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54 Les investissements faits par la collectivité n’apportent aucun avantage financier, puisqu’ils ne dégagent que

rarement du terrain constructible alors que les propriétés voisines acquièrent une plus-value.

55 Cette remise à l’air libre des ruisseaux et rivières trouve parfois sa première explication dans l’ampleur des

travaux à effectuer pour entretenir les ouvrages de couverture. Ainsi la ville de Longwy a envisagé et engagé la renaturation de la rivière depuis la découverte des risques d’effondrement de la place principale de la ville basse.

56 C’est par de nombreuses règlementations, soit dans les documents d’urbanisme, soit dans le cadre des lois que

des dispositions sont imposées pour favoriser la biodiversité. La loi de reconquête de la biodiversité, de la nature et du paysage, votée définitivement le 22 juillet 2016, rend obligatoire le traitement en toiture végétalisée de certaines catégories de grandes surfaces.

57 La campagne, offre un environnement plus naturel, de l’espace autour et dans la maison, une fiscalité moindre

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« Dans un tel paysage [périurbain], il n’est pas question de composition urbaine à la manière albertienne, où les maisons et la ville forment un tout organique. Ici au contraire, chaque bâtiment, isolé, vit de son existence propre ; et l’élément de cohésion, avec le réseau voyer, c’est le tapis vert sur lequel il se pose : l’American lawn, ce symbole même de l’anti-ville qui est en même temps l’emblème du savoir-vivre américain. » (Berque,2016, p. 288)

Le paysage de la campagne, ou l’américan lawn décrit par A. Berque, serait reposant. Echapper à la ville permet de retrouver les conditions de nature, illusion partagée à plusieurs époques et dans plusieurs civilisations. A. Berque souligne la permanence de cette attitude des élites de l’époque romaine ou de la Chine médiévale, de la noblesse à la fin de l’époque classique ou des classes moyennes occidentales à l’époque contemporaine : « Quitter la ville » pour aller vivre à la campagne, non pour y travailler, mais pour y retrouver des conditions de nature. Ce projet explique pour partie l’étalement urbain actuel58, générateur de déplacements

et de consommations énergétiques qui contribuent à détruire cette nature tant recherchée. Les populations qui quittent les villes pour habiter cette nature s’installent sans intention de découvrir la réalité du travail de l’agriculture et des populations rurales. Le paysage, pour une grande majorité d’entre eux, c’est le vert et la nature, éventuellement un paysage rural ancien. Ils rejettent l’activité agricole actuelle, ses parcelles, ses bâtiments considérés comme destructeurs de la nature et du paysage, mais souhaitent et encouragent des activités qui contribuent à l’aménité du paysage, comme la viticulture. Peu mécanisée et avec une forte intervention humaine l’activité est à faible nuisances, elle est propre59 et cohabite aisément avec

la vocation résidentielle d’un territoire. L’aménagement de la campagne pour les loisirs de l’élite est d’ailleurs l’objectif des premières théories paysagères60. Ce qui est nouveau dans la

période actuelle est l’ampleur du phénomène, puisqu’une grande partie des classes moyennes recherche par l’éloignement de la ville, un cadre de vie plus agréable et plus proche de la nature.

Aussi, et particulièrement en France61 , l’habitat périurbain et la campagne se mêlent,

s’interpénètrent et donnent naissance à « une nature hybridée, revendiquée, choyée, parfois

58 L’étalement urbain a aussi de nombreuses autres raisons, comme le coût du foncier et l’accessibilité à l’emploi

qui s’est déployé ces dernières années à la périphérie des villes.

59 Le succès des paysages de vignoble est couronné par le classement au patrimoine mondial de l’humanité par

l’UNESCO des Coteaux, Maisons et Caves de Champagne. Le classement comporte 1100 hectares en zone centrale et 4250 hectares en zone tampon, et concerne un ensemble, pas seulement les vignes, mais aussi l’habitat et le relief qui lui sont liés. Les Climats de Bourgogne étaient déjà classés depuis 2015.

60 Ces thèses sont décrites dans le chapitre suivant et illustrées en particulier par les travaux du Marquis de

Girardin(Simon, à paraitre).

61 La tradition rurale française de petites exploitations jusque dans les années 1950/1960 s’est traduite par le

maintien de petites parcelles foncières aux abords des communes rurales, destinées à permettre une construction neuve, pour les enfants de l’exploitant ou sa retraite. De même, de nombreuses terres communales ont étés

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malmenée et de plus en plus considérée comme étant un élément partenarial incontournable de l’organisation et non plus de la consommation d’espace digéré par la ville» (Husson, 2008, p.

