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Vers le début des années 1970, en réaction contre la méthode audio-orale et à la première génération des méthodes audiovisuelles, émerge l’« approche communicative », ainsi dénommée par souci de prudence, puisqu’elle n’est pas considérée comme une méthodologie solidement constituée. Dans cette approche, l’analyse des besoins des apprenants détermine le contenu du cours. Les aptitudes à acquérir en fonction de ces besoins sont répertoriées puis travaillées en contexte, en situation, en prenant en compte tous les aspects qui y sont reliés : linguistiques, extralinguistiques et contextuels. On cherche à faire acquérir à l’apprenant une compétence linguistique mais aussi communicative, d’où la prédominance des savoirs mais aussi et surtout des savoir-faire.

Il n’y a pas, contrairement à ce qui avait été le cas entre les méthodes traditionnelle et directe, de rupture dans les objectifs entre la méthode structuro-globale audio-visuelle et l’approche communicative. La différence se situe davantage au niveau de la compétence visée: pour les structuralistes, la priorité est accordée à la compétence linguistique tandis que pour les fonctionnalistes, il convient de privilégier la compétence de communication, c’est-à-dire l’emploi de la langue. Certains tenants des approches communicatives réfutent d’ailleurs la notion de compétence (Dolz et Ollagnier, 1999). Dès lors, l’intérêt de nombreux

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psychologues, sociologues, pédagogues, didacticiens se porte sur les besoins d’un nouveau public composé d’adultes, principalement de migrants. En effet, la loi de juillet 1971 insiste sur le droit à la formation continue et entraîne la mise en place de nouvelles structures d’enseignement et de recherche qui aboutissent à la naissance d’une nouvelle méthodologie.

Dans ce contexte, l’enseignement des langues étrangères en milieu scolaire cherche à s’approprier le système d’enseignement des langues étrangères pour adultes insérés dans le monde du travail, ce qui conduit à une brusque inversion du modèle éducatif de référence. En France, cette loi sur la formation continue permet d’obtenir des moyens financiers pour la création de deux ouvrages clés commandés par des organismes publics: un Niveau Seuil commandé par le Conseil de l’Europe et Analyse de besoins langagiers d’adultes en milieu professionnel commandé par le Secrétariat d’État aux Universités. Grâce à ces crédits et pour la première fois en didactique des langues, des équipes de chercheurs pluridisciplinaires sont constituées.

Quels sont les changements qui interviennent ? Dans les années soixante, la méthode audio-visuelle (MAV) se basait, pour la sélection et la gradation linguistiques, sur des listes de fréquence (Français Fondamental) supposées correspondre à la langue de base devant être acquise quel que soit l’usage postérieur de la langue étrangère. Mais au début des années septante, les méthodologues de français langue étrangère (FLE) se trouvent confrontés aux problèmes spécifiques posés par l’enseignement du français langue étrangère à des étudiants non-spécialistes de français, dans leurs pays, pour leur permettre l’accès à des documents écrits de caractère informationnel. Les choix d’objectifs, de contenus et de méthodes sont donc désormais motivés par la situation des pays concernés et par les besoins présents et futurs des étudiants de ces pays.

La méthode audio-visuelle (MAV), même adaptée à un contenu scientifique, ne pouvait convenir à ce public d’étudiants non-spécialistes de français, puisqu’elle donnait la priorité à l’expression orale, proposait une acquisition très progressive du lexique à partir d’un tronc commun et ne travaillait pas au-delà du niveau de la phrase. Cette approche est appelée tout d’abord « français instrumental » et, par la suite, « français fonctionnel » étant donné la diversité du public visé, qu’il s’agisse d’ouvriers migrants, de scientifiques, de techniciens, d’étudiants en formation, etc. Face à l’approche universaliste de la MAV, s’impose ainsi une approche diversifiée dont la préoccupation est de s’adapter aux besoins langagiers de chaque public. Toute une partie de la recherche en didactique des langues vivantes étrangères va s’orienter dans les années septante vers l’analyse des besoins avant même d’élaborer un cours de langue. Ceci conduit à une nouvelle définition de l’apprentissage selon Puren (1998):

« Apprendre une langue, c’est apprendre à se comporter de manière adéquate dans des situations de communication où l’apprenant aura quelque chance de se trouver en utilisant les codes de la langue cible » (pp. 371-372).

Le français instrumental ne vise pas la communication orale autrement qu’en situation de classe et l’enseignant désire satisfaire le besoin de compréhension immédiat de ses élèves.

