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Les bénéfices des règles de bonne foi et du pacta sunt servanda au jugement des

Chapitre I : La portée du recours à la CIJ par voie de compromis à travers une mise en œuvre

Paragraphe 2 : Les garanties juridiques liées à l’acte du compromis de saisine

B- Les bénéfices des règles de bonne foi et du pacta sunt servanda au jugement des

issues de ces affaires

Les traités jouent un rôle fondamental dans l’histoire des relations interétatiques. C’est du moins ce que rappelle le préambule de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités374. Pour que rien ne puisse remettre en cause ce rôle qui est le leur, le droit international a érigé un certain nombre de principes devant conduire les États à respecter leurs engagements lorsqu’ils sont parties à des traités, et ce, indépendamment de leur volonté. Au nombre de ces principes, figurent en bonne place la règle du pacta sunt servanda et la règle de bonne foi.

La règle du pacta sunt servanda a trait au « principe selon lequel les traités et, plus généralement les contrats doivent être respectés par les parties qui les ont conclus »375. Autrement

dit, lorsqu’un État se donne de conclure un traité (un compromis par exemple), il agit en toute légitimité et en toute souveraineté en principe. De ce fait, il devrait avoir eu à imaginer d’avance toutes les implications que son engagement audit traité comporte. John H. Currie renchérit sur cette définition en ces termes: « Pacta sunt servanda simply means that, once an international legal

subject has expressed its consents to be bound by a treaty and the treaty has come into force, the treaty is binding on that subject and must be performed by it in good faith. In other words, even a sovereign state cannot invoke its sovereignty to renege on its treaty obligations ».376 Le pacta sunt

servanda implique par conséquent l’obligation juridique qui consiste pour les États à respecter et à

exécuter leurs engagements internationaux matérialisés sous la forme de traités. Quant à la règle de bonne foi, le Dictionnaire de droit international public le définit comme une « disposition d´esprit de loyauté et d´honnêteté consistant en ce qu´un sujet de droit ne tente pas de minorer ses obligations juridiques, quels qu´en soient l´origine et le fondement, ni d´accroitre indument, en faisant valoir ses droits, les obligations d´un autre sujet de droit à son égard »377. Cela dit, en vertu de la bonne foi, lorsque des États parties à un différend concluent un compromis de saisine de la CIJ, ils doivent s’abstenir de tout acte qui pourrait réduire au néant son objectif ; cet objectif étant de permettre à la Cour de contribuer au dénouement de leur différend.

374 Supra note 358.

375 Supra note 69.

376 John H. Currie, Public international law, Toronto, Irwin Law, 2008 à la p 153. 377 Supra note 33.

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La distinction entre le principe du pacta sunt servanda et la bonne foi n’est souvent pas nette, compte tenu de leur proximité. Ce qui entraine parfois des confusions dans le sens à donner à chacun de ces principes.378 Si certains auteurs tentent de faire absorber le principe du pacta sunt

servanda par la bonne foi, d’autres pensent le contraire. Ainsi, trouvent-ils inutile l’idée d’exiger

des États qu’ils remplissent de bonne foi leurs obligations en vertu des traités qu’ils concluent parce qu’on ne pourrait remplir de mauvaise foi une obligation. Dès lors, la bonne foi ne jouerait presque pas de rôle éminent pour la survie des conventions, contrairement au principe du pacta sunt

servanda.379Peu importe dans tous les cas, le sens ou la portée que l’on viendrait à réserver à ces

principes, une chose demeure cependant certaine. C’est qu’ils constituent tous deux des principes qui fondent la force obligatoire des traités et par voie de conséquence de l’acte du compromis de saisine de la CIJ. En la matière, c’est l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (précité), qui s’érige en fondement juridique de ces deux principes. Selon cet article « tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ».

Outre cette consécration conventionnelle, ces deux principes trouvent de même leur fondement dans la jurisprudence. Ainsi, dans son arrêt du 20 décembre 1974 dans l’affaire des

Essais nucléaires, la CIJ soutient que :

L’un des principes de base qui président à la création et à l'exécution

d'obligations juridiques, quelle qu'en soit la source, est celui de la bonne foi. La confiance réciproque est une condition inhérente de la coopération internationale, surtout à une époque où, dans bien des domaines, cette coopération est de plus en plus indispensable. Tout comme la règle du droit des traités pacta sunt servanda elle-même, le caractère obligatoire d’un engagement international assumé par déclaration unilatérale repose sur la bonne foi. Les États intéressés peuvent donc tenir compte des déclarations unilatérales et tabler sur elles ; ils sont fondés à exiger que l'obligation ainsi créée soit respectée380.

