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B : Une confirmation consacrée dans la jurisprudence et par la doctrine

L’interdiction du recours à la force dans les relations internationales relève sans aucun doute du jus cogens. Par conséquent,198 elle a été confirmée et précisée par la doctrine et la jurisprudence,

ci-après Cour internationale de Justice (CIJ). En effet, le non-recours à la force dans les relations internationales est une règle conventionnelle inscrite non seulement dans la Charte des Nations Unies, mais aussi dans plusieurs traités (régionaux comme internationaux). Et le débat sur son existence a montré qu’il y a deux approches doctrinales principales en la matière. Il s’agit d’une part d’une approche extensive assez souple qui semble être ouverte à la reconnaissance de nouvelles exceptions au principe et d’autre part de l’approche restrictive qui, quant à elle, reste très stricte. L’essentiel de notre travail étant fondé sur l’approche extensive199, nous allons par

196 A/RES/3314 (XXIX), 14 décembre 1974.

197 Cf. l’Annexe de la Résolution 37/10 de l’AGNU : Déclaration de Manille sur le Règlement pacifique des différends

internationaux, du 15 novembre 1982 en son paragraphe 2, [En ligne], https://documents-dds ny.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NR0/427/42/IMG/NR042742.pdf?OpenElement, consulté la 16 aout 2018.

198 Olivier CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit. p. 341.

199 Comme l’a fait remarquer Olivier CORTEN dans son ouvrage Le droit contre la guerre, 2ème éd, à la page 10, rester

objectif serait un leurre dans la mesure où dans le compte de notre thèse nous avons choisi de défendre l’existence

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conséquent dans cette partie de l’exposé nous en tenir à l’approche restrictive du principe ; une approche soutenue par Olivier CORTEN et qui vient conforter la règle de la prohibition de l’emploi de la force dans les relations internationales.

Comme susmentionné concernant la doctrine, force est de constater que la plupart des auteurs ne s’en tiennent qu’au seul texte de la règle de prohibition du recours à la force. Ces auteurs recommandent de prendre pour point de référence les textes conventionnels pertinents, particulièrement ceux des articles 2 § 4 et 51 de la Charte des Nations Unies. Ainsi, en qualifiant de règle de droit impératif200 l’interdiction du recours à la force, Christine GRAY ne faisait que

confirmer une règle juridique internationale déjà existante ; sachant que le caractère impératif fait référence à une règle de droit à laquelle l’on ne peut déroger comme il est disposé à l’article 53 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités en ces termes : « … une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et reconnue par la Communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère ».

Par ailleurs, Joe VERHOEVEN soutenait en ce qui concerne l’interdiction du recours à la force qu’elle « [...] revêt un caractère d’ordre public, ce qui entache de nullité toute convention qui la méconnaîtrait [...] et [...] sa violation est constitutive d’un crime international »201. Plus

encore, il faudrait mentionner que le principe du non – recours à la force a constitué « une véritable mutation du droit international, un changement qu’il n’est pas excessif de qualifier de révolutionnaire [...] »202.

en ce XXIe d’une reconnaissance de la théorie dite de l’« autorisation implicite ». Ainsi, comme il sera constaté tout au long de notre travail, nous nous sommes placés dans le cadre d’une approche extensive de l’interprétation de la règle de l’interdiction du recours à la force.

200 Christine GRAY, International Law and the Use of Force, 3nd éd., Oxford, O.U.P, 2008, p. 30 ; cité par Olivier CORTEN, Le Droit contre la guerre, op cit p. 349.

201 Joe VERHOEVEN, Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 671. Voir aussi Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Droit international public, Paris, L.G.D.J, 7e éd., 2002, p. 967, par. 576.

202 Michel VIRALLY, « Article 2 paragraphe 4 », dans Jean-Pierre COT et Alain PELLET, La Charte des Nations

Unies, Commentaire article par article, 2e éd., op. cit. p. 115.

En effet, force est de constater que, non seulement les États et la doctrine ont confirmé le principe de l'interdiction du recours à la force, mais aussi la jurisprudence a reconnu à l’article 2 § 4 un caractère fondamental, traduit parfois en qualité normative distincte203.

Concernant ainsi la jurisprudence, il faut noter qu’elle a également joué un rôle important dans la consécration du principe du non-recours à la force dans les relations internationales. Organe judiciaire204 principal de l’ONU comme le dispose l’article premier de son statut, la CIJ

a deux fonctions principales : la première est dite juridictionnelle205 et la seconde, consultative206.

Du fait de ses fonctions, la CIJ peut être consultée pour émettre des Avis d’une part et d’autre part pour trancher des litiges. Cependant, ouvert uniquement aux États207, l’Avis consultatif de

la CIJ reste en général dépourvu de force obligatoire. Toutefois, la décision qu’elle rend peut devenir obligatoire208, définitive et sans recours209, seulement pour les parties au litige210.

