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Avant de nous lancer dans l’aspect épistémologique de la recherche par le design, il nous apparait important d’aborder son aspect ontologique, c’est-à-dire de mieux définir la nature de la réalité perceptible par cette approche qui positionne le design comme sa cueillette de données. 2.2.2.1 - Aspects ontologiques et téléologique

Dans cette section, nous allons utiliser le vocabulaire de Wolfgang Jonas (2006) pour deux concepts précis : la vérité et la réalité. Ce vocabulaire n’appartient ni ne se rapporte à la manière dont on utilise les termes éponymes dans d’autres disciplines (même sous l’aspect ontologique de celles-ci). Étant donné que la compréhension de la recherche par le design utilisée dans notre recherche est fortement inspirée des écrits de cet auteur, nous avons opté pour l’utilisation de ses concepts en employant les mêmes mots ; nous tenterons toutefois de les définir avec le plus de précision possible.

Selon Jonas, la recherche par le design ne concerne pas particulièrement le ‘vrai’, mais bien le ‘réel’. Le ‘vrai’ fait référence à ce qui est recherché par les sciences dites ‘dures’ : une manière d’expliquer les phénomènes naturels qui existent en marge de l’action humaine. Le ‘réel’, quant à lui, s’inquiète justement de l’intentionnalité et de l’action humaine, ainsi que des conséquences de celles-ci. Le ‘réel’ embrasse la complexité du monde, de la fabrication à la réception de tout ce qui est créé. En quelque sorte, cette dichotomie entre ‘réel’ et ‘vrai’ recoupe la cause et le motif (respectivement : ce qui s’explique et ce qui se comprend) de Ricœur (1986) tels que nous les avons explorés plus haut (voir page 23).

Entre ces deux extrêmes, on trouve aussi l’’idéal’. Celui-ci tient du monde des valeurs, de l’imagination, du ‘ce qui devrait être’. En quelque sorte, si la ‘vérité’ concerne le monde naturel sans l’impact de l’humain, l’’idéal’ concerne quant à lui le monde de l’humain sans les restrictions de la nature ; le ‘réel’ serait à la rencontre des deux.

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Jonas (2006) propose un modèle qui donne un aperçu de la manière dont les designers font la transition entre ces deux pôles (le vrai et le réel). Le modèle est inspiré de Nelson et Stolterman (2003), mais pourrait également faire référence à la plupart des approches et modèles à trois parties (p.ex.: Jones, 1980 ; Lawson, 1972) :

A. Analyse : comment sont les choses actuellement ? Les faits, la vérité ; B. Projection : comment les choses pourraient-elles être ? La norme, l’idéal ; C. Synthèse : comment les choses seront-elles ? Le particulier, la réalité.

C’est justement lorsqu’on atteint cette phase de synthèse que le design, une action motivée et humaine, met la situation existante en mouvement. En effet, le design a déjà été décrit comme une discipline partageant des liens avec l’évolution (Hybs et Gero, 1992), et Jonas l’apparente à la théorie de l’autopoïèse. Selon cette théorie, les transformations qui s’opèrent sont « le résultat d’un changement généré de l’intérieur62 » (Jonas, 2007b, p. 1366). L’adaptation et la sélection ne seraient donc pas déclenchées par des forces extérieures, mais par la « coévolution de systèmes indépendants63 » (Jonas, 2007b, p. 1367). Il n’est jamais clairement dit à quelle échelle la proposition place les éléments du processus de design. Toutefois, Jonas précise que le design affecte la phase ‘variation’ du processus de variation—sélection— restabilisation. L’introduction du produit serait donc la cause d’un mouvement dans un système indépendant, qui s’engage dans un processus adaptatif.

Cette compréhension positionne donc le monde, ici le marché, comme un « système ouvert » (Morin, 2005 [1990], p. 29), prêt à recevoir et se réorganiser en réaction à l’introduction du produit. L’autre système indépendant qui évolue serait donc l’entité, fort probablement une entreprise64, qui introduit le produit et qui « s'auto-éco-organise sur son marché » (Morin, 2005 [1990], p. 119). Morin précise que l’entreprise et son marché sont des organisations vivantes, elles ne sont donc pas simplement organisées, elles s’auto-organisent. Ceci implique également qu’elles sont sujettes à l’entropie, c’est-à-dire qu’elles sont avides de renouvellement lorsque

62 Traduction libre de « the result of internally generated change ». 63 Traduction libre de « co-evolution of independent systems ».

