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Pour certains auteurs, le NPM possède de nombreux paradoxes. Le premier oppose la centralisation avec l’obligation de rendre des comptes et le deuxième la décentralisation et la participation des parties prenantes (Talbot, 2003). Ainsi, les collectivités territoriales ont vu leurs compétences accrues suite aux lois de décentralisation. Les métropoles ont d’ailleurs été conçues pour donner plus de « pouvoir » aux territoires. Le deuxième paradoxe « oppose la rationalité du choix et de la prise de décision au jugement personnel et au compromis » (Talbot, 2003, p.13). Cet auteur présente une typologie des paradoxes du NPM (tableau 5).

8 http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/performance-gestion-publiques/controle-gestion/essentiel/s- informer/triangle-contrôle-gestion

9 Circulaire interministérielle du 21 juin 2001, ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie et ministère de la Fonction publique, de la réforme de l’État et de la décentralisation.

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Tableau 5 : les paradoxes du NPM

Source : Talbot, 2003, p.14

La « décision appartient au politique » représente le fait de donner plus de pouvoir au politique, et notamment au politique local. Au sein d’une collectivité territoriale, la hiérarchie est encore très présente avec la distinction entre le manager, généralement le Directeur Général Adjoint et les agents (« le management appartient aux managers »). Le « choix appartient aux consommateurs » relève du marketing, puisque de plus en plus de services publics sont privatisés. « Les mécanismes de la concurrence sont préférables aux moyens bureaucratiques dans la prise de décision et l’allocation des ressources en matière de services ; partout où c’est possible, le résultat doit être recherché par la privatisation ; lorsque celle-ci n’est pas possible, même si les services demeurent à l’intérieur du secteur public » (Talbot, 2003, p.18). Les collectivités territoriales font de plus en plus d’appels d’offres pour que ce soit des entreprises privées qui assurent le service public, permettant ainsi à la collectivité de faire des économies suite aux nombreuses restrictions budgétaires. Enfin, « la participation appartient aux actionnaires », relève de l’idée que les services publics sont pluriels, avec leurs différents financements, fournisseurs, usagers et qu’ils sont complexes. Ces différentes contradictions peuvent amener à des échecs, des crises ou des dysfonctionnements.

De nombreuses contributions amènent à critiquer le NPM (Matyjasik, Guenoun, 2019). Le NPM tend à disparaître au profit de trois alternatives : la Digital Era Governance mettant l’accent sur le changement technologique, la New Public Governance avec la participation plus forte des acteurs et des réseaux et la Whole-of-Government Approach mettant en avant la coordination administrative (Matyjasik, Guenoun, 2019). Certaines critiques portent sur le fait que les outils de gestion sont peu adaptés au secteur public. Il « s’agit d’améliorer l’adaptabilité, des méthodes et des outils, aux problèmes rencontrés. Il convient de glisser du « standardisé » maladroitement adapté au secteur public au « sur mesure » (Amar et Berthier,

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2007, p.13)10. En effet, l’environnement ainsi que le degré de complexité des secteurs public et privé ne sont pas comparables. Pour d’autres, la « transposition purement et simplement des outils de gestion du privé ne serait pas pertinente et elle serait contreproductive en donnant raison aux opposants au changement. Il est nécessaire d’adapter les outils au secteur public, dont leur application passe le plus souvent par d’autres méthodologies et surtout par une notion du temps fondamentalement différente, car la sphère publique a une conception temporelle beaucoup plus large » (Lachmann, 2011, p.12). Effectivement, l’administration ne se considère pas comme mortelle, à l’opposé des entreprises (Barilari, 2007). Face au NPM, un courant critique européen est apparu : le Neo-Weberian State (NWS), dont les auteurs principaux sont Peters (2002), Pollitt et Bouckaert (2004 et 2011), et Drechsler (2005). Pour eux, le NPM a échoué dans la réalisation de ses objectifs, et notamment dans celle des organisations publiques plus efficaces et efficientes dans les pays développés du centre et de l’est de l’Europe. Le NWS s’est développé en Europe puisque les administrations sont basées sur l’organisation bureaucratique de Max Weber. Les quatre principes sont : la centralisation de l’Etat, la réforme et l’application du droit administratif (garanties l’égalité pour tous les individus avant la loi), la préservation du service public, la démocratie représentative (Bouckaer et Pollitt, 2011, p.118). D’autres principes, comme l’orientation externe vers les citoyens, la consultation supplémentaire du public et la participation directe du citoyen, l’orientation vers les résultats et le management professionnel, sont des principes « miroir » du NPM (Dunn et Miller, 2007). NPM et NWS sont similaires en termes de la nature pratiquement identique de leurs principes. Certains principes sont distincts, comme, par exemple le rôle directeur de l’Etat est un élément central du NWS. Beaucoup de perspectives apparaissent comme abstraites, larges et souvent ambigües. Le NPM et le NWS tendent à ignorer les résultats mitigés ou manifestement inefficaces des organisations qui ont été gouvernées historiquement par ces principes. Les deux incarnent une perspective technico-utilitariste et ignorent finalement les autres formes et contextes de rationalité qui sont centrales dans les réformes administratives des démocraties (Dunn et Miller, 2007).

