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Après avoir exploré le design de jeu de rôle d’une perspective émique, il demeure important de mettre à l’épreuve le jeu lui-même. En effet, si le design est fait selon l’approche persuasive, on doit confronter l’objectif du designer (promouvoir les désirs dans le but de mener vers l’expérience voulue) à la réalité. Pour reprendre les termes de Jonas (voir la section sur l’aspect ontologique de la recherche par le design, commençant à la page 41), il est maintenant nécessaire de vérifier que l’état 2 obtenu correspond à l’état 2’ visé.

Pour ce faire, nous allons utiliser une recherche indépendante de la création, utilisant les tests utilisateur du jeu comme lieu de collecte de donnée. Ces tests utilisateur seront observés, et les joueurs seront ensuite invités à participer à un groupe de discussion.

4.1.3.1 - Test utilisateur

Pour correspondre à nos groupes de discussion (voir page 58), nous souhaitons organiser des séances de jeu avec 4 à 6 groupes de 4 à 6 participants, incluant un guide dans chacun des groupes, correspondant aux diverses sous-populations pouvant être concernées par le jeu conçu. Tel que mentionné auparavant, le public du jeu devra être diversifié. Ainsi, lors du recrutement, nous chercherons à avoir au moins deux groupes de joueurs novices et deux groupes expérimentés (composés de joueuses et joueurs s’adonnant au jeux de rôle depuis plus d’un an). Dans la mesure du possible, nous favoriserons les groupes qui contiennent des joueuses et joueurs dont les caractéristiques démographiques se distinguent des autres (par leur groupe d’âge, leur sexe, leur langue). Enfin, nous favoriserons le recrutement d’au moins un groupe qui s’adonne à des jeux de rôles offrant une expérience différente de ceux identifiés par les joueurs des autres groupes (plus narratif, plus stratégique, etc.). Pour ce dernier point, nous n’avons pas de cartographie précise des expériences possibles ni des jeux associés à ces expériences. Nous devrons nous fier à nos connaissances générales sur les jeux de rôles et aux dires de nos

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participants durant la phase de recrutement. Un questionnaire accompagnera toute activité de recrutement, afin d’établir le niveau d’expérience des joueurs, leurs données démographiques, les jeux auxquels ils jouent ainsi que la raison pour laquelle ils aiment ces jeux en particulier. Ces données seront toutes auto-rapportées.

Nos groupes peuvent être composés de groupes de jeu préexistants ou d’individus seuls qui seront intégrés à des groupes de jeu selon leur correspondance à une des sous-populations identifiées (évaluée par un questionnaire). La séance de jeu peut se dérouler soit dans un endroit fourni par le chercheur, soit dans le lieu de jeu habituel du groupe, si applicable, tant que l’endroit satisfait les critères de lieu physique pour le futur groupe de discussion.

Chaque groupe jouera ensemble à trois reprises, avec deux séances d’une durée de deux à quatre heures, et une dernière qui n’en durera qu’une. Les joueurs recevront les règles au moins une semaine avant la première séance ; le guide recevra, en accompagnement des règles, un scénario qu’il devra mener.

La première séance permettra aux joueurs de se familiariser avec le jeu et de créer les personnages qu’ils interpréteront par la suite. La deuxième séance permettra de compléter la majorité du scénario proposé. Celui-ci se conclura durant la troisième séance. L’intervalle d’une séance de jeu à l’autre durera de 8 h à un mois, selon les disponibilités des joueurs. Une version électronique du jeu, ainsi que des accommodations de confort (boissons, grignotines) seront offertes aux participants en guise de récompense.

Chacune des séances sera observée. Étant donné que les actions sont narrées, le son de chacune des séances sera enregistré et le chercheur s’affairera à la prise de notes durant la partie. Le groupe de discussion visera à confirmer les observations en encourageant les participants à discuter de leurs comportements et des raisons derrière ceux-ci. Il portera également sur l’expérience vécue par les joueurs. Les joueurs seront appelés à discuter des expériences vécues et à réfléchir sur l’origine de celles-ci. Le son du groupe de discussion sera également enregistré, pour permettre au chercheur de réécouter et retranscrire la discussion plus tard, puisqu’il devra servir de modérateur durant le groupe.

114 4.1.3.1.1 - La réalité des tests utilisateur

Sans grande surprise, le plan et les critères établis ci-dessus ont dû être pliés à la réalité des groupes recrutés et aux abandons durant la recherche. Nous avons compilé les Tableau IV (ci-dessous) et Tableau V (ci-dessous) pour exposer la situation réelle de la recherche :

Tableau IV : Groupes de test utilisateur et participants selon les étapes de la phase 3

Groupe Participants planifiés Participants observés Participants au groupe de discussion

1 3 3 3 2 5 5 3 3 6 6 6 4 5 4 4 5 6 6 6 6 4 3 3 7 6 4 1 Total Moyenne 35 5 31 4,4 26 3,7

Tableau V : Groupe de test utilisateur et séances de jeu

Groupe Nb de séances Nb d’heures jouées Le groupe a joué le scénario entier? Il y a eu au plus de 8h et moins d’un mois entre les séances?