Revenant ainsi concrètement à la consécration du principe de non-recours à la force, l’on retient que ce principe a été consolidé par des décisions rendues par la CIJ, dont l’arrêt de principe reste celui de l’Avis sur les Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci

(fond, arrêt CIJ Recueil 1986, p. 14)211. De même, il faut noter qu’il y a eu deux arrêts rendus sur le

sujet. Le premier arrêt du 26 novembre 1984 aux termes duquel la Cour avait dû se prononcer

203 Prosper WEIL, Vers une normativité relative en droit international ?, Paris, R.G.D.I.P, tome 86-1,1982-1, pp.5-47. 204 Cf. l’Article 92 de la Charte des Nations Unies : La Cour internationale de Justice constitue l’organe judiciaire principal

des Nations Unies. Elle fonctionne conformément à un Statut établi sur la base du Statut de la Cour permanente de justice internationale et annexé à la présente Charte dont il fait partie intégrante.

205 Ou encore contentieuse parce qu’elle a la possibilité de trancher les différends d’ordre juridique entre les États membres de l'ONU.

206 Parce qu’elle donne des Avis sur les questions juridiques que peuvent lui poser les organes et les institutions spécialisées de l’Organisation des Nations Unies autorisés à le faire.

207 Seuls les États ont qualité pour agir dans le cadre de la compétence contentieuse. La CIJ n’est compétente que lorsque les parties se soumettent à sa juridiction. La compétence contentieuse de la CIJ est limitée aux États. La Cour se réfère ainsi aux Conventions internationales, mais aussi à la coutume internationale, aux principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées et parfois même à l’équité. C’est donc une véritable juridiction, qui tranche un litige par application de la règle de droit. Mais, en réalité, la Cour est souvent appelée à se prononcer sur des litiges à caractère fortement politique, ce qui ne va pas sans nuire à son efficacité. Mais dans le cadre de la compétence consultative de celle-ci, l’Assemblée et le Conseil de sécurité peuvent lui adresser des questions.

208 Cf. l’article 59 du Statut de la CIJ. 209 Cf. l’article 60 du Statut de la CIJ.

210 On parle d’autorité relative de la chose jugée conformément à l’article 59 du Statut de la CIJ.

211 Pour l’avis complet, voir [En ligne], http://www.icj-cij.org/docket/files/70/6502.pdf, consulté en mai 2013.

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sur sa compétence et la recevabilité de la requête — le gouvernement des États-Unis avait invoqué une série de raisons pour tenter d’échapper à la justice internationale — et le second arrêt du 27 juin 1986 (celui qui nous intéresse) qui était consacré au fond de l’affaire.

Effectivement, à propos de l’Avis sur les Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre

celui-ci (sur le fond), la Cour avait décidé que le principe énoncé dans l’article 2 § 4 est un principe

affirmé dans la coutume internationale ainsi que dans la pratique étatique212. D’ailleurs, il faut

noter que cet Avis a été le premier Avis consultatif de la CIJ à consacrer pleinement une reconnaissance du principe de non-recours à la force. Dans cette affaire, s’agissant de la « Déclaration sur le non-recours à la force »213, la CIJ avait reconnu que le principe de

l’interdiction du recours à la force existait en tant que coutume internationale. Et c’était la première fois que le principe d’interdiction du non-recours à la force dans les relations internationales recevait un acquis de ce genre de la part d’un juge international. Assurément, ce principe trouvait son fondement dans l’article 2 § 4 de la Charte. Cependant en l’espèce, la réserve des États-Unis en ce qui concerne les traités internationaux a empêché la Cour de se référer au texte de la Charte pour la confirmation du principe. Ainsi, étant donné cette réserve des États-Unis, la Cour en se référant à la résolution 2625 (xxv) du 24 octobre 1970 adoptée par l’Assemblée générale, va considérer que les États-Unis et le Nicaragua sont d’avis pour estimer que le principe de non-emploi de la force fait partie du droit international coutumier et qu’il est une norme de jus cogens. Sur ce, elle énonçait le caractère illicite de l’emploi ou de la menace de l’emploi de la force.

212 Cf. l’Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, arrêt de la CIJ Rec. 1986, à la page 90, par. 189-190.

213 Ibid. p. 14, le paragraphe 15 ennonce que Dans la procédure écrite, les conclusions ci-après ont été présentées au nom du

Gouvernement du Nicaragua : dans la requête : « le Nicaragua, tout en se réservant le droit de compléter ou de

modifier la présente requête et sous réserve de la présentation a la Cour des preuves et arguments juridiques pertinents, prie la Cour de dire et juger : … c) Que les Etats-Unis, en violation de leurs obligations en vertu du droit international général et coutumier, ont utilisé et utilisent la force et la menace de la force contre le Nicaragua. » ; Ou encore [En ligne], http://www.sandinovive.org/17b/Fr-JugmntJune27-86.htm, l’Arrêt du 27 juin 1986 dans lequel La Cour, en son point 4), par 12 voix contre 3, Décide « que les Etats-Unis d'Amérique, par certaines attaques effectuées en territoire nicaraguayen en 1983-1984, (…) ainsi que par les actes d'intervention impliquant l'emploi de la force visés au sous-paragraphe 3 ci-dessus, ont, à l'encontre de la République du Nicaragua, violé l'obligation que leur impose le droit international coutumier de ne pas recourir à la force contre un autre Etat; ».

