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Document 12 : Bloc-diagramme de l’agglomération nancéienne, Atlas des paysages de Meurthe-et-Moselle

(Agence de paysagiste Folléa Gautier)

Définir le territoire à étudier nécessite d’identifier par mouvements itératifs ce qui fait son caractère et donc ses limites. Certains ensembles faisant ou ayant fait l’objet d’un projet d’aménagement global trouveront assez facilement des limites particulièrement si l’opération est neuve ou d’envergure. Par contre, d’autres ensembles ont vu progressivement leurs limites s’effacer. Ainsi, le transect, qui peut être assimilé à une coupe avec une dimension horizontale, est l’occasion d’évaluer le paysage identifié en confirmant ses limites et en précisant ainsi son caractère. L’étude des discontinuités apporte alors une aide précieuse, car « aller voir au-delà » permet de mesurer les différences.

Contrairement aux paysages ruraux où le bloc-diagramme, coupe en trois dimensions, permet une vue cavalière et la représentation d’ensembles importants, la représentation des milieux urbains s’avère moins porteuse d’informations. Le document 12 présente un bloc- diagramme de l’agglomération nancéienne, il permet d’apprécier le site dans sa globalité, mais ne donne pas beaucoup d’information sur les densités d’immeubles, les hauteurs, les largeurs de rue, autant d’éléments constitutifs des paysages urbains. La meilleure connaissance de ceux-

136 ci passe sans doute par des transects, coupes verticales164 facilitant l’évaluation des hauteurs,

des matériaux et des végétaux. Les rues, les avenues, les boulevards et parfois les places constituent ces coupures permettant de découvrir les fronts auxquels sont confrontés les piétons, les automobilistes et plus généralement la population. Le transect peut aussi devenir un outil partagé par le géographe, l’urbaniste, l’architecte, l’écologue et l’archéologue. À ce titre, il est un outil privilégié pour approcher les paysages urbains et cela à plusieurs échelles.

La photographie

La photographie remplace parfois la note, mais elle est en même temps un cadrage, un choix de retenir tel ou tel élément. Entre la vision sur place de l’observateur avec son large champ de vision, englobant de nombreux objets, et le cadrage sélectif, il y a un focus, un choix qui s’établit. De nombreux exercices d’apprentissage de lecture du paysage en milieu scolaire proposent un cadre de bois ou de carton que l’on déplace sur le panorama pour identifier un objet ou un phénomène à observer plus attentivement. Le réflexe du photographe traduit cette volonté de conservation d’une image, c’est donc un mode de représentation qui favorise la diffusion et la communication avec le risque de privilégier des effets de mode.

La photographie peut inciter à examiner certains espaces complexes, avec des compositions hétérogènes et des utilisations échappant à toute représentation graphique. John Brinckerhoff Jackson s’attache à des paysages vernaculaires faits de signes « insignifiants » dont aucun schéma ne saurait rendre compte. Bien que géographe et paysagiste, son travail est celui d’un ethnologue qui étudie les pratiques des communautés dans leurs rapports avec l’espace. Son travail photographique est plus qu’une prise de notes car il constitue un fonds qui, progressivement, permet d’élaborer des problématiques et d’accompagner les enseignements et les conférences. J.B. Jackson précise bien qu’il s’agit de photos banales, non artistiques, mais dont l’intérêt principal est qu’elles sont nombreuses. C’est sans doute un des aspects de la photographie, particulièrement numérique, qui mérite d’être noté, non seulement expérience condensée, mais aussi support de communication. A. Marshall, dans un article publié dans

Echogéo en 2009, souligne les potentialités de la photographie pour le géographe et illustre, à

travers cinq photographies, son travail sur le terrain. L’intérêt réside dans les commentaires et la structure de ceux-ci : « Pour chaque photographie présentée, la légende est détaillée suivant

cinq points : une description “à froid” de l’image ; des questions — non exhaustives — qui

164 P. Panerai dans son ouvrage consacré à l’analyse urbaine cite les avantages des longues coupes urbaines qui

permettent de représenter l’intérieur et l’extérieur, mais aussi les sous-sols, les caves et les canalisations (Panerai, 2002, p. 90)

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surgissent ou peuvent surgir à la vue du cliché ; une identification et description des éléments photographiés sans connaissance du terrain ; une analyse complète grâce au travail de terrain (observations et entretiens) ; la méthode ou technique empirique appliquée lors de la prise de vue. » (Marshall, 2009). Bien au-delà de l’habituelle légende, le commentaire devient enquête

et le photographe enquêteur prend le recul nécessaire en décrivant le contexte et les objectifs de l’opérateur. Ainsi la photographie devient un des outils possibles du géographe.

2. 1. 9. Le terrain et le paysage

« La réalité géographique n’est pas égale à la somme de ce qui peut être observé en un point ou dans une région ; elle témoigne, à travers le paysage, d’un ordre qu’il importe de mettre en évidence. Sans expérience de terrain, le géographe laisse échapper une part essentielle des réalités dont il prétend rendre compte : celles qui ne relèvent pas seulement de l’intelligence, mais de l’intuition, de la sensibilité, du goût, de l’esthétique ; celles qui témoignent de la différenciation qualitative du monde. » (P. Claval, « Le rôle du terrain en

géographie ». 2012, p.18).

Le terrain semble au cœur de la discipline, mais ce terrain et le regard que l’on porte sur lui ont bien changé. Ils ont évolué en raison des connaissances acquises et de l’intervention d’autres disciplines. Par-delà la dimension quelque peu mythique du terrain, son approche sensible, même si elle se revendique d’une forme d’errance, se fait toujours avec une expérience préalable et des prérequis. Le géographe peut difficilement revendiquer de renaitre à chaque nouveau territoire d’étude. Le terrain et sa visite, ou plutôt ses visites, se font à chaque fois avec un bagage renouvelé, augmenté, par la consultation d’une carte, d’une étude, d’un regard sur les photos prises lors des visites précédentes. Le terrain est aussi rencontre avec des hommes qui parlent et qui racontent, qui alimentent et structurent le récit que tiendra le géographe sur le paysage.

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2. 2. La place du paysage dans les doctrines