1 2 3.5 h Non Oui

2 2 7 h Oui Oui

3 2 7 h Oui Oui

4 1 3,5 h Oui Non (une seule séance)

5 2 6 h Oui Oui 6 3 7 h Oui Oui 7 2 3 h Non Oui Total Moyenne 14 2 37 h 5,3 h 5/7 6/7

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 Alors que nous cherchions de 4 à 6 groupes, nous avons reçu les candidatures de 7 groupes, dont quatre étant des groupes de joueurs déjà formés et trois sont des groupes que nous avons formés ou complétés. Nous n’avons formé qu’un seul groupe de joueurs novices (que nous avons dû jumeler à un arbitre expérimenté), soit le groupe 6. De plus, les joueurs du groupe 6 étaient tout de même des joueurs aguerris, férus d’autres types de jeu et ayant déjà participé à la création d’au moins un jeu commercialisé. Autrement, les groupes 1 à 5, ainsi que le groupe 7, étaient composés de joueurs expérimentés. De manière similaire, nous n’avons eu à discriminer les participants ni sur les données démographiques ni sur leurs intérêts. Une seule candidature a été laissée de côté, en raison de conflits d’horaire avec les autres participants. La diversité des groupes n’atteint donc pas notre objectif initial, nous imposant une limite d’extrapolation des résultats (voir la section sur les limites, commençant à la page 269).

 Les groupes ont joué moins longtemps que prévu (on visait 7 h de jeu alors que la moyenne est d’environ 5,3 h par groupe), mais ceci est dû à la fois à des conflits d’horaire et à la longueur du scénario. Les groupes 1 et 7 n’ont joué qu’une partie du scénario. Le groupe 1 n’ayant pas de disponibilité commune dans les dates de cueillette de données, et le groupe 7 étant réduit à un seul participant après la première séance de jeu141. Seul le groupe 6 s’est plié à l’horaire anticipé, tandis que les autres ont condensé les périodes de jeu. Le groupe 4, qui n’avait qu’une seule disponibilité, n’a évidemment pas laissé les huit heures de délai prévues pour que le chercheur puisse compiler ses notes entre une séance de jeu et le groupe de discussion. À la lumière des résultats obtenus, qui ont rapidement atteint la saturation des données et qui se recoupent beaucoup, le temps de jeu ne semblait pas avoir une influence remarquable sur la manière de jouer.

 Nous souhaitions 4 à 6 joueurs dans chaque groupe, seul le groupe #1 n’a pas atteint ce nombre. Nous avons tout de même accepté la candidature en nombre insuffisant étant donnée la date imminente de fin de la cueillette de données. Quatre participants (11 % des participants conviés) ne se sont pas présentés au test utilisateur. Des participants ayant testé le jeu, cinq (16 % des participants restants) n’ont pas complété la série d’activités de recherche menant au groupe de discussion. Ainsi, sans compter le

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participant qui n’a jamais joint de groupe, nous avons perdu neuf participants (26 % des participants prévus). Ce nombre est supérieur à l’estimation de 20 % de perte de participation que nous avions effectuée en amont (voir page 65), mais compte tenu de la longueur de l’expérience et des coupures dans le processus forçant les participants à effectuer plusieurs déplacements, nous croyons que ce pourcentage est normal. En effet, bien que les participants n’aient pas eu à se justifier pour arrêter leur participation (selon le formulaire de consentement), certains l’ont fait et nous apportent des réponses intéressantes. Dans le groupe 2, les conflits d’horaire ont imposé le retrait de deux participants (la dernière séance de jeu s’est d’ailleurs déroulée durant la dernière journée de la collecte de donnée, près d’un mois après la première séance). Dans les groupes 4 et 6, les participants ayant dû se retirer ont invoqué une situation imprévue pour leur désistement respectif. Le groupe 7 était composé de gens ne s’étant jamais rencontrés avant de jouer (comme le groupe 6). Sur les six participants prévus, deux ont reçu les règles du jeu, mais ne se sont pas présentés aux séances de jeu. Des quatre participants ayant été présents à la première séance, trois ont décidé de ne pas revenir. Le maitre de jeu a été le premier à se désister. Un autre joueur a invoqué une urgence de dernière minute pour justifier son désistement, et le dernier ne s’est pas présenté à la séance. À l’exception de l’un d’entre eux, aucun des participants n’a proposé de raison pour leur désistement. Nous pouvons spéculer que le style de jeu ou le thème (qui semblent avoir été plutôt impopulaires parmi les participants ayant fait partie du groupe de discussion) proposés ne leur convenait pas. Le retrait du maitre de jeu, qui a dû être annoncé pour proposer un remplaçant, a peut-être également contribué aux désistements. On peut aussi spéculer que le fait de jouer avec des inconnus a contribué à un manque de sentiment d’appartenance au groupe, et donc à une réduction de l’importance du souhait de continuer à jouer.

4.1.3.1.2 - Références aux observations et aux groupes de discussion

Nous discuterons dans les chapitres qui suivent (spécifiquement les chapitres 5 à 9), nous des observations faites dans les groupes de discussion. Pour anonymiser les participants, nous utiliserons un code permettant l’identification rapide du groupe et, potentiellement, du rôle du participant au sein du groupe. En effet, chaque participant sera surnommé « Participant(e) ## »,

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où le premier ‘#’ fait référence au numéro de l’équipe de test et le deuxième ‘#’ est le numéro du participant. Le numéro ‘0’fait référence au rôle de maitre du jeu.

Par exemple, le participant 21 fait partie du groupe 2 et était joueur au sein de celui-ci. De même, le participant 40 était dans l’équipe 4 et avait le rôle de maitre de jeu (puisque son numéro de participant est ‘0’).

Le numéro du participant ne s’aligne donc pas avec le nombre total de participants, c’est- à-dire que, même si un participant 73 existe (puisqu’il était dans l’équipe 7 et était le participant numéro 3 de cette équipe), il n’y a pas eu 73 participants au total.