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Méditant sur le précédent de la SdN et soucieux de ne pas rééditer cette expérience malheureuse, les Alliés ont réfléchi très tôt dans la Seconde Guerre mondiale à la nécessité de créer une nouvelle organisation. C’est ainsi qu’est née en 1945, l’ONU avec ceci en plus : toutes les grandes puissances en sont membres et le recours à la force armée y a été facilité. Ainsi, conformément à l’article 42 de la Charte de cette nouvelle Organisation, « si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l’Article 41 seraient inadéquates ou qu’elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen des forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu’il juge nécessaire au maintien de la paix et la sécurité internationales… »

En effet, lors de sa création, la SdN avait aussi pour but de rompre avec le système des alliances, d’où l’objectif du maintien de la paix qui avait été placé au premier rang des objectifs de la Conférence de la Paix de 1919. Finalement adopté le 28 avril 1919, le Pacte de la SdN disposait en son article 10 que « les Membres de la Société s’engagent à respecter et à maintenir contre toute agression extérieure l’intégrité territoriale et l’indépendance politique présente de tous les Membres de la Société »406 et en son article 16 que si l’un d’entre eux « recourt à la

guerre, contrairement aux engagements pris aux articles 12, 13 ou 15, il est ipso facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les autres membres de la Société »407.

405 Patrick DAILLIER, « Article 42 », dans La Charte des Nations Unies : Commentaire article par article, op. cit., p. 1243. 406 Cf. l’article 10 du Pacte de la SdN.

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Contrairement donc à l’article 42 de la Charte qui appelle au recours à la force en cas de besoin, l’article 16 du Pacte de la SdN considérait tout État membre méconnaissant le principe de règlement pacifique des différends comme commettant un acte de guerre contre tous les autres membres de la Société. Et par conséquent, ce membre devait directement être sanctionné par l’usage de la force armée ; quoique, les moyens dont disposait la SdN pour faire respecter l’engagement du maintien de la paix étaient assez minces408.

En outre, alors que le Conseil de la SdN ne pouvait faire en la matière que des recommandations409 aux États, le Conseil de sécurité de l’ONU a, aujourd’hui, la possibilité

d’« entreprendre » et de prendre des décisions contraignantes à l’égard des États. Aussi, l’article 42 de la Charte est-il resté porteur d’espoir.

En effet, l’article 42 de la Charte a pallié les insuffisances du système de contrainte militaire de la défunte Société en marquant une évolution majeure en matière de recours à la force armée. Auparavant, l’article 16 du Pacte faisait obligation aux autres États membres de la SdN de prendre part à des sanctions économiques et financières contre l’État reconnu comme agresseur. Il les engageait à rompre immédiatement avec l’État ayant commis un acte de guerre. En revanche, leur participation à une action militaire, dont le principe doit être décidé à l’unanimité par le Conseil, restait facultative puisque le même l’article parle d’une recommandation du Conseil aux divers gouvernements « intéressés » à mettre à disposition leurs effectifs militaires. Cependant, en 1945, l’article 42 de la Charte est venu donner la possibilité au Conseil de sécurité d’« entreprendre » toute action qu’il juge nécessaire au maintien de la paix et la sécurité internationales. Et très souvent, dans ces cas il s’agit pour lui d’autoriser le recours à la force armée.

Contrairement à ce qui avait été prévu par le Pacte de la SdN, la Charte quant à elle, prévoit une force armée internationale pour la mise en œuvre du recours à la force. Elle s’éloigne de

408 D’abord parce que le Pacte prévoyait que tout différend devait être soumis à l’arbitrage ou à l’examen du Conseil de la SdN, et ensuite lorsqu’il ne parvenait pas à l’unanimité pour désigner l’agresseur, chaque État membre retrouve sa liberté d’action. Fort éloigné des conceptions françaises d’une SdN forte et disposant d’un état-major international permanent, le Pacte de la SdN reflète donc essentiellement les conceptions anglo- américaines qui privilégient la publicité des débats et la pression morale de l’opinion publique pour empêcher les conflits.

409 Il faut ajouter à cela l’exigence d’unanimité qui pesait sur toutes les mesures que ce Conseil devait prendre.

cette conception de la SdN qui elle, « était attachée à l’idée de contingents nationaux sous commandement national, pouvant se mettre dans chaque cas à la disposition du Conseil »410. En

ce qui concerne la Charte en revanche, « sans envisager la création d’une armée internationale permanente remplaçant les armées nationales (elle) a admis le principe de contingents nationaux fixés d’avance et sous un commandement international »411. C’est dire que, tandis que le Pacte

envisageait l’action militaire au cas par cas, par la constitution d’un contingent ad hoc voulu par les États membres, l’article 42 de la Charte prévoit l’établissement d’une force armée à mettre à la disposition du Conseil de sécurité. Aussi, l’existence de cette force armée mise à la disposition du Conseil de sécurité représente – t – elle la garantie de « l’activité efficace du Conseil de sécurité, quant à l’application des sanctions militaires »412.

D’ailleurs, l’action militaire à l’époque de la SdN était conçue suivant une logique décentralisée alors que le système de sécurité collective de l’ONU est planifié suivant une logique centralisée. Aujourd’hui le Conseil de sécurité à la maîtrise de l’opération militaire puisque c’est lui qui entreprend de manière discrétionnaire l’action de contrainte armée. Il n’a plus à attendre forcément à ce que les États Membres acceptent ses recommandations comme l’obligeait l’article 16 du Pacte de la SdN. Il est désormais l’unique juge de l’opportunité des mesures de contrainte militaire qu’il prend en matière de maintien de la paix et la sécurité internationales. En plus, désormais, il appartient au Conseil de sécurité de décider lui-même non seulement du recours à la force armée, mais aussi de sa mise en œuvre.

Au demeurant, l’article 42 de la Charte reste le seul article à préconiser véritablement une « action ». En effet, d’après les travaux préparatoires413, c’est le seul article à inciter au recours à

la force physique, par opposition au terme « mesure » qui s’applique à d’autres cas de coercition non militaire, tels que les mesures prévues par l’article 41.

Cependant, il subsiste une ambiguïté : le Conseil de sécurité n’a pas à disposition ces forces armées aériennes, navales ou terrestres qui lui permettraient de recourir à la force. Se pose alors la question de savoir si l’article 42 peut à lui seul fonder et justifier le recours à la force du Conseil

410 Arstidis S. CALOGEROPOULOS-STRATIS, Le recours à la force dans la société internationale, publié avec l’aide de la Fondation Latsis Internationale, éd.L.E.P., Loisirs et Pédagogie, LGDJ, Lausanne, Paris, 1986, p. 94 411 Ibid.

412 Ibid.

413 UNICO, Vol, XIX, pp.186 et 214 ; Philippe LAGRANGE, La sous-traitance de la gestion coercitive des crises par le

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de sécurité ? Il nous semble en effet difficile de fonder l’autorisation du recours à la force du Conseil de sécurité sur ce seul article 42 de la Charte. En toute évidence, cet article ne peut être détaché des articles suivants du Chapitre VII. Tout bien considéré, l’article 42 n’a suscité que d’espoirs puisqu’il n’a pas été à la hauteur des attentes des rédacteurs de la Charte.

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