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B : Les pouvoirs du Conseil de sécurité dans le contrôle des situations mettant en péril la paix et la sécurité internationales

Dans son rôle de premier chef compétent pour assurer la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité, lorsqu’il constate l’existence d’une situation pouvant mettre en péril cette paix, invite toujours les parties au différend, à régler leur conflit initialement par des moyens pacifiques. Mais, dans des cas plus graves, il peut être amené à imposer des sanctions, voire à autoriser l’emploi de la force pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. Et c’est de cette manière qu’il manifeste ses pouvoirs de garant de la paix et la sécurité internationales.

En effet, comme tout organe agissant au nom d’une collectivité, le Conseil de sécurité ne peut exercer sa fonction que dans le cadre des compétences qui lui sont conférées355 par la

Charte. Ainsi, l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’activation du Chapitre VII réservé au Conseil de sécurité reste incontestable et incontesté356. Assurément, la première possibilité de

354 Pour le détail de ses organes, cf. [En ligne], http://www.un.org/fr/sc/subsidiary/, page consultée le 25 aout 2016.

355 La littérature sur les pouvoirs du Conseil de sécurité est abondante. On peut consulter notamment les Commentaires de la Charte aux articles 39 et suivants, ainsi que l’ouvrage publié par la Société française pour le droit international, Le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, Colloque de Rennes, Paris, A. Pedone, 1995. 356 « Il n’est contesté par personne que le Conseil de sécurité jouit, quant au fait même de qualifier une situation conformément à l’art. 39, d’un pouvoir discrétionnaire. Il n’a pas l’obligation de constater quoi que ce soit, tout manifestement attentatoire à la paix que puisse être la situation considérée », « réserve faite des contraintes politiques s’exprimant au sein du Conseil lors des discussions et du vote entourant l’adoption d’un projet de résolution, il n’est donc aucune limite intrinsèque à la qualification effectuée par le Conseil en vertu de l’art. 39 de la Charte. Celui-ci jouit, sur ce point, d’une discrétion totale », Pierre D’ARGENT, Jean D’ASPREMONT

mise en œuvre des pouvoirs coercitifs du Conseil de sécurité réside dans l’utilisation de l’article 39 de la Charte. Conformément à cet article, le Conseil de sécurité a le pouvoir de qualifier une situation et de mettre en place la procédure à suivre. Ainsi, le Conseil de sécurité lorsqu’il constate l’existence de situations pouvant mettre en péril la paix et la sécurité internationales, selon les dispositions de la Charte, il a la possibilité soit de faire des recommandations aux États, soit de mettre en œuvre les articles suivants du Chapitre VII.

Très concrètement, en premier lieu, le Conseil constate l’existence d’une situation et la qualifie. Que ce soit dans le fait ou la manière de procéder à cette constatation, il faut noter avant tout que le Conseil de sécurité « devra faire entrer la situation sous l’un des qualificatifs prévus à

l’article 39 de la Charte pour prétendre ensuite agir »357. Il s’agit des qualificatifs358 de « menace contre la paix », « rupture de la paix » ou d’« acte d’agression ». De ces trois notions, la Charte ne donne aucune

définition précise, mais l’on peut voir dans l’énumération de celles-ci une idée de gradation. À l’évidence, l’imprécision de ces trois notions accroit le pouvoir discrétionnaire de qualification du Conseil de sécurité. Pour le Professeur Jean COMBACAU, il ne « constate » pas ces situations, mais « décide » de leur existence359 dans la mesure où il choisit la qualification la plus opportune,

celle qui lui laisse une plus grande marge de manœuvre et qui par la même occasion porte le moins atteinte à son autonomie décisionnelle. C’est ainsi que le Conseil de sécurité n’a pas tardé

LYDEN, Frédéric DOPAGNE, Raphael. VAN STEENBERGHE, « Commentaire de l’article 39 », in La

Charte des Nations Unies, op. cit., p. 1140 et 1142 ; Mais voir également M Michael BOTHE, « Les limites des pouvoirs du Conseil de sécurité », in Colloque de La Haye, 1992, Nijhofff, Dordrecht, 1993, pp. 67-81 : pour lui il serait juridiquement plus juste de reconnaître au Conseil de sécurité non pas un pouvoir discrétionnaire, mais plutôt une « marge d’appréciation » en ce qui concerne les situations visées à l’art. 39.

357 Jean-Marc SOREL, « L’élargissement de la notion de menace contre la paix », in Le Chapitre VII de la Charte des

Nations Unies, Colloques SFDI de Rennes, Paris, Pedone, 1995, p. 3-57, p. 41-42.

358 Aux termes de l’article 39 de la Charte des Nations unies : « Le Conseil de sécurité constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression et le fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».

359 Jean COMBACAU, « Le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies : résurrection ou métamorphose ? », in Rafâa BEN ACHOUR et Slim LAGHMANI (dir.), Les nouveaux aspects du droit international, Rencontres internationales de la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, Colloque des 14, 15 et 16 avril 1994, Paris, Pedone, 1994, p. 145 : « Le texte de l’art. 39 est trompeur, au moins dans sa version française ; en posant que le Conseil “constate” l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’agression, il parait donner à ces situations le statut de “choses”, d’êtres réels ; ce ne sont en réalité que des êtres nominaux, des noms de chose, dénominations que leur attribuent des sujets animés de volontés et d’arrières pensées[…] ».

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à marquer sa préférence pour la notion de « menace contre la paix », au détriment de celle de « rupture de la paix » et presque dans l’ignorance totale de celle d’« acte d’agression ».

