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économie du développement

2. Le traitement de la problématique du financement du développement financement du développement

2.1.4. Le Consensus de Washington et l ’équilibre monétaire externe

Avec l’intervention croissante des institutions internationales du développement (en particulier le ‑onds Monétaire International et la Banque Mondiale), et l’application des politiques d’ajustement à partir des années 1980, se construit une doctrine en matière de politiques économiques à suivre par les économies en développement qui sera

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rétrospectivement qualifiée de « consensus de Washington » (Williamson 1990). Dans ce cadre, le FMI adopte l’approche monétaire de la balance des paiements, sous l’influence de Jacques Polak. Cet économiste néerlandais a assuré un certain nombre de postes importants au sein de l’institution, qu’il a profondément influencée50, son modèle en devenant le modèle de référence.

Polak déplore, à propos des questions monétaires, « L'incapacité embarrassante de gérer de telles questions »51, et le fait que « l'analyse habituelle du revenu ne peut pas traiter les questions monétaires »52 (Polak 1957, p. 1). Il se donne donc pour objectif d’expliquer l’impact des changements dans les variables monétaires sur le revenu et sur la balance des paiements et construit pour cela son modèle, dont il loue la simplicité puisqu’il peut être résumé en quatre équations (Polak 1997) :

∆ = ∆ (1)

= (2)

∆ = ∆ + ∆ (3)

∆ = − + (4)

Avec MO : Masse monétaire du pays ; Y : revenu national ; k: facteur qui est l’inverse de la vitesse de circulation de la monnaie, k = MO/Y ; M : demande d’importations ; m : propension marginale à importer ; R : réserves de change ; D : crédit domestique du système bancaire ; X : exportations ; K : entrées nettes de capitaux du secteur non bancaire.

Pour faciliter l’analyse des politiques nationales, le modèle adopte le point de vue du bilan de la banque centrale et de ses activités de crédit, plutôt que du bilan consolidé du système monétaire dans son ensemble. Deux équations viennent pour cela compléter les précédentes :

∆ = ∆ + ∆ (5)

∆ = ∆ (6)

Avec H : base monétaire (monnaie centrale et réserves des banques commerciales) ; DCB : crédit domestique de la banque centrale ; q : multiplicateur monétaire.

50 En témoigne le fait que le rendez-vous annuel de l’institution se nomme la Jacques Polak Annual Research Conference.

51 « The embarrassing inability to handle such questions »

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Pour Polak, une expansion monétaire entraîne une hausse du revenu, mais implique aussi une hausse des importations (qui n’est pas compensée par une hausse des exportations) et donc une perte en réserves qui équivaut à l’augmentation de la quantité de monnaie. Même lorsque cette expansion monétaire est temporaire, Polak avance que la perte de réserves qui lui est liée serait quant à elle permanente. Le modèle de Polak vise donc à déterminer l’ampleur de l’expansion monétaire qu’une économie « peut se permettre ». Une expansion monétaire « saine » est une expansion monétaire à laquelle correspond une augmentation du flux d’épargne vers les intermédiaires financiers, tandis qu’une expansion monétaire « malsaine » entraîne une augmentation trop importante de la quantité de monnaie en circulation et un déséquilibre extérieur (Polak 1957).

La logique de ce modèle implique donc que chaque économie doive être soumise à un contrôle strict de l’expansion de sa masse monétaire. Cette restriction, qui concrétise le principe de répression monétaire, deviendra un élément important de la « bonne gouvernance » attendue par les institutions du développement :

« L'ensemble des équations (1), (2), (4), (5) et (6) constitue le noyau logique de l'exercice de programmation du Fonds, qui a reçu le nom de Programmation Financière, et qui, depuis le début des années 1950, a constitué la pièce maîtresse de l'analyse conduisant à la conditionnalité du Fonds » (Polak 1997)

Polak assimile en fait les questions monétaires à des « questions de paiement » (Polak 1957, p. 1), qu’il faut comprendre au sens de « questions de paiement international ». Avec l’approche monétaire de la balance des paiements, les dimensions monétaires internes aux économies sont donc soumises aux dimensions extérieures et aux contraintes d’équilibre externe. La réalisation de celui-ci peut alors se faire au détriment des besoins monétaires internes. Se pose alors la question de savoir si ces deux niveaux, interne et externe, sont conciliables avec une seule monnaie.

On le voit, la logique du financement du développement est progressivement « démonétarisée » dans le sens où la monnaie sort des outils mobilisables pour répondre aux besoins de financement. Au contraire, elle doit faire l’objet d’une discipline stricte sans laquelle le développement ne peut prendre pied. Ainsi, la réflexion sur le financement du développement doit être menée en « laissant de côté la tentation ultime et désespérée de trouver l'argent auprès de la banque d'émission » (Gannagé 1969, p. 7, nos italiques). La mobilisation des outils monétaires, autrefois tout aussi envisageable que

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d’autres mesures, apparaît dorénavant comme une hérésie. Finalement, « Tout problème de financement est à la fois problème de mobilisation de ressources financières et problème d'incitations. » (Ibid.). On va voir maintenant que cette idée perdure encore aujourd’hui.

2.2. Les modalités actuelles du financement du

développement

L’actualité de la problématique du financement du développement est depuis 2015 liée à la réalisation des Objectifs de Développement Durable, qui selon les estimations nécessiterait pour le seul continent africain entre 600 et 1 200 milliards de dollars par an (CNUCED 2016). La gestion internationale de la problématique du financement du développement est confiée au sein de l’Organisation des Nations Unies au département des affaires économiques et sociales. Ce sujet a fait l’objet de trois conférences internationales : à Monterrey en 2003, à Doha en 2009, et à Addis-Abeba en 2015. Le « consensus de Monterrey » a ainsi constitué le premier ensemble d’engagements internationaux sur la question, engagements renouvelés dans le « plan d’action d’Addis-Abeba » (United Nations 2015) qui en constitue le cadre actuel53. Outre les organes des Nations Unies et les gouvernements nationaux, prennent aussi part aux discussions les institutions internationales du développement, au premier rang desquelles se trouvent la Banque Mondiale (en tant que banque de développement multilatérale) et le Fonds Monétaire International (en tant qu’institution internationale de gestion monétaire et financière). Ces institutions ont un poids important et imprègnent donc fortement la doctrine que les pays doivent appliquer.

Les ressources que les États ont la possibilité de mobiliser pour financer leur développement peuvent être des ressources publiques ou privées, dont la source peut elle-même être domestique ou internationale. Ce double critère définit quatre différents types de financement, dont les modalités sont synthétisées dans le tableau suivant.

53 La conférence de Doha n’ayant été qu’une conférence intérimaire de suivi des engagements de Monterrey, elle constitue une étape moins importante que les deux autres.

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Tableau 1 : Modalités du financement du développement par types de sources

Domestique International

Public

‑iscalité de l’État, fiscalité des collectivités, banques nationales de développement, financement direct du

trésor

Aide publique au développement, prêts et prises de participation non APD,

garanties, crédits exports.

Privé Caisses d’épargne, réseaux bancaires, ONG et fondations locales

Prêts privés, investissements directs à l’étranger, transferts des migrants, ONG

et fondations internationales

Source : adapté de Orliange et De Milly (2015), ajout de l’auteur en italiques

Mais au-delà de ces différentes possibilités de financement ouvertes aux États, on montrera ici quelles en sont les sources effectives. L’importance relative de chaque source est variable, tout comme son efficacité.

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