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Le contrôle de l’opération autorisée par le Conseil de sécurité, un élément déterminant

Paragraphe II : Les conditions de validité de l’autorisation de recourir à la force

B. Le contrôle de l’opération autorisée par le Conseil de sécurité, un élément déterminant

Pour achever sa conceptualisation, l’autorisation du recours à la force du Conseil de sécurité, doit intégrer cet autre élément qui tient à la condition de fond de l’autorisation. Il s’agit d’une part, d’éléments d’exécution de la résolution et d’autre part, du contrôle exercé par le Conseil de sécurité sur les Forces qui ont été autorisées par lui, à user de la force armée.

Certes, ces éléments de la condition de fond de validité de l’autorisation ne se résument pas au seul contrôle exercé par le Conseil de sécurité sur les opérations autorisées, mais l’on va s’appesantir dans ce titre sur cet élément parce qu’il s’agit pour nous de montrer son importance. Ainsi donc, très brièvement, concernant les éléments d’exécution de la résolution, il faut reconnaitre que bien qu’ils soient considérés comme accessoires, ces éléments restent quand même indispensables à la validité de l’autorisation du recours à la force. Scindés en la nature, le commandement et le financement de la force habilitée, ces éléments d’exécution de la résolution ont pour objectif de différencier les interventions autorisées des Opérations de Maintien de la Paix497 ou encore des opérations non autorisées.

495 Habib SLIM, « La Charte et la sécurité collective : de San Francisco à Bagdad », dans SFDI (dir.), Les

métamorphoses de la sécurité collective, Droit, pratique et enjeux stratégiques, op cit., p. 24.

496 Cf. le paragraphe 2 de la résolution 678 du Conseil de sécurité, [En ligne], http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/678(1990), consulté le 20 mai 2015. 497 Dans la mesure où ces opérations sont aussi très souvent mises en œuvre par des forces multinationales

destinées à des missions offensives et donc équipées en conséquence.

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En ce qui concerne la nature des Forces « autorisées », il faut savoir que, lorsqu’elles sont autorisées par le Conseil de sécurité, les interventions de recours à la force le sont souvent par le biais de Forces généralement composées d’États, voire de contingents nationaux agissant sur autorisation du Conseil de sécurité, mais conservant leurs couleurs nationales et sans qu’aucun signe distinctif ne les rattache à l’ONU. Mais la pratique a pu enregistrer une exception en la matière. Il s’agit de la guerre en Corée où les troupes qui étaient intervenues à l’époque avaient pu bénéficier du drapeau de l’ONU498. Ce cas fit l’objet de discussion parmi les juristes, dont

certains n’hésitèrent pas à parler d’un « pavillon de complaisance » accordée aux États Membres qui ont désiré intervenir sur ce théâtre d’opérations499.

Pour ce qui est du commandement des opérations, en principe les États intervenants ne reçoivent pas d’ordre directement de l’ONU puisque leur responsabilité incombe aux organes de commandement nationaux500. Et s’agissant enfin du financement des opérations, il faut noter

que jusqu’alors il n’y a pas encore eu de prise en charge par l’Organisation. En effet, le soutien financier des opérations « autorisées » a toujours été national, c'est-à-dire assuré par les États intervenants eux-mêmes et éventuellement par des contributions volontaires d’États Membres qui n’ont pas pu ou voulu participer concrètement à l’intervention.

Revenant de ce fait à l’élément du contrôle exercé par le Conseil de sécurité sur les « Forces autorisées », il faut noter qu’il reste une condition déterminante de l’autorisation de recourir à la force en ce qu’il permet d’évaluer si les États intervenants ont respecté les termes de la résolution fondant leur action. Et pour se faire, dans son rôle de superviseur et de contrôleur général, le Conseil de sécurité est autorisé à demander aux États exécutants de lui remettre des rapports écrits. Cette action lui permet de vérifier que les actions posées par les États restent conformes à la résolution votée.

498 Ralph ZACKLIN, « Le droit applicable aux Forces d’intervention sous les auspices de l’ONU », dans SFDI (dir.), Colloque de Rennes Le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, Paris, Pedone, 1995, p.191, à la page 199, p. 193.

499 Philippe LAGRANGE, « Sécurité collective et exercice par le Conseil de sécurité du système d’autorisation de la coercition », dans SFDI (dir.), Les métamorphoses de la sécurité collective, Paris, Pedone, 2005, p. 55 - 94, p. 69, à la note de bas de page 32 de son article.

