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Dès 1994, le ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Équipement et des Transports publie : Une méthode pour les atlas de paysage, identification et qualification. Ce document, issu d’un travail de recherche piloté par le géographe Y. Luginbühl, propose une approche « ouverte » et méthodique qui préfigure la future Convention Européenne du Paysage. L’atlas interroge en principe tous les espaces et reconnait l’importance des usages locaux, mais il se limite souvent à des usages et des pratiques rurales. Les paysages sont envisagés comme en permanente évolution et les atlas sont pensés pour être réactualisés tous les dix ans, peut- être tous les six ans, en tenant compte des échanges et du dialogue avec les usagers. Après une identification et une localisation, chaque paysage est caractérisé, par le spécialiste responsable de l’élaboration de l’atlas, mais aussi par l’association, souvent formelle pour des raisons de moyens, des populations. La méthode est largement pratiquée (document 7) et il existe en 2015, 65 atlas qui couvrent 90 % du territoire national, les atlas sont désormais obligatoires ainsi que leur réactualisation132 à l’échelle départementale dans le cadre de l’article 171 de la loi de 2016.

132 La loi ne donne aucune indication sur le rythme d’actualisation, elle indique simplement qu’il doit tenir compte

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Document 7 : Carte des atlas de paysage publiés ou en cours d’étude en décembre 2013.

http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lessentiel/ar/279/1129/atlas-paysage.html

Fruits de larges concertations à l’échelon départemental, ces documents sont l’occasion de faire un point des connaissances sur les paysages du département. Les bibliographies, les représentations parfois anciennes, les cartes, les blocs-diagrammes et autres techniques de représentation fournissent un matériel pédagogique incontestable. Cependant, l’identification et l’analyse des évolutions restent souvent limitées, parfois par le manque d’interdisciplinarité de l’équipe chargée de la maitrise d’œuvre, parfois par la réticence de certains participants, administrations, collectivités et groupes professionnels pour communiquer des informations en leur possession.

98 Les paysages des territoires urbains sont rarement pris en compte dans les atlas du paysage, pourtant leur importance est reconnue comme primordiale, car ils constituent le cadre de vie d’une grande majorité de la population. La Méthode pour l’identification, la

caractérisation et la qualification du paysage, rédigée et publiée en 2015 par le ministère de

l’écologie, du développement durable souligne que cette situation reste liée en France à une assimilation du paysage à sa dimension naturelle. « En 2010, 77,5 % de la population française

vivait en zone urbaine. Les villes occupent près de 22 % de la surface du territoire métropolitain, avec une progression notable de 19 % ces dix dernières années. Ces territoires constituent donc le cadre de vie de la plupart des Français ». Malgré cela, les territoires urbains

sont peu analysés en particulier dans les atlas de paysages. Cet état de fait concerne aussi les territoires des franges urbaines et tout particulièrement les entrées de ville dont les dynamiques paysagères sont importantes. Ceci est vraisemblablement lié à deux phénomènes : d’une part à une conception du paysage restrictive, fortement associée à une image de la nature, et d’autre part, à l’idée que les territoires urbains n’ont de paysages que si une valeur historique ou patrimoniale est reconnue. Or, la conception du paysage proposée par la Convention Européenne ne restreint pas les paysages aux espaces réputés naturels, mais l’étend à tous les territoires. La connaissance et la prise en compte des paysages concernent donc les territoires urbains ou urbanisés comme les autres territoires. « Développer cette connaissance des

paysages des territoires urbains contribue à sensibiliser les acteurs concernant la réalité et l’intérêt de ces paysages pour l’avenir du cadre de vie de populations de plus en plus nombreuses » (ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie, 2015, p.

