• Aucun résultat trouvé

L’impact de l’usage du veto d’un membre du Conseil de sécurité de l’ONU

Chapitre I : Les incertitudes dans le règlement des affaires soumises à la Cour par la voie de

Paragraphe 1 L’impact de l’usage du veto d’un membre du Conseil de sécurité de l’ONU

Le Conseil de sécurité est celui à qui il appartient en premier lieu de promouvoir le maintien de la paix et de la sécurité internationales.218 Sa composition ressort du paragraphe premier219 de l’article 23 de la Charte de l’ONU. C’est lors de la prise des décisions qu’apparaît la possibilité pour ses membres permanents de faire usage de leur droit de veto. À en croire au Dictionnaire de

droit international public, le veto est un « vote négatif au sein d’un organe collégial empêchant par

lui seul l’adoption d’une proposition.».220 Le droit des membres permanents à l’usage du véto se

trouve prévu au paragraphe 3 de l’article 27 de la Charte de l’ONU qui affirme que : « Les décisions du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents […].».

Pour nous rendre à l’évidence de l’impact de l’usage du droit de veto par les membres permanents du Conseil de sécurité, nous prenons pour appui les aspects définitionnels que Bardo Fassbender pense du veto. Pour lui en effet, l’usage du droit de veto doit être perçu sous quatre angles dont deux nous serviront dans notre raisonnement.221 Premièrement, l’usage du veto apparait comme une aubaine pour les membres permanents du Conseil de sécurité de faire valoir leur souveraineté, chacun individuellement à l’égard des autres membres. En cela, Bardo Fassbender aligne son point de vue sur celui du professeur Brierly, qui établit la corrélation entre la règle de l’unanimité et la souveraineté des membres du Conseil de sécurité en ces termes :

The general body of states has no legislature, no machinery, that is to say, which allows a majority to outvote a dissentient minority and to pass measures into law which will then become binding on all, whether they have agreed or not ; for the member states are ‘sovereign’, and one of the consequences of sovereignty is that a state’s legal position cannot be altered referred to as the ‘rule of unanimity’, or sometimes it is said that states have a right of ‘veto’ on changes in the law….222.

219 Ce paragraphe dispose que : « Le Conseil de sécurité se compose de quinze Membres de l'Organisation. La

République de Chine, la France, l'Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, et les États-Unis d'Amérique sont membres permanents du Conseil de sécurité. Dix autres Membres de l'Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil de sécurité, par l'Assemblée générale qui tient spécialement compte, en premier lieu, de la contribution des Membres de l'Organisation au maintien de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins de l'Organisation, et aussi d'une répartition géographique équitable ».

220 Salmon, supra note 2 à la p 1129.

221 Bardo Fassbender, UN Security Council Reform and the Right of Veto: A constitutional perspective, Hague; Boston,

Kluwer Law International, 1998 aux pp 277-281 [Fassbender].

48

À y voir de près, si l’usage du veto offre à chacun des membres permanents du Conseil le privilège d’avoir une prise de position dans l’adoption des décisions les plus importantes au sein de la communauté internationale, il permet aussi que cette prise de position compte pour l’ensemble des membres du Conseil dans la mesure où la règle de l’unanimité suppose que la prise d’une décision au sein de ce Conseil ne saurait aboutir tant qu’un membre permanent aurait émis un vote négatif.

Le deuxième aspect définitionnel que cet auteur sous-entend du veto est que celui-ci permet à chaque membre permanent du Conseil de sécurité la possibilité d’empêcher toute ingérence de l’ONU dans la gestion de sa politique intérieure, voire de protéger tout autre État de son choix contre une telle ingérence. Ainsi dit-il que: « The veto gives each of the permanent members ‘the

capacity to prevent the operation of the United Nations enforcement system against itself, against any state which it chooses to support and protect, or in any other case in which it prefers not to participate or to have others participate in an enforcement venture under United Nations auspices’»223. Cette dernière idée suppose que, d’une part, l’impact de l’usage du droit de veto sur

l’exécution d’un arrêt de la Cour peut profiter à chacun des membres permanents du Conseil de sécurité pris individuellement s’il se trouve que c’est l’un d’eux qui est visé par le recours pour une exécution forcée d’arrêt de la Cour.

