse principale qui se résume à ce que les difficultés auxquelles la CIJ est souvent confrontée dans le règlement des différends semblent dépendre de la manière dont les États la saisissent. Autrement dit, les voie de recours à la CIJ semblent pouvoir exercer une influence sur le cours de la procédure de règlement des différends. En parlant de cours de la procédure de règlement, nous faisons allusion d´une part, à la phase du jugement des affaires et d’autre part, à l´exécution des décisions dans lesdites affaires. Pour mieux illustrer cette hypothèse, nous procèderons par deux sous-hypothèses que nous tenterons de vérifier.

La première consiste en ce que le recours à la Cour par la voie de la requête unilatérale semble représenter souvent des limites à l’exercice de sa compétence. De telles limites réduiraient sa possibilité de pouvoir se prononcer sur des affaires à elle soumises ou retardent leur résolution. En d’autres termes, les affaires portées devant la Cour par la voie de requête unilatérale offrent plus de possibilités aux États de contester sa compétence par le biais d’exceptions préliminaires ou d’irrecevabilité pour l’empêcher d’être un cadre de dénouement des différends. Ainsi, Pierre

40 Supra note 6, art 69 ; voir aussi supra note 1, art 108.

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Michel Eisemann conclut-il que « lorsque le juge international est saisi par une requête unilatérale et non par un compromis matérialisant l’accord des parties, la contestation de sa compétence par le défendeur est loin de constituer un phénomène exceptionnel »42. L'affaire de la Frontière

terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria constitue un témoignage des incidents de

procédure qui ont pour effet de paralyser le règlement des différends portés devant la Cour par requêtes introductives d'instance.43 C’est en effet le 29 mars 1994 que le Cameroun saisit unilatéralement la Cour à propos de cette affaire. Le Nigéria contesta la compétence de la Cour à pouvoir connaître de l’affaire en soulevant huit exceptions préliminaires.44 L’arrêt sur ces exceptions préliminaires est intervenu à la date du 11 juin 1998 et c’est finalement en 2002 que l’affaire a pu déboucher sur un règlement.45 Elle aurait donc pris huit ans pour déboucher à un

règlement devant la Cour. Aussi, d’une façon générale, les arrêts de la Cour qui ont connu des retards d’exécution ou qui ont été exécutés avec regret, sont-ils issus de différends portés devant la Cour par voie de requête unilatérale. C’est l’exemple de l’affaire du Detroit de Corfou entre le Royaume-Uni et l’Albanie, portée devant la Cour par le premier par requête introductive d’instance à la date du 22 mai 1947.46 Dans cette affaire, l’Albanie avait été condamnée à verser une indemnité au Royaume-Uni.47 Cette indemnité ne sera en réalité payée que dans les années 1992, époque où l’Albanie réintégrait la communauté internationale48. C’est aussi le cas de l’affaire relative aux

Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, entre le Nicaragua et les

États-Unis d'Amérique, portée devant la Cour sur requête du Nicaragua le 9 avril 1984.49 Cette affaire s’est soldée par la condamnation des États-Unis au versement de montants au Nicaragua au titre de préjudices subis par ce dernier.50Suite au refus des États-Unis d’endosser une telle réparation

42 Pierre Michel Eisemann, « Les effets de la non-comparution devant la Cour internationale de Justice » (1973) 19 :1

AFDI 351 à la p 353 [Eisemann].

43 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria (Cameroun c Nigéria ; Guinée Équatoriale (intervenant)), [2002], CIJ rec 303.

44 Pour aller plus dans cette affaire et les exceptions préliminaires qui y ont été soulevées, voir Pierre d’Argent, « Des

frontières et des peuples : l'affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria, arrêt sur le fond » (2002) 48 :1 AFDI 281 aux pp 281-321.

45 Supra note 43.

46 Affaire du Détroit de Corfou (Royaume Uni de Grande-Bretagne c République populaire d’Albanie), [1948] CIJ rec

15.

47 Affaire du Détroit de Corfou (Royaume Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord c République populaire d’Albanie), [1949] CIJ rec 244 aux pp 245, 249-250.

48 Gilbert Guillaume, La Cour internationale de Justice à l´aube du XXIe siècle, Paris, Pedone, 2003 à la p 39

[Guillaume].

49 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d’Amérique), [1986] CIJ

rec 14.