Pour d’autres auteurs, le NPM adopte une perspective de performance qui diffère de l’approche traditionnelle du secteur public. Traditionnellement, la mesure de la performance dans le secteur public est focalisée sur les inputs : les décisions doivent être prises en fonction des budgets qui sont alloués à certaines tâches et l’évaluation de la performance est portée sur les

10 Propos rejoints par les professionnels, notamment Laurent Roturier, DGS de la ville de Bron dans la Lettre du cadre territorial n°408 du 1er octobre 2010

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divergences entre les budgets et les dépenses. Les indicateurs financiers jouaient donc un rôle essentiel. L’accent mis sur l’efficience par le NPM implique une perspective plus interne et explicite de la performance, et l’accent mis sur les outputs et les résultats implique de prendre en compte le point de vue des clients sur la performance (Jansen, 2008). Après avoir mené trois études de cas, il arrive à la conclusion que les politiciens semblent combiner la perspective financière et le point de vue du citoyen sur la performance. Pour lui, le modèle du NPM défini par Christopher Hood ne permet de distinguer entre la perspective du citoyen et la perspective du client. La mise en œuvre réussie du NPM exige que le point de vue du citoyen ait un lien évident avec les autres perspectives de la performance.

De plus, une étude statistique a été menée afin de montrer que l’orientation marché promue par le NPM (la concurrence, l’orientation client, et la coordination inter-fonctionnelle), ne peut expliquer entièrement la performance des services publics (Avellaneda et al., 2011). L’avenir du secteur public serait l’interaction entre la planification stratégique et le management de la performance (Poister, 2010).

Par ailleurs, l’intégration du développement durable dans le système de pilotage serait une réponse aux critiques du NPM. Intégrer le développement durable permettrait de s’éloigner d’un modèle de performance du monde marchand (Bartoli et al., 2011). Le développement durable dans les collectivités territoriales est de plus en plus sollicité, notamment dans les communes, puisque cette préoccupation devient incontournable sur le plan électoral (Charlot- Valdieu et Outrequin, 1999).

Par contre, les « concepts de développement durable et d’Agenda 21 local restent plus flous aux yeux des décideurs et élus locaux (et on serait tenté de dire également qu’il est trop souvent « fourre-tout ») et beaucoup d’entre eux ne chercheront pas à développer une approche globale et transversale qui risquerait de remettre en cause un certain nombre d’acquis et d’habitude… Ainsi, on peut estimer qu’il existe une voie intermédiaire entre l’Agenda 21 local et l’absence de plan en favorisant l’intégration de l’environnement et du développement durable le plus en amont possible des décisions des élus » (Charlot-Valdieu et Outrequin, 1999, p.20). Le développement durable deviendrait donc stratégique et son intégration dans le pilotage permettrait d’introduire des outils d’aide à la décision compatibles avec la nouvelle vision de la performance. « L’Agenda 21 est un plan d’action global qui pose les trois axes fondateurs du développement durable : l’équité sociale, l’environnement et l’économie » (Laville, 2009, p. 19).

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Bien que le NPM ait encouragé l’utilisation des systèmes de management de la performance, il n’en reste pas moins que de nombreuses critiques, notamment en ce qui concerne les outils et la nature de la performance mesurée, se font entendre. En effet, la performance mesurée est à prédominance économique, afin de réduire les déficits publics. Mais la mesure de la performance publique est complexe, du fait de la multiplicité des objectifs (répondre aux attentes des citoyens, tout en suivant la législation et les budgets) et des acteurs (parties prenantes). De plus, la crise économique des subprimes donne un aperçu des problèmes liés aux systèmes de mesure dans la société. La mesure n’est pas un dispositif neutre, mais un agent actif dans les processus de la société. Et donc, les organisations publiques ont besoin d’un meilleur système de mesure (De Caluwe et al., 2012). La mesure de la performance globale permettrait alors de répondre à cette critique.

Il convient alors de se poser la question de quels outils sont utilisés dans les métropoles étant donné que pour Chatelain-Ponroy et Sponem (2007, p.43) : « Compte tenu des exigences de la LOLF et de l’absence d’un modèle de contrôle de gestion idoine à importer, la tentation est grande de prendre exemple sur les entreprises pour organiser la fonction contrôle de gestion ». Or, ce n’est pas forcément la meilleure des solutions et nous pouvons mettre en perspective des outils crées par les collectivités territoriales elles-mêmes.

Section 2 - Le développement durable :