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Le secteur public n’a pas pour but de faire du profit comme au sein du secteur privé mais de satisfaire l’intérêt général (Cohen, 2012, p.77). Le nombre de parties prenantes est plus important. Les spécificités du public doivent être considérées lors de l’élaboration d’outils de gestion. Notamment, puisque les collectivités rendent des services aux usagers, et il convient de prendre en considération « la nature immatérielle et non stockable du résultat de la prestation ; le rôle particulier du personnel en contact ; la participation du client ; la définition d’objectifs susceptibles de recueillir l’assentiment du client » (Gervais, 2009, p.547). (De nombreux auteurs, comme Kaplan et Norton ont pensé à adapter les outils de gestion étant donné que les objectifs sont différents. Une collectivité territoriale par exemple est amenée à perdurer sur le long terme alors qu’une entreprise peut faire faillite (Cohen, 2012, p.77). L’environnement et le degré de complexité ne sont d’ailleurs pas comparables (Amar et Berthier, 2007). « Il existe une tradition de secret et de confidentialité, opposé aux exigences de transparence qui s’appliquent aux entreprises privées » (Cohen, 2012, p.77). La principale différence avec le secteur privé réside dans la part importante des décisions qui sont prises par

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les élus. Pour se faire des modèles de tableaux de bord sont adaptés au secteur public, et notamment le BSC.

A - Le BSC adapté

Le Balanced Scorecard se veut être adapté au secteur public, puisque la mesure de la performance devient urgente dans les organisations à but non lucratif (Kaplan, 2001). Le problème qui se pose est la difficulté pour ces organisations de défi nir correctement leur stratégie, et dons leurs objectifs. Ces organisations doivent faire face à des multitudes de parties prenantes. Dans ce type d’organisations, ce n’est pas la perspective financière qui est au sommet de la hiérarchie mais la perspective du client. Kaplan (2001) propose donc de mettre au sommet les missions, qui reflètent les objectifs à long terme. Cette perspective peut être représentée par la figure 8.

Figure 8 : le Balanced Scorecard adapté aux organisations non-marchandes

Source : tiré de Kaplan, 2001

La mission est au centre de cette adaptation du Balanced Scorecard. C’est la mission, qui pilote la vision stratégique. Les quatre axes sont repris par les différentes questions : l’axe financier, l’axe client qui devient l’axe clients/destinataires, l’axe processus et l’axe apprentissage/communication. Ce type de tableau de bord serait envisageable dans le secteur public à condition que l’usager du service public ne soit pas considéré uniquement comme un client. Par ailleurs, des études ont été menées au sein d’administrations de l’Etat ayant mis en place un BSC, même si le terme de BSC n’est pas connu des acteurs publics. Il en résulte que : « cet outil a l'avantage et la particularité́ de fournir une facilitation pédagogique qui impose une réflexion d'ensemble. L'outil pousse à établir le lien entre les

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objectifs respectifs de chaque axe stratégique mais aussi entre les indicateurs qui doivent refléter des objectifs directement complémentaires et cohérents entre eux » (Benzerafa, 2007, p.94). Cependant, cet outil ne peut être totalement bénéfique qu’à partir du moment où il existe une « volonté́ de définir de manière explicite une stratégie perceptible et de la mettre en œuvre » mais également lors de « la prise en compte des résistances au changement que la BSC peut induire » (Benzerafa, 2007, p.94). Kaplan et Norton mettent d’ailleurs l’accent sur la communication des employés et le travail en commun. Ainsi des questionnements sur la communication en interne et en externe seront envisagés lors de notre étude terrain.