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desdits préjudices, le Nicaragua avait en vertu du paragraphe 251 de l’article 94 de la Charte, soumis une résolution au Conseil de sécurité dans l’optique de faire aboutir l’exécution de la décision de la Cour. Cette résolution s’est toutefois heurtée au veto des États-Unis et le Nicaragua a fini par désister.52

Notre seconde sous-hypothèse viserait à révéler que le fait de recourir à la CIJ par la voie du compromis de saisine à l’air de pouvoir préserver l’exercice de sa compétence durant la procédure de règlement des différends pour aboutir un règlement rapide et à une exécution de ses décisions. C’est ce constat qui aurait emmené Robert Kolb à attester que : « La compétence de la Cour est d’ordinaire mieux assise sur la base d’un compromis, qui permettra dans la grande majorité des cas d’éviter toute procédure d’exceptions préliminaires, potentiellement prolongée et irritante »53. En clair, la saisine de la Cour par la voie de compromis à l’air d’être plus bénéfique

au traitement effectif des affaires et surtout dans un délai plus réduit. À contrario, les affaires portées devant la Cour par requête unilatérale ont souvent un délai de traitement assez long pour diverses raisons. C’est le cas surtout lorsqu’elles sont empreintes d’exceptions visant à contester la compétence de la Cour. L’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la

région frontalière (Costa Rica c Nicaragua), en témoigne aussi. Introduite devant la Cour sur

requête du Costa Rica le 18 novembre 2010, cette affaire ne sera résolue que le 16 décembre 2015,54 soit sur une période de plus de cinq ans. La liste est loin d’être exhaustive.

La méthodologie que nous entendons privilégier dans le cadre de notre étude est la recherche appliquée doctrinale. Celle-ci reste basée sur une « perspective immédiatement pratique »55. Pour Kristin Bartenstein et Christelle Landheer-Cieslak, la recherche appliquée doctrinale a la particularité d’être celle qui « est intrinsèquement liée à la pratique du droit »56. En ce qui nous

concerne, nous trouvons une adéquation entre une telle méthodologie et l’ambition à laquelle nous

51 Ce paragraphe stipule que, « Si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d'un

arrêt rendu par la Cour, l'autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s'il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l'arrêt ».

52 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d’Amérique), désistement de la République du Nicaragua, Ordonnance du 26 septembre 1991, [1991] CIJ rec 47.

53 Kolb, supra note 41 à la p 182.

54 CIJ, communiqué, 2015/32, « Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c

Nicaragua) » (16 décembre 2015), en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/150/18847.pdf>.

55 Kristin Bartenstein et Christelle Landheer-Cieslak, « Pour la recherche en droit : quel(s) cadres théorique(s)? », dans

Alexandre Flückiger et Thierry Tanquerel, dir., L’évaluation de la recherche en droit. Enjeux et méthodes, Bruxelles, Bruylant, 2014, 83 à la p 105, op. cit.

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prétendons à travers notre travail. Cette ambition consiste donc à démontrer par la pratique que la saisine de la CIJ par la voie du compromis est celle qui est susceptible de couronner de plus de succès le règlement des différends que la saisine par la voie unilatérale. La recherche appliquée doctrinale nous semble par ailleurs avantageuse dans le sens où elle nous offre la possibilité de nous livrer de même à une interprétation de règles matérielles et procédurales, 57 notamment celles qui encadrent le fonctionnement de la CIJ dans l’optique de cerner les implications qui s’attachent à l’usage de chacune de ses voies de recours. D’où le choix porté sur cette méthodologie. À cet effet, notre recherche nous conduira à l’étude des instruments juridiques internationaux tels que les documents des NU par référence surtout à la Charte de l’ONU, au Statut de la CIJ et à son Règlement adopté en 1978 et dans une moindre mesure, le Pacte de la SDN et le Statut de la CPJI (en tant que devancière de la CIJ). En sus de ces documents, nous aurons recours à la jurisprudence internationale (celle de la CIJ et de la CPJI), à la doctrine et à la coutume internationale de même qu’à des principes généraux de droit. Toute cette documentation aura pour but d’enrichir tout le raisonnement que nous entendons mener pour atteindre l’objectif que nous nous fixons à travers notre sujet.

