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Des protagonistes situés entre mondes académique, philanthropique et privé

1.1. L ’Afrique sur le devant de la scène de la monnaie mobile

1.3.2. Des protagonistes situés entre mondes académique, philanthropique et privé

L’action et la recherche autour des monnaies mobiles ont ceci de particulier qu’elles coalisent une diversité d’acteurs aux profils variés. Il convient en particulier de noter que la plupart des premiers travaux sur la monnaie mobile, et la quasi-totalité de ceux qui restent les plus cités aujourd’hui, ont été produits par les praticiens de la monnaie mobile eux-mêmes : par des personnes directement impliquées dans (et intéressées par) le développement des services de monnaie mobile. En même temps, la plupart d’entre elles affichent un rattachement institutionnel dans le monde philanthropique ou académique.

Le tableau suivant présente les profils des personnes ayant joué un rôle direct ou indirect dans le développement et/ou la mise en place de M-Pesa, et qui sont les auteurs des principaux articles aujourd’hui cités sur le sujet. Il apparaît qu’elles ont rempli des fonctions à la fois dans le secteur privé (d’abord pour Vodafone ou Safaricom puis souvent à leur propre compte dans le domaine du consulting), dans le monde académique

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(auprès d’universités ou de la Banque Mondiale), ou dans le secteur philanthropique (en particulier pour la puissante Fondation Bill & Melinda Gates).

Tableau 3 : Fonctions des protagonistes au développement de M-Pesa

Nick Hughes :

- Responsable Entreprises Sociales chez Vodafone et principal concepteur du M-Pesa. - Responsable des solutions de paiement mobile chez Vodafone

- Directeur de SignalPoint Partners (incubation d'entreprises de services mobiles) - Fondateur de M-Kopa (solution d'électrification via panneaux solaires connectés et

monnaie mobile) Michael Joseph :

- PDG de Safaricom, supervisa le déploiement de M-PESA - Conseiller auprès de la Banque mondiale sur la monnaie mobile - Directeur général monnaie mobile chez Vodafone

Jake Kendall :

- Économiste à la Banque Mondiale (département Accès aux services financiers) - Directeur du programme « Services financiers pour les pauvres » et directeur adjoint

recherche et innovation à la Fondation Bill & Melinda Gates - Chercheur associé à l'Université de Washington

- Directeur du Laboratoire d'Innovation pour les services financiers digitaux chez Caribou Digital

Susie Lonie :

- Responsable commerce mobile pour Vodafone Europe - Cheffe de projet pour le déploiement de M-Pesa au Kenya - Directrice commerciale du groupe Vodafone

- Cheffe exécutive Vodacom Afrique du Sud

- Consultante services financiers digitaux (Pyrmont Consulting Ltd) Ignacio Mas :

- Directeur de la stratégie commerciale chez Vodafone

- Directeur adjoint du programme « Services financiers pour les pauvres » à la Fondation Bill & Melinda Gates

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- Chercheur associé à l'Université Tufts et à la Singapore Management University - Fondateur du Digital Frontiers Institute

Principales publications :

- Eijkman Frederik, Kendall Jake et Mas Ignacio, 2010, « Bridges to Cash: The Retail End of M-PESA », Savings and development, 2010, p. 219–252.

- Hughes Nick et Lonie Susie, 2007, « M-P‐SA: Mobile Money for the “Unbanked” Turning Cellphones into 24-Hour Tellers in Kenya », Innovations: Technology, Governance, Globalization, 2007, vol. 2, no 1-2, p. 63-81.

- Kendall Jake, Machoka Phillip, Veniard Clara et Maurer Bill, 2011, « An Emerging

Platform: From Money Transfer System to Mobile Money Ecosystem », Legal Studies Research Paper Series, 3 mai 2011, no 2011-14.

- Mas Ignacio et Porteous David, 2014, « Pathways to Smarter Digital Financial

Inclusion », SSRN Scholarly Paper, 22 novembre 2014.

- Mas Ignacio et Radcliffe Daniel, 2010, « Mobile Payments Go Viral: M-PESA in

Kenya », SSRN Scholarly Paper, 1 mars 2010.

Source : auteur et CV publics

Au-delà des individus, un certain nombre d’organisations ont pour objectif de porter ou d’animer la recherche-action sur la monnaie mobile et ses déclinaisons. La principale d’entre elles est la Global System for Mobile Communications Association

(GSMA), qui a pour objet de « représenter les intérêts des opérateurs mobiles » (GSMA 2018). Elle mène un programme « Mobile pour le développement » particulièrement actif, qui vise à encourager le déploiement de dispositifs de monnaie mobile, de façon à ce qu’ils puissent ensuite être le support de services dans les domaines de la santé, de l’agriculture, de l’énergie, de l’eau, etc. La GSMA constitue la principale source de données sur l’état du développement de la monnaie mobile96. Elle produit aussi de nombreux rapports qui visent tant à dresser des états des lieux qu’à formuler des recommandations à destination des acteurs du secteur, aux gouvernements ou aux autorités de régulation nationales. Bien que la GSMA présente son action comme étant tournée vers les plus pauvres, vus comme les premiers bénéficiaires du développement de la monnaie mobile, des tensions ne manquent pas d’apparaître à la lecture des

96 Ces données font notamment l’objet d’une publication annuelle, les State of the Industry Reports, et alimentent son Mobile Money Deployment Tracker accessible en ligne.

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documents produits par la GSMA, qui trahissent aussi le fait que la monnaie mobile est le nouveau relais de croissance des opérateurs téléphoniques : les revenus directs de l’industrie de la monnaie mobile s’élevaient en 2017 à 2,4 milliards de dollars. On notera aussi que le programme Monnaie mobile de la GSMA reçoit le soutien de la Fondation Bill & Melinda Gates, de la Fondation Mastercard, et du Omidyar Network97.

Les acteurs de la monnaie mobile – et ses principaux auteurs – forment donc un réseau intégré, où ces différents mondes sont intriqués, et qui est connecté aux principales institutions et organisations du développement. Face à la position dominante des insiders

du secteur de la monnaie mobile, il apparaît d’autant plus important de développer des analyses critiques sur celle-ci : « les chercheurs devraient être à l’avant-garde du scepticisme responsable face à une large promotion »98 dont la monnaie mobile fait l’objet (Donovan 2013).

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