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Chaque loi relative à l’aménagement ou l’abordant de façon incidente réaffirme, un peu comme un leitmotiv, l’obligation de prendre en compte les paysages. En particulier les lois SRU138 et la loi ALUR139 fournissent le cadre général de l’approche paysagère des documents

d’urbanisme. Cependant la lutte contre l’étalement urbain paraît aujourd’hui l’objectif principal en matière de paysage. L’État, et ses services sont très présents pour contrôler les règlements élaborés par les collectivités qui travaillent de plus en plus dans des enveloppes financières contraintes. Le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU), devenu ministère de l’Équipement pendant les Trente Glorieuses, avait une vocation opérationnelle. Sa transformation en une administration de contrôle, s’accompagne de la mise en place de critères quantitatifs permettant l’exercice de ce contrôle. Cette situation réduit des questions de paysage à une lutte pour la sauvegarde des terres agricoles, des espaces naturels ou le maintien des trames vertes et bleues. Dans ces domaines, l’approche quantitative permet un exercice simple du contrôle, permettant de limiter les compétences à mettre en œuvre.

Les SCoT, PLU et PLUi traitent la question du paysage à travers les méthodes et les principes de contrôle précisés par les différents services de l’État DREAL ou DDT, selon des orientations définies au niveau national. SCoT, PLUi ou PLU sont élaborés et contrôlés de la même façon. Le schéma proposé par la DREAL de Provence-Alpes-Côte d’Azur en janvier 2015, identifie parfaitement l’encadrement apporté lors du processus d’élaboration. Les services (généralement les représentants départementaux : Direction Départementale des Territoires (DDT) et Services du Ministère de la culture…) portent à la connaissance des maitres d’ouvrage du document les contraintes à respecter, parallèlement l’autorité environnementale140 précise aux différentes étapes les conditions de cadrage (document 8).

138 SRU : loi solidarité et renouvellement urbain du 13 décembre 2000. La loi met en place les SCoT et les PLU

avec l’objectif de lutter contre l’étalement urbain. La loi aborde dans le même temps la question de la mixité sociale avec l’obligation d’un minimum de 20 % de logements sociaux par communes…

139 ALUR : loi du 26 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Cette loi comporte diverses

dispositions pour prendre en compte la convention européenne du paysage dans la législation française.

140 L’autorité environnementale est mise en place dans le cadre des législations européennes et nationales pour

évaluer les incidences environnementales des projets. Les avis doivent éclairer les responsables qui élaborent les documents d’urbanisme. Ces missions sont assurées en France par les DREAL (Direction Régionale de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement).

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Document 8 : Procédure d’élaboration et de contrôle d’un PLU ou PLUi

(DREAL Provence Cote d’Azur, 2015, p. 11)

Le schéma élaboré ci-dessus s’efforce d’illustrer les interactions dans les différentes interventions des services de l’État dans l’élaboration d’un document d’urbanisme. Au-delà des actions du “Porter à connaissance’’, il importe d’apprécier les incidences environnementales, d’élaborer le règlement du PLUi en conséquence et d’établir les mesures d’évitement ou de compensation. L’avis de l’État et de l’autorité environnementale, précédent l’enquête publique. Ce travail complexe avec ses allers-retours, les quantifications et l’évaluation régulière est mis en œuvre dans une perspective de respect formel de la démarche plus que dans la perspective d‘une efficacité. Cette situation traduit le plus souvent un manque de moyens financiers et de personnels formés à ces questions

Le premier volet du document d’urbanisme est le rapport de présentation, qui inclut un bilan des incidences environnementales et explique les choix retenus. Il doit présenter en premier lieu une analyse de la consommation d’espace141, démontrant l’approche quantitative

de la démarche. Là encore l’assimilation du paysage aux espaces ruraux et naturels qu’il s’agit

103 de protéger est perceptible et il n’est guère possible de s’interroger sur cette priorité quantitative, affirmée comme une priorité nationale. Les populations semblent en attente d’espace, de logements plus grands, de prolongements extérieurs de ces logements, d’espaces publics plus naturels. Les démarches de densification urbaine conduites à marche forcée, estampillées développement durable ne paraissent pas toujours en mesure de répondre complètement à ces attentes. Il importe de ne pas négliger les dimensions économiques et environnementales des choix de « paysages », mais les rapports de présentation devraient avec la même force prendre en compte les aspirations des populations vivant en ville et s’attacher à mieux évaluer l’état réel des milieux urbains.