64 Comme nous le verrons au chapitre 5, pour les besoins de cette thèse, les concepts de designer et

d’entreprise seront utilisés de manière presque interchangeable, au sens où ils partagent souvent le même rôle, par exemple, ici, celui d’introduire le produit dans le marché.

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leurs parties dépérissent, se donnant l’un à l’autre, étant leur environnement respectif, « un rôle co-organisateur » (Morin, 2005 [1990], p. 46). Le produit qui est introduit est donc le fruit de cette co-organisation, mais aussi la source de la variation qui entraînera le besoin de renouvellement, puis l’introduction d’un prochain produit. Nous avons déjà rapporté les postulats téléologiques du design lors de sa définition au chapitre 165. Le renouvellement dont nous discutions au dernier paragraphe aura donc pour objectifs de « changer des situations existantes en des situations préférées66 » (Simon, 1996 [1969], p. 111) ou « améliorer la ‘qualité de vie’67 » (Jonas, 2007b, p. 1363). Cet aspect est volontairement vague, étant donné que le design, comme le projet, « résulte de la détermination d’une solution singulière » (Boutinet, 2011, p. 82) à des situations uniques ou à des problèmes pernicieux. On comprend les solutions en fonction du problème (ou de l’opportunité) que le designer aura établi68 pour le projet.

Même si ces intentions sont intrinsèques à la fois au design et à la recherche par le design, il est utile de préciser qu’on ne peut jamais véritablement prédire la situation qui aboutira à l’issue du processus.

En effet, bien que Findeli propose que le design cause une transition « état 1 du système > intervention > état 2 du système69 » (Findeli, 1994), Jonas suggère plutôt que l’« état 2 devrait être appelée 2’, laissant l’étiquette 2 pour l’état qui serait véritablement obtenu dans le futur et qui ne peut pas être déterminé d’avance70 » (Jonas, 2007a, p. 200).

Ainsi, le ‘réel’ qui préoccupe la recherche par le design transcende l’enquête visant à décrire ‘comment les choses sont’, comme c’est le cas pour la plupart des sciences. Toutefois, ladite recherche par le design existe également en marge de la question ‘comment les choses devraient être’, qui préoccupe certaines branches des sciences humaines et de la philosophie. Nous écrivons ‘en marge’ de cette question, puisqu’il est évident que le ‘comment les choses devraient être’ fait partie du raisonnement de la recherche par le design, mais n’en est pas son ultime objectif. La recherche par le design se concentre plutôt sur le ‘comment les choses

65 Voir la section sur la définition du design, commençant à la page 5. 66 Traduction libre de « changing existing situations into preferred ones ». 67 Traduction libre de « improving ‘quality of life’ ».

68 Nous faisons référence ici au concept de “problem-setting” popularisé par Donald Schön (1983). 69 Traduction libre de : « state 1 of the system > intervention > state 2 of the system ».

70 Traduction libre de : « state 2 should better be labelled 2’, leaving 2 for the actual future state, which

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seront’, embrassant à la fois la nature plastique et indéterminée de la réalité et la nature opératoire du projet.

Dans cette optique, la recherche par le design vise plutôt à comprendre la nature de l’adaptation causée par les actes itératifs de design, et à les mettre en relation avec le processus lui-même, incluant, comme on le verra ci-dessous, l’espace imaginaire et la projection nécessaire à la discipline. Cette perception du design vient d’ailleurs soutenir notre intuition qu’il est possible, ou mieux, qu’il est de l’essence du travail de designer de prédire, tenter de prévoir et contrôler les processus d’utilisation du produit qui sera conçu (voir notre section sur la problématique à la page 4).