500 Sauf dans le cas d’opérations réellement multilatérales et aussi, lorsque les États intervenants se sont auparavant entendus pour définir un commandement intégré.

En effet, le Conseil de sécurité opère une surveillance des États par voie de compte rendu sur leurs actions. Ainsi, dans la résolution 678 (1990), le Conseil de sécurité a demandé aux États concernés « de le tenir régulièrement au courant » des évolutions de la situation, sans préciser quelle forme devrait prendre cette information. En revanche dans sa résolution 1511 (2003), le Conseil de sécurité a prié « les États-Unis d’Amérique (…) de lui rendre compte, selon qu’il conviendra et tous les six mois au moins, des efforts et des progrès accomplis par cette force ». Par ailleurs, prévus en principe sous une forme écrite, ces rapports sont remis, soit directement par les États Membres habilités ou par l’État ayant assumé le commandement de l’opération, ou soit de façon indirecte par l’intermédiaire du Secrétaire général501. Ou encore

dans certains cas comme au Rwanda502 et en Haïti503, ces rapports peuvent émaner à la fois du

Secrétaire général et des États Membres.

Pour ce qui est de la fréquence de remise des rapports, il faut faire remarquer qu’elle dépend de la situation. Mais très souvent, cette fréquence est laissée à l’appréciation des États intervenants et la périodicité est décidée par le Conseil de sécurité504. Par exemple, lors de la

crise de Corée, le Conseil de sécurité s’est contenté de « prie [r] les États-Unis de [lui] fournir des rapports d’importance et de fréquence appropriées concernant le déroulement de l’action entreprise sous l’autorité du commandement unifié »505. En Somalie, il a prié les États de

« présenter régulièrement » des rapports, sans préciser ce qu’il entendait par « régulièrement », si ce n’est que le premier de ces comptes-rendus devait être établi au plus tard dans les quinze jours qui suivent l’adoption de la résolution506.

Cependant, avec la création de l’IFOR et les autorisations à intervenir au Zaïre et en Albanie, le Conseil de sécurité a décidé de commencer par définir une périodicité pour la remise des rapports. En revanche, cette périodicité est fixée au cas par cas. Ainsi, pour l’IFOR par exemple,

501 S/RES/816 du 31 mars 1993, §§7 et 8 (Ex-Yougoslavie) ; S/RES/1080 du 15 novembre 1996, §11 5ex-Zaire). 502 Cf. la Résolution 929 du 22 juin 1994, paragraphe 10.

503 Cf. la résolution 940 du 31 juillet 1994, paragraphes 13 et 14.

504 Avec la notion de fréquence comprise comme le caractère de ce qui se répète souvent ou encore le nombre de fois où un fait se reproduit dans un certain laps de temps et la périodicité entendue comme le caractère de ce qui se reproduit à intervalles fixes plus ou moins réguliers.

505 Résolution 84 du 7 juillet 1950, par. 6. 506 Résolution 794 du 3 décembre 1992, par. 18

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elle a été fixée à, tous les 30 jours507; pour la Force qui aurait dû être déployée au Zaïre508 c’était

un rapport deux fois par mois et pour celle qui a œuvré en Albanie509, il s’agissait de toutes les

deux semaines.

Cette exigence du contrôle du Conseil de sécurité pour la validité de l’autorisation aurait pu être effective, mais force est de constater que l’importance de ces rapports dépend de l’ampleur des événements et très souvent de la bonne volonté des États autorisés. En effet, le Conseil de sécurité n’a jamais contraint les États intervenants à lui remettre ces rapports. Il s’est toujours contenté de les « prier » de les lui remettre et souvent c’est à leur gré que les États rendent les rapports. Or l’efficacité d’un contrôle dépend du champ d’action de ce contrôle et de la sanction à infliger en cas de manquement.

Par ailleurs, il ressort de la pratique suivie par le Conseil de sécurité que les missions confiées aux États Membres sont en général peu ou mal définies et souvent trop larges pour permettre un contrôle effectif. Par exemple, en Corée, la résolution demandait aux États d’« aider la Corée du Sud à repousser les assaillants de la Corée du Nord ». Et dans la pratique, cette mission fût interprétée très largement. Ainsi, les États intervenants n’ont pas hésité à bombarder les villes nord-coréennes et à franchir en force le 38ème parallèle, en portant même le conflit en territoire

chinois510.

