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Les désavantages des réserves en lien avec la requête unilatérale sur la

Chapitre I : Les incertitudes dans le règlement des affaires soumises à la Cour par la voie de

Paragraphe 2 Les désavantages des réserves en lien avec la requête unilatérale sur la

Selon le Dictionnaire de droit international public (sens B), la réserve est une « déclaration unilatérale formulée par un État ou une Organisation internationale, avant et/ou lors de l´expression de son consentement à être lié par un traité, tendant à modifier, au regard du texte conventionnel adopté, la portée des engagements du déclarant à son égard »97. La formulation des réserves repose

sur l´exercice par les États d´un droit souverain (article 36 paragraphe 1 du Statut de la Cour). Toutefois, il n´en demeure pas moins que l´exercice de ce droit peut présenter des effets nuisibles sur l´exercice par la Cour de sa compétence dans le règlement des différends qui pourront être portés devant elle.

Dans presque tous les cas où la Cour s´est vue confrontée à des contestations de sa compétence en raison de réserves, ce fut à l´occasion d´affaires portées devant elle par la voie de requête introductive d´instance.98 Il est en effet difficile que des États s´accordent au préalable à l´issue de négociations entre eux de porter leur affaire devant la Cour par voie de compromis, et que devant la Cour l´un d´eux remette en cause la compétence de cette dernière pour raison de réserve qu´il aurait formulée contre la compétence de la Cour. Il est difficile de penser à une telle éventualité, car le compromis suppose une entente préalable entre les parties et une acceptation commune de la compétence de la Cour pour déférer devant elle leur affaire. La bonne foi99 et la règle du pacta sunt servanda100, prévalent dans les cas de saisine de la Cour par voie de compromis et obligent les États qui s´y se sont adonnés, à tenir leur engagement en laissant effectivement la

97 Salmon, supra note 2 à la p 988. 98 Eisemann, supra note 42. 99 Supra note 33.

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Cour statuer sur leur différend.101 Si les réserves constituent le lieu pour les États d´affirmer leur souveraineté dans le fait de pouvoir être partie devant la Cour, leurs effets sont a contrario, contreproductifs sur la procédure de règlement pacifique des différends.102 Pour en dire davantage sur ces effets, revenons-en à la définition que l´article 2.1.d) de la Convention103 de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 leur donne : «l’expression ‘réserve’ s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État.».

Partant de cette définition, les réserves peuvent produire des effets à un double niveau. D´une part, ces effets concernent la compétence personnelle de la Cour, c’est-à-dire les États qu´ils soustraient de la compétence de la Cour ou les États qui peuvent être parties devant la Cour, mais à des conditions bien définies.104 Par exemple dans sa déclaration d´acceptation de la juridiction

obligatoire de la Cour le 10 mai 1994, le Canada y a exclu la compétence de la Cour pour tous « les différends avec le gouvernement d'un autre pays membre du Commonwealth britannique des nations, différends qui seront réglés selon une méthode convenue entre les parties ou dont elles conviendront »105, à travers une réserve qu´il a formulée à ladite déclaration. Dans l´affaire des

Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique), si les États-Unis contestaient la compétence de la Cour, c´est aussi dû au fait que leur

déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour du 26 aout 1946 était assortie d´une

101 C´est pourquoi, la saisine de la Cour par la voie de compromis s´accommode mieux avec l´idée que la Cour soit

mise à l´abris des réserves à sa compétence. Raison pour laquelle, les affaires introduites devant la Cour par la voie de la requête unilatérale, sont souvent le moment favorable pour les États de mettre en avant le principe de la liberté de consentement (paragraphe 1 article 36 du Statut de la Cour), qui les autorise évoquer les réserves pour contester la compétence de la Cour.

102 Loin donc de renforcer la compétence de la Cour sur toute la procédure de règlement des affaires, les réserves n´ont

pour seul objectif que de contraindre la Cour à renoncer à sa compétence dans chaque différend. Par voie de conséquence, leurs effets sont néfastes sur le fonctionnement de la Cour appelée pourtant à être un cadre de dénouement des différends internationaux.