Cette vision du design vient d’ailleurs enrichir notre définition du design de jeu71 : Pratiquer le projet en design de jeu, c’est s’engager dans un processus créatif et innovant de communication avec l’équipe de développement, de création, de définition, de coordination de l’évolution de la méthodologie et du contexte inespéré du jeu, et de

prédiction de l’adaptation d’une situation à améliorer par le jeu. Celui-ci s’incarne dans

un système qui évoque une caricature ou une transformation de la réalité, et qui est basé sur des règles qui créent des conflits. Le jeu est conçu en réaction à une opportunité d’épanouissement humain. Le désir d’un épanouissement humain motive d’ailleurs le joueur à adopter une attitude ludique, qui lui permettra de produire un sens pour l’épanouissement promis et de s’engager dans le système. Dans celui-ci, le joueur utilisera ses connaissances, croyances et désirs pour guider son raisonnement pratique, qui valide les désirs du joueur. Les intentions issues du raisonnement engendreront des comportements qui mènent à des résultats variables et quantifiables auxquels le joueur est attaché. Cela engendrera une expérience qui contribue à l’épanouissement humain. 2.2.2.2 - Aspects épistémologiques

Forts de notre meilleure compréhension de la réalité perceptible au moyen de la recherche par le design, nous pouvons maintenant établir ce que nous pouvons apprendre de cette réalité et comment.

Nigel Cross propose depuis longtemps l’existence de « façons de savoir propres au design72 » (Cross, 1982, 2010, 2011), en marge de la production de connaissance de l’art et de la science (Jonas, 2007a). Cross n’explicite jamais ce que sont ces façons de savoir, mais spécifie qu’elles sont encodées dans la manière dont les designers s’attaquent à des problèmes

71 Une représentation modélisée de cette définition est offerte en annexe. 72 Traduction libre de : « designerly ways of knowing ».

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pernicieux, ont un mode de réflexion constructif et orienté vers les solutions et peuvent utiliser, transformer, lire et inscrire des prérequis abstraits en objets concrets (Cross, 1982).

Jonas proposera cependant qu’il n’y ait « pas de besoin pour une manière spécifique de savoir en design73 », car « l’épistémologie évolutionniste explique la production et reproduction constante d’artéfacts et de savoir du design et de la science74 ».

Mais qu’est-ce que l’épistémologie évolutionniste ? 2.2.2.2.1 - Une épistémologie évolutionniste

La situation qui est présentée au designer en début de projet n’implique pas de problème prédéfini (Jonas, 2007a). Le problème doit céder sa place au processus, dans lequel le designer est un « système auto-organisateur75 » (Jonas, 2007a, p. 193) qui observe l’évolution du produit, mais s’observe aussi lui-même en train d’observer cette évolution.

Jonas invoque aussi l’action circulaire de Dewey et la pratique réflexive de Schön pour expliquer la manière dont le savoir est produit par le design dans l’acte de design, qui confronte l’intention à la réalité. Selon Jonas, lorsque le designer obtient une rétroaction de la situation, il évalue cette réponse — est-ce que l’action fonctionne comme prévu ? pourquoi ? — et réajuste ensuite ses actions en fonction du savoir obtenu. Le savoir ainsi produit est bien sûr pertinent, mais fatalement éphémère : « les actes de design sont des interventions temporelles à l’intérieur d’un processus évolutionniste76 » (Jonas, 2007a).

Le besoin d’une recherche par le design provient du principe que « la recherche scientifique est incapable de reconnaitre les implications de l’acte dans un espace imaginaire ou un espace de projection7778 » (Jonas, 2007a). Cela implique que la recherche scientifique pourra

73 Traduction libre de : « There is no need for any specific nature of knowing in design ».

74 Traduction libre de : « Evolutionary epistemology explains the ongoing production and re-production

of both artefacts and knowledge, finally of design and science ».

75 Traduction libre de : « self-organising system ».

76 Traduction libre de « designs are temporal interventions into evolutionary processes ».

77 Traduction libre de « scientific research is unable fully to recognize the implications of acting in a space

of imagination and projection ».

78 Jonas reprend ici les « inputs » des types d’enquête de Nelson et Stolterman (2003, p. 40-41).

L’imagination est la contribution menant au réel, tandis que l’inspiration mène à l’idéal. Nelson et Stolterman, proposent que la combinaison des enquêtes menant au réel, à l’idéal et au vrai (l’observation mène au vrai) forme l’enquête menant au design.