B - Le Public Sector Scorecard : traduction publique du BSC

Un autre type de Balanced Scorecard a été élaboré dans le secteur particulier de la santé. Il s’agit du Public Sector Scorecard développé par Moullin (2002) qui a la particularité de mettre en perspective les outcomes (les impacts, particularité du secteur public). Il comporte sept perspectives, rangées dans trois gros blocs : capabilities, processes, et outcomes (Moullin, 2009). Une deuxième particularité est qu’il transforme l’axe client du Balanced Scorecard en un axe « usagers/parties prenantes ». Cet axe suppose la mesure de la perception du service par les usagers et leur satisfaction. Le modèle permet d’intégrer les usagers ou les parties prenantes dans le processus de formulation des objectifs (Moullin, 2006). La figure 9 constitue une représentation du Public Sector Scorecard.

Figure 9 : le Public Sector Scorecard

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La stratégie est au centre du Public Sector Scorecard. Les quatre axes du Balanced Scorecard, sont repris dans ce modèle, sauf l’axe client qui est transformé en axe usager/parties prenantes. Moullin fait donc la différence entre le service que l’organisation offre à l’usager, et la vision des autres parties prenantes sur ce même service.

Par ailleurs, en Europe, le Balanced Scorecard est contesté du fait de son inadaptation aux contextes culturels et du fait de son caractère déséquilibré au profit de la performance financière (Bourguignon et al., 2004). Par exemple, l’« usage qui en est fait, en France, est souvent inadapté. Il n’est pas toujours conçu avec suffisamment de recul critique, utilisé en tant qu’outil de communication, et décliné à un échelon individuel » (Trébucq, 2011). Face au Balanced Scorecard, il existe en France, un concurrent : le tableau de bord « à la française ».

§ 3 - Le tableau de bord « à la française » : une différence culturelle

Ces tableaux de bord ont été élaborés à partir des années trente par des ingénieurs des grandes écoles. Au début, ils n’étaient conçus que pour une fonction de reporting, pour devenir ensuite des outils de pilotage, notamment avec la construction par la méthode OVAR (Objectifs, Variables d’Action et de Responsabilisation). Ces tableaux de bord assurent une cohérence verticale entre les différents niveaux hiérarchiques. Le but est de décliner des objectifs stratégiques sous forme de variables d’action puis de plans d’action auxquels seront systématiquement associés des indicateurs de mesure (Berland, 2009, p.140). Il s’agit, comme le Balanced Scorecard d’une méthode top-down. Le tableau de bord implique la translation de la vision et de la mission de l’unité en un ensemble d’objectifs, à partir desquels l’unité identifie ses facteurs clés de succès, qui seront traduits dans une série d’indicateurs de performance quantitatifs (Epstein, Manzoni, 1998). La différence réside dans l’interaction et la négociation entre les différents niveaux hiérarchiques (méthode participative). Le Balanced Scorcard utilise le modèle stratégique de Michael Porter, alors que le tableau de bord « à la française » repose sur la conception que se fait le manager de la stratégie ; ce qui signifie que la subjectivité du manager et l’environnement jouent un rôle essentiel dans le design du tableau de bord (Bourguignon, et al., 2004). L’approche du Balanced Scorecard travaille de l’extérieur, c’est- à-dire des clients aux processus internes, alors que le tableau de bord est construit à partir de la perspective du manager sur la stratégie (Bourguignon et al., 2004).

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Ces différences s’expliquent notamment par les représentations idéologiques qui ne sont pas de même nature aux Etats-Unis et en France. (Bourguignon et al., 2004). Aux Etats-Unis, les personnes agissent librement sous contrats. En France, c’est l’honneur qui régit la société française : tout le monde appartient à un groupe social avec des obligations et des privilèges spécifiques distincts des autres groupes. Aux Etats-Unis, où les personnes sont supposées être égales, les dispositifs de management jouent un rôle dans la création des hiérarchies, rendant les gens obéissant et apportant une légitimité et réduisant le sentiment d’incertitude. En France, la hiérarchie sociale, l’obéissance, la légitimité et la sécurité sont des questions d’éducation et d’honneur, et non des dispositifs de management (Bourguignon et al., 2004). Deux autres alternatives ont été élaborées pour la mesure de la performance : le prisme de la performance et le modèle de la performance dynamique multidimensionnelle.