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Chapitre I : La portée du recours à la CIJ par voie de compromis à travers une mise en œuvre

Paragraphe 1 : Les types de chambres

B- Les chambres ad hoc

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du Statut de la Cour, celle-ci « se compose de quinze membres. Elle ne pourra comprendre plus d'un ressortissant du même État ». Pour mieux cerner le sens de cette disposition, l’article 9 du même texte nous vient en aide. On y retient que : « Dans toute élection, les électeurs auront en vue que les personnes appelées à faire partie de la Cour non seulement réunissent individuellement les conditions requises, mais assurent dans l'ensemble la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde ».

Dans l’esprit des rédacteurs du Statut, on n’a certainement pas entendu avoir une Cour composée de juges recrutés uniquement en vertu de leurs compétences juridiques ou intellectuelles. En d’autres termes, les rédacteurs ont en réalité voulu donner une chance à toutes les régions du monde d’avoir des ressortissants qui siègent dans la haute juridiction. Pour ce faire, une répartition géographique équitable des quinze juges de la Cour a été établie de sorte à garantir leur véritable indépendance et impartialité. Ainsi, a-t-il été convenu d’impartir trois juges au continent africain, deux juges à l’Amérique latine, cinq juges à l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord, deux juges à l’Europe orientale et enfin, trois juges au continent asiatique.301

Malgré tout, et compte tenu du nombre élevé d’États [au sein de la communauté internationale], il peut être plus qu’impensable de réserver à tous ces États la possibilité d’élire leurs ressortissants à la Cour. Pour combler une telle impossibilité, un mécanisme de constitution de chambres au sein de la Cour a été mis sur pied. Au titre du paragraphe 2 de l’article 26 de son Statut, « la Cour peut, à toute époque, constituer une chambre pour connaitre d'une affaire déterminée. Le nombre des juges de cette chambre sera fixé par la Cour avec l'assentiment des parties ». C’est au mécanisme des chambres ad hoc, que ce paragraphe fait allusion. Le paragraphe premier de l’article 31 du Statut de la Cour explicite un peu plus avec cette stipulation : « Les juges de la nationalité de chacune des parties conservent le droit de siéger dans l’affaire dont la Cour est saisie ». Cette institution des juges ad hoc n’est pas vaine.

301 Cour internationale de Justice, « Membres de la Cour », en ligne : <http://www.icj-

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Les juges de ces chambres ad hoc sont en effet, désignés et nommés pour siéger à titre provisoire, avec les mêmes droits et prérogatives302 que les juges permanents pour toute la durée d’une affaire à examiner. La raison de leur désignation tient de deux faits. D’une part, lorsqu’au cours d’une instance devant la Cour, celle-ci comprend un juge de la nationalité d’une des parties, toute autre partie est habilitée à désigner un juge (qui soit de sa nationalité ou pas) qui siègera à la Cour pour ce différend.303 D’autre part, la désignation des juges ad hoc tient son fondement dans le fait qu’aucune des parties au différend n’a un juge siégeant à la Cour. Chaque partie pourra ainsi désigner une personne qui siègera en qualité de juge.304

D’un point de vue doctrinal, l’institution des juges ad hoc concède tout de même un fondement. À cet effet, Jean Combacau et Serge Sur présentent cette institution comme un «mécanisme (…) étranger à l’esprit du règlement judiciaire », mais qui « s’explique par le souci d’attirer devant la Cour des États prêts à laisser trancher leur différend par des tiers (…) à condition que leur point de vue puisse être accueilli avec bienveillance particulière en son sein par le juge…qui présente dans cette formation judiciaire les garanties habituelles d’un arbitre national»305.

Le Canada et les États-Unis ont été les tout premiers États à actionner la constitution d’une Chambre ad hoc au sein de la Cour,306 dans le cadre du règlement de leur différend307 sur la question de la délimitation de la frontière maritime divisant les zones de pêche et les zones de plateau entre les deux États au large de la côte atlantique du golfe de Maine.308 Le fondement de la compétence de la Cour reposait sur un compromis (conclu le 29 mars 1979 et qui entra en vigueur le 20 novembre 1981), que les parties ont notifié à la Cour à la date du 25 novembre 1981. Saisie du

302 Supra note 6, art 31 au para 6.

303 Selon le paragraphe 2 de l’article 31 de la CIJ, « Si la Cour compte sur le siège un juge de la nationalité d'une des

parties, toute autre partie peut désigner une personne de son choix pour siéger en qualité de juge. Celle-ci devra être prise de préférence parmi les personnes qui ont été l'objet d'une présentation en conformité des articles 4 et 5. ».