Par ailleurs, ce sujet à l´étude duquel nous sommes soumis, regorge une pertinence qui se situe à deux niveaux, à savoir d’un point de vue scientifique et d’un point de vue social. Scientifiquement, notre sujet innove par rapport au point de vue de plusieurs doctrinaux dans le sens où il propose d’envisager d’une autre façon l’idée de remédier aux critiques liées aux difficultés qui entravent le fonctionnement de la CIJ. Notre sujet conserve ainsi la particularité de chercher à déceler la source des difficultés liées au rayonnement de la CIJ en ouvrant la voie à la possibilité de les éviter au maximum sans avoir aucunement besoin de se pencher sur la réforme de son Statut. Cela dit, autant la Cour demeurera saisie par la voie de compromis, autant cela lui permettra de pouvoir rapidement et mieux s’acquitter de sa fonction de règlement pacifique des différends internationaux. À cet effet, ils sont en nombre élevé, les écrits qui ont été jusque-là réalisés sur la CIJ. Ces écrits vont surtout de la littérature francophone à celle anglophone. Toutefois, sur la question de savoir comment pallier les défis qui confrontent la Cour dans le règlement judiciaire des différends, la majorité de ces écrits présente un point commun, en l’occurrence, réformer son Statut pour l’adapter à l’évolution contemporaine des relations

57 Ibid à la p 106.

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interétatiques. À ce sujet, la littérature francophone concerne les auteurs comme Pierre-Marie Dupuy58, Philippe Couvreur59, Alain Pellet60, Mohamed Bennouna61, etc. Dans la littérature anglophone, elle compte sur les auteurs comme Gerald Fritzmaurice62, Anna Riddell63, Grigory Tunkin 64, Damrosch Lori Fisler65, etc. Pour notre part, nous envisageons autrement cette question de peur de nous heurter à des complications politiques, si réformer le Statut de la Cour devait être la solution. Ainsi, notre sujet offre-t-il une autre démarche pour améliorer le fonctionnent de la CIJ et promouvoir son rôle dans le domaine du règlement pacifique des différends internationaux. Ce qui nous distingue des auteurs précités. Cette autre démarche, comme nous avons eu à la dévoiler déjà, consiste pour les États à privilégier la saisine de la Cour par la voie du compromis qui est censé offrir plus de garanties dans la résolution des différends devant la Cour.

Parlant de sa pertinence sociale, notre sujet se veut d’offrir des solutions plus pratiques, notamment en termes de rapidité dans la résolution des différends et de facilité dans l’exécution des décisions de la Cour. Cela dit, si le consentement des États constitue le fondement de la compétence de la Cour, ce même consentement pourrait leur permettre de créer les conditions propices à la Cour pour rendre son action plus efficace dans le domaine du règlement pacifique des différends. En clair, autant les États opteront pour la voie du compromis de saisine de la Cour parce qu’ils auraient compris les atouts d’une telle voie, autant cela faciliterait la mise en œuvre du consensualisme66. Ce qui vaudra d’une part pour un règlement rapide de leurs différends, car le consensus témoigne en principe de leur confiance à la Cour afin de ne plus remettre en cause sa

58 Dupuy, supra note 38.

59 Philippe Couvreur, « Développements récents concernant l’accès des organisations intergouvernementales à la

procédure contentieuse devant la Cour internationale de Justice », dans Emile Yakpo et Tahar dir., Liber amicorum Mohamed Bedjaoui, Kluwer Law International, La Haye, Boston, Londres, 1999, 293 aux pp 293-323.

60 Alain Pellet, « Le renforcement du rôle de la Cour en tant qu’organe judiciaire principal des Nations Unies »

dans G. Peck et R. S. Lee, dir., Increasing the Effectiveness of the International Court of Justice -Proceedings of the ICJ/UNITAR Colloquium to Celebrate the 50th Anniversary of the Court, The Hague, Kluwer/Unitar, 1997, 235 aux pp 235-253.

61 Mohamed Bennouna, « la Cour internationale de justice et son environnement politique » dans Maurice Kamga et

Makane Moïse Mbengue, dir, l’Afrique et le droit international : variations sur l'organisation internationale, Liber amicorum en l'honneur de Raymond Ranjeva, Paris, Pedone, 2013 à la p 429.

62 Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure of the International Court of Justice, volume 2, Cambridge, Cambridge

University Press, 1986, 860 p.

63 Anna Riddell, Evidence before the International Court of Justice, London, British Institute of International and

Comparative Law, 2009, 420 p.

64 Grigory Tunkin, « Politics, Law and Force in the interstate System», (1972) 28 ASDI 254.

65 Damrosch Lori Fisler, The International Court of Justice at a crossroads, Dobbs Ferry, N.Y.: Transnational Pub.,

1987, 511 p.

