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« Les sens premiers du Landschaft allemand, du landscape anglais ou du landskab danois permettent de reconsidérer effectivement le paysage d’une matière différente de celle où il a été envisagé dans les pays méditerranéens. Ces termes qui renvoient à un concept complexe alliant de manière indissoluble le pays, la société locale et le système de gouvernement que cette société lui assigne, ouvrent délibérément sur la dimension politique du paysage, sur les relations que les sociétés localisées établissent avec le milieu » (Luginbühl,

2012, p. 398)

Dans les pays anglo-saxons et d’Europe du Nord, l’approche culturelle et politique est privilégiée : le paysage fait plus facilement l’objet d’investigations et de recherches historiques et ethnologiques, que dans les pays où l’approche « artistique » et « patrimoniale » est privilégiée. En particulier, la géographie culturelle s’est développée avec K. Olwig, qui

« préconise un retour à ce qu’il nomme “la nature substantielle du paysage”, c’est-à-dire un paysage réel par opposition au paysage artistique, et réel en un sens proprement juridique (…) » (Wylie, 2015, p. 154). Le paysage n’est pas considéré comme un spectacle ou un décor,

mais dans sa matérialité avec les habitants et ceux qui l’entretiennent. Cette tendance qui relie fortement les paysages dans leur matérialité aux pays et aux territoires est en grande partie à l’origine de la Convention Européenne du Paysage. Le projet a été élaboré de 1993 à 1998 par le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe (CPLRE), qui est un organe du Conseil de l’Europe. À l’issue de négociations, au niveau intergouvernemental et en présence d’organisations non gouvernementales, le texte est approuvé à Florence en 2000 et proposé à la

90 signature ; 21 pays le signent dès 2001119, aujourd’hui 32 pays ont ratifié la convention. Le

paysage est reconnu comme un élément essentiel du bien-être des populations et la Convention fixe comme l’une de ses priorités, la participation du public, des autorités locales et régionales à la mise en place des politiques du paysage. Il faut souligner que les principaux représentants français au groupe de travail sont des agronomes et géographes, R. Ambroise120, et Y.

Luginbühl121, deux personnalités très impliquées dans les projets locaux, dont certains

transfrontaliers avec l’Italie et l’Espagne, et qui développent des problématiques échappant aux approches trop esthétisantes ou historiques. La mise en place se fait progressivement en France, par éléments raccrochés à différents textes de loi : en 2014 dans la loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR)122 , décisions plus récentes reprises en 2016 dans la loi sur la

Reconquête de la Biodiversité, de la Nature et du Paysage. L’exigence de qualité paysagère, jusqu’alors limitée aux entrées de ville, est étendue à l’ensemble du territoire concerné par le document d’urbanisme. La loi ALUR induit une évolution des pratiques de l’urbanisme et liste différentes préconisations présentées comme réponse aux objectifs de la Convention Européenne :

* les SCoT peuvent se fixer des objectifs « d’amélioration de la qualité paysagère » ; * les PLU peuvent fixer des prescriptions concernant les constructions, l’architecture et le paysage123 ;

* lorsque les PLU étudient les capacités de densification de certains secteurs, ils doivent intégrer les effets pour ne pas porter atteinte à la qualité paysagère 124 ;

* lorsque la commune n’a aucun document d’urbanisme, le conseil municipal peut, après enquête publique et par délibération identifier les éléments importants pour la qualité des paysages : tout projet de transformation des élément repérés devra alors faire l’objet d’une information à la commune125.

Peu à peu le paysage acquiert une autonomie au regard des approches patrimoniales, et des outils et des démarches sont mises en place sur l’ensemble des territoires. Dans le glossaire

119 Après la signature, le texte doit être ratifié par les parlements, et il devient applicable dès que dix pays l’ont

ratifié. La France le ratifie seulement en 2006.

120 Régis Ambroise est chargé de mission au ministère de l’Agriculture de l’agroalimentaire et de la forêt. Il est

auteur et participe à de nombreuses recherches (Paysages et agriculture, Paysages de terrasses, Paysages de l’après- pétrole…).

121 Yves Luginbühl est agronome et géographe, chargé de recherche au CNRS, enseignant et auteurs de nombreux

ouvrages et rapports.

122 Loi du 24 mars 2014 pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové.

123 Pour aller plus loin, plusieurs communautés de communes s’efforcent de lier les études des PLUi a un plan

paysage : Communauté de communes de Monthureux-sur-Saône…

124 Cette notion, particulièrement difficile à mettre en œuvre est un peu explicitée dans la loi de 2016 sur la

reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

125 Des éléments naturels ou non peuvent être identifiés : des haies, des murs de pierre sèche des calvaires ou des

91 accompagnant la convention européenne du paysage le patrimoine apparait nettement comme un élément second de la problématique paysagère :

« Les orientations pour la mise en œuvre de la Convention Européenne du

Paysage précisent que le patrimoine culturel et historique est “inséré” dans le paysage, c’est-à-dire qu’il en est l’un de ses constituants. La Convention Européenne du Paysage concerne en effet tant les paysages pouvant être considérés comme remarquables que les paysages du quotidien et les paysages dégradés. La Convention Européenne du Paysage considère le paysage comme l’expression d’un patrimoine plus global, que ce soit celui de l’Europe ou celui des populations. Si la politique du paysage n’est pas à proprement parler une politique patrimoniale, les politiques patrimoniales peuvent concourir aux politiques du paysage. » (Glossaire de la Convention Européenne du Paysage

[en ligne] consulté le 12 septembre 2016).