304 Aux termes du paragraphe 3 de l’article 31 du Statut de la Cour, « Si la Cour ne compte sur le siège aucun juge de

la nationalité des parties, chacune de ces parties peut procéder à la désignation d'un juge de la même manière qu'au paragraphe précédent ».

305 Jean Combacau et Serge Sur, droit international public, Paris, Montchrestien, 3ème édition, 1997 à la p 575. 306 Paolo Palchetti, « Article 26 », dans Andreas Zimmermann et al., dir., The Statute of the International Court of Justice: a commentary, 2è éd., Oxford, Oxford University Press, 2012, 474 à la p 498 [Palchetti].

307Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada c États-Unis d'Amérique), [1984]

CIJ rec 246.

308 CIJ, communiqué, 82/1, « La Cour constitue une chambre pour examiner l’affaire présentée par le Canda et les

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différend, la Cour constitua la Chambre ad hoc en application des articles 26, paragraphe 2 et 31 de son Statut.309

Dans l’affaire du Différend territorial entre le Bénin et le Niger310 (arrêt de juillet 2005), le

8 avril 1994, les parties avaient conclu un accord portant création de la commission paritaire de délimitation de leur frontière commune. Après qu’elles avaient échoué dans leurs efforts pour parvenir à une solution négociée du différend, la commission proposa aux autorités des deux parties de saisir par compromis la CIJ. Le compromis fut signé à Cotonou le 15 juin 2001 et entra en vigueur le 11 avril 2002. C’est par le biais de ce compromis de saisine de la CIJ que le différend a été soumis à une chambre ad hoc de la Cour.

Ce fut de même dans l’affaire du Différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali.311

Le Burkina Faso et le Mali sont deux États voisins situés dans la partie ouest-africaine. Des incertitudes quant au tracé de leurs frontières communes avaient suscité de vives tensions entre eux, et affecté la fraternité entre leurs populations. L’aggravation de ces tensions avait d’ailleurs provoqué un véritable conflit armé.312 Ainsi, ces deux États avaient saisi la CIJ par compromis

signé le 16 septembre 1983. Ce compromis fut notifié conjointement au greffe de la Cour par ces deux pays le 14 octobre 1983.

Les chambres ad hoc ont été sollicitées par des États dans le cas de bien d’autres différends. Par exemple dans les affaires du Différend Frontalier (Burkina Faso c Niger)313, de la Souveraineté

sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie c Singapour)314, de

la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c Malaisie)315, de Ile de Kasikili c

Sedudu (Botswana c Namibie)316, du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El

Salvador c Honduras ; Nicaragua (intervenant))317, etc.

309 Ibid.

310 Différend frontalier (Bénin c Niger), [2005] CIJ rec 90. 311 Différend frontalier (Burkina Faso c Mali), [1986] CIJ rec 554.

312 RFI archive, « Bamako et Ouaga jouent l’apaisement malgré 9 morts », en

ligne : <http://www1.rfi.fr/actufr/articles/079/article_44919.asp>.

313 Différend frontalier (Burkina Faso c Niger), [2013] CIJ rec 44.

314 Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie c Singapour), [2008]

CIJ rec 12.

315Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c Malaisie), [2002] CIJ rec 625. 316 Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana c Namibie), [1999] CIJ rec 1045.

317 Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador c Honduras ; Nicaragua (intervenant)), [1992]

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À la suite de cette analyse portant sur les types de formations restreintes de chambres qui peuvent être constituées au sein de la Cour, l’objectif consistera maintenant à montrer ce en quoi ces chambres peuvent être un atout pour des États parties à un différend et influer sur le processus de son règlement.

Paragraphe 2 : Les atouts portant sur la constitution des formations restreintes de

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