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La « guerre du Golfe », une opération militaire controversée

Paragraphe II : Les conditions de validité de l’autorisation de recourir à la force

C HAPITRE II : L’« AUTORISATION IMPLICITE » FONDEE SUR UNE

A. La « guerre du Golfe », une opération militaire controversée

Le concept de la « guerre du Golfe » désigne en principe trois séries de conflits militaires dont les théâtres d’opérations se sont déroulés à proximité ou dans la région du golfe Persique à partir des années 1980. Le premier conflit désignant la « guerre Iran-Iraq » a eu lieu de 1980 à 1988. Le second conflit appelé « la guerre du Koweït » est celui qui opposa l’Iraq à une coalition d’États soutenue par l’ONU entre les années 1990 et 1991. Et enfin, une troisième série connue sous le nom de la « guerre d’Iraq » et qui fut menée à partir de 2003 jusqu’en 2011 par les États- Unis, le Royaume-Uni et d’autres pays coalisés contre l’Iraq. Mais pour bien d’auteurs524 et dans

certains documents, la « guerre du Koweït » comme nous aurons à le désigner dans notre exposé est considérée comme la « guerre du Golfe ».

En effet, étant donné que le modèle initialement prévu par la Charte en ce qui concerne le recours à la force du Conseil de sécurité n’a pu voir le jour, c’est de bon gré qu’une partie de la

523 Rés. S/678 (1990), 29 novembre 1990 ; Adoptée par 12 voix contre 2 (Cuba, Yémen) et une abstention (Chine). 524 Pour la distinction, cf. Sélim EL SAYEGH, La crise du Golfe. De l’interdiction à l’autorisation du recours à la force,

doctrine a accueillie comme une véritable révolution, le palliatif de l’habilitation du recours à la force du Conseil de sécurité par le biais de la formule d’user de tous les moyens nécessaires.

Cependant, pour autre partie de la doctrine, cette formule n’invite en rien des États à recourir à la force. Aussi, la validité de la résolution 678 doit-elle être remise en cause au regard de la Charte et ceci pour diverses raisons. Pour cette partie de la doctrine, d’abord, contrairement à ce qui est prévu par l’article 27 de la Charte, la résolution 678 a été adoptée avec l’abstention d’un des Membres permanents de l’Organisation, à savoir la Chine. Ensuite, les opérations militaires qui ont été menées ne répondaient pas aux conditions posées à l’article 42 de la Charte, c'est-à-dire à une action directe du Conseil de sécurité. De ce fait, le Conseil de sécurité n’a pu contrôler ces opérations qui ont eu une ampleur dépassant les termes de l’autorisation donnée. Et enfin, plus secondairement, il a été observé que le Conseil de sécurité dans la « guerre du Golfe » a montré un empressement tout à fait particulier qui contraste avec sa passivité habituelle à l’égard de situations comparables.

Aussi, lors des débats concernant la question de la situation entre l’Iraq et le Koweït525, s’étant

longuement exprimé en critiquant la résolution 678 (1990), qui est la base de l’action militaire de la coalition puisqu’elle autorisait de manière implicite le recours à la force contre l’Iraq526, le

représentant de l’Iraq a estimé que la résolution 678 (1990) était contraire à la Charte des Nations Unies parce qu’elle est allée au-delà de ses termes et qu’elle ne correspondait pas aux modalités d’action militaire prévues par l’article 42 de la Charte. Pour appuyer sa thèse, il démontrait que la conduite des opérations avait en fait dépassé les objectifs prévus par la résolution, en raison de l’ampleur des pertes et des dommages subis par l’Iraq. Par conséquent, dans l’optique que le Conseil de sécurité puisse reprendre son rôle de gardien de la paix et de la sécurité internationales, il préconisait l’adoption d’une autre résolution.

Pendant la « guerre du Golfe », avec la résolution 678 (1990), il a été constaté que les Nations Unies n’ont pas eu de contrôle sur les opérations militaires menées sous commandement américain. Ce qui a conduit à l’adoption du plus long et du plus complexe des textes jamais

525 Cf. Questions concernant la situation entre l’Iraq et le Koweït Débats initiaux, A. La situation entre l’Iraq et le Koweït Décision du 2 août 1990 (2932e séance) : résolution 660 (1990), [En ligne], http://www.un.org/french/docs/cs/repertoire/89-

92/CHAPTER%208/MIDDLE%20EAST/item%2022_Iraq-Kuwait_.pdf, page consultée le 12 avril 2016. 526 Cette résolution, volontairement formulée de façon elliptique « autorise les États membres coopérant avec le

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adoptés par le Conseil de sécurité à l’époque : la résolution 678 (1991). Cette nouvelle résolution était destinée à mettre fin officiellement au conflit et à énoncer les conditions du rétablissement de la paix à plus long terme.