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seulement gérer les observations et non l’aspect de création, plus abstrait et fondamentalement mental, du projet de design.

Pourtant, pour obtenir de la connaissance par le design, c’est-à-dire d’une manière propre au design ou de façon évolutionniste, on doit accepter que « la base de savoir doit être complétée par une base de non-savoir et par la compétence de gérer ce non-savoir79 » (Jonas, 2007a, p. 202, citant Willke, 2002). En des termes plus simples, les savoirs que nous pouvons posséder ne sont pas suffisants pour répondre aux questions propres au design. Ils doivent donc être utilisés en combinaison avec d’autres bases moins certaines, comme, par exemple, le probable et le préférable, pour pouvoir agir.

Face à cette nécessité, Jonas (2007a) suggère que nous nous tournions, pour les aspects épistémologiques de cette approche, vers la recherche-action et la théorie ancrée, puisque « ces deux approches admettent l’implication du chercheur et l’émergence de théories depuis les données, contrastant avec le concept classique de la construction de théories basée sur la vérification d’hypothèse80 » (Jonas, 2007a, p. 192). Bien que Jonas, comme Findeli (1998), propose de s’inspirer de ces approches pour valider les connaissances produites, notons qu’aucun des deux auteurs n’entre cependant dans le vif du sujet, nous laissant sans critères ni méthodes d’évaluation.

Nous avons exploré d’autres sources en recherche-action et en théorie ancrée, pour leur emprunter des critères opérationnalisables pour la recherche par le design, et en avons identifié quatre qui nous semblent particulièrement pertinents : la recouvrabilité, la complémentarité, la sensibilité théorique et la validité apparente81. Nous en discuterons dans les sections qui suivent.

79 Traduction libre de « The ‘knowledge base position’ needs to be complemented by the ‘unknowledge

base position’ or by the competencies to deal with not-knowing ».

80 Traduction libre de « both approaches admit the involvement of the researcher as well as the emergence

of theories from empirical data, in contrast to the traditional concept of theory-building as the verification of previously formulated hypotheses ».

81 Les deux derniers concepts (sensibilité théorique et validité apparente) nous semblent difficiles à

47 2.2.2.2.2 - Recouvrabilité

Tout comme pour la recherche-action, la validité d’une recherche par le design ne peut être évaluée par la reproductibilité des résultats, puisque la réalité affectée par la recherche sera pour toujours changée — et le terrain utilisé ne pourra pas non plus être reproduit ou retrouvé ailleurs. La recherche-action, toutefois, possède son propre critère de validité pour compenser la reproductibilité : la recouvrabilité. Cela signifie que le chercheur doit veiller à ce que « le processus soit récupérable par qui que ce soit souhaitant soumettre la recherche à un examen critique82 » (McNiff, 2013, p. 18).

De façon similaire, mais discutant plus spécifiquement de recherche par le design, Michael A. R. Biggs et Daniela Büchler lient la rigueur du processus à sa validité : « Nous disons que le processus est rigoureux et que, en tant que tel, celui-ci valide les conclusions tirées des résultats obtenus83 ». Ils déclarent ensuite que « la rigueur en recherche est la force de la chaine de raisonnement, et l’on devra juger de celle-ci dans le contexte de la question posée et de la réponse obtenue84 » (2007, p. 69). L’idée de la recouvrabilité permet donc ici d’atteindre, à nouveau, la validité.

La recouvrabilité nous semble particulièrement pertinente dans le cadre de notre projet. Tout d’abord, les actes de design et les solutions choisies sont toujours et essentiellement contestables, c’est-à-dire qu’ils pourraient toujours être autres que ce qu’ils sont (Buchanan, 1995 ; Redström, 2006). Ensuite, selon une épistémologie évolutionniste, la connaissance est engendrée par la confrontation de la solution planifiée avec le réel (et ce dernier s’en trouve changé à jamais) (Jonas, 2007a). Ces aspects rejoignent donc les attributs d’unicité et de modification irréversible du contexte propre aux recherches-actions.

Ainsi, comme pour la recherche-action, l’impossibilité de valider un projet par la reproductibilité pourra être compensée par une attention particulière portée à la recouvrabilité.

