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A : Le Conseil de sécurité comme responsable principal du maintien de la paix et de la sécurité internationales

Composé de quinze (15) Membres337 disposant chacun d’une voix, le Conseil de sécurité créé

par la Charte n’est pas resté en marge de l’évolution du droit international. En effet, la fin de la guerre froide a permis un nouveau consensus politique au sein du Conseil, créant ainsi une

337 L'article 23 de la Charte fixe à quinze (15) le nombre des membres du Conseil de sécurité, dont cinq (5) sont membres permanents. Il s’agit des États-Unis d'Amérique, de la République Populaire de la Chine, de la France, du Royaume-Uni et de la Russie. Les dix autres sont des membres non permanents et élus pour une période de deux ans par l'Assemblée générale en tenant compte notamment d'une répartition géographique équitable. Chaque année, ils sont renouvelés par moitié par un vote à la majorité des deux tiers de l'Assemblée et les membres sortants ne sont pas immédiatement rééligibles. En outre, la résolution 1991 de l'Assemblée générale des Nations Unies (votée le 17 décembre 1963) a fixé la répartition des membres non permanents de la manière suivante : cinq (5) États membres d'Afrique et d'Asie (en général trois d'Afrique et deux d'Asie) ; un (1) État membre d'Europe orientale, deux (2) États membres d'Amérique Latine, deux (2) États membres du groupe des États d'Europe occidental et autre.

« surchauffe » de son système338. Cette situation a été favorable au Conseil de sécurité, qui a estimé

que la création d’un tribunal international pour juger les présumés coupables qui avaient commis des exactions dans les conflits yougoslave339 et rwandais340, allait aider pour le rétablissement du

maintien de la paix341. Ainsi, compte tenu de la nature particulière de la mission que les

participants à la conférence de San Francisco lui ont confiée – le maintien de la paix et la sécurité internationales – il ne fait donc pas de doute que l’efficacité du Conseil de sécurité dépendait avant tout de sa capacité à pouvoir réagir rapidement. Et c’est pour cette raison que les États ont fait le choix de confier342 cette « responsabilité principale » à un organe restreint plutôt qu’à

l’Assemblée générale qui aurait été plus « lente » à réagir face aux situations mettant en péril la stabilité internationale.

Ainsi, faisant l’objet des Chapitres V, VI, VII et VIII de la Charte et agissant conformément aux buts et principes de l’Organisation, le Conseil de sécurité en s’acquittant des devoirs que lui impose sa responsabilité, agit au nom des États Membres de l’ONU à tel enseigne que lorsqu’il – le Conseil de sécurité – se saisit d’une question, les États Membres sont appelés à s’abstenir de toute action contraire ou concurrente. Assurément, de cette possibilité qu’il a d’agir au nom des États, une partie de la doctrine en a déduit que le Conseil de sécurité a bénéficié d’une délégation de pouvoirs, ou encore d’une « souveraineté »343 qu’il ne saurait dépasser sans

commettre un « détournement » ou un « excès de pouvoir »344. Aussi, les tenants de cette thèse

soutiennent que l’article 24 de la Charte attribue au Conseil de sécurité des pouvoirs spécifiques

338 Mondher BEL HADJ ALI, « Radiographie de la sécurité collective », in SFDI, Les métamorphoses de la sécurité

collective, Droit, pratique et enjeux stratégiques, Paris, Pedone, 2005, pp. 33-42.

339 V. la Résolution 827 (25 mai 1993) du Conseil de sécurité pour la création du TPIY. 340 V. la Résolution 955 (08 novembre 1994) du Conseil de sécurité pour la création du TPIR.

341 Pour plus de détails à ce sujet voir Sidy Apha NDIAYE, Le Conseil de sécurité et les juridictions pénales internationales, Thèse en droit public présentée et soutenue publiquement à l’Université d’Orléans le 10 novembre 2011, pp. 69-234.