Par ailleurs, pour d’autres auteurs encore, la « guerre du Golfe » est une guerre qui ne rentre pas dans la catégorie des guerres classiques qui devraient faire déclencher la mise en œuvre du Chapitre VII de la Charte. Elle constitue un exemple de légitime défense collective qui a été couverte par le Conseil de sécurité. Et à ce propos, Habib SLIM faisait observer que certains juristes pointilleux considèrent que la résolution 678 n’est pas conforme au Chapitre VII de la Charte, parce qu’elle se contente de « sous-traiter » l’usage de la force armée à la coalition formée par les Américains527. Pour lui, l’intervention de la Coalition en Iraq en 1990 a du mal à trouver

une conformité au droit international pour deux raisons : d’abord, parce que si la Charte permet au Conseil de sécurité d’intervenir lui-même, sous la bannière des Nations Unies et dans des conditions bien définies dans les articles 42 et suivants, elle ne permet cependant pas au Conseil de sécurité d’autoriser les États à intervenir528 ; et ensuite, parce que la résolution 678 n’autorise

pas explicitement et clairement les forces de la coalition à faire la guerre à l’Iraq.

En effet, le texte de la résolution 678 ne comporte aucune mention du « recours à la force ». C’est un texte assez flou qui a donc fait l’objet de plusieurs lectures en ce sens que, « le Conseil de sécurité dit explicitement qu’il agit en application du Chapitre VII, mais il n’a mentionné explicitement aucune disposition de la Charte »529. En plus, comme l’avait affirmé le Secrétaire

général de l’époque, Javier PEREZ De CUELLAR, la « guerre du Golfe » n’a pas été « une guerre des Nations Unies »530.

527 Habib SLIM, « La Charte et la sécurité collective : De San Francisco à Bagdad », dans Les métamorphoses de la

sécurité collective, Droit, pratique et enjeux stratégiques, Journée franco-tunisienne, SFDI, Paris, Pedone, p.23.

528 Selim El SAYEGH, La crise du Golfe, de l’interdiction à l’autorisation de recours à la force, LGDJ, 1993 ; Habib SLIM, « La Charte et la sécurité collective : De San Francisco à Bagdad », op. cit p.24.

529 Habib SLIM, « La Charte et la sécurité collective : De San Francisco à Bagdad », op. cit p.24 ; affirmation de Ralph ZACKLIN, Secrétaire général adjoint des Nations Unies au Colloque des 7 et 8 juin 1991, organisé par le Centre de Droit International de Nanterre (CEDIN) Paris X-Nanterre, « Les Nations Unies et la crise du Golfe », in Brigitte STERN (dir), Aspects juridiques de la crise et de la guerre du Golfe, Montchrestien, 1991, p.68. 530 En effet, à la question de savoir si la « guerre de Golfe » est un échec pour les Nations, M. Perez de CUELLAR,

répondait ceci : « Nuance. Les hostilités ont été autorisées par le Conseil de sécurité. Ce n'est pas une guerre des Nations unies. Il n'y a pas de "Casques bleus" ni le drapeau de l'ONU, et je suis seulement informé du déroulement de la guerre par les rapports des alliés. On ne peut pas dire que les Nations unies soient responsables de cette guerre. Cela dit, c'est une guerre légale dans le sens où elle a été autorisée par le Conseil

Pourtant, la résolution 678 a ouvert la voie à une pratique du Conseil de sécurité de pouvoir autoriser des États à recourir à la force en son nom. Ainsi, le Conseil de sécurité devient l’instrument des États, en même temps que les États sont l’instrument du Conseil. Au bout du compte on ne sait plus qui utilise qui531. En même temps que les États Membres utilisent le

Conseil de sécurité, ce dernier fait de même avec eux en les mettant à son service. Et ceci est bien conforme à la Charte qui ne désigne cependant pas les Membres qui doivent faire partie d’une quelconque coalition. Ces Membres, généralement individuellement désignés, restent singulièrement responsables de l’action du Conseil de sécurité.

En résumé, il faut retenir que même si la formule de l’autorisation de « prendre toutes les mesures nécessaires » n’a pas fait l’objet d’une réglementation explicite, l’on ne peut contester la licéité d’une intervention militaire autorisée par le Conseil de sécurité sur cette base. Autrement dit, une intervention militaire reste licite si elle a été autorisée dans les normes par le Conseil de sécurité. Ce qui nous amène dans le cas d’espèce à reconnaitre la licéité de la « guerre du Golfe », comme le relevait Javier PEREZ De CUELLAR, lors de son entretien : la « guerre du Golfe » est légale dans le sens où elle a été autorisée par le Conseil de sécurité532.

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