40). Mais ce paysage, du point de vue de la biodiversité et de la nature, est d’une certaine pauvreté, grandes parcelles de céréales ou de gazon autour du pavillon, fermetures du « paysage » dans les secteurs où les petites parcelles sont inexploitables et abandonnées, disparition ou raréfaction des arbres d’alignement en raison de l’augmentation des trafics automobiles62…. Habiter à la campagne offre plus d’espace, mais ne garantit plus d’être en lien

étroit avec la nature. Si le paysage offre des aménités différentes de celles du milieu urbain, il n’est plus aussi sûr que la nature y soit plus diverse et plus riche que dans certains milieux urbains ; surtout, lorsqu’ une attention particulière est apportée au maintien et à la recherche de biodiversité. L’artificialisation continue des modes de vie détruit les conditions naturelles, et ce ne sont pas les quelques vignes replantées il y a quelques années dans le quartier de la Défense à Paris qui redonnent une dimension naturelle. Aujourd’hui supprimées, elles atténuaient la réalité de ce milieu excessivement artificiel et pouvaient être considérées comme des alibis.

. L’objectif du XVIIIème siècleest d’aménager la campagne pour la rendre agréable aux

citadins et inciter les nobles à réoccuper leurs terres. Á contrario, les projets paysagers contemporains comportent une exigence de renaturation de la ville pour freiner le départ des populations urbaines. Ce processus en cours, reconnu par les professionnels, ne l’est pas forcément des habitants qui ont conscience du caractère artificiel de ces projets. Ceux-ci relèvent encore trop souvent d’un travail de décor masquant des dysfonctionnements et parfois les processus de « vraie » nature63. « Il reste que dans ces ordres de priorité qu’émettent les

Français à l’égard des questions d’environnement, apparaît l’ambiguïté fondamentale qui sous-tend les sens donnés au paysage, d’une part il est plutôt appréhendé sous une signification de décor et renvoie ainsi à une signification formelle et esthétique, d’autre part, il se confond partiellement avec le cadre de vie, et ouvre une brèche dans cette signification en y ajoutant des sens plus écologiques ou sociaux. » (Luginbühl, 2001 c, n.p.).

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rapprochées du village lors du remembrement pour devenir un lotissement communal. La construction en milieu rural de pavillons fut aussi le fait d’une tradition et d’un attachement à un village et une communauté qui vit de nombreux jeunes ménages construire sur un terrain conservé de longue date par la famille restée exploitante. Ce processus se termine avec la disparition d’un grand nombre d’exploitations agricoles.

62 La loi de juillet 2016 prévoit dans un article, la protection des alignements d’arbres. Tout abattage ne pourra

avoir lieu que pour raison sanitaire ou de sécurité. L’avenir dira comment cette réglementation sera appliquée.

63 De nombreux citadins gardent la nostalgie d’une nature maitrisée, et les responsables de démarches

d’aménagement naturel restent soumis à de fortes critiques, en particulier de non-entretien, de prolifération d’une faune non attendue, insectes se développant sur les différents fossés, noues et autres dispositifs régulant l’évacuation des eaux.

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1. 1. 3. Le paysage pour connaitre et se former ?

« Et si la nature a tant d'influence sur les individus pour les consoler ou pour les affermir, que ne peut-elle, pendant le cours des siècles, sur les peuples eux- mêmes ? Sans aucun doute, la vue des grands horizons contribue pour une forte part aux qualités des populations des montagnes, et ce n'est point par une vaine formule de langage que l'on a désigné les Alpes comme le boulevard de la liberté » (Reclus, 1866, p.14)

Habiter le paysage, c’est être en contact physique, sensoriel avec le milieu dans lequel on vit. Cette pratique suscite une connaissance concrète, sensible, parfois incomplète ou inexacte, mais qui participe à la formation des individus. Certes, il s’agit d’une formation qui au regard d’une connaissance scientifique, s’avère fragile car basée sur des éléments matériels ou leurs représentations, parfois destinés à leurrer sur une situation sociale ou des pratiques techniques64. Mais cet acquis est résistant et têtu, intégré intimement à ce que nous sommes, et

reste mobilisé dans nos actions quotidiennes en facilitant un comportement instinctif. La confrontation avec les paysages d’un milieu inconnu, par exemple lors d’une pratique touristique, est une rupture avec le quotidien favorisant souvent une réactivation de la sensibilité paysagère. Cette découverte de l’inconnu est aujourd’hui de plus en plus organisée socialement et économiquement ; le voyage, qui est découverte par le paysage, est une étape essentielle de formation dans tout projet social, collectif ou individuel.