Ensuite, l’on peut également citer l’arrêt rendu dans l’affaire du Détroit de Corfou où la Cour a décidé que le droit d’intervention est une « [...] manifestation d’une politique de force, politique qui, dans le passé, a donné lieu aux abus les plus graves et qui ne saurait, quelles que soient les déficiences présentes de l’organisation internationale, trouver aucune place dans le droit international »214.

Par ailleurs, il faut aussi relever l’Avis consultatif de la CIJ sur la Licéité de la menace ou de l’emploi

d’armes nucléaires215. En effet, en demandant à la Cour de rendre dans les meilleurs délais un avis

sur la question de savoir s’il est « permis en droit international de recourir à la menace ou à l’emploi d’armes nucléaires en toute circonstance ? », l’Assemblée générale des Nations Unies n’a pas soupçonné les questions éminemment difficiles que générerait celle-ci. Ainsi, compte tenu de toutes ces interrogations, qu’a soulevées l’application à l’arme nucléaire du droit relatif à l’emploi de la force, et surtout du droit applicable dans les conflits armés, la Cour a dû examiner un autre aspect de la question posée, dans un contexte plus large. Pour ainsi revenir à la question qui lui a été posée en 1996, la Cour a tenu à souligner que sa réponse à la question qui lui a été posée par

l’Assemblée générale repose sur l’ensemble des motifs qu’elle a exposés… en ses paragraphes 20 à 103, lesquels doivent être lus à la lumière les uns des autres216. Ainsi, elle répond en 2) … de la manière suivante à la

question posée par l’Assemblée générale :

A. A l’unanimité, Ni le droit international coutumier ni le droit international conventionnel n’autorisent spécifiquement la menace ou l’emploi d’armes nucléaires ;

C. À l’unanimité, Est illicite la menace ou l’emploi de la force au moyen d’armes nucléaires qui serait contraire à l’article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies et qui ne satisferait pas à toutes les prescriptions de son article 51 ;

En définitive, sur les questions de l’emploi de la force ou de la menace de l’emploi de la force, il faut ainsi retenir des différents Avis de la CIJ que les États ont, en vertu de l’article 2 § 4 de la Charte des Nations Unies, l’obligation de s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force dans leurs relations internationales contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance

214 Cf. l’Affaire du Détroit de Corfou, 9 avril 1949, CIJ, Rec. 1949, à la page 35.

215 Pour le texte intégral de l’Avis sur la Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996, p. 226, pp.244-245, par. 38, 40 et 41; pour les versions anglaise et française [En ligne], http://www.icj cij.org/docket/files/95/7495.pdf, avis consulté le 1er mai 2017.

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politique de tout État. En effet, le principe énoncé dans l’article 2 § 4 est bien ancré dans la théorie ainsi que dans la pratique étatique. Pour autant, il ne s’agit pas d’une interdiction absolue ; ce qui fait donc sa particularité.

S

ECTION

II :L

A PARTICULARITE DE L

INTERDICTION ENONCEE A L

ARTICLE

2§ 4

DE LA CHARTE

Il ne fait aucun doute que l’un des objectifs poursuivis par les initiateurs de l’Organisation des Nations Unies était de créer une institution capable de préserver les générations futures du fléau de la guerre. Cependant, conscients que la guerre pourrait se déclencher à tout moment, ces initiateurs ont pris soin de permettre l’organisation de l’usage de la force armée, et ce, à travers un système de sécurité collective. Ce qui implique qu’on parle préférablement de régulation de la force armée que son interdiction.

En effet, réguler l’usage de la force dans les relations internationales, revient à réduire non seulement l’usage de la force armée, mais surtout à définir et délimiter les conditions dans lesquelles cet usage serait licite. Et cette réglementation résulterait selon Serge SUR217 de la

combinaison de plusieurs dispositions de la Charte, pour l’essentiel des articles 2 § 3 et 4, et de l’article 51. En revanche, il faut reconnaître que l’article 2 § 4 est celui qui consacre le mieux le caractère prohibitif. En plus, nombreux sont ces auteurs qui considèrent vraiment que l’article 2 § 4 de la Charte constitue une réglementation et non une interdiction catégorique du recours à la force armée, de sorte que les États resteraient libres de recourir à la menace et à l’emploi de la force armée218.

Finalement, à la lecture l’article 2 § 4, nous sommes amenés à dire qu’il présente une certaine ambiguïté. Ainsi, loin de n’exprimer qu’une interdiction absolue, l’article 2 § 4 de la Charte serait assortie d’exceptions, d’où sa particularité. Par conséquent, avant d’analyser la portée de cet article (paragraphe II), il nous a semblé important d’étudier d’abord son domaine d’application ; autrement dit, la nature de l’interdiction consacrée à l’article 2 § 4 de la Charte (paragraphe I).

217 Serge SUR, Les Dynamiques du Droit international, Paris, Pedone, 2012, p. 152.

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