66 Salmon, supra note 2 à la p 239, sens A : C’est le « principe selon lequel le fondement d’un accord quelconque

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compétence par toutes sortes de pratiques que ce soit.67D’autre part, le consensus obtenu entre les États dès le départ pour la saisine de la Cour aura l’avantage de les lier à l’exécution des décisions qu’elle rendra, avec la plus grande simplicité au regard de la règles de bonne foi68 et du principe

du pacta sunt servanda69.

Ceci étant, l’objectif de notre recherche consiste à attirer l’attention de tous sur les bénéfices du recours à la Cour par la voie de compromis. Sur ce, les initiatives en faveur de l’amélioration du fonctionnement de la CIJ devraient-elles être, surtout pour inciter les États à faire usage de cette voie.

Tout au long de notre réflexion sur ce sujet, notre analyse portera sur deux axes et qui constitueront par ailleurs les différentes parties de notre travail. Cela dit, dans une première partie, nous porterons notre raisonnement sur les limites liées au recours à la CIJ par la voie de la requête unilatérale sur le règlement des différends. Ces limites symbolisent les incidents qui entachent la procédure de règlement des différends devant la Cour. Ce qui semble empêcher un dénouement rapide de ces différends. Dans la seconde partie, notre analyse aura pour but de montrer ce en quoi, le compromis de saisine protégerait la compétence de la Cour contre les incidents de procédure de telle sorte qu’on gagnerait à inciter les États à faire souvent son usage.

67 Nous faisons une référence aux exceptions d’incompétence. 68 Supra note 33.

69 La règle du pacta sunt servanda est une « locution latine affirmant le principe selon lequel les traités et, plus

généralement les contrats doivent être respectés par les parties qui les ont conclus ». Selon Raymond Guillien et Jean Vincent, Lexique des termes juridiques, 14è éd., Paris, Dalloz, 2003 à la p 414 [Raymond Guillien et Jean Vincent].

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Première partie : Les limites du recours à la CIJ par la voie de requête unilatérale sur le règlement des différends

L´idée de limites liées au recours à la CIJ par voie de requête introductive d´instance, traduit le fait que cette option de saisine de la Cour représente plus d´effets aléatoires. Avec la requête unilatérale, il est difficile d´avoir une prévisibilité sur l´issue de l´affaire portée devant la Cour, à savoir si elle débouchera effectivement sur un arrêt ou si la décision qui va en découler fera l´objet d´une exécution effective. Cela dit, le recours à la Cour par voie de requête unilatérale, n´est pas loin de créer des incertitudes dans le règlement à proprement parler des affaires portées devant elle (chapitre 1). De même, du point de vue de la mise en œuvre même des décisions de la Cour, ces mêmes incertitudes demeurent (chapitre 2).

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Chapitre I : Les incertitudes dans le règlement des affaires soumises à la Cour par la voie de requête unilatérale

En rappel, la saisine par la voie de requête unilatérale constitue l´une des deux alternatives pour ester devant la CIJ au niveau contentieux. Cette option a trait au fait que ce soit de sa propre initiative qu´un État décide de faire recours à la Cour contre un autre État dans le cadre d´un différend d´ordre juridique. Dans la mesure où la Cour ne peut exercer sa compétence qu´en cas d´existence de consentement de chacun des États parties à un différend, cette option de saisine peut indéniablement se heurter à bien des égards à des limites importantes. D´une part, ces limites concernent la compétence de la Cour qui devra résulter d´une manière ou d´une autre du consentement de chacune des parties impliquées dans le différend (Section 1). D´autre part, ces

limites sont liées au phénomène des non-comparutions devant la Cour par le fait de sa saisine par la voie de requête unilatérale (Section 2).

Section 1 : Les limites à la compétence de la Cour quant à l’obligation de consentement des parties à un différend

L´idée des limites symbolise un certain nombre de conditions qui devront être remplies pour que la requête aboutisse devant la Cour. Ces conditions sont relatives aux différents types de manifestations du consentement en lien avec la saisine de la Cour par voie de requête unilatérale (Paragraphe 1). Par ailleurs,en parlant de limites, l´on fait référence aux préjudices les réserves en lien avec la requête unilatérale, sont en même de créer sur la compétence de la Cour (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les limites liées aux différentes bases juridiques de la compétence de la Cour relativement à l’introduction d’instance par la voie de requête unilatérale

Pour saisir la CIJ par voie de requête introductive d´instance, l´État qui voudrait opter pour cette voie devra être sûr que non seulement lui, mais aussi sa partie adverse aient consenti à la compétence de la Cour soit dans le cadre d’une déclaration facultative de juridiction obligatoire de la Cour (A), soit à travers une clause insérée dans un traité qui prévoit la compétence de la Cour (B). Toutefois, il reste que ces différents types de manifestations de consentement qui constituent

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des bases juridiques pour fonder la compétence de la Cour dans les différends introduits sur son prétoire par la voie de requête unilatérale, présente des limites qui peuvent dans une grande mesure, rendre incertain règlement judiciaire.

