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La prise en compte du développement durable dans le calcul des coûts : une préoccupation financière

§ 2 La prise en compte des informations financières : un moyen de communication

Section 2 La prise en compte du développement durable dans le calcul des coûts : une préoccupation financière

« L’objectif de ces approches est de modifier, d’élargir, ou d’utiliser le modèle comptable pour prendre en compte les dimensions environnementales ou sociales. Le recours à la monétarisation des variables pour les agréger et pour obtenir des indicateurs de synthèse d’une part, la force des représentations comptables et l’importance symbolique et effective du « résultat » dans l’évaluation des performances économiques d’autre part, ont été de puissants leviers pour concevoir une mesure de performance globale monétaire. Ces approches recherchent l’intégration entre la dimension économique et l’une des deux autres soit sociale soit environnementale » (Quairel, 2006, p.9). L’objectif est d’évaluer les coûts liés à la prise en

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compte de l’environnement dans les décisions et actions de l’entreprise (Renaud et Berland, 2007).

La comptabilité sociale et sociétale présente des significations multiples du fait du nombre élevé d’utilisateurs et d’auteurs. Une certaine confusion existe, d’autant plus que les termes sont utilisés de différentes manières et qu’ils n’englobent pas les mêmes champs selon le pays. La comptabilité sociale suppose que les organisations ont des responsabilités plus larges que la simple fonction de bénéfice pour l’actionnaire. Il s’agit alors de mesurer les bénéfices et coûts sociaux résultant de l’activité des organisations. La comptabilité sociale répond à la problématique de la responsabilité sociale. « Etre responsable, c’est accepter et subir les conséquences de ses actes et accepter d’en répondre ; cela suppose d’en connaître les effets et de pouvoir les estimer, voire de porter un jugement » (Capron, 2009a, p.476). Quelle est alors la différence entre responsabilité sociale et sociétale ?

Le qualificatif « social » est plus ambigu puisqu’il regroupe les faits concernant la dimension humaine de, dans et en-dehors de l’entreprise. Le terme « sociétal » permet donc de faire la différence lorsque les faits relèvent de l’environnement au sens large. Pour l’organisation, les obligations réglementaires et légales constituent un seuil minimum et la responsabilité sociale va au-delà grâce à des actions volontaires. La responsabilité sociale peut provenir de conséquences involontaires liées à l’activité de l’organisation ou de décisions managériales ; elle peut être liée aux relations de travail ou relever de considérations morales ou d’une conscience civique (Capron, 2009a). La comptabilité sociale peut être perçue comme une tentative d’influencer les marchés de capitaux, comme la réalisation d’un contrat social, ou la reconnaissance d’une légitimité organisationnelle, mais également une tentative pour manipuler l’environnement (société, parties prenantes), pour donner une image de marque favorable à l’entreprise et par conséquent la réduire à une simple action promotionnelle de communication. Il existe différents objectifs :

o les évaluations des coûts et des apports du travail : en partie réalisée par la comptabilité financière (soldes intermédiaires de gestion ou les value added statements) ;

o les apports de l’entreprise aux salariés: le social reporting (bilan social) pour les salariés et le scoring. Le bilan social est destiné en premier lieu au comité d’entreprise (CE). Il est composé d’environ 140 indicateurs répartis en sept chapitres : emploi, rémunérations et charges accessoires, conditions d’hygiène et de sécurité, autres

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conditions de travail, formation, relations professionnelles, autres conditions de vie. Chaque chapitre est subdivisé en rubriques (Capron, 2009b) ;

o les coûts et les apports de l’entreprise à l’égard de la société ou de ses parties prenantes : le reporting pour les différentes parties prenantes, la comptabilité de l’impact total (Total Impact Accounting ou TIA), faisant référence aux tentatives de mesures monétaires du coût total de fonctionnement de l’organisation ;

o les coûts et les apports de travail à l’entreprise et les apports de l’entreprise aux ressources humaines : méthode coûts/avantages, notamment les coûts cachés de Savall et Zardet (1992), qui sont un moyen d’évaluer les coûts liés au développement durable (cf. chapitre 1) ;

o les apports et les prélèvements de l’entreprise sur la société ou les parties prenantes: audit social et éthique ;

o les coûts et apports du travail : comptabilité analytique sociale, méthodes d’imputation et de calcul qui peuvent aboutir à un contrôle de gestion sociale (ou contrôle de gestion des ressources humaines), c’est-à-dire qu’il s’agit de « définir et de faire fonctionner les bases de données et des tableaux de bord permettant de suivre les salariés, leurs activités, leurs performances et les coûts qu’ils engendrent » (Martory, 2009) ;

o les apports de l’entreprise et la valorisation des ressources humaines : capital humain, prise en compte des éléments immatériels dans la comptabilité financière, valorisation du capital intellectuel, pilotage des actifs incorporels, les évaluations des effets de la formation, de l’accroissement des compétences, de l’apprentissage organisationnel

o les coûts et apports de l’entreprise à la société et aux parties prenantes : le balanced scorecard mais qui ne prend en compte que les parties prenantes les plus proches de l’organisation, méthodologies de calcul d’effets externes (RATP), l’expérimentation du « bilan sociétal » qui est un instrument d’auto-évaluation dont l’objectif est d’identifier les éléments d’échange entre l’entreprise et son environnement, de procéder à l’évaluation de ses comportements eu égard à ses valeurs et de favoriser le dialogue entre les parties prenantes (Capron, 2009b).