Malgré l’invitation de l’Assemblée générale à travers sa résolution 3314360, lancée à l’attention

du Conseil de sécurité de tenir compte de la définition de l’agression, selon qu’il conviendrait, en tant que guide pour déterminer, conformément à la Charte, l’existence d’un acte d’agression361, le Conseil s’est toujours refusé à faire usage de la notion d’acte d’agression. Ainsi,

en raison de sa flexibilité et de sa malléabilité, l’expression « menace contre la paix » est celle qui a, toutes les faveurs de l’organe socle des Nations Unies. Cette notion est pour le Conseil « la porte

d’entrée la plus accessible et la moins contraignante »362 puisqu’elle suppose tout simplement l’existence

d’un danger actuel et opère même sans qu’il soit besoin que la paix soit effectivement rompue. Finalement, c’est une question de commodité et de bon sens qui commande le choix du Conseil de sécurité. Et, il ne fait plus de doute que cette qualification de la situation fait l’objet d’une pratique particulièrement abondante363, car le Conseil de sécurité se réfère parfois à une menace

potentielle contre la paix, alors qu’il estime qu’il doit qualifier de « menace à la paix internationale » des situations qui, en réalité ne constituent pas une telle menace, mais peuvent être considérées comme des perturbations de l’ordre international364.

Ensuite, après la qualification de la situation, le Conseil de sécurité conformément aux dispositions de l’article 40 de la Charte, prend des mesures provisoires allant de la recommandation à la décision afin de retrouver l’état d’avant la situation de crise. Entre autres, le Conseil de sécurité peut ordonner dans des résolutions365 à un État, le comportement à

adopter. Il peut ainsi aux termes de l’article 41 de la Charte prendre des mesures coercitives non militaires366 à titre de sanctions contre un autre État Membre. Ces mesures de contrainte

communément appelées des sanctions ne sont pas pour autant considérées comme des peines

360 AG/RES/3314, (XXIX) du 14 décembre 1974, article 4.

361 AG/RES/3314, (XXIX), ibid., [En ligne], http://legal.un.org/avl/pdf/ha/da/da_ph_f.pdf, arrêt consulté le 15 mai 2017.

362 Robert KOLB, Le droit relatif au maintien de la paix, évolutions historiques, valeurs fondatrices et tendances actuelles, Cours et travaux, n°4, Paris, Pedone, 2005, p. 65.

363 Voir notamment Philippe WECKEL, « Le Chapitre VII de la Charte et son application par le Conseil de sécurité », AFDI, 1991, p. 165 ; Jean -Marc SOREL, « L’élargissement de la notion de menace contre la paix », dans l’ouvrage de la SFDI, op. cit., p. 3 ; Christian DOMINICE, « Le Conseil de sécurité et l’accès aux pouvoirs qu’il reçoit du Chapitre VII de la Charte », RSDIE, 1995, p. 417.

364 Nous nous référons ici au cas où le Conseil de sécurité prend des mesures à l’égard d’une situation essentiellement interne (Afrique du Sud, Rhodésie, Haïti, Somalie, Yougoslavie puis Bosnie).

365 On peut noter à ce propos que la base de ces injonctions n’est pas nécessairement le Chapitre VII. 366 L’une des illustrations les plus caractéristiques est la résolution 661 (1990) prise contre l’Iraq.

au sens pénal. En effet, en l’espèce, ces sanctions ont pour but de faire pression sur l’État en faute pour qu’il mette un terme à ses comportements inadmissibles.

D’ailleurs, l’article 41 fournit une liste non exhaustive de mesures susceptibles d’être adoptées par le Conseil. Il s’agit entre autres de « l’interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques ». Cependant, même si la mesure la plus fréquemment prise, reste l’embargo économique, cette liste peut, en fonction des besoins être complétée par le Conseil de sécurité qui ne s’est pas privé de cette possibilité.

Il faut aussi relever que le Conseil de sécurité a le pouvoir d’imposer aux Membres des mesures provisoires selon l’article 40, ou encore de leur enjoindre de respecter leurs obligations internationales, qu’elles résultent de la Charte ou d’autres instruments367. Pour ce faire, il ne lui

est même pas indispensable de se placer sur le terrain du Chapitre VII puisque l’article 25368 lui

donne déjà cette possibilité, dès lors qu’aucune obligation nouvelle n’est créée. Bien sûr, le recours à ce Chapitre ne devient nécessaire que si l’injonction doit être assortie de sanctions.

Enfin en dernier ressort, l’article 42 de la Charte donne la possibilité au Conseil de sécurité de prendre des mesures coercitives de type militaire. De ce fait, le Conseil de sécurité peut exercer ses pouvoirs institués par le Chapitre VII de la Charte en accordant à certains États l’autorisation d’user de toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. En effet, cette pratique doit être conforme à la Charte, car l’esprit du Chapitre VII suppose que la force légitime, sous l’autorité du Conseil de sécurité, soit opposée à la force illégitime, de sorte que, le système de l’autorisation soit acceptable369.

Toutefois, force est de reconnaitre que le passage à l’article 42 n’est en aucune façon dépendant du passage préalable par l’article 41. Autrement dit, aux termes de l’article 42 de la Charte, les mesures militaires peuvent être prises « [s]i le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l’article 41 seraient inadéquates ou qu’elles se sont révélées telles ». Le Conseil de sécurité reste donc seul maître à juger de l’utilisation de l’article 42 plutôt que de l’article 41.

367 Par exemple, le Cs a exigé de l’Iraq qu’il respecte les Conventions de Genève, dans la résolution 666 (1990). 368 Aux termes de l’article 25 de la Charte: Les Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions

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Paragraphe II : De la possibilité pour le Conseil de sécurité d’autoriser le

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