A- Les limites des déclarations facultatives de juridiction obligatoire en tant que fondement juridique de la compétence de la Cour

Ces déclarations, entendues sous l’appellation de clauses facultatives de juridiction obligatoire, ne fonctionnent que sur la base de la réciprocité.70 Le fondement juridique de cette déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour réside dans le paragraphe 271 de l´article 36 du Statut de la CIJ. À travers ces déclarations, les États prévoient d’avance la compétence de la Cour dans les différends qui naîtront dans le futur et dans lesquels ils seront parties. Cet atout de la déclaration ne devrait pas occulter la condition de réciprocité que l´article 36 du Statut de la Cour impose.72 Dans cette logique, le règlement d´un différend porté devant la Cour sur le fondement

d´unedéclaration de juridiction obligatoire peut susciter des doutes au regard d´un certain nombre de considérations que l´on situe à un triple niveau.

D´abord, d´un point de vue ratione personae, les États parties au différend doivent tous avoir souscrit à la déclaration de juridiction obligatoire de la Cour. Le requérant devra donc s´assurer de cette de réalité. Au-delà de ce constat qu’il lui importe, il devra même s´assurer du non-retrait par le défendeur de sa déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la compétence de la Cour, s’il l’avait précédemment acceptée.73 Cela est d´autant plus nécessaire que

70 L´idée consiste en ce qu´un État ne peut saisir la Cour sur le fondement de cette clause que si sa partie adverse ait

aussi fait une pareille déclaration auprès du Secrétaire général de l´ONU, en vertu de laquelle, elle reconnait la compétence de la Cour pour connaitre des différends qui l´impliqueraient à l´exception de ceux contre lesquels elle aurait émis des réserves. La déclaration consiste en un acquiescement de la compétence de la Cour par un État, et traduite par écrit adressé au Secrétaire général de l´ONU en tant que le dépositaire de toutes les déclarations d´acceptation de la compétence de la CIJ (paragraphe 4 de l´article 36 du Statut de la Cour).

71 Ce paragraphe dispose que : « Les États parties au présent Statut pourront, à n’importe quel moment, déclarer

reconnaitre comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égard de tout autre État acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique ayant pour objet : a. L’interprétation d’un traité ; b. Tout point de droit international ; c. La réalité de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un engagement international ; d. La nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement international ».

72 Le paragraphe 3 de l´article 36 dispose que « les déclarations ci-dessus visées pourront être faites purement et

simplement ou sous condition de réciprocité de la part de plusieurs ou de certains États, ou pour un délai déterminé ».

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l´on a connaissance de certains États qui, après avoir souscrit à la déclaration de juridiction obligatoire de la Cour, ont par la suite procédé à son retrait. Il s´agit notamment de la France à la suite de l´affaire des Essais nucléaires74. Selon elle, la Cour a, dans cette affaire donné une interprétation erronée de sa compétence en acceptant de se prononcer sur ce différend à elle soumis par la Nouvelle-Zélande et l´Australie alors même qu´elle avait émis une réserve à sa déclaration.75

Au sortir de l´affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua contre

celui-ci (Nicaragua c États-Unis d’Amérique),76 les États-Unis avaient aussi retiré leur déclaration de juridiction obligatoire de la Cour, après qu´elle se soit déclarée compétente pour connaître de l´affaire. Ce retrait s´expliquait par le fait que la Cour aurait méconnu la réserve77 américaine formulée à sa déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour. C´est dans cette logique que presque chaque année, lors de leurs discours à l´Assemblée générale de l´ONU, les différents présidents qui se sont succédé à la CIJ ont souvent réitéré leurs vœux de voir les États souscrire à la juridiction obligatoire de la Cour.78

Ensuite, la prise en compte de l´aspect ratione materiae de la déclaration de juridiction obligatoire de la Cour impose chez le requérant qu´il soit sûr que le différend qu´il porte à la connaissance de la Cour n´appartient pas à une catégorie de différends contre lesquels son adversaire a émis des réserves à la compétence de cette juridiction. Aux termes de l´article 36 paragraphe 1 du Statut de la CIJ, « la compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront […] ». De cette stipulation, l´on retient une liberté des États de déterminer

74 Essais nucléaires (Australie c France), [1974] CIJ rec 253 ; Essais nucléaires (Nouvelle Zélande c France), [1974]

CIJ rec 457.