Tant les apprenants que les enseignants s’intéressent à la compréhension de textes spécifiques plutôt qu’à leur production.

Le français fonctionnel, lui, est fondé sur les besoins langagiers réels des individus. Il envisage une relation de locuteur à locuteur dans certaines situations de communication et selon certains rôles sociaux. La définition d’un Niveau Seuil constitue la tentative la plus importante d’élaboration d’un français fonctionnel pour l’enseignement du français à des étrangers adultes. Les besoins langagiers des apprenants y sont déterminés en fonction des actes de parole que ces derniers auront à accomplir dans certaines situations. Cependant, le français fonctionnel et le français instrumental ont le même objectif pédagogique. Ils visent un enseignement volontairement limité, plus ou moins utilitaire et répondant à un appel urgent d’un public spécialisé.

Jusqu’à l’apparition de l’approche communicative, les besoins langagiers ne sont pas pris en compte dans l’enseignement scolaire. L’enseignant fixe les contenus d’apprentissage à partir d’objectifs généraux. Cependant, d’après Richterich (1991), l’enseignement d’une langue est étroitement lié au type de public auquel il s’adresse et il est donc indispensable de faire une description minutieuse du public visé. La notion de besoin est ambigüe et elle se confond parfois avec celle d’intérêt, de but, etc. Néanmoins, il existe de nombreux facteurs de diversification des besoins des apprenants selon le pays où ils habitent et les contacts que celui-ci entretient avec ceux où l’on parle la langue étrangère, selon trois aspects : leur niveau de langue, leur filière d’études et, enfin, les propres différences entre individus.

L’approche communicative est apparue à un moment où la recherche en science du langage et en didactique a permis de tenir compte du bilan négatif des méthodes d’inspiration béhavioriste et où le désir de communiquer dans une langue étrangère d’une manière efficace s’est renforcé. Dans cette approche, contrairement aux précédentes, la parole est générée par l’élève et non par l’enseignant ; l’interaction entre les élèves est au cœur de l’expérience d’apprentissage qui se fait au moyen de tâches, plutôt que d’instructions notionnelles, de fonctions, des actes de langage et des intentions de communication clairs et précis. Ces interactions sont organisées, gérées et évaluées par l’enseignant. L’apprenant a donc un rôle actif à jouer et tout ne repose pas sur le professeur dont le rôle est de lui apprendre à apprendre. Le rôle de l’enseignant est ainsi redéfini, puisque ce dernier est à la fois, ou au choix, animateur, coordinateur et conseiller plutôt que maître. Enfin, l’accent est mis sur le sens, le contenu plutôt que sur la forme : on essaie ainsi de prendre en compte la totalité de la situation de communication, à savoir le contexte, les présupposés, le statut, le rôle et la psychologie des personnages ; la progression qui, auparavant, était linéaire, est devenue en spirale, concentrique ou encore cyclique, permettant avant toute chose aux élèves de comprendre et de produire du sens : l’approche communicative distingue ainsi nettement l’apprentissage de l’acquisition. Au contraire de l’apprentissage, l’acquisition est spontanée, inconsciente, « intuitive » et se produit lorsqu’on met l’accent sur la communication et non sur la forme. Selon Bérard (1991, 44) : « La progression dans un cours de type communicatif se caractérise par sa souplesse, sa non-linéarité et l’attention portée à l’apprentissage par rapport à l’enseignement ». L’approche communicative se donne en effet comme objectif principal d’apprendre à communiquer dans une langue étrangère, en tenant compte de facteurs tels que la motivation, le filtre affectif, l’aptitude et la personnalité des apprenants. Il y a véritablement une différenciation des méthodes et des stratégies selon les intérêts, les besoins et les styles d’apprentissage des apprenants. Cette approche favorise donc une

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pratique pédagogique plus rationnelle et plus efficace, ce qui permet de mieux répondre aux attentes, aux besoins et aux motivations des apprenants, au souci d’efficacité des enseignants, aux objectifs des systèmes éducatifs et aux intérêts des sociétés pleinement engagées dans le processus de mondialisation en cours.