En plus, cette absence de délimitation des missions a pu être interprétée par les États intervenants comme un droit d’intervention illimité dans le temps, expropriant ainsi le Conseil de sécurité de ses pouvoirs propres. Cependant, dans le but de pouvoir inverser cette tendance, le Conseil de sécurité va s’assurer des possibilités de contrôle sur la durée des missions, ou du moins sur la possibilité d’y mettre fin, et éviter qu’elles ne perdurent. Ainsi, va-t-il ajouter dans ses résolutions, à l’expression de « Force multinationale »511, les adjectifs comme « temporaire »

507 Résolution 1031 (1995), par. 25. 508 Résolution 1080 (1996), par. 11. 509 Résolution 1101 (1997), par. 9.

510 Voir à ce sujet, Robert KOLB, Ius contra bellum. Le droit international relatif au maintien de la paix, Helbing & Lichtenhahn, Bruylant, précis, 2003, no 221, p. 96.

511 À partir de la crise rwandaise, S/RES/929 (1994) ; Philippe LAGRANGE, « Sécurité collective et exercice par le Conseil de sécurité du système d’autorisation de la coercition », dans SFDI (dir.), Les métamorphoses de la sécurité

collective, op.cit., p. 76.

ou « intérimaire ». Il est préférable que la durée de la mission soit déterminée à l’avance par la résolution, mais il est rare que le Conseil de sécurité fixe dès le début la durée des opérations qu’il autorise512.

D’ailleurs, au regard de la pratique, le Conseil de sécurité fixe la durée de l’opération de deux façons : soit de façon anticipée par la prédétermination dans la résolution d’une période supposée nécessaire à la bonne réalisation de l’opération, soit de façon imprécise en se référant à l’évolution de l’intervention. Ainsi, à l’instar du conflit du Golfe, pendant la guerre en Corée, aucune condition de temps n’avait été posée par les résolutions ayant autorisé les interventions. Dans ces deux cas, la fin de la crise fut entièrement gérée par les États autorisés — principalement les États-Unis —, qui décidèrent de l’opportunité du cessez-le-feu, sans que le Conseil soit consulté513.

Pourtant, à partir de la crise rwandaise514, le Conseil va franchir une étape en commençant

par limiter la durée des opérations. En effet, au Rwanda, il va limiter les opérations à deux mois, « à moins que le Secrétaire général ne considère avant la fin de cette période » 515 que la situation

avait suffisamment évolué pour permettre le redéploiement d’une OMP classique. En ex- Yougoslavie pour l’IFOR516, le Conseil de sécurité avait planifié l’opération autorisée au Zaïre,

en lui fixant une date butoir au 31 mars 1997 « à moins qu’il ne détermine, sur la base d’un rapport du Secrétaire général, que les objectifs de l’opération [avaient] été atteints avant cette date »517. Quant à la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) déployée en

Afghanistan, elle avait été autorisée pour une durée initiale de six mois, mais renouvelée à plusieurs reprises, dont la dernière fois pour un an518.

Au demeurant, si le contrôle du Conseil se révèle plutôt facilité lorsque l’usage de la force concerne l’acheminement de l’aide humanitaire, à la lumière de la pratique, il faut reconnaitre

512 Robert KOLB, Ius contra bellum. Le droit international relatif au maintien de la paix, précis, n°226, p. 99.

513 Philippe LAGRANGE, « Sécurité collective et exercice par le Conseil de sécurité du système d’autorisation de la coercition », op.cit., p. 76.

514 Robert KOLB, Ius contra bellum. Le droit international relatif au maintien de la paix, op.cit. 515 Résolution 929 (1994), par. 4.

516 Philippe LAGRANGE, « Sécurité collective et exercice par le Conseil de sécurité du système d’autorisation de la coercition », dans SFDI (dir.), Les métamorphoses de la sécurité collective, op.cit. p. 77.

517 Résolution 1080 (1996), par. 18.

518 S/RES/1386 (2001), §1 ; S/RES/1413 (2002), §1 et S/RES/1444 (2002), §1. Pour plus de détails, V. également Philippe LAGRANGE, « Sécurité collective et exercice par le Conseil de sécurité du système d’autorisation de la coercition », dans SFDI (dir.), Les métamorphoses de la sécurité collective, Droit, pratique et enjeux stratégiques, op.cit.

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que le Conseil de sécurité n’a jamais été en mesure de contrôler efficacement les moyens militaires utilisés par les États autorisés par lui à recourir à la force. En témoignent les interprétations subjectives, sans sanctions du Conseil de sécurité, de ses résolutions autorisant les États Membres à user de tous les moyens nécessaires pour rétablir la paix et la sécurité internationales.

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