75 Pour la France, il était manifeste qu´en l´espèce la Cour devrait se dessaisir du différend. Pour comprendre davantage

sur la contestation de la compétence de la Cour par la France, voir, Essais nucléaires (Nouvelle Zélande c France), [1974] CIJ rec 457 à la p 458 au para 4; ou encore, CIJ, communiqué, 73/11, « La France n’accepte pas la juridiction de la Cour » (17 mai 1973), en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/59/11560.pdf>.

76 Supra note 43.

77 Cette réserve avait été formulée à la date du 6 avril 1986 à la déclaration en question qui datait de 1946. Le paragraphe

13.d) de l´arrêt de la CIJ du 26 novembre 1984, donne son contenu en ces termes : « que ladite déclaration ne sera pas applicable aux différends avec l'un quelconque des États de l'Amérique centrale ou découlant d'événements en Amérique centrale ou s'y rapportant, tous différends qui seront réglés de la manière dont les parties pourront convenir. Nonobstant les termes de la déclaration susmentionnée, la présente notification prendra effet immédiatement et restera en vigueur pendant deux ans, de manière à encourager le processus continu de règlement des différends régionaux qui vise à une solution négociée des problèmes interdépendants d'ordre politique, économique et de sécurité qui se posent en Amérique centrale ».

78 C´est le cas du Discours de S. Exc. M. Peter Tomka, président de la Cour internationale de Justice, devant la Sixième

Commission de l’Assemblée générale, le 1er novembre 2013, en ligne :<

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les types de différends juridiques qu´ils souhaitent porter à la connaissance de la Cour. C´est en vertu de cette considération qu´ils ont souvent sanctionné leurs déclarations de juridiction obligatoire de la Cour par des réserves pour soustraire de sa compétence certaines matières de leurs choix. Par exemple, dans l´affaire des Essais Nucléaires, la réserve de la France aux termes de sa déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, avait pour objet de soustraire de la compétence de la Cour ce type de différend, c’est-à-dire les différends relatifs à sa défense nationale.79

Enfin, une dernière considération, mais cette fois-ci de type ratione temporis, appelle tout de même à une attention particulière chez le requérant. Il peut arriver en effet que l’État défendeur ait subordonné la validité de sa déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour à sa ratification. Ainsi, le requérant doit-il se rendre à l´évidence de ce que ce défendeur ait ratifié sa déclaration, avant que celle-ci entre en vigueur pour servir de fondement juridique à la compétence de la Cour. Dans le cas contraire, il devra s´assurer qu´il ait lui-même ratifié sa propre déclaration si toutefois, telle était sa condition de validité. Cette problématique de la validité ou non de la déclaration de juridiction obligatoire de la Cour pour absence de ratification, s´est posé dans le cadre de l´affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua contre celui-ci (Nicaragua c

États-Unis d’Amérique)80. Le Nicaragua entendait en l´occurrence fonder la compétence de la Cour

sur la base de sa déclaration d´acceptation de la compétence de la CPJI, fait le 24 septembre 1929. En vertu du paragraphe 581 de l´article 36 du Statut de la CIJ, une pareille déclaration faite au temps de la SDN, et qui n´était pas assortie de délai de validité, doit être considérée comme pouvant produire des effets sous le régime de l´ONU, dès lors que l´État qui en est l´auteur, est partie au Statut de la CIJ. Il reste toutefois que l´État qui faisait une telle déclaration devrait avoir d´abord signé et ratifié le protocole d´adhésion au Statut de la CPJI.82 Or, en l´occurrence, le débat entre le Nicaragua et les États-Unis se posait sur la validité de la déclaration de juridiction obligatoire du

79 Julien Feydy, « La nouvelle déclaration française d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale

de Justice » (1966) 12 :1 AFDI 155 à la p 161 [Feydy].

80 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique), [1984]

CIJ rec 392.

81 Le paragraphe 5 de l´article 36 du Statut de la CIJ stipule en effet que, « les déclarations faites en application de

l'article 36 du Statut de la Cour permanente de Justice internationale pour une durée qui n'est pas encore expirée seront considérées, dans les rapports entre parties au présent Statut, comme comportant acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice pour la durée restant à courir d'après ces déclarations et conformément à leurs termes ».

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