L’évaluation des besoins des apprenants en milieu scolaire reste cependant difficile à établir, étant donné que les principaux intéressés sont souvent incapables de les exprimer clairement. Il revient donc au didacticien d’établir une liste de ces besoins plus ou moins généraux pour le milieu scolaire, de peur qu’on n’en arrive à supprimer l’étude des langues étrangères à l’école jusqu’à l’âge où l’apprenant sera en mesure de communiquer personnellement ses besoins linguistiques. De même, ces besoins ne peuvent être définis une fois pour toutes en début d’apprentissage puisqu’ils évoluent au cours même du processus

d’apprentissage.

La notion de besoin langagier est controversée et certains, comme Coste (1998), pensent qu’elle n’aurait pas d’existence réelle. En effet, il n’y aurait que des besoins d’être et de se réaliser à travers le langage ou même des besoins de survivre dans le cas des migrants.

Seuls des spécialistes du langage, comme les poètes et les écrivains, auraient d’authentiques besoins langagiers, dans la mesure où ils utilisent la langue pour elle-même. De même, si l’on suit Besse (1980), l’approche fonctionnelle se préoccuperait trop des besoins de l’apprenant et insuffisamment de ce qu’il appelle « ses potentialités d’apprentissage », c’est-à-dire ses propres stratégies d’apprentissage et les « savoir-apprendre » qu’il a déjà assimilés dans sa culture première.

Pour les méthodologues, les étudiants qui ont besoin d’apprendre le français pour des raisons professionnelles seraient motivés par une approche fonctionnelle, contrairement aux apprenants en milieu scolaire qui apprennent une langue étrangère par obligation. Dans l’approche communicative, les quatre compétences (comprendre, parler, lire et écrire) peuvent être développées puisque tout dépend des besoins langagiers des apprenants. La langue est conçue comme un instrument de communication ou d’interaction sociale. Les aspects linguistiques (sons, structures, lexique, etc.) constituent la compétence grammaticale qui n’est qu’une des composantes d’une compétence plus globale : la compétence de communication. Cette dernière prend en compte les dimensions linguistique et extralinguistique qui constituent un savoir-faire à la fois verbal et non verbal, la connaissance pratique du code et des règles psychologiques, sociologiques et culturelles qui permettront son emploi approprié en situation. Elle s’acquiert en même temps que la compétence linguistique. Il ne suffirait donc pas de connaître les règles grammaticales de la langue étrangère pour communiquer, il faudrait en plus connaître les règles d’emploi de cette langue (quelles formes linguistiques employer dans telle ou telle situation, avec telle ou telle personne, etc.). L’objectif est d’arriver à une communication efficace.

Les tenants de l’approche communicative considèrent qu’une communication efficace implique une adaptation des formes linguistiques à la situation de communication (statut de l’interlocuteur, âge, rang social, lieu physique, etc.) et à l’intention de communication (ou fonction langagière : demander d’identifier un objet, demander une permission, donner des ordres, etc.).

De plus, le sens communiqué n’est pas toujours totalement identique au message que le locuteur veut transmettre, car le sens est le produit de l’interaction sociale, de la négociation entre deux interlocuteurs. En effet, lorsque l’on produit un énoncé, rien ne garantit qu’il soit correctement interprété par notre interlocuteur.

Selon l’approche communicative, apprendre une langue ne consiste pas, comme le croyaient les béhavioristes et la méthode audio-orale, à créer des habitudes, des réflexes. Pour les psychologues cognitivistes, l’apprentissage est un processus beaucoup plus créateur, plus soumis à des influences internes qu’externes. C’est pourquoi les exercices structuraux sont critiqués car ils provoquent une certaine lassitude chez les apprenants et l’enseignant. On leur reproche d’être purement mécaniques et de ne faire référence à aucune situation concrète.

Alors que, selon l’approche communicative, les constructions ne devraient jamais fonctionner en dehors des énoncés naturels de communication.

L’apprentissage n’est plus considéré comme passif, recevant des stimuli externes, mais comme un processus actif qui se déroule à l’intérieur de l’individu et qui est susceptible d’être influencé par cet individu. Le résultat dépend du type d’informations présentées à l’apprenant et de la manière dont ce dernier traite ces informations. L’enseignant devient ainsi « un conseiller ». Il recourt à des documents appelés « authentiques », c’est-à-dire non conçus exclusivement pour une classe de langue étrangère.

L’approche communicative présente, au moins pour la compréhension orale, diverses formes linguistiques destinées à transmettre un même message. On prend en compte le niveau du discours et on distingue entre cohésion (les relations existant entre deux énoncés) et cohérence (les relations établies entre des énoncés et la situation extralinguistique). On utilise en classe de préférence la langue étrangère, mais il est possible d’utiliser la langue maternelle et la traduction.