Sur ce, le fait que le principe du pacta sunt servanda et de la bonne foi puisse profiter directement à l’acte du compromis, témoigne que le recours à la Cour par cet acte, soit apparemment bénéfique au règlement des différends par rapport à la requête unilatérale. Cette dernière résulte de la seule initiative d’un État demandeur devant la Cour. Elle n’est donc pas un traité qui pourrait obliger l’État défendeur à accepter la compétence de la Cour, encore moins, à

378 Robert Kolb, La bonne foi en droit international public : contribution à l'étude des principes généraux de droit,

Paris, Presses universitaires de France, 2000 à la p 93.

379 Ibid à la p 94.

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comparaitre devant elle pour accomplir tous les actes de procédures (présentation de son contre- mémoire exposant les faits, ses arguments ou conclusions). L’introduction d’instance par la voie de requête unilatérale devant la CIJ, ne comporte donc aucune garantie juridique reposant sur un principe préétabli en droit international vertu duquel, l’on pourrait d’avance être sûr de ce que la Cour connaitrait effectivement de l’affaire à elle soumise.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, le bilan du règlement des différends soumis à la Cour par la voie de compromis apparait plus satisfaisant que celui des différends qui l’ont été par requête unilatérale. Au regard des principes du pacta sunt servanda et de la bonne foi, les parties sont tenues d’observer les dispositions d’un compromis de saisine de la Cour, de telle sorte qu’il leur est presqu’impossible de pouvoir par la suite nuire au bon déroulement de toute la procédure de règlement. Le cas échéant, ils engageraient leur responsabilité internationale, ce qui pourrait en conséquence, les priver de certains intérêts au sein de la communauté internationale.381

Dans le cadre de leur différend frontalier, le Burkina Faso et le Mali avaient conclu un compromis de saisine de la CIJ et qui lui fut notifié le 20 octobre 1983.382 Parmi les dispositions de cet acte, l’article III.2.a) prévoyait que : «Sans préjuger aucune question relative à la charge de la preuve, les Parties prient la chambre d’autoriser la procédure suivante au regard des pièces de procédure écrite :a) un mémoire soumis par chacune des Parties au plus tard six mois après l’adoption par la Cour de l’ordonnance constituant la chambre». Cette disposition comportait l’obligation pour chacune des parties de comparaitre devant la chambre saisie de l’affaire. Pour avoir signé ce compromis, aucune des parties ne devrait en principe refuser de comparaitre devant la chambre saisie de l’affaire pour exposer ses conclusions et/ou ses droits, et ce, dans un délai de six mois à compter de la date de la constitution de la chambre. Par ailleurs, l’article IV de ce même

381 L’idée consiste à dire que le compromis étant un accord international ou traité, sa violation par les États qui l’ont

conclu, compromet leurs intérêts au sein de la communauté internationale, comme il en est de même de tout État qui ne respecte pas ses engagements internationaux et qui peut de ce fait, perdre des privilèges sur la scène internationale. Ce fut le cas du Canada qui perdit son siège de membre non-permanent au Conseil de sécurité de l’ONU à l’issue d’un vote le 12 octobre 2010, au sein de l’Assemblée générale de ladite organisation. Les raisons évoquées de cette perte de siège du Canada, concerneraient son manquement à l’exécution de certaines de ses engagements internationaux, à savoir : son manque de performance internationale sur la question des changements climatiques, la réduction de son aide versée à certains États africains, les critiques de sa politique envers le droit des peuples autochtones, etc. Voir à cet effet, la perte du vote du Canada à l’ONU: recul de sa renommée internationale en ligne : <http://www.mondialisation.ca/la-perte-du-vote-du-canada-l-onu-recul-de-sa-renomm-e-internationale/21438>:

382 Cour internationale de Justice, Compromis entre le gouvernement de la République de Haute-Volta et le

gouvernement de la République du Mali visant à soumettre à une chambre de la cour internationale de justice le différend frontalier entre les deux états, en ligne : <http://www.icj-cij.org/docket/files/69/10664.pdf>.

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acte faisait état de ce que : «1. Les Parties acceptent, comme définitif et obligatoire pour elles- mêmes, l’arrêt de la chambre, rendu en application du présent compromis. 2. Dans l’année suivant cet arrêt, les Parties procèderont à la démarcation de la frontière ». Cette disposition mettait à la charge des parties, l’obligation de ne point remettre en cause la décision que la chambre viendrait à rendre à propos de l’affaire, et de l’exécuter. Raison pour laquelle, elles furent respectées en principe par les parties, car aux termes de l’arrêt rendu, non seulement, aucune exception d’incompétence ou d’irrecevabilité n’a été soulevée par l’une d’elles, encore qu’elles (les parties) ont effectivement comparu devant la chambre pour assumer la charge de la preuve.383 Aussi, se sont-elles conformées à l’arrêt rendu en la mettant en œuvre.384

383 Supra note 311.

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Chapitre II : Les implications de la mise en œuvre du consensualisme sur le cours de

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