Le deuxième élément du document d’urbanisme est le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD), il expose les orientations d’aménagement. La loi ALUR142

précise les conditions de prise en compte des paysages. Ainsi le PLUi, dans le respect du principe de subsidiarité143, doit formaliser explicitement les orientations de protection de

gestion ou d’aménagement du paysage. Le document doit être « simple et concis » pour servir de base aux documents ayant valeur opérationnelle et opposables au tiers : les règlements et les Orientations d’aménagement et de Programmation (OAP). Ces dernières, peuvent être thématiques et, dans le cadre des questions paysagères, peuvent par exemple fixer des types d’aménagement pour les opérations immobilières en limite de zones construites, à l’instar du PLU de Lannion ou du PLUi de Monthureux-sur-Saône qui propose différents traitements en fonction de la localisation, plaine, vallon ou forêt. Des OAP peuvent également préciser sur des secteurs parfaitement identifiés, comme les entrées de ville ou les espaces de renouvellement urbain, des dispositions ou principes de composition pour les voiries, les espaces, les volumétries des bâtiments.

La dernière composante du document d’urbanisme est le règlement, qui sert de base à l’instruction des autorisations de construire. Il est opposable aux tiers, c’est-à-dire qu’il s’impose en principe sans interprétation, aux pétitionnaires qui sollicitent une autorisation d’urbanisme. Le document graphique, établi sur la base cadastrale effectue un découpage dont les effets sont particulièrement importants pour le paysage, puisque les différents articles qui composent la partie écrite du règlement fixent sur chaque secteur des contraintes particulières. La plupart des articles du règlement peuvent avoir un effet sur le paysage, que ce soit l’usage du sol, l’implantation (L 123-1-5 du code de l’urbanisme), les prescriptions sur les secteurs présentant un intérêt particulier (L 123-1-5-II-2 du code de l’urbanisme), le classement des

142 Voir note 107

143 Principe selon lequel la responsabilité publique doit être au plus proche des citoyens concernés. C’est seulement

104 espaces boisés, des parcs, des haies, des plantations d’alignement, des arbres isolés (L 130-1 du code de l’urbanisme), le maintien des continuités écologiques (L 123-1-5-V du code de l’urbanisme). Si ces dispositions ont un effet sur le paysage, ce n’est que rarement dans le cadre d’un projet ou d’une intention sur celui-ci, mais essentiellement dans une intention « écologique ». Seuls les articles 11 du règlement peuvent prévoir explicitement un certain nombre de prescriptions relatives à l’aspect des constructions, comme les couleurs, ou la pente de toiture, censées permettre le maintien des caractéristiques architecturales et qui relèvent donc plus d’une démarche conservatoire du patrimoine bâti.

Cet examen rapide montre que les documents d’urbanisme fixent des conditions qui feront le paysage, mais les articles ne portent qu’exceptionnellement une intention ou un projet paysager particulier, ils ont des objectifs autres : recherche d’une densité bâtie pour limiter la consommation des terrains naturels, de rentabilisation des équipements et des réseaux, réintroduction de la nature en ville, ou sauvegarde et mise en scène d’un patrimoine urbain. Le paysage n’est généralement nommé que dans les intentions générales, dans les parties des documents ne relevant pas d’obligations opposables. À priori on peut penser que les cadres réglementaires ne sont pas le lieu où peut s’engager un travail de requalification des paysages quotidiens. C’est sans doute dans les orientations d’aménagement, thématiques ou sectorielles et concernant surtout les secteurs destinés à de nouvelles opérations que peuvent s’exprimer des projets paysagers. Une autre piste est offerte par le volet paysager du permis de construire et l’utilisation des articles d’ordre public, c’est-à-dire qui s’appliquent partout, qu’il y ait ou non document d’urbanisme, comme l’article R 111-27.