342 Ce choix est d’ailleurs judicieux dans la mesure où, même si l’on peut craindre que son usage abusif n’aboutisse à la paralysie du système, le droit de veto dont disposent les cinq membres permanents du Conseil de sécurité constitue un véritable gage de l’équilibre, de l’unité et de l’efficacité de cet organe. On sait d’ailleurs que depuis deux décennies déjà, c’est le consensus qui est promu au sein du Conseil à la place de la bataille des pouvoirs. Voir également à ce propos Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit international public, 6e éd., Paris, Montchrestien, 2004, p. 639.

343 Michel VIRALLY, L’Organisation mondiale, Paris, Armand Colin, Collection U, 1972. 344 Rép. CS, 1959-63, ST/PSCA/13, p. 329 et s.

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qu’il est tenu de respecter au nom du principe général de spécialité345 qui encadre les

compétences des organes des organisations internationales.

Dans la continuité de ce qui a été exposé plus haut, il convient de faire remarquer que le paragraphe 2 de l’article 24 de la Charte prévoit que le Conseil doit agir conformément aux buts et

principes des Nations Unies, et que les pouvoirs spécifiques accordés au Conseil pour lui permettre d’accomplir lesdits devoirs sont définis aux Chapitres VI, VII, VIII et XII. En effet, tandis que les dispositions du

Chapitre VI donnent la possibilité au Conseil de sécurité de favoriser le règlement pacifique des

différends, le Chapitre VII quant à lui, l’autorise à prendre des mesures contraignantes lorsqu’il

constate une « menace contre la paix »346, « une rupture de la paix » ou un « acte d’agression »,

afin de rétablir la paix et la sécurité internationales347. Ainsi, sur le fondement du Chapitre VIII,

le Conseil peut appliquer ou autoriser l’application de mesures coercitives en vertu d’accords

régionaux. Relevons enfin qu’au titre du Chapitre XII (en son article 83), consacré au régime

international de tutelle, le Conseil de sécurité reste l’organe compétent pour superviser ledit régime, et ce, même vis-à-vis des « zones stratégiques »348.

À côté de son rôle primordial dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil de sécurité joue également un rôle secondaire qui n’est pas des moindres. Il s’agit entre autres de l’admission des nouveaux Membres et de la désignation du Secrétaire général de

345 Ce principe fait des organisations internationales des « sujets de droit international qui ne jouissent pas, à l’instar des États, de compétences générales, mais qui sont plutôt dotés par les États qui les créent de compétences d’attribution dont les limites sont fonction des intérêts communs que ceux-ci leur donnent pour mission de promouvoir », C.I.J., avis « OMS » du 8 juillet 1996, Rec., p. 78, paragraphe 25 : Licéité de l'utilisation des armes

nucléaires par un Etat dans un conflit armé, avis consultatif, [En ligne], https://www.icj-cij.org/files/case- related/93/093-19960708-ADV-01-00-FR.pdf

346 Les expressions « menace contre la paix » (version française de la Charte) et « menace à la paix » (traduction de la version anglaise de la Charte) seront utilisées indifféremment au cours de cette étude.

347 C’est ce Chapitre qui intéresse fondamentalement cette étude en ce qu’il fonde pour l’essentiel le pouvoir décisionnel contraignant du Conseil de sécurité.

348 Les tenants d’une interprétation restrictive de l’article 24 considèrent que la compétence et l’autorité du Conseil de sécurité sont expressément et limitativement confinées dans ces quatre types de pouvoirs spécifiques prévus par la Charte. S’appuyant sur le principe interpretario in claris cessat, ils estiment que la Charte est on ne peut plus claire, et n’a donc pas besoin d’être autrement interprétée pour reconnaître au Conseil de sécurité, un quelconque autre pouvoir. Pour eux, la Charte des Nations Unies est un simple traité international dont l’interprétation ne doit être soumise à aucun autre principe que ceux tirés de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités. C’est cette position qui a été défendue en 1947 par l’Australie dans l’affaire iranienne ; Voir à ce propos, Leland M. GOODRICH, Edvard HAMBRO, Anne Patricia SIMONS, Charter of

the United Nations, Commentary and Documents, Columbia University Press, New York, 1969, p. 204 ; Le Portugal,

au sujet de la situation angolaise.