Selon Coste (1998), l’acte de parole dans l’approche communicative reste un outil d’analyse encore trop statique et qui manque de réalité psychologique. Les listes de structures morphosyntaxiques et de mots ont, certes, fait place aux listes d’actes de parole et de notions mais sans dépasser le stade de la description-inventaire. Coste (1998) critique le fonctionnalisme pur et dur qui vise un public idéal et des enseignants surdoués, évoluant dans des situations d’enseignement-apprentissage débarrassées des contraintes matérielles et en dehors des programmes scolaires classiques. Il estime que les apprenants en milieu scolaire ne sont pas en mesure d’assumer leur éducation et que les enseignants sont insuffisamment formés pour appliquer correctement cette méthode.

Cependant, l’approche fonctionnelle a le mérite de montrer qu’il n’est pas nécessaire de disposer d’un bon cours pour réaliser un bon enseignement, que l’apprenant devrait être placé au premier plan, que l’écrit devrait récupérer son statut et qu’il n’est pas nécessaire de suivre un cours général de langue pour atteindre un objectif spécifique.

Selon l’approche communicative, la langue est un instrument de communication et surtout d’interaction sociale. Des exercices de communication réelle ou simulée beaucoup plus interactifs que les précédents sont proposés. Ainsi, l’apprenant doit connaître les règles d’emploi de la langue étrangère. Des activités nombreuses et variées peuvent être réalisées,

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favorisant l’expression libre. L’erreur est alors inévitable. Les besoins de l'apprenant sont pris en considération en fonction de ses objectifs. La langue est vue avant tout comme un instrument d'interaction sociale. Les tenants de l'approche communicative se basent sur la psychologie cognitive marquée par la linguistique chomskyenne et l'apprentissage d'une langue seconde est considéré comme un processus beaucoup plus créateur et davantage soumis à des mécanismes internes qu'à des influences externes.

L’apprentissage centré sur l’apprenant est favorisé par le travail en groupe : l’élève a un rôle actif et est amené à prendre des initiatives dans les interactions entre les membres du groupe. L’enseignant devient ainsi un conseiller, un facilitateur ou un médiateur de la communication. Il suggère les activités de communication et fait en sorte que les apprenants communiquent entre eux parce qu’on enseigne en priorité l’oral et que le passage à l’écrit se fait rapidement.

Le matériel pédagogique est flexible et adaptable aux différents publics (matériel complémentaire sur des supports divers: livres, cassettes audio et vidéo, CD-ROMs, etc.). Les exercices proposés mettent l’accent sur la créativité et l’initiative de l’apprenant plutôt que sur la répétition et l’imitation. Il s’agit donc d’exercices de communication réelle ou simulée bien plus interactifs qu’avant. Mais cette approche a posé des problèmes aux enseignants dans la mesure où elle demande des compétences très variées : une analyse des besoins, un choix et une adaptation des documents authentiques ainsi qu’une création des activités de communication. En outre, la reconnaissance des variétés sociales des formes linguistiques est difficile pour l’enseignant non-natif. Nous pouvons rapporter comme manuel le Sans Frontières en 1983, qui a ensuite été renouvelé par le Nouveau Sans Frontières (NSF) I en 1988. Par contre, le manuel Café Crème I, édité en 1996/1997, constitue un ensemble de documents regroupant un livre d’élève, un cahier d’exercices, un guide pédagogique et deux cassettes audio.

La méthode ou plutôt l’approche communicative est utilisée en contexte institutionnel.

L’unité d’analyse est l’acte de parole et les fonctions du langage alors que l’acquisition d’une compétence de communication est constamment sollicitée. La progression de l’enseignement se fait en fonction du public (et non plus en fonction de la matière à enseigner). La priorité est accordée à ce qui est supposé correspondre aux besoins des apprenants en langue étrangère et l’approche communicative propose l’analyse de ces besoins langagiers.

Depuis son émergence dans les années septante jusqu’à nos jours, l’approche communicative a témoigné d’une « forte diversification des théories des références » (Puren, 1994, p. 34), ce qui a contribué à une « hétérogénéité » et une « incohérence » théoriques.

Calliabetsou (1995) constate une « polyphonie » méthodologique sous-jacente à la conception des manuels qui se déclarent dans la lignée de cette approche, « voire un large éventail d’options empruntées à toutes les méthodologies anté-communicatives » (p. 303).