17). Cependant, les débats parlementaires de 2015 et 2016 qui se sont déroulés dans le cadre du projet de loi sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, démontrent la volonté de rester dans cette dimension naturelle en situant l’atlas à l’échelle des parcs naturels régionaux et aux SCoT133 . Dans le même temps l’idée d’opérationnalité, ou l’obligation de

prise en compte de l’atlas dans les documents d’urbanisme, les PLU et PLUi est abandonnée. Cette attitude montre la résilience de la législation française sur l’urbanisme et sa difficulté à

133Extraits des débats parlementaires du 07 /07/2015 au Sénat

M. Jérôme Bignon, rapporteur : mon amendement n° COM-598 équilibre le rôle de l'atlas de paysages au regard des objectifs de qualité paysagère fixés dans la charte du parc naturel régional et dans le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) du SCoT. Le paysage doit être perçu comme une ressource et non comme une contrainte : au-delà de son intérêt touristique, il contribue au bien-être et au bien vivre-ensemble. Plus encore qu'un plaisir esthétique, c'est un élément culturel. C'est pourquoi il faut le prendre en compte dans l'élaboration des objectifs de qualité paysagère. Les objectifs des orientations sont modifiés, afin de correspondre au contenu et à la portée du PADD d'un SCoT. La référence aux éléments de paysage est supprimée, dès lors que cette échelle ne correspond pas à celle d'un SCoT ou d'une charte de PNR, tout comme l'énumération, particulièrement imprécise, des éléments de paysage. Au demeurant, il ne faut pas confondre atlas, objectifs de qualité paysagère et classement des sites. L'amendement n° COM-598 est adopté.

99 élaborer des projets qualitatifs opposables aux tiers134. Seule l’approche patrimoniale

protectrice portée par l’État dans le cadre des sites et de la loi de 1913 sur les monuments historiques135 permet de maintenir durablement une politique qualitative. Les pratiques

administratives françaises ne semblent donc pas propices à des objectifs qualitatifs portés avec une large concertation locale et ascendante.

Les différents atlas consultés lors de ce travail abordent souvent les paysages urbains sous leurs dimensions négatives, leur croissance consommant du terrain agricole et naturel et participant ainsi à la dégradation « des paysages ». Tous les atlas sont dans l’objectif d’une maitrise du phénomène urbain, densification du bâti existant, maintien et conservation des caractères des paysages identifiés. Les quelques atlas qui abordent la question des paysages urbains, comme l’atlas du Nord-Pas-de-Calais ou celui des Pays de la Loire ne font qu’esquisser des méthodes de travail. Celles-ci sont parfois judicieuses en s’attachant à travailler ville par ville et en identifiant les caractères paysagers de chacune, à partir de leur noyau ancien et souvent en s’appuyant sur des textes littéraires permettant ainsi un certain recul136.

Il ne faut pas pour autant ignorer l’apport des atlas, outils de connaissance et de sensibilisation du public, mais ils n’enrichissent pas les documents d’urbanisme. Placés sous la maitrise d’ouvrage des départements les atlas relèvent d’une collectivité locale qui n’a pas de responsabilité en matière d’urbanisme, mais qui conserve des responsabilités « rurales », comme l’aménagement foncier. Les départements ont par ailleurs une responsabilité et des moyens pour mener des politiques sur les espaces naturels sensibles, et la plupart des atlas du paysage sont financés, pour leur part départementale, par une partie de la taxe d’aménagement137. On comprend dès lors que, dans ce contexte, la dimension naturelle soit

privilégiée dans ces approches du paysage et plébiscitée par les médias.

134 Une comparaison avec les autres pays européens serait à effectuer. En Wallonie le recours à l’architecte est

plus systématique dans cette stratégie de qualité paysagère, en Allemagne les règlements sont plus structurés et appliqués par une autorité plus éloignée du citoyen.

135 Des parcs et jardins, comme ceux du château de Lunéville, ainsi que des espaces publics, comme la place

Stanislas, sont classés au titre des monuments historiques et relèvent des architectes en chef pour leur restauration et des architectes des bâtiments de France pour la gestion courante

136 L’atlas des paysages de la Loire, après une courte description du site des principales villes, présente les textes

littéraires relatifs à chacune. : Prosper Mérimée pour Laval, Georges Pillement pour Le Mans, Hervé Bazin pour Angers, Paul Granjouan pour Nantes, …

137 La part départementale de la taxe d’aménagement perçue par le département est affectée obligatoirement à la

politique des espaces verts ou au financement des CAUE. Tous les départements privilégient le financement des espaces verts car les fonds restent sous leur contrôle, alors que les CAUE sont des organismes indépendants gérés par un conseil d’administration composé par tiers, représentants des collectivités locales, administrations d’État et désignation par le préfet de représentants des milieux professionnels.

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