l’ONU349. En effet, tenant un rôle de premier plan dans l’architecture des Nations Unies, le

Conseil de sécurité reste l’organe le plus important de l’ONU et l’un des principes fondamentaux sur lequel repose son fonctionnement est la permanence. Ainsi, contrairement à l’Assemblée générale dont les sessions sont périodiques, la Charte a souhaité marquer la supériorité du Conseil de sécurité en lui consacrant une organisation permanente de ses sessions350.

Il convient également de faire observer que la reconnaissance au Conseil de sécurité d’autres pouvoirs que ceux spécifiquement prévus à l’article 24 de la Charte est une réalité. Effectivement, la Charte attribue au Conseil d’autres compétences qui ne relèvent pas forcément des Chapitres VI, VII, VIII et XII. C’est le cas par exemple de sa primauté sur l’action de l’Assemblée générale prévue à l’article 12351, de sa compétence aux termes de l’article 26 en

matière de réglementation des armements352 et de son pouvoir de faire exécuter les arrêts de la

CIJ353 aux termes de l’article 94.

Par ailleurs, il faut rajouter que l’interprétation dynamique de l’article 24 de la Charte par application de la théorie des pouvoirs implicites n’est contraire ni à la lettre ni à l’esprit de la Charte des Nations Unies. En plus, l’article 25 de la Charte dispose que « les Membres de

349 Cf. les articles 4 et 97 de la Charte qui disposent respectivement que : « L'admission comme membre des Nations Unies de tout État remplissant ces conditions se fait par décision de l'Assemblé générale sur recommandation du Conseil de sécurité ». Et, « le Secrétariat comprend un Secrétaire général et le personnel que peut exiger l'Organisation. Le Secrétaire général est nommé par l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité. Il est le plus haut fonctionnaire de l'organisation. »

350 À cet effet, chaque membre du Conseil de sécurité doit avoir en tout temps un représentant au siège de l'Organisation (article 28, Alinéa 1). Certes, les réunions du Conseil de sécurité n'ont pas lieu tous les jours de l'année, mais la permanence des représentants au Conseil garantit la possibilité des réunions improvisées. C’est ainsi notamment qu'en vertu de son règlement intérieur, le Conseil de sécurité ne peut dépasser quinze jours sans pouvoir se réunir.

351 Charte des Nations Unies, article 12 : « 1. Tant que le Conseil de sécurité remplit, à l’égard d’un différend ou d’une situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte, l’Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande ».

352 Charte des Nations Unies, article 26 : « Afin de favoriser l’établissement de la paix et de la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde, le Conseil de sécurité est chargé avec l’assistance du Comité d’état-major prévu à l’Article 47, d’élaborer des plans qui seront soumis aux membres de l’Organisation en vue d’établir un système de réglementation des armements ».

353 Charte des Nations Unies, article 94 : « 2. Si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d’un arrêt rendu par la Cour, l’autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s’il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l’arrêt ».

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l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer des décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte » et à c’est à ce titre que les résolutions du Conseil de sécurité sont considérées comme des décisions à portée obligatoire. Ainsi, pour arriver à bien accomplir toutes ses tâches, le Conseil de sécurité a créé des organes subsidiaires354.

Tout compte fait, même si le Conseil de sécurité jouit d’autres responsabilités qui sont définies dans les Chapitres VIII et XII de la Charte, ses attributions les plus importantes restent celles qui sont définies aux Chapitres VI et VII de la Charte.

B : Les pouvoirs du Conseil de sécurité dans le contrôle des situations

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