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Préambule méthodologique et contextuel aux terrains

1. Quelles approches épistémologiques et méthodologiques pour le terrain ? méthodologiques pour le terrain ?

1.2.2. L ’essentielle complémentarité des méthodes

Envisager les rapports entre méthodes quantitatives et qualitatives amène en premier lieu à pointer le caractère artificiel de la séparation généralement posée entre elles :

« Chaque courant a souligné les avantages de son approche par rapport aux faiblesses de l'autre : les approches quantitatives sont critiquées pour leur réductionnisme, leur formalisme et leur manque d'attention à l'interprétation subjective ; tandis que les approches qualitatives sont critiquées pour leur généralisabilité limitée, leur rigueur

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limitée et leur vulnérabilité aux biais subjectifs des chercheurs. »153 (Cronin 2016, p. 287).

Chaque type de méthode contient toujours des éléments qualitatifs et quantitatifs, en proportion variable, mais sans qu’il n’existe de méthode pure. Une approche quantitative repose sur des choix subjectifs (en premier lieu quant aux variables d’intérêt) et n’exclut pas la collecte d’éléments qualitatifs. De même, les données qualitatives peuvent être collectées et analysées selon des critères quantitatifs.

Rechercher la plus grande validité des résultats devrait naturellement pousser à ne pas dépendre que d’une seule méthode : leur combinaison permet de compenser les limites de l’une par ce qui fait la force de l’autre (Hulme 2000; Stern et al. 2012), et l’analyse produite sera plus riche que par l’emploi d’une méthode unique. ‐t c’est dans l’emploi conjoint de méthodes quantitatives et qualitatives que les complémentarités les plus fortes sont à trouver. Les premières permettent la génération de variables statistiques agrégées, pendant que les secondes amènent des descriptions détaillées des phénomènes à l’œuvre. L’idéal est alors de pouvoir opérer une triangulation des résultats en les confirmant par des méthodes différentes.

Cette convergence souhaitable, et nécessaire pour la discipline économique (Labrousse 2014), nécessite pour être réalisée la réconciliation d’épistémologies encore largement opposées et vues comme incommensurables :

« Les chercheurs quantitatifs sont vus comme engagés (consciemment ou inconsciemment) dans une ontologie réaliste et une épistémologie empiriste dans laquelle la réalité est unique, externe, observable et mesurable et dans laquelle le sachant et le su sont séparés et indépendants, de sorte que la vérité n'est pas définie par le contexte de la recherche, ou par les valeurs du chercheur ou de celui qui est objet de la recherche.Selon cette épistémologie, le but du chercheur est de déterminer l’exactitude de propositions théoriques alternatives en déterminant leur correspondance avec les données obtenues par observation ; seules les données qui sont observables d’un point de vue intersubjectif et invariantes au sujet (c'est-à-dire qui ne sont pas basées sur les perceptions des participants) sont valables à cette fin. En d'autres termes, les connaissances produites dans ce cadre doivent être objectives

153 « Each stream emphasized the advantages of their approach over the weaknesses of the other: quantitative approaches criticized for their reductionism, formalism and insufficient attention to subjective interpretation; qualitative approaches criticized for limited generalizability, limited rigour and vulnerability to researchers’ subjective biases. »

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(c'est-à-dire vraies indépendamment des biais individuels du sujet), vérifiables par des preuves empiriques, et reproductibles. Dans cette méthodologie, l'objectivité est assurée en maintenant une distance entre le chercheur et le recherché - le chercheur étant perpétuellement un étranger observant ses sujets »154 (Pickbourn et Ramnarain 2016, p. 75).

Cette question de la distance entre le chercheur et les sujets de la recherche est un point d’achoppement majeur du dialogue entre approches. Le chercheur adoptant une approche qualitative va faire en sorte de ne pas être un « étranger » : il va au contraire chercher à devenir familier de son terrain, mais aussi à devenir familier pour les personnes qui le composent. Cette proximité recherchée (qui doit être construite) n’invalide pas les données collectées, qui sont analysées en tenant compte de leur contexte de production et donc de l’éventuelle proximité du chercheur, qui ne l’empêche pas de garder un regard distancié vis-à-vis de son objet. La proximité entre enquêteur et enquêtés, et la confiance qui peut s’établir entre eux, peuvent même permettre d’améliorer la qualité des données collectées : l’accès à l’information est facilité en même temps que les informations divulguées par les informateurs sont plus fiables. Les méthodes qualitatives peuvent alors s’avérer un préalable tout à fait utile aux méthodes quantitatives : les premières peuvent avoir une visée exploratoire pour la construction du protocole des secondes, mais surtout elles vont permettre au chercheur de s’établir sur son terrain, de s’y faire connaître, et de s’y faire accepter. Plutôt que de feindre une neutralité illusoire, il s’agit alors de tirer parti de sa présence sur le terrain et de sa relation avec celui-ci.

Il apparaît donc non seulement possible155, mais désirable de dépasser l’opposition entre les méthodes qualitatives et quantitatives, celles-ci s’avérant plutôt être complémentaires, voir « symbiotiques » (Pickbourn et Ramnarain 2016).

154 « Quantitative researchers are seen as committed (whether consciously or unconsciously) to a realist ontology and empiricist epistemology in which reality is single, external, observable, and measurable and in which the knower and the known are separate and independent, so that the truth is not defined by the research context, or by the values of the researcher or the researched. According to this epistemology, the purpose of the researcher is to determine the truth of alternative theoretical claims by determining their correspondence to data obtained by observation; only data that is intersubjectively observable and subject-invariant (that is, not based on the perceptions of participants) is valid for this purpose. In other words, knowledge produced within this framework must be objective (that is, true regardless of the subject’s individual biases), verifiable through empirical evidence, and replicable. In this methodology, objectivity is ensured by maintaining a distance between the researcher and the researched – the researcher is perpetually an outsider looking upon the researched »

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