103 Convention de Vienne sur le droit des traités, adoptée le 23 Mai 1969 à Vienne, 1155 RTNU n0 18232.

104 En clair, supposons deux États A et B appartenant la zone de l´Amérique du Nord et qui sont parties à un différend.

L´État A, porte le différend en question à la connaissance de la CIJ par la voie de requête unilatérale. Considérons par exemple, que la base juridique de compétence (clause compromissoire ou déclaration de juridiction obligatoire), qui fonde la compétence de la Cour selon l´État A, est sanctionnée par une réserve de l´État B et qui vise à exclure du champ de compétence de la Cour, tout différend entre lui, État B et tout autre État de la zone de l´Amérique du Nord. Dans cette hypothèse, il est fort probable que la Cour se déclare incompétente à connaitre de l´affaire à cause de la réserve de l´État B.

105 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, du 10 mai 1994, 1776 RTNU N0 30941.

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réserve106. Ce qui devrait selon cet État, permettre à la Cour de se dessaisir du différend en l´occurrence.107

Dans certains cas, la réserve n´aura pour effet d´exclure certains États du champ de compétence de la Cour que dans des cas bien définis ou à certaines conditions. C´est le cas de l´Allemagne qui, lors de sa déclaration d´acception de la juridiction de la CIJ, a émis une réserve qui exclut du champ de compétence de la CIJ les États dans les cas où, « les parties au différend sont convenues ou pourraient convenir d´avoir recours à une autre méthode de règlement pacifique ou lorsque le différend a été soumis à une autre méthode de règlement pacifique choisie par toutes les parties »108. D´autre part, les réserves auront pour effets de limiter la compétence matérielle de la Cour de telle sorte qu´elle n´aura qu´à connaître un certain nombre de matières ou catégories de différends bien définis. Sous cet angle, le but de la réserve sera de paralyser l´action intentée par un État demandeur si le différend pour lequel il saisit la Cour rentre dans la catégorie des matières contre lesquelles le défendeur aurait formulé une réserve. Ainsi, convient-il de rappeler la réserve du Nigéria formulée à sa déclaration d´acception de la juridiction obligatoire de la Cour, et qui exclut de sa compétence, tout « différend qui porte sur ou est en rapport avec des hostilités ou un conflit armé, que ce soit à l'intérieur d'un pays ou entre plusieurs pays »109.

D´un État à un autre, le contenu de la réserve peut varier et présenter des différences par rapport à une catégorie de différends bien déterminés. À cet effet, la réserve pourrait avoir pour objet d´établir la compétence de la Cour pour les seuls différends qui interviendront postérieurement à la formulation de la réserve contenue souvent dans une déclaration de juridiction obligatoire de la CIJ. Dans ce cas, l´État qui aurait formulé une telle réserve ne pourra être attrait devant la Cour par un autre État pour un différend né avant la date de la formulation de sa

106Supra note 80 à la p 398 au para 13. Le contenu de la déclaration était la suivante : « Ladite déclaration ne sera pas

applicable aux différends avec l'un quelconque des Etats de l'Amérique centrale ou découlant d'événements en Amérique centrale ou s'y rapportant, tous différends qui seront réglés de la manière dont les parties pourront convenir. Nonobstant les termes de la déclaration susmentionnée, la présente notification prendra effet immédiatement et restera en vigueur pendant deux ans, de manière à encourager le processus continu de règlement des différends régionaux qui vise à une solution négociée des problèmes interdépendants d'ordre politique, économique et de sécurité qui se posent en Amérique centrale ».

107 Supra note 80 à la p 395 au para 3.

108 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, du 1er mai 2008, 2515 RNTU N0 44914. 109 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, du 29 avril 1998, 2013 RNTU N0 34544.

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déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour. C´est l´exemple du Mexique, qui exclut du champ de compétence de la Cour, tous les différends auxquels il serait partie et qui seraient nés antérieurement à la date de formulation de sa déclaration de juridiction obligatoire de la CIJ.110

Voyons maintenant le phénomène des non-comparutions devant la Cour qui produit des effets négatifs sur son fonctionnement.

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