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3.2 Relation entre la langue et la culture

3.2.1 Présentation de la relation entre la langue et la culture

Pour observer les relations entre la langue et la culture, nous prendrons en considération les différentes pratiques langagières et culturelles qui sont développées dans l’enseignement du français. Les pratiques langagières comprennent la compréhension et la production orales et écrites, les interactions communicatives et la réflexion sur la langue au service de sa mise

en pratique. En ce qui concerne les pratiques culturelles, nous nous référons principalement aux conventions de la vie sociale et du travail, aux valeurs culturelles prédominantes, aux pratiques littéraires, musicales et cinématographiques. Globalement, les pratiques culturelles peuvent avoir un traitement scolaire très différent. Un objet culturel peut être enseigné de manière autonome sans prendre en considération la langue. Ainsi, l’histoire du cinéma français, de la musique française, d’une œuvre de la littérature française peut être étudiée en tant que telle et peut même, dans le contexte qui est le nôtre, être abordée en grec. Le travail sur la culture française peut aussi être réalisé de manière à faciliter une ou plusieurs pratique(s) langagière(s). Ainsi, à l’occasion du visionnement d’un film ou de la lecture d’un texte, il est possible de mettre en place différentes activités langagières. Une troisième possibilité consiste à aborder l’œuvre culturelle comme support pour illustrer un phénomène langagier. À ce moment, le texte littéraire, la chanson ou le film sont présentés comme des prétextes pour mettre en évidence les caractéristiques de la langue et développer ainsi des connaissances ou des habiletés langagières. Enfin, les pratiques culturelles et langagières peuvent faire l’objet d’une articulation complexe d’objectifs visant en même temps le développement langagier et la connaissance de la culture française.

Les enseignants de français langue étrangère utilisent des chansons, des films ou des textes littéraires avec leurs apprenants. Une chanson française peut, par exemple, aider le professeur de FLE à enseigner à ses apprenants la compréhension orale, la prononciation et, avec l’aide d’activités appropriées, la production orale et écrite. La chanson est alors au service du développement du français. Mais d’autres possibilités existent permettant le traitement de la chanson comme un objet du patrimoine culturel français.

Un film implique des interactions entre les images, animées ou non (mode iconique), les sons (mode auditif) et les textes (mode linguistique). Ces multiples facettes sont précieuses pour l’apprentissage des langues, puisqu’elles permettent à l’utilisateur non seulement d’utiliser le canal de communication qui lui convient le mieux à un moment donné de son apprentissage, mais aussi de développer des capacités cognitives qu’il ne sollicite pas habituellement, en recourant aux autres canaux proposés par le produit.

La littérature est le domaine privilégié où la présence de la langue dans la culture se manifeste, pour trois raisons, selon Porcher (1986) : tradition, représentation, motivation. La littérature est liée à la tradition. C’était autrefois le moyen utilisé pour apprendre à lire et le but même de l’enseignement du français langue étrangère. La littérature représentait la culture française à travers les grandes idées de ses écrivains : La France était considérée comme pays de culture ; la culture, c’était avant tout la littérature qui était accessible à travers la langue. La littérature constituait donc la motivation principale des apprenants et représentait la France, la culture française à l’étranger. Les textes littéraires en classe de langue servent encore maintenant très souvent de supports pour des exercices linguistiques ou des analyses formelles mais ils sont rarement traités pour mettre en lien les attitudes et valeurs de l’auteur et celles des lecteurs. La littérature, dans la formation de français langue étrangère, peut constituer la base de la formation (on peut apprendre à lire dans les grands textes) et c’est, avec la langue, le moyen d’accès à la culture française. L’enseignant peut, en prenant comme support un texte littéraire, comme une chanson, amener ces apprenants à la

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compréhension écrite à l’aide d’activités adaptées, ainsi qu’à l’interaction entre les apprenants et entre les apprenants et lui-même de manière à améliorer leur pratique langagière en enseignant le vocabulaire du texte et sa grammaire.

Si nous nous référons aux conventions sociales, par exemple les coutumes françaises à table, c’est-à-dire le rituel du repas – l’entrée, le plat principal, quelquefois la salade verte, le dessert, le fromage avec du vin –, ces coutumes sont différentes de celles de Grèce, où salade, viandes et fromages sont posés en même temps sur la table. Pour le Grec qui apprend le français langue étrangère, le rituel du repas de son pays est acquis naturellement, sans avoir conscience de la procédure de cette acquisition. Par contre, les coutumes françaises ne sont pas disponibles dans sa réalité objective, elles relèvent pour lui d’une image, d’une représentation. Il dispose, d’une part, d’un savoir grec qu’il ne peut ignorer et, d’autre part, il entre dans la pratique française par choix, sans être soumis institutionnellement à la pratique sociale. Pour lui, les coutumes françaises à table constituent donc une vision fabriquée, institutionnalisée. En même temps qu’il apprend à interagir en français, il peut le faire en suivant ces conventions.

Les conventions sociales impliquent également les dimensions paralinguistiques. La kinésique (l’interaction mouvement / parole) est parfois quasi identique en français et en grec, comme quand nous bougeons la tête en la baissant pour dire oui, mais elle peut aussi être différente comme quand nous disons ‘non’. En Grèce, nous levons la tête, mais en France on bouge la tête de droite à gauche.

Si l’enseignant veut travailler en classe avec un texte qui se rapporte à l’une de ces conventions de la culture française, il peut expliquer les différences qu’il y a entre les deux cultures mais il peut aussi enseigner la langue (compréhension, production, grammaire, vocabulaire, syntaxe) et bien sûr l’interaction. Le texte peut être présenté comme une œuvre littéraire complète, contextualisée dans une époque, avec une éventuelle présentation biographique de l’auteur, des critiques et des commentaires réalisés à son propos. La mise en valeur du texte littéraire exige non seulement la lecture du texte mais aussi l’évaluation de sa réception et de l’effet qu’il produit. Parfois les manuels d’enseignement ou les enseignants eux-mêmes proposent un travail sur un fragment de texte décontextualisé. L’œuvre littéraire prend alors une autre signification. Enfin, le texte littéraire complet ou fragmenté, contextualisé ou décontextualisé peut aussi être abordé au niveau formel pour faire découvrir une régularité de la langue française, pour enrichir le vocabulaire des élèves, pour vérifier la compréhension ou pour automatiser une expression. Les valeurs associées au texte ne sont alors pas étudiées explicitement et seules les dimensions langagières sont mises en évidence en vue d’enrichir la pratique de la langue.

La civilisation est alors essentiellement mise en rapport avec la littérature, l’histoire et les hauts faits de civilisation. La littérature a une place primordiale et elle est (avec la langue aussi) le moyen d’accès à la culture française mondialement reconnue. Elle incarne la suprématie de cette culture présentée au moyen de réalisations monumentales (les productions artistiques et littéraires) qui constituent des stéréotypes (Mauger bleu 1953).

Il en va de même pour les valeurs et les pratiques de vie complexes. Mais faut-il connaître la langue française pour étudier tous ces éléments de la culture française ? Pas

forcément. Il n’y a pas nécessairement de correspondance entre l’enseignement de la culture française et l’enseignement de la langue française. L’apprentissage d’une autre culture présuppose toutefois la communication langagière dans cette autre langue. Mais l’apprentissage d’une autre culture peut méthodologiquement se faire de la même manière (au niveau du fonctionnement d’un champ), qu’on enseigne dans la langue homologue ou qu’on enseigne dans une autre langue.

3.3 Français langue étrangère et place et enseignement de la culture cible et de