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l’intégration du développement durable dans les systèmes de pilotage ?

Le développement durable est une problématique apparue pour la première fois en 1971, lors de l’intervention du Club de Rome, qui prône la croissance zéro face à la surexploitation des ressources naturelles. En effet, le développement économique devient incompatible avec la protection de la planète à long terme. Le terme de Sustainable Development est né dès 1980 parmi les experts de l’Union internationale pour la Conservation de la Nature. La première véritable définition paraît dans le rapport Brundtland : « un développement qui répond au besoin du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, 1987, p.51)5. Ce concept a été adopté dans le monde entier en réponse aux problèmes de démographie et de réchauffement climatique. Face aux catastrophes naturelles qui se multiplient, la critique de la faiblesse de l’intervention publique, notamment aux Etats-Unis amène à penser que l’écologie « apparaît désormais autant comme une menace qui pèse sur le monde que comme une source d’espoir pour le développement économique exigé par la sortie de crise » (Laufer, 2008, p. 46).

Le concept de développement durable semble répondre aux attentes d’un nouveau management dans le secteur public, notamment parce qu’il est basé sur la théorie des parties prenantes (Gherra, 2010). Les prises de conscience face aux catastrophes naturelles et au changement climatique ne sont cependant pas encore suffisantes pour faire évoluer les comportements de chacun, que ce soit les citoyens, les politiciens ou les agents territoriaux. Le développement durable est généralement représenté sous forme d’un triangle (peut-être en comparaison avec le triangle de la performance de Gibert, 1980). La représentation triangulaire (figure 12), montre que « la poursuite exclusive d’un objectif se fait généralement au détriment des deux autres » (Laville, 2009, p.19).

5« Sustainable development seeks to meet the needs and inspirations of the present without compromising the

ability to meet those of the future » (Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, 1987, Notre avenir à tous, Rapport Brundtland, http://www.are.admin.ch/)

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Figure 12 : la représentation du développement durable

Source : tiré de http://www.adequations.org/spip.php?rubrique103 (Association Adéquations)

Il existe d’autres représentations du concept de développement durable, dont la classique où le durable est à l’intersection de trois sphères (Ernult et Ashta, 2007 ; Diemer, 2010) comme le montre la figure 13.

Figure 13 : la représentation du développement durable

Source : Diemer, 2010, p.144

Le développement durable peut posséder d’autres formes de représentations, notamment sous forme hiérarchisée, comme présenté en figure 14.

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Figure 14 : le compromis de l’équilibre entre les trois piliers

Source : tiré de Boutaud, 2005 ; Beer, 2015, p.3

Suivant le type d’acteurs, la représentation est donc différente. Notre recherche étant portée sur les métropoles, il convient de s’interroger si l’approche utilisée est bien celle du compromis, c’est-à-dire qu’il y a un équilibre entre les trois piliers, et donc pas de priorité.

Cependant, la représentation du développement durable à l’aide des trois piliers est contestée :

 Certains estiment qu’il faut ajouter un quatrième pilier, celui de la gouvernance, comprenant la participation (Brodhag, 1999 ; Nurse, 2006) ;

D’autres estiment que la culture est le quatrième pilier du développement durable : « Le développement durable implique un changement dans les comportements, ce qui conduit à s’interroger sur sa compatibilité́ avec le respect de la diversité́ culturelle. La culture est devenue, lors du Sommet de Johannesburg, en 2002, le quatrième pilier du développement durable, aux côtés des piliers social, économique et environnemental » (Antoine, 2005, p.1).

Pour Flipo (2004), cette représentation sur la base de trois piliers est trompeuse puisque cette distinction entre piliers implique une séparation conceptuelle incompatible avec une vision intégrée du développement durable. Les représentations de ce dernier ne fait donc pas consensus. Or, de cette représentation dépend la stratégie de l’organisation, mais également les objectifs et donc les outils utilisés pour le pilotage et la mesure. Il convient donc de se poser la

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question de la représentation du développement durable par les agents territoriaux (une des questions du guide d’entretien).

Par ailleurs, le développement durable peut apporter une réponse à la difficulté de la mesure organisationnelle de la performance. La crise financière de 2009 amènerait à penser que le contrôle de gestion ne serait plus un métier d’expertise obstinée du chiffre mais un métier d’enquête complexe (Lorino, 2009). Le « contrôle du chiffre » avant la crise était le plus utilisé puisque plus simple à utiliser. En effet, « n’est-il pas plus simple de contrôler une mesure quantitative et de comparer des chiffres que de trouver les voies et moyens de construire collectivement, parfois dans la controverse et le doute, un jugement en situation, prenant en compte une multiplicité complexe d’objectifs et de contraintes ? (…) Le jugement complexe sur la performance complexe d’organisations complexes peut-il se réduire à l’appréciation d’un chiffre ? » (Lorino, 2009, p.33).

Le concept de développement durable a élargi le champ d’application des options de mesure et les organisations de premier plan sont aux prises avec le reporting durable. Pour Hubbard (2006), la mesure de la performance durable doit être conceptuellement fondée mais simplifiée pour être utile dans la pratique. Il est important d’intégrer les dimensions environnementales dans le système de contrôle de gestion pour augmenter la performance économique et environnementale. Concernant, la performance économique résultant des améliorations de la performance environnementale, les managers doivent être conscients de l’importance d’intégrer des problématiques environnementales dans le système de contrôle de gestion déjà présent. Plus spécifiquement, il y a plusieurs manières d’intégrer les questions environnementales dans le système de contrôle :

Développer des indicateurs spécifiques (par exemple, l’impact financier, etc.)

 Utiliser fréquemment ces indicateurs pour surveiller la conformité, pour aider à la prise décision, pour motiver l’amélioration continue et pour le reporting externe

 Fixer des objectifs spécifiques dans le budget pour des dépenses environnementales, les revenus et les investissements

 Lier les indicateurs aux objectifs environnementaux pour récompenser (Henri, Journeault, 2010).

Cependant, quels seraient les apports de la prise en compte du développement durable dans les organisations ? Pour y répondre, ce chapitre s’articule autour de quatre sections. La première vise à expliciter l’enjeu marketing de la prise en compte du développement durable dans le

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management d’une organisation. La section 2 présente la prise en compte du développement durable du point de vue du calcul des coûts. La section 3 met en perspective l’enjeu des tableaux de bord dans la mesure de la performance globale, et notamment le modèle du Sustainability Balanced Scorecard. La section 4 permet d’approfondir et d’apporter des améliorations au Sustainability Balanced Scorecard.

Section 1 - La prise en compte du développement durable :

un enjeu marketing

Le développement durable a d’abord été pris en compte dans le reporting et la communication des organisations. Cependant deux visions s’opposent : la vision anglo-saxonne, tournée vers le côté financier du développement durable et la vision européenne qui recherche à mesurer une performance globale (§ 1). Notre recherche se situe dans cette vision européenne qui ne considère pas uniquement les problèmes de rentabilité, étant donné que les collectivités territoriales n’ont pas cet objectif mais celui de la recherche de l’intérêt général. Les informations financières en deviennent un moyen de communication (§ 2). Il existe également de nombreux normes et labels permettant un affichage marketing. Mais notre recherche n’a pas pour objectif premier la communication et le marketing des collectivités territoriales par l’utilisation du développement durable. Enfin, nous présentons les critiques de ces modèles de reporting par rapport à notre objet principal, c’est-à-dire la mesure d’une performance globale et l’intégration d’un management environnemental au sein des collectivités territoriales.