Cependant « tout ce qui concerne l’évaluation des rapports à la société civile (comptabilité sociétale) est encore sous-développé et expérimental (…) il s’agit d’un domaine de recherches et d’applications qui évolue rapidement sous la pression croissante des différentes catégories

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de parties prenantes et de la montée en puissance des thématiques autour du développement durable » (Capron, 2009a, p. 486).

D’un autre côté, il existe une comptabilité environnementale (ou comptabilité verte), qui vient en complément de la comptabilité traditionnelle. Deux grandes familles d’outils peuvent être mises en évidence :

o les comptabilités environnementales qui se limitent à l’identification de quantité (ne peuvent pas servir à l’agrégation des données)

o les comptabilités environnementales qui utilisent des systèmes de prix pour valoriser les quantités observées (Richard, 2009)

La comptabilité traditionnelle comprendla comptabilité générale, la comptabilité analytique et la comptabilité sociale (collecte d’informations en données physiques et monétaires débouchant sur la présentation d’un bilan social). Face à ces trois composantes, la comptabilité environnementale contient respectivement : la valeur ajoutée négative et la valorisation des actions environnementales inscrites en comptabilité traditionnelle, l’analyse de cycle de vie, et le rapport-environnement, c’est-à-dire la collecte d’informations en termes physiques et monétaires et le rapport développement durable, c’est-à-dire la collecte d’informations environnementales et sociales (Christophe, 2009).

La comptabilité environnementale peut être définie comme « un système d’information efficient sur le degré de raréfaction des éléments naturels engendré par l’activité des entreprises, utilisable pour réduire cette raréfaction et pour informer les tiers » (Christophe, 1995, p.9). Les organisations utilisent la comptabilité environnementale pour de multiples motivations qui vont du besoin d’améliorer une image, ce qui ne comprend pas nécessairement la protection de l’environnement à l’existence d’une culture d’entreprise écologique.

Comme pour la comptabilité sociétale, ont été mis en place le bilan écologique et l’éco-audit. Pour évaluer le coût d’une action environnementale, il faut chercher à déterminer la valeur ajoutée négative, c’est-à-dire intégrer les coûts de dégradation de l’environnement. La valeur ajoutée négative est la consommation de patrimoine naturel. La nouvelle valeur ajoutée sera la différence entre la valeur ajoutée classique (production – consommations externes de travail) et la valeur ajoutée négative (Christophe, 1995, p.38). Des provisions environnementales sont intégrées au bilan pour prendre en compte les dégradations par rapport au temps. Les reconstitutions de sites sont également à prendre en compte dans le calcul des coûts et une actualisation est nécessaire : étalement dans le temps (régulier, proportionnel, établi à partir de

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critères spécifiques). En évaluant par les coûts, les organisations peuvent savoir ce à quoi elles s’engagent sur le plan financier, voir quel est l’impact sur la qualité de l’environnement. Cependant « les entreprises restent insuffisamment informées sur leurs coûts (difficultés à les évaluer correctement) et informent insuffisamment par les coûts (absence de corrélation entre coût et efficacité » (Christophe, 1995, p.71).

La comptabilité environnementale permet également la construction d’un bilan, c’est-à-dire l’écobilan, qui peut être défini comme « le bilan matière et énergie d’un système permettant d’évaluer l’impact de la production de biens ou services sur l’environnement » (Christophe, 1995, p.85). Plusieurs types d’écobilan existent ; la méthodologie ne fait donc pas consensus. Notamment, nous pouvons citer l’écobilan avec écopoints. Ces derniers constituent une sorte d’étalon de mesure commun à toutes les atteintes environnementales quel que soit le milieu. Les approches de comptabilité sociale et environnementale cherchent donc à mettre en lumière les coûts liés à l’environnement et au social, qu’il s’agisse de coûts d’investissement, de fonctionnement, ou de provisions.

Cependant ces approches portent le plus souvent sur des résultats et ne recherchent que l’intégration entre la dimension économique et l’une des deux autres (soit sociale, soit environnementale) alors que le pilotage d’une organisation suppose une anticipation et une évaluation des performances par des indicateurs financiers et non financiers (Capron, Quairel- Lanoizelée, 2010, p.87). De plus, « un instrument de performance globale devrait permettre une évaluation qui intègre dans un modèle cohérent les trois dimensions du développement durable sur des frontières plus large que le périmètre juridique de l’entreprise » (Quairel, 2006, p.14). Intéressons-nous alors aux outils de pilotage intégrant des indicateurs non financiers : le tableau de bord.

Section 3 - Le pilotage du développement durable à travers les tableaux de