De ce point de vue, supposons deux États A et B, parties à un différend porté par requête devant la Cour par l’État A; et que, A et B sont tous des membres permanents du Conseil de sécurité. En cas d’inexécution de l’arrêt de la Cour ayant découlé dudit différend par l’État B, l’État A pourra effectivement recourir au Conseil de sécurité pour obtenir une exécution forcée de l’État B en vertu du paragraphe 2 de l’article 94 de la Charte de l’ONU. Dans la mesure où l’État B est aussi un membre permanent du Conseil et a de ce point de vue un droit de veto, il pourra du coup empêcher l’adoption de la résolution que le Conseil de sécurité voudrait prendre à son encontre par un vote négatif.

Dans un autre sens, supposons que la Cour soit saisie d’une affaire sur requête d’un État X contre un autre État Y et que ce soit ce dernier qui ait succombé au terme de l’arrêt rendu, sachant qu’il nourrit de bonnes relations diplomatiques avec un autre État A, membre permanent du Conseil

223 Ibid., à la p 280, op. cit.

49

de sécurité. Si l’État Y refuse de se conformer à l’arrêt qui le condamne, l’État X tient du paragraphe 2 de l’article 94 de la Charte le droit de recourir au Conseil de sécurité pour obtenir de lui, l’adoption d’une résolution qui viserait à contraindre l’État Y à mettre en œuvre l’arrêt de la Cour. Toutefois, cette résolution pourrait ne point aboutir en raison de l’État A, qui pourra faire usage de son droit de veto pour émettre un vote négatif dans l’optique de protéger l’État Y compte tenu de l’excellence des relations diplomatiques qu’il entretient avec lui.

Sur ce, si le véto peut être bénéfique au membre permanent du Conseil qui en fait usage, il peut en être autrement pour les autres États membres permanents ou non permanents. Dans son ouvrage intitulé, Le droit des gens et les rapports des grandes puissances avec les autres états

avant le pacte de la Société des Nations, Charles Dupuy souligna à juste titre les méfaits de cet

usage du véto par les membres permanents du Conseil de la SDN en ces termes : « Lorsque la Pologne fut envahie, en 1920, Lloyd George déclara qu’il était inutile de saisir le Conseil de la Société des Nations, pour cette raison, que les décisions n’y pourraient être prises qu’à l’unanimité et que l’unanimité n’existait pas entre les membres de la Société sur la politique à suivre à l’égard de la Pologne d’une part, et du Gouvernement des Soviets d’autre part.»224. Le véto d’un membre

permanent du Conseil de sécurité peut donc être contreproductif pour tout autre État non membre du Conseil.

Il est possible de déduire cet effet contreproductif de l’usage du veto sur le Nicaragua suite au refus des États-Unis de se conformer à l’arrêt de la Cour dans les Activités militaires et

paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique)225. Cela peut se déduire du fait du temps écoulé entre la date de l’arrêt226 incriminant les États-Unis et le jour où

l’ordonnance227 de radiation de l’affaire du rôle de la Cour est intervenue. La seule option à laquelle

le Nicaragua pouvait recourir pour faire exécuter l’arrêt de la Cour par les États-Unis était le recours au Conseil de sécurité. Après que son recours se soit heurté au veto étatsunien qui paralysa l’adoption de la résolution qui devrait être prise par le Conseil, le Nicaragua finit par se désister. Rien ne pourrait prouver que le Nicaragua introduirait cette instance devant la Cour s’il savait effectivement que les États-Unis se garderaient d’exécuter l’arrêt qui y découlerait, et ce, malgré

224 Charles Dupuy, Le droit des gens et les rapports des grandes puissances avec les autres états avant le pacte de la Société des nations, Paris, Plon-Nourrit et cie, 1921 à la p 198.

225 Supra note 80. 226 Supra note 49. 227 Supra note 112.

50

un recours en exécution forcée devant le Conseil de sécurité. Autant vaudrait en effet, pour le Nicaragua de ne pas saisir la Cour, que de le faire sans jamais obtenir de son adversaire la mise en œuvre de l’arrêt qui devrait le condamner.

Cette affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-

ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique), occupe une grande place au sein de la jurisprudence de la

Cour au regard des implications qui ont été la sienne, à telle enseigne qu’il nous apparaît tout à fait légitime de réserver un développement en entier sur elle, de même que l’affaire des Essais

nucléaires.

Paragraphe 2 : Les cas d’inexécution des décisions de la Cour par un membre

Outline

Documents relatifs