82 Traduction libre de « the process is recoverable by anyone interested in subjecting the research to

critical scrutiny ».

83 Traduction libre de « We say the process was rigorous, and therefore validates the claims of the

outcome ».

84 Traduction libre de « rigor in research is the strength of the chain of reasoning, and that has to be

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Une autre approche, inspirée de la recherche-action, est simplement l’addition de méthodes pour combler les potentielles faiblesses — d’un point de vue scientifique — de celle- ci. Chiasson et ses collaborateurs (2009) proposent deux ensembles d’attributs combinatoires85, dont l’un fait justement état des types d’assemblage de méthodes :

 Approche dominante : des méthodes qualitatives ou quantitatives sont utilisées pour confirmer les données recueillies durant la recherche-action. Ces activités de recherches complémentaires peuvent faire partie du même projet ou s’inscrire dans un programme de recherche plus large.

 Approche séquentielle : une recherche-action est conçue pour valider que l’utilisation des données recueillies par d’autres méthodes en contexte de pratique est adéquate. L’approche dominante nous semble pertinente pour notre projet. Elle pourra confirmer, à l’aide d’une collecte de données qualitatives faite directement auprès de participants, que l’aspect ‘design persuasif’ parvient bel et bien à ses ambitions (donc que l’état 2’ [le résultat prévu] équivaut bien à l’état 2 [le résultat réel]).

2.2.2.2.4 - Sensibilité théorique

Pour s’assurer de la validité de sa recherche, le chercheur doit cultiver sa sensibilité théorique. Celle-ci est définie comme « l’habileté du chercheur à utiliser ses expériences personnelles et professionnelles, ainsi que la littérature, pour percevoir dans une situation de recherche et dans les données un nouveau potentiel à exploiter pour développer des théories86 » (Strauss & Corbin, 1990, cité par Hall et Callery, 2001, p. 263). Plus simplement, il s’agit pour

85 Chiasson et coll. n’utilisent pas les termes ‘attributs combinatoires’, mais séparent simplement les deux

sortes de complémentarités en sections (une section sur la complémentarité de l’aspect recherche et de l’aspect pratique, l’autre section sur la complémentarité entre les méthodes de la recherche-action et des méthodes provenant d’autres types de recherche). L’article ne dit pas clairement si chaque projet correspond à un élément de chaque section, ou si le projet doit choisir une des options parmi les deux sections. Néanmoins, les concepts qui sont présentés ici sont ceux qui impliquent la complémentarité des méthodes.

86 Traduction libre de « the investigator’s ability to use personal and professional experiences and the

literature to see the research situation and data in new ways and exploit the potential of the data for developing theory. »

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le chercheur d’« être en phase avec la signification des données87 » (Corbin et Strauss, 2014, p. nd)88. Cette sensibilité impose « une réorientation mentale, passant de la description à la signification89 » (Corbin et Strauss, 2014, p. nd) qui « grandit avec l’exposition du chercheur aux données90 » (Corbin et Strauss, 2014, p. nd).

Le concept en lui-même est toutefois délicat à reconnaitre, à évaluer ou même à mettre en place. Hall et Callery (2001) proposent d’utiliser la réflexivité pour mettre la sensibilité théorique en contexte et l’expliciter. La réflexivité est une manière d’énoncer la relation avec les participants et les présomptions théoriques : « dans un paradigme post-positiviste, l’objectivité peut être établie en dévoilant ses prédispositions pour que le lecteur puisse ajuster les interprétations proposées de manière appropriée. […] La validité des résultats rapportés est augmentée lorsque les chercheurs peuvent décider à quel point leurs conclusions reflètent leurs qualités personnelles91 » (Hall et Callery, 2001, p. 263, citant, respectivement Guba, 1990 en première partie et Silverman, 1998, en deuxième).

On peut aussi accroître la validité et s’assurer de sortir de ses présomptions en partageant ses données et résultats avec d’autres chercheurs (Hall et Callery, 2001). Le chercheur peut en effet organiser un ‘entretien de validation en groupe’92, dans lequel « les participants travaillent de manière déductive avec le chercheur qui leur demandera si